SRIMAD-BHAGAVATAM
CHANT 5
CHAPITRE 1

L'histoire de
Maharaja Priyavrata.

VERSET 26

etesam kavir mahavirah savana iti traya asann urdhva-retasas ta atma-
vidyayam arbha-bhavad arabhya krta-paricayah paramahamsyam
evasramam abhajan.

TRADUCTION

Trois de ces dix fils -Kavi, Mahavira et Savana- vécurent dans la continence totale. Ainsi éduqués dans le brahmacarya depuis leur plus tendre enfance, la plus haute perfection -le paramahamsa-asrama- leur était parfaitement familière.

TENEUR ET PORTEE

Les mots urdhva-retasah sont d'une importance tout à fait particulière; l'expression urdhva-retah s'applique à une personne capable de maîtriser ses impulsions sexuelles, et qui, plutôt que de gaspiller sa semence, sait tirer parti de cette substance des plus précieuses accumulée dans le corps, pour enrichir ses tissus cérébraux. Quiconque est parfaitement maître de ses impulsions sexuelles peut utiliser son cerveau de merveilleuse façon, particulièrement en ce qui a trait à la mémoire. C'est ainsi que les étudiants des Vedas pouvaient se rappeler mot pour mot les instructions de leur précepteur après les avoir, entendues une seule fois et sans avoir à les lire, si bien qu'autrefois les livres n'existaient pas.

Il est également intéressant de noter ici les mots arbha-bhavat, signifiant ''depuis la plus tendre enfance", car ils peuvent signifier "du fait d'une grande affection pour les enfants". En d'autres termes, la vie du paramahamsa est vouée au bien d'autrui. Tout comme un père accepte de nombreux sacrifices par affection pour son fils, les grands saints sacrifient mille commodité personnelles pour le bien de l'humanité. Citons à ce propos un verset concernant les six Gosvamis:

tyaktva turnam asesa-mandala-pati-srenim sada tucchavat
bhutva dina-ganesakau karunaya kaupina-kanthasritau

Du fait de leur compassion pour les pauvres âmes déchues, les six Gosvamis abandonnèrent leurs postes éminents de ministres pour prononcer des voeux de sages errants. Ils réduisirent leurs besoins corporels autant que possible, ne gardant pour tout bien qu'un pagne et un bol de mendiant. Ils demeurèrent ainsi à Vrndavana, afin d'exécuter les ordres de Sri Caitanya Mahaprabhu en compilant et en publiant divers ouvrages vaisnavas.

VERSET 27

tasminn u ha va upasama-silah paramarsayah sakala-jiva-nikayavasasya
bhagavato vasudevasya bhitanam sarana-bhutasya srimac-caranara-
vindavirata-smaranavigalita-parama-bhakti-yoganu-bhavena paribhavitantar-
hrdayadhigate bhagavati sarvesam bhutanam atma-bhute pratyag-atmany
evatmanas tadatmyam avisesena samiyuh.

TRADUCTION

Ainsi établis dans le renoncement depuis le début de leur existence, tous trois étaient parfaitement maîtres des activités de leurs sens, si bien qu'ils devinrent de grands saints. Leurs pensées se concentraient sans cesse sur les pieds pareils-au-lotus du Seigneur Souverain, en qui reposent la totalité des êtres vivants -d'où Son Nom de Vasudeva. Vasudeva représente en effet le seul refuge de ceux qui redoutent véritablement l'existence matérielle. En méditant de façon constante sur Ses pieds pareils-au-lotus, ces trois fils de Maharaja Priyavrata atteignirent un niveau élevé dans le service d'amour pur offert à Dieu. Par la puissance de leur dévotion, ils purent directement percevoir Dieu, la Personne Souveraine, présent dans le coeur de chaque être en tant que l'Ame Suprême, et réaliser qu'il n'existait aucune différence qualitative entre eux et Lui.

TENEUR ET PORTEE

Le stade de paramahamsa représente le plus haut niveau dans l'ordre du renoncement. Le sannyasa comporte en effet quatre étapes, dénommées kuticaka, bahudaka, parivrajakacarya et paramahamsa. Selon la tradition védique, lorsqu'un homme opte pour l'ordre du renoncement, il doit habiter une hutte à l'extérieur de son village, et ce sont les membres de sa famille qui veillent à ses besoins, en particulier à sa nourriture; c'est là ce qu'on appelle le stade du kuticaka. Lorsque le sannyasi progresse dans la voie du renoncement, il cesse d'accepter quoi que ce soit venant du foyer familial; ses besoins (principalement sa nourriture) sont couverts par des aumônes reçues en différents endroits. Cette pratique a pour nom madhukari, ce qui signifie littéralement "la profession des abeilles", car de même que les abeilles recueillent le nectar de nombreuses fleurs, par petites quantités, le sannyasi doit mendier de porte en porte, mais sans accepter de quiconque une grande quantité de nourriture; il ne devra recueillir que peu de chose dans chaque maison. Il s'agit là du stade dénommé bahudaka. Lorsque le sannyasi acquiert encore plus d'expérience, il se met à voyager de par le monde afin de prêcher les gloires de Vasudeva; on le connaît désormais sous le nom de parivrajakacarya. Enfin, il atteint le niveau du paramahamsa lorsqu'il achève son oeuvre de prédication et se retire paisiblement en un lieu, cela à seule fin de parfaire sa vie spirituelle. Le véritable paramahamsa est celui qui est parfaitement maître de ses sens et qui s'absorbe dans le pur service du Seigneur. Ainsi, ces trois fils de Priyavrata -Kavi, Mahavira et Savana- se trouvaient au niveau de paramahamsa depuis le début de leur existence. Leurs sens ne pouvaient les troubler, car ils les consacraient entièrement au service du Seigneur. C'est pourquoi notre verset qualifie ces trois frères d'upasama-silah, le mot upasama signifiant "parfaitement maîtrisés". Du fait qu'ils avaient complètement dominé leurs sens, nous pouvons comprendre qu'ils étaient de grands sages empreints de sainteté.

Après s'être rendus maîtres de leurs sens, les trois frères concentrèrent leur mental sur les pieds pareils-au-lotus de Vasudeva, Sri Krsna. Comme l'enseigne la Bhagavad-gita (VII.19): vasudevah sarvam iti -"Les pieds pareils-au-lotus de Vasudeva représentent tout ce qui est." Tous les êtres vivants existent en Sri Vasudeva. Lorsque la manifestation cosmique est dissoute tous les êtres vivants rentrent dans le Corps suprême du Seigneur, Garbhodakasayi Visnu, qui Lui-même Se fondra dans le Corps de Maha-Visnu. Ces deux visnu-tattvas sont aussi des vasudeva-tattvas, si bien que les illustres sages qu'étaient Kavi, Mahavira et Savana méditaient constamment sur les pieds pareils-au-lotus de Vasudeva, Krsna. Ils purent ainsi comprendre que l'Ame Suprême sise dans le coeur n'est autre que Dieu, la Personne Souveraine, et ils furent également à même de réaliser leur identité avec Lui. Pour définir cette réalisation dans son entier, il faut dire que par la simple pratique du service de dévotion pur, on peut devenir parfaitement conscient de son moi réel. Le parama-bhakti-yoga dont il est question dans ce verset désigne le service de dévotion pur, dans lequel l'être vivant n'a d'autre intérêt que de servir le Seigneur -comme l'explique la Bhagavad-gita (vasudevah sarvam iti). En pratiquant le parama-bhakti-yoga ou en s'élevant au plus haut niveau du service d'amour de Dieu, on peut s'affranchir automatiquement de toute conception corporelle de l'existence et voir directement le Seigneur Suprême. C'est ce que corrobore la Brahma-samhita:

premanjana-cchurita-bhakti-vilocanena
santah sadaiva hrdayesu vilokayanti
yam syamasundaram acintya-guna-svarupam
govindam adi-purusam tam aham bhajami

Le bhakta évolué, qualifié de sat, ou saint, peut toujours voir Dieu, la Personne Suprême, en son coeur. Krsna, Syamasundara, Se manifeste à travers Son émanation plénière, de telle sorte que le bhakta peut toujours Le voir en son coeur.

VERSET 28

anyasyam api jayayam trayah putra asann uttamas tamaso raivata iti
manvantaradhipatayah.

TRADUCTION

Maharaja Priyavrata eut trois fils de son autre épouse; ils furent nommés Uttama, Tamasa et Raivata. Par la suite, chacun d'eux régna pendant un manvantara.

TENEUR ET PORTEE

Chaque jour de Brahma compte quatorze manvantaras. La durée d'un manvantara, qui correspond à la durée d'existence d'un Manu, est de soixante et onze yugas, chaque yuga durant quatre millions trois cent vingt mille (4 320 000) années. La plupart de tous les Manus choisis pour régner sur les manvantaras proviennent de la famille de Maharaja Priyavrata. Notre verset mentionne tout particulièrement trois d'entre eux: Uttama, Tamasa et Raivata.

VERSET 29

evam upasamayanesu sva-tanayesv atha jagati-patir jagatim arbudany
ekadasa parivatsaranam avyahatakhila-purusa-kara-sara-sambhrta-dor-
danda-yugalapidita-maurvi-guna-stanita-viramita-dharma-pratipakso
barhismatyas canudinam edhamana-pramoda-prasarana-yausinya-vrida-
pramusita-hasavalokarucira-ksvely-adibhih parabhuyamana-viveka
ivanavabudhyamana iva mahamana bubhuje.

TRADUCTION

Lorsque Kavi, Mahavira et Savana se furent montrés parfaitement dignes de l'ordre du paramahamsa, Maharaja Priyavrata régna sur l'univers pendant un milliard cent millions [1 100 000 0001 d'années [onze arbudas]. Chaque fois qu'il était résolu à décocher une flèche et qu'il bandait son arc de ses bras puissants, tous ceux qui s'opposaient aux principes régulateurs de la vie, spirituelle fuyaient sa présence par crainte de la vaillance sans pareille dont il faisait preuve en gouvernant l'univers. Il aimait beaucoup sa femme Barhismati, et leur amour conjugal s'accroissait au fil des jours. Par sa féminité lorsqu'elle se vêtait, marchait, se levait, souriait, riait et promenait ses regards, la reine Barhismati augmentait son énergie. Ainsi, bien qu'il fût une grande âme, il semblait être captif des charmes féminins de son épouse. Mais bien qu'il se comportât envers elle comme un homme ordinaire, il n'en faisait pas moins preuve d'une remarquable élévation spirituelle.

TENEUR ET PORTEE

Dans ce verset, les mots dharma-pratipaksah ("les adversaires des principes de la religion") désignent ceux qui s'opposent, non à une foi particulière, mais au varnasrama-dharma, qui divise la société sur le plan social en quatre varnas (brahmanas, ksatriyas, vaisyas et sudras) et sur le plan spirituel en quatre asramas (brahmacarya, grhastha, vanaprastha et sannyasa). Afin de maintenir l'ordre voulu dans la société et d'aider les citoyens à progresser graduellement vers le but de l'existence -le réalisation spirituelle-, il faut respecter les principes du varnasrama-dharma. Or, d'après ce verset, Maharaja Priyavrata soutenait cette institution d'une manière si rigoureuse que quiconque en négligeait les principes s'enfuyait devant lui sitôt que le roi lui donnait un avertissement en lui livrant bataille ou en lui infligeant un châtiment bénin. En fait, Maharaja Priyavrata n'avait pas même à combattre, car du seul fait de son attitude franchement résolue, nul n'osait s'écarter des principes du varnasrama-dharma. Les Ecritures enseignent qu'à moins d'être organisée selon le varnasrama-dharma, la société humaine ne vaut guère mieux qu'une société animale, composée de chiens et de chats. C'est pourquoi Maharaja Priyavrata soutenait si strictement le varnasram-dharma par sa vaillance formidable et inégalée.

Afin de maintenir une aussi stricte vigilance, un homme a besoin des encouragements de sa femme. Dans l'institution du varnasrama-dharma, certains groupes -parmi lesquels celui des brahmanas et celui des sannyasis n'ont besoin d'aucun encouragement du sexe opposé. En revanche, les ksatriyas et les grhasthas ont besoin d'être encouragés par leurs femmes pour pouvoir s'acquitter de leurs devoirs. En fait, un grhastha ou un ksatriya ne peut convenablement assumer ses responsabilités sans la compagnie de sa femme. Sri Caitanya Mahaprabhu reconnut Lui-même qu'un grhastha doit vivre auprès d'une femme. On permettait même aux ksatriyas d'avoir plusieurs femmes de façon à les encourager à s'acquitter de tous leurs devoirs gouvernementaux. La présence d'une bonne épouse est nécessaire dans une vie de karma et de préoccupations politiques. En conséquence, pour bien remplir ses devoirs, Maharaja Priyavrata sut tirer parti de son épouse exemplaire, Barhismati, qui se montrait toujours très experte pour satisfaire son illustre époux en s'habillant, en souriant et en mettant en valeur tous ses avantages féminins de la manière qui convenait le mieux. La reine Barhismati encourageait ainsi considérablement Maharaja Priyavrata -ceci de façon constante- de telle sorte qu'il put s'acquitter au mieux de ses devoirs gouvernementaux. Dans ce verset, le mot iva est mentionné deux fois, pour montrer que Maharaja Priyavrata agissait exactement comme un mari mené par sa femme, à tel point qu'il paraissait avoir oublié tout sens des responsabilités humaines. En réalité, il demeurait parfaitement conscient de sa position en tant qu'âme spirituelle, même si -extérieurement- il agissait comme un mari karmi docile. Maharaja Priyavrata régna ainsi sur l'univers pendant onze arbudas d'années, c'est-à-dire pendant une durée égale à onze fois cent millions d'années.

VERSET 30

yavad avabhasayati sura-girim anuparikraman bhagavan adityo vasudha-
talam ardhenaiva pratapaty ardhenavacchadayati tada hi bhagavad-
upasanopacitati-purusa-prabhavas tad anabhinandan samajavena rathena
jyotirmayena rajanim api dinam karisyamiti sapta-krt vastaranim
anuparyakramad dvitiya iva patangah.

TRADUCTION

Tandis qu'il gouvernait l'univers d'aussi excellente façon, le roi Priyavrata fut un jour contrarié par la marche circulaire du très puissant deva du Soleil. En se déplaçant sur son char autour du mont Sumeru, le deva du Soleil éclaire tous les systèmes planétaires environnants. Cependant, lorsque le Soleil se trouve du côté nord de la montagne, le sud reçoit moins de lumière; et inversement, lorsque le Soleil se trouve au sud, c'est le nord qui en souffre. Maharaja Priyavrata n'appréciait guère cet état de choses, et c'est ainsi qu'il résolut de rendre la lumière du jour à la partie de l'univers qui se trouvait plongée dans les ténèbres de la nuit. Il suivit donc l'orbite du Soleil sur un char resplendissant, et combla par là son désir. S'il pouvait réussir de tels exploits, c'est en raison du pouvoir qu'il avait acquis en vouant son adoration à Dieu, la Personne Suprême.

TENEUR ET PORTEE

Un dicton bengali dit à propos d'un homme qui jouit d'une grande puissance qu'il peut faire le jour et la nuit. Sachons que ce dicton a cours depuis l'exploit de Priyavrata, ce roi dont les actes démontrent le degré de puissance auquel on peut accéder en adorant Dieu, la Personne Souveraine. On connaît Sri Krsna sous le nom de Yogesvara, "le maître de tous les pouvoirs surnaturels". Et la Bhagavad-gita (XVIII.78) ajoute que là où Se trouve le maître de tous les pouvoirs surnaturels (yatra yogesvarah krsnah), la victoire, la fortune et toutes les autres bénédictions sont également présentes. Telle est la puissance du service de dévotion. Lorsqu'un bhakta parvient à accomplir ce qu'il désire, il faut savoir que ce n'est pas par la force de ses propres pouvoirs surnaturels, mais bien par la grâce du maître de tous les pouvoirs, Sri Krsna. Par Sa grâce, le bhakta peut en effet réaliser des merveilles dépassant même l'imagination des hommes de science les plus brillants.

D'après la description de ce verset, il apparaît que le Soleil se déplace. Selon les astronomes modernes, le Soleil demeure en un lieu fixe, entouré du système solaire. Mais nous pouvons voir ici qu'il n'est pas stationnaire: il se déplace au contraire selon une orbite précise. Et la Brahma-samhita (V.52) corrobore ce fait: yasyajnaya bhramati sambhrta-kala-cakrah -le Soleil se déplace sur l'orbite qui lui a été attribuée par Dieu, la Personne Suprême. D'après le Jyotir Veda, le texte védique traitant de la science astronomique, le Soleil se déplace pendant six mois au nord du mont Sumeru, et pendant les six autres mois au sud. Nous pouvons nous-mêmes observer sur la terre que l'été dans l'hémisphère nord correspond à l'hiver dans l'hémisphère du sud, et vice versa. Bien que les hommes de science matérialistes prétendent parfois connaître tous les composants du Soleil, ils restent incapables de nous offrir un second Soleil comme celui de Maharaja Priyavrata.

Toutefois, même si celui-ci avait conçu un chariot d'une puissance telle qu'il brillait autant que le Soleil, il n'avait aucun désir d'entrer en compétition avec le deva du Soleil, car il est dans la nature d'un vaisnava de ne jamais vouloir en supplanter un autre. Son but était seulement de combler de bienfaits les êtres vivant en ce monde. Srila Visvanatha Cakravarti Thakura ajoute qu'au cours des mois d'avril et mai, les rayons du Soleil radieux de Maharaja Priyavrata avaient un effet aussi doux que ceux de la Lune, et qu'en octobre et novembre, ce Soleil prodiguait matin et soir plus de chaleur que le vrai Soleil. Bref, Maharaja Priyavrata jouissait d'une extrême puissance, et ses exploits révélèrent son pouvoir dans toutes les directions.


Hare Krishna Hare Krishna Krishna Krishna Hare Hare
Hare Rama Hare Rama Rama Rama Hare Hare