SRIMAD-BHAGAVATAM
CHANT 5
CHAPITRE 14

La forêt de plaisirs
de l'univers matériel.

VERSET 21

kadacid bhagna-mana-damstro durjana-danda-sukair alabdha-nidra-ksano
vyathita-hrdayenanuksiyamana-vijnano ndha-kupe ndhavat patati.

TRADUCTION

Dans la jungle matérielle, l'âme conditionnée est parfois mordue par des ennemis envieux, comparés à des serpents et à diverses autres créatures. Du fait des manoeuvres de l'ennemi, elle en vient à choir de sa position prestigieuse et, remplie d'angoisse, elle cherche en vain le sommeil réparateur. Son malheur ne fait alors que grandir, et peu à peu, son intelligence et sa conscience lui échappent. Dans cette situation, elle devient, pour ainsi dire, perpétuellement, comme l'aveugle tombé dans un sombre puits d'ignorance.

VERSET 22

karhi sma cit kama-madhu-lavan vicinvan yada para-dara-para-drav-yany
avarundhano rajna svamibhir va nihatah pataty apare niraye.

TRADUCTION

L'être conditionné se sent parfois attiré par le maigre bonheur que procure la satisfaction des sens, il se livre alors aux plaisirs charnels illicites ou s'approprie le bien d'autrui. Il risque ainsi d'être arrêté par les représentants de la loi ou d'être frappé par le mari ou le protecteur de la femme qu'il a séduite. Ainsi, pour une satisfaction minime, il sombre dans une condition infernale et se voit mis en prison pour viol, enlèvement, vol ou quelque autre méfait.

TENEUR ET PORTEE

L'existence matérielle est telle que l'âme conditionnée, en s'adonnant aux plaisirs illicites de la chair, au jeu, à différentes formes d'ivresse et à la consommation de chair animale, se trouve sans cesse dans une situation dangereuse. La consommation de chair animale et l'absorption de substances enivrantes ou toxiques excitent de plus en plus les sens, si bien que l'âme conditionnée devient la proie des femmes. Mais pour les garder près de soi, il faut de l'argent, et pour obtenir cet argent, il faut mendier, emprunter ou voler. Autrement dit, celui qui se trouve dans cette situation doit se livrer à des actes détestables qui le font souffrir aussi bien dans cette vie que dans la suivante. En conséquence, quiconque s'intéresse à la spiritualité ou qui a déjà emprunté la voie de la réalisation spirituelle doit mettre un terme à toute activité sexuelle illicite. Bien des bhaktas succombent à ces plaisirs illicites, allant jusqu'à voler ou même à déchoir de l'ordre du renoncement, si hautement respecté; pour assurer leur subsistance, ils acceptent alors d'accomplir toutes sortes de tâches ingrates, ou même de se faire mendiants. C'est pourquoi les sastras affirment que le matérialisme est fondé sur la vie sexuelle, licite ou illicite (yan maithunadi-grhamedhi-sukham hi tuccham). La vie sexuelle présente en effet de nombreux dangers, même pour ceux qui s'attachent à la vie de famille. Que l'on ait ou non un contrat de mariage, cela demeure toujours, une grande source d'ennuis. Bahu-duhkha-bhak: après s'être livré aux plaisir de la chair, on doit endurer des tourments innombrables. L'existence matérielle fait souffrir de plus en plus. Tout comme un avare incapable d'utiliser ses richesses de façon profitable, le matérialiste tire un mauvais parti des avantages que lui offre la vie humaine; plutôt que de l'utiliser en vue de l'émancipation spirituelle, il se sert de son corps pour la satisfaction des sens. Aussi mérite-t-il d'être traité d'avare.

VERSET 23

atha ca tasmad ubhayathapi hi karmasminn atmanah samsaravapanam
udaharanti.

TRADUCTION

Les doctes érudits et les spiritualistes condamnent de ce fait la voie matérialiste de l'action intéressée, car elle représente la source originelle et le champ de prolifération des souffrances matérielles, aussi bien dans cette vie que dans la suivante.

TENEUR ET PORTEE

Ignorant la vraie valeur de la vie, les karmis créent des situations à cause desquelles ils doivent souffrir aussi bien dans cette vie que dans la suivante. Malheureusement, ils se montrent très attachés à la satisfaction matériel de leurs sens, à tel point qu'ils ne peuvent, ni dans cette vie ni dans la suivante, prendre conscience du caractère misérable de l'existence matérielle. C'est pourquoi les Vedas nous demandent de raviver notre conscience spirituelle et d'orienter tous nos actes de manière à nous attirer la faveur de Dieu, la Personne Suprême. Le Seigneur en personne déclare dans la Bhagavad-gita (IX.27)

yat karosi yad asnasi
yaj juhosi dadasi yat
yal tapasyasi kaunteya
tai kurusva mad-arpanam

Quoi que tu fasses, que tu manges, que tu sacrifies et donnes, quelque austérité que tu pratiques, que ce soit pour Me l'offrir, ô fils de Kunti."

Les fruits de chacun de nos actes devraient être utilisés non pas pour la ,satisfaction des sens, mais pour la mission du Seigneur Souverain. Celui-ci nous renseigne parfaitement dans la Bhagavad-gita sur le but de la vie, et à la fin de cet ouvrage Il nous demande de nous abandonner à Lui. En général, les gens n'apprécient pas cette requête, mais celui qui cultive la connaissance spirituelle pendant de nombreuses vies finit par s'abandonner aux pieds pareils-au-lotus du Seigneur (bahunam janmanam ante jnanavan mam prapadyate).

VERSET 24

muktas tato yadi bandhad devadatta upacchinatti tasmad api visnumitra
ity anavasthitih

TRADUCTION

Il arrive parfois que l'âme conditionnée, s'appropriant l'argent d'autrui par le vol ou quelque tromperie, parvienne d'une façon ou d'une autre à le garder en sa possession et à échapper à tout châtiment. C'est alors qu'un autre homme, que nous nommerons Devadatta, le trompe à son tour et lui enlève son bien. Mais un autre malandrin -appelons-le Visnumitra- dépouille à son tour Devadatta. Quoi qu'il en soit, l'argent ne reste pas en un même lieu, il passe de main en main. En fin de compte, nul ne peut jouir de l'argent, qui demeure la propriété de Dieu, la Personne Suprême.

TENEUR ET PORTEE

Les richesses viennent de Laksmi, la déesse de la fortune, elle-même la propriété de Narayana, le Seigneur Souverain. La déesse de la fortune ne peut rester nulle part ailleurs qu'aux côtés de Narayana, d'où l'un de ses noms, Cancala, qui la désigne comme instable; elle ne peut en effet demeurer en place à moins d'être en compagnie de son époux, Narayana. Le matérialiste Ravana enleva un jour Laksmi sous la forme de Sita, la déesse de la fortune qui accompagne Sri Rama. Il en résulta que toute la famille de Ravana, de même que son opulence et son royaume, furent anéantis, et Sita, la déesse de la fortune, lui fut arrachée pour être unie à nouveau à Sri Rama. Ainsi toute propriété, richesse ou opulence appartient à Krsna. Comme l'enseigne la Bhagavad-gita (V.29):

bhoktaram yajna-tapasam
sarva-loka-mahesvaram

"Le Seigneur Suprême est le véritable bénéficiaire de tous les sacrifices, de toutes les austérités; c'est à Lui qu'appartiennent tous les systèmes planétaires."

Les matérialistes insensés amassent de l'argent qu'ils dérobent à d'autres voleurs, mais ils ne peuvent le garder; d'une façon ou d'une autre, il doit être dépensé. Une personne en trompe une autre, puis se fera tromper à son tour ; c'est pourquoi le meilleur moyen de garder Laksmi avec soi est de la maintenir aux côtés de Narayana. Voilà le message du Mouvement pour la Conscience de Krsna. Nous adorons Laksmi (Radharani) en même temps que Narayana (Krsna); nous recueillons de l'argent à diverses sources, mais cet argent n'appartient à personne d'autre qu'à Radha et Krsna (Laksmi-Narayana). Et lorsque le bhakta l'utilise pour servir Laksmi-Narayana, il vit automatiquement dans l'opulence. Toutefois, si quelqu'un désire s'approprier Laksmi pour son plaisir à l'exemple de Ravana, il sera vaincu par les lois de la nature, et les quelques richesses qu'il pourrait posséder lui seront enlevées. Finalement, la mort, qui représente Krsna, finit par tout prendre.

VERSET 25

kvacic ca sita-vatady-anekadhidaivika-bhautikatmiyanam dasanam
pratinivarane kalpo duranta-cintaya visanna aste

TRADUCTION

Incapable de se protéger contre les trois formes de souffrances liées à l'existence matérielle, l'âme conditionnée devient morose et ne vit plus que dans l'affliction. Ces trois formes de souffrance sont celles qu'infligent les devas [comme le vent glacé et la chaleur torride], puis celles suscitées par les autres êtres, enfin celles qui proviennent du mental et du corps eux-mêmes.

TENEUR ET PORTEE

Le matérialiste soi-disant heureux doit constamment subir les trois formes de souffrances, nommées adhidaivika, adhyatmika et adhibhautika. En fait, nul ne peut contrecarrer ces maux; parfois ils assaillent l'être conditionné tous ensemble, et parfois l'un d'entre eux est absent. L'être vivant est ainsi empli d'angoisse, redoutant à tout moment une attaque pouvant venir d'un côté ou de l'autre. Dans tous les cas, l'âme conditionnée est tourmentée par au moins l'une de ces formes de souffrances; nul n'y échappe.


Hare Krishna Hare Krishna Krishna Krishna Hare Hare
Hare Rama Hare Rama Rama Rama Hare Hare