SRIMAD-BHAGAVATAM
CHANT 5 CHAPITRE 1 L'histoire de
Maharaja Priyavrata.
sri-bhagavan uvaca
nibodha tatedam rtam bravimi masuyitum devam arhasy aprameyam vayam bhavas te tata esa maharsir vahama sarve vivasa yasya distam
Mon cher Priyavrata, veuille écouter ce que je vais te dire. Ne sois pas jaloux du Seigneur Suprême, qui échappe à nos recherches expérimentales. Nous tous -y compris Siva, ton père, et Maharsi Narada, l'illustre sage,- devons obéir à la volonté de l'Etre Absolu; nul ne peut se soustraire à Son ordre.
Des douze plus grandes autorités en matière de service de dévotion, quatre se trouvaient présentes devant Priyavrata: Brahma lui-même, son fils Narada, Svayambhuva Manu et Siva; de plus, de nombreux autres sages faisant autorité les accompagnaient. Brahma voulait tout d'abord faire bien comprendre au prince que tous les hauts personnages présents ne pouvaient s'écarter si peu que ce fût des ordres du Seigneur Souverain, bien qu'ils fussent eux-mêmes des autorités. Ce dernier est ici qualifié de deva, ce qui signifie qu'Il est "toujours glorieux". Le pouvoir, la gloire et les puissances de Dieu ne peuvent jamais être amoindris. L'Isopanisad, pour sa part, Le distingue par les mots apapa-viddha, indiquant que jamais le péché ne saurait exercer sur Lui son influence. Et le Srimad-Bhagavatam Le dépeint à son tour comme tellement puissant que rien de ce que nous pourrions considérer comme abominable n'est à même de L'atteindre. Pour illustrer ce que peut être la position du Seigneur, on utilise parfois l'exemple du Soleil, qui fait s'évaporer l'urine du sol sans que lui-même ne soit le moins du monde souillé. Le Seigneur Suprême ne peut jamais être accusé de faire quoi que ce soit de mal. Lorsque Brahma se rendit auprès de Priyavrata pour le convaincre d'accepter la responsabilité de régner sur l'univers, il n'agissait pas par caprice, mais bien sur l'ordre du Seigneur. De fait, Brahma, aussi bien que toute autre autorité digne de ce nom, n'accomplit jamais rien sans Sa permission. Le Seigneur Suprême Se trouve dans le coeur de chaque être; comme l'indique le début du Srimad-Bhagavatam: tene brahma hrda ya adikavaye -Il dicta le savoir védique à Brahma en son coeur. Plus un être se purifie par la pratique du service de dévotion, plus son contact avec Dieu, la Personne Souveraine, devient direct. C'est ce que confirme la Srimad Bhagavad-gita (X.10):
La raison pour laquelle on peut être amené à accomplir certains actes malgré soi se trouve ici précisée. Nul ne peut désobéir aux ordres du Seigneur Suprême, même s'il devait avoir la puissance de Siva, de Brahma, de Manu ou du grand sage Narada. Toutes ces autorités jouissent assurément d'une très grande puissance, mais il n'est pas en leur pouvoir de désobéir aux ordres du Seigneur Souverain. Etant donné que Brahma était venu trouver Priyavrata suivant la volonté du Seigneur, il voulait avant tout dissiper en lui tout soupçon l'amenant à penser que lui, Brahma, avait pu venir auprès de lui en ennemi. Brahma se conformait tout simplement aux ordres du Seigneur, de telle sorte que Priyavrata avait tout intérêt à accepter ses instructions, ainsi que le désirait le Seigneur.
na tasya kascit tapasa vidyaya va
na yoga-viryena manisaya va naivartha-dharmaih paratah svato va krtam vihantum tanu-bhrd vibhuyat
Dans la Garga Upanisad, Gargamuni dit à son épouse: etasya va aksarasya prasasane, gargi surya-candramasau vidhrtau tisthatah -"Ma chère Gargi, tout se trouve sous la domination de Dieu, la Personne Suprême. Même le Soleil, la Lune, ainsi que les autres maîtres et devas, comme Brahma et Indra, Lui doivent obéissance." Un animal ou un homme ordinaire, ayant revêtu un corps matériel, ne peut donc pas échapper à la juridiction de la Personne Souveraine. Qui dit corps sous-entend sens. Néanmoins, les activités sensorielles des prétendus hommes de science qui cherchent à s'affranchir des lois de Dieu -les lois de la nature- s'avèrent inutiles. La Bhagavad-gita (VII.17) confirme: mama maya duratyaya -il n'est pas possible d'échapper à l'emprise de la nature matérielle, car c'est Dieu, la Personne Suprême, qui oeuvre derrière elle. Nous nous montrons parfois fiers de nos pratiques austères, de nos pénitences ou des pouvoirs surnaturels que nous avons pu acquérir par la pratique du yoga; mais notre verset établit clairement que nul ne peut échapper aux lois et aux instructions du Seigneur Souverain -que ce soit grâce à des pouvoirs surnaturels, à une connaissance scientifique, à des austérités ou à des pénitences. La chose est tout simplement impossible. Le mot manisaya ("par l'intelligence") doit ici retenir notre attention. Priyavrata aurait pu faire remarquer que Brahma lui demandait d'accepter la vie de famille et la responsabilité de gouverner un royaume, alors que Narada Muni lui avait bien recommandé de ne pas s'empêtrer dans la vie familiale et dans les affaires matérielles. Devoir choisir entre les instructions de Brahma et celles de Narada Muni, qui font tous deux autorité en la matière, devait être pour le prince un dilemme. Dans ces circonstances, l'utilisation du mot manisaya est tout à fait appropriée; il indique en effet que puisque Narada Muni et Brahma sont tous deux des autorités compétentes pour donner des instructions, Priyavrata ne devrait négliger ni l'un ni l'autre, mais plutôt utiliser son intelligence pour suivre leurs recommandations à tous deux. Pour résoudre de tels dilemmes, Srila Rupa Gosvami nous a donné une conception fort claire de l'intelligence:
bhavaya nasaya ca karma kartum
sokaya mohaya sada bhayaya sukhaya duhkhaya ca deha-yogam avyakta-distam janatanga dhatte
En venant dans ce monde, chaque être recherche la jouissance matérielle; mais selon son propre karma, ses activités passées chacun doit accepter le type de corps particulier que lui attribue la nature matérielle sur l'ordre du Seigneur Souverain. La Bhagavad-gita (III.27) enseigne à ce propos: prakrteh kriyamanani gunaih karmani sarvasah -tout est accompli par la prakrti, la nature matérielle, sous la direction du Seigneur Suprême. Les hommes de science actuels ne savent pas pourquoi il existe huit millions quatre cent mille (8 400 000) espèces. Or, la vérité est que tous ces corps sont conçus pour les êtres distincts par Dieu Lui-même, suivant les désirs de chacun. Il laisse à l'être vivant la liberté d'agir à sa guise, mais celui-ci doit ensuite revêtir un certain type de corps en fonction des actes qu'il a accomplis. Voilà pourquoi il existe toute une variété de corps. Certains ne vivent qu'un instant, alors que d'autres jouissent d'une longévité fabuleuse. Mais tous autant qu'ils sont, depuis Brahma jusqu'à la fourmi, agissent sous la direction de Dieu, la Personne Suprême, qui Se trouve dans leur coeur. La Bhagavad-gita (XV.15) le confirme par cette déclaration de Krsna:
sarvasya caham hrdi sannivisto
"Je Me tiens dans le coeur de chaque être, et de Moi viennent le souvenir, le savoir et l'oubli." Toutefois, il n'est pas vrai que le Seigneur Souverain guide certains êtres d'une façon particulière et d'autres d'une façon différente. En fait, chaque être se trouve animé d'un certain désir, et le Seigneur lui donne la possibilité de satisfaire ce désir. La meilleure voie d'action consiste donc à s'abandonner à Dieu, la Personne Suprême, et à agir selon Sa volonté; celui qui agit ainsi est libéré.
mattah smrtir jnanam apohanam ca
yad-vaci tantyam guna-karma-damabhih
sudustarair vatsa vayam suyojitah sarve vahamo balim isvaraya prota nasiva dvi-pade catus-padah
Les mots tantyam guna-karma-damabhih revêtent ici une importance particulière. Chaque être obtient un corps en fonction de l'influence que les gunas ont exercée sur lui, et agit en conséquence. Comme l'enseigne la Bhagavad-gita, les quatre divisions sociales -brahmana, ksatriya, vaisya et sudra- correspondent aux gunas et au karma de chacun, c'est-à-dire à sa nature et à ses aptitudes. Il existe une certaine controverse à ce sujet, car d'aucuns prétendent que puisqu'on reçoit un corps en fonction des gunas et du karma à la suite de sa vie passée, c'est donc la naissance qui détermine le statut social. D'autres soulignent le fait que la naissance sous le signe de telle ou telle combinaison des gunas et du karma ne constitue pas la considération la plus importante, car il est possible de changer de gunas et de karma même au cours de cette vie. Aussi, ces derniers déclarent-ils que les quatre divisions sociales -à savoir les brahmanas, les ksatriyas, les vaisyas et les sudras- devraient dépendre uniquement des gunas et du karma de la vie présente. Or, c'est cette seconde thèse que confirme Narada Muni dans le Srimad-Bhagavatam. Tandis qu'il instruisait Maharaja Yudhisthira quant aux critères du guna et du karma, Narada Muni affirmait que ceux-ci doivent déterminer les différents groupes de la société. Autrement dit, si une personne issue d'une famille de brahmana présente les symptômes d'un sudra, elle doit être classée en tant que sudra. Inversement, si un sudra possède des qualités brahmaniques, il doit être classé en tant que brahmana. Le varnasrama repose sur des bases scientifiques. Par suite, si nous acceptons les divisions de varna et d'asrama telles que les définissent les enseignements védiques, nos vies seront fructueuses. A moins d'être ainsi divisée et organisée, la société ne saurait être parfaite. Comme l'enseigne le Visnu Purana (3.8.9):
Mieux vaut donc suivre les instructions des Vedas, désignées dans ce verset par les mots yad-vaci. En accord avec ces injonctions, chacun devrait déterminer s'il est brahmana, ksatriya, vaisya ou sudra, et recevoir une éducation appropriée. Sa vie sera alors une réussite; sinon, l'humanité entière sombrera dans la confusion. Si la société est méthodiquement divisée selon les varnas et les asramas, et si les directives données dans les Vedas sont observées, la vie des hommes, quelle que soit leur position, sera fructueuse. Ceci ne veut pas dire que les brahmanas seront élevés au niveau spirituel et non les sudras; si les injonctions védiques sont respectées, tous -brahmanas, ksatriyas, vaisyas et sudras- se verront élevés au niveau spirituel, et leur vie sera couronnée de succès. Les injonctions des Vedas sont des directives explicites émanant de Dieu, la Personne Suprême. Notre verset fait allusion au fait que des boeufs liés par les naseaux se déplacent suivant la volonté de leur maître. De même, si nous suivons les instructions des Vedas, notre vie s'inscrira dans un tracé parfait. Mais si, au lieu d'agir dans ce sens, nous n'en faisons qu'à notre fantaisie, notre existence sera gâchée par la confusion et s'achèvera dans le désespoir. De fait, comme aujourd'hui personne n'observe les instructions des Vedas, la confusion règne au sein de la société. Nous devons donc faire nôtre cette instruction de Brahma à Priyavrata, la considérant comme une directive véritablement scientifique permettant de faire de l'existence une vraie réussite. La Bhagavad-gita (XVI.23) le confirme d'ailleurs également:
isabhisrstam hy avarundhmahe nga
duhkham sukham va guna-karma-sangat asthaya tat tad yad ayunkta nathas caksusmatandha iva niyamanah
Aucun moyen matériel ne peut nous permettre de nous soustraire au bonheur et au malheur destinés à notre corps particulier. Il existe huit millions quatre cent mille (8 400 000) sortes de corps, et chacune est destinée à connaître une certaine quantité de joies et de peines. Nous ne pouvons rien y changer, car le bonheur et le malheur sont ordonnés par le Seigneur Suprême, par la volonté duquel notre corps nous a été octroyé. Comme nous ne pouvons échapper à Ses desseins, nous devons accepter de nous laisser guider par Lui, comme un aveugle qui est conduit par une personne ayant l'usage de ses yeux. Si en toutes circonstances nous restons fidèles à la condition à laquelle nous a destiné le Seigneur Suprême tout en suivant Ses instructions, nous atteindrons la perfection. L'objet premier de l'existence est de suivre les directives de Dieu, la Personne Suprême; ces instructions constituent la religion et le devoir d'état de chacun. Voilà donc pourquoi Sri Krsna déclare dans la Bhagavad-gita (XVIII.66): sarva dharman parityajya mam ekam saranam vraja -"Laisse là toute autre forme d'occupation, abandonne-toi simplement à Moi, et suis-Moi." Cette voie de l'abandon, fondée sur l'observance des instructions de Dieu, la Personne Suprême, n'est pas destinée à une classe particulière de la société ou à une croyance plutôt qu'à une autre. Un brahmana peut s'abandonner à Dieu, et de même un ksatriya, un vaisya ou un sudra. Tous peuvent adopter cette voie. Comme l'indique notre verset, caksusmatandha iva niyamanah: il nous faut suivre le Seigneur à la façon d'un aveugle qui se laisse guider par une personne qui a l'usage de ses yeux. Si nous suivons le Seigneur Souverain en adhérant aux instructions qu'Il donne dans les Vedas et dans la Bhagavad-gita, notre vie sera couronnée de succès. Ainsi Krsna affirme-t-Il:
Le verset précédent nous présentait l'analogie des boeufs attelés à un char et se déplaçant sous la direction du bouvier. Tout à fait soumis à leur maître, ils demeurent là où celui-ci veut bien les loger, et mangent ce qu'il veut bien leur donner. De la même façon, entièrement abandonnés à Dieu, la Personne Souveraine, nous ne devrions ni aspirer aux joies, ni regretter les peines; nous devons plutôt nous montrer satisfaits de la condition qui nous est octroyée par le Seigneur. Nous devrions marcher sur la voie du service de dévotion et ne témoigner d'aucun mécontentement devant le bonheur ou le malheur qu'Il nous accorde. Lorsque les êtres conditionnés par la passion et l'ignorance considèrent l'existence des huit millions quatre cent mille (8 400 000) espèces, ils restent en général incapables de saisir le plan que poursuit le Seigneur suprême; pourtant, la vie humaine offre le privilège unique de pouvoir comprendre Son dessein, d'adopter la pratique du service de dévotion et de s'élever jusqu'à la plus haute perfection en suivant Ses instructions. L'univers entier agit sous l'influence des gunas, et tout particulièrement de la passion et de l'ignorance; mais si l'homme écoute et chante les gloires du Seigneur, son existence peut être couronnée de succès, et il peut parvenir au plus haut niveau de perfection. D'où le verset suivant, que l'on trouve dans le Brhan-naradiya Purana:
harer nama harer nama
"En cet âge de Kali, il n'y a pas d'autre moyen, pas d'autre moyen, pas
d'autre moyen d'atteindre la perfection spirituelle, que le Saint Nom, le Saint Nom le Saint Nom du Seigneur." La possibilité d'entendre les Saints Noms de Dieu, la Personne Suprême, devrait être offerte à tous, car on peut ainsi
comprendre peu à peu sa position réelle dans l'existence, puis être élevé jusqu'au niveau spirituel, au-delà de la vertu. Tout ce qui fait obstacle au progrès spirituel sera alors anéanti. Disons pour conclure que nous devons accepter la situation où nous a mise la volonté du Seigneur Souverain, quelle qu'elle soit, et chercher à nous absorber dans Son service de dévotion. C'est alors que nos vies seront fructueuses.
harer namaiva kevalam kalau nasty eva nasty eva nasty eva gatir anyatha
Hare Krishna Hare Krishna Krishna Krishna Hare Hare Hare Rama Hare Rama Rama Rama Hare Hare |