SRIMAD-BHAGAVATAM
CHANT 5 CHAPITRE 1 L'histoire de
Maharaja Priyavrata.
sa evam aparimita-bala-parakrama ekada tu devarsi-carananusayananu-
patita-guna-visarga-samsargenanirvrtam ivatmanam manyamana atma- nirveda idam aha.
Le Srimad-Bhagavatam (1.5.17) enseigne:
Ainsi que l'affirme la Bhagavad-gita (VI.41): sucinam srimatam gehe yoga-bhrasto bhijayate -celui qui dévie de la voie du bhakti-yoga se voit à nouveau offrir l'opulence des devas; après avoir joui de ces avantages matériels, il obtient la possibilité de renaître dans une noble famille de purs brahmanas ou dans une famille aisée, où il aura l'occasion de raviver sa conscience de Krsna. C'est exactement ce qui se produisit dans le cas de Priyavrata- qui constitue un exemple des plus glorieux de cette vérité. Avec le temps, il ne voulut plus de ses richesses matérielles, de son royaume, de sa femme et de ses fils; il en vint plutôt à vouloir renoncer à tout cela. Par suite, après avoir décrit la grandeur matérielle de Maharaja Priyavrata, Sukadeva Gosvami souligne dans ce verset sa tendance au renoncement. Les mots devarsi-carananusayana indiquent que Maharaja Priyavrata, qui s'était entièrement abandonné au grand sage Devarsi Narada, observait strictement, sous sa direction, toutes les pratiques de dévotion, de même que les principes régulateurs. En ce qui concerne la stricte adhésion aux principes régulateurs, Srila Visvanatha Cakravarti Thakura remarque: dandavat-pranamas tan anupatitah -en offrant sans hésitation son hommage (dandavat) à son maître spirituel et en observant rigoureusement ses instructions, le disciple progresse à coup sûr. Or Maharaja Priyavrata se conformait sans faillir à ces principes. Tant qu'on se trouve dans l'univers matériel, on doit subir l'influence des trois gunas (guna-visarga). Il ne faut pas croire que Maharaja Priyavrata se trouvait à l'abri de toute influence matérielle du fait qu'il jouissait de tous les biens de ce monde. En cet univers matériel, le plus riche comme le plus pauvre subissent le joug de la matière, car la richesse comme la pauvreté sont des créations des gunas. Comme l'enseigne la Bhagavad-gita (III.27): prakrteh kriyamanani gunaih karmani sarvasah -selon les gunas qui nous influencent, la nature matérielle nous accorde de jouir de ce monde dans des conditions plus ou moins favorables.
aho asadhv anusthitam yad abhinivesito ham indriyair avidya-racita-visama-
visayandha-kupe tad alam alam amusya vanitaya vinoda-mrgam mam dhig dhig iti garhayam cakara.
Ah, maudit que je suis pour m'être laissé égarer par mes sens! Me voici tombé dans les plaisirs matériels, qui sont comme un puits dont l'ouverture est camouflée. En voilà assez! Je ne vais plus céder à une telle bassesse. Voyez un peu quel singe savant je suis devenu entre les mains de ma femme! Pour cela, un triste sort m'est réservé.
Le comportement de Maharaja Priyavrata nous permet de comprendre à quel point le développement de la connaissance matérielle est condamné. Il réalisa de véritables prodiges, comme celui consistant à créer un autre Soleil capable de briller la nuit, ainsi qu'un char si imposant que ses roues formèrent en tournant de vastes océans. Ces exploits sont si remarquables que les savants modernes ne peuvent même pas imaginer comment il est possible de réaliser de telles choses. Maharaja Priyavrata avait donc accompli des merveilles sur le plan matériel, mais pour s'être soucié de la satisfaction des sens -en gouvernant son royaume et en dansant tel un pantin entre les mains de sa ravissante épouse-, il se condamna lui-même. Or, lorsque nous considérons l'exemple ainsi donné par Maharaja Priyavrata, nous pouvons facilement nous rendre compte du degré de décadence atteint par la civilisation moderne vouée au progrès matériel. De nos jours, de prétendus hommes de science et autres matérialistes se montrent profondément satisfaits de leur aptitude à construire de grands ponts, des routes et d'imposantes machines, mais leurs exploits n'ont rien de comparable à ceux de Maharaja Priyavrata. Et si ce dernier pouvait se condamner en dépit de ses prouesses exceptionnelles, combien plus condamnables sommes-nous aujourd'hui avec notre civilisation matérialiste, dite évoluée! Nous pouvons en conclure que les progrès réalisés dans ce sens n'ont rien à voir avec les problèmes réels de l'être distinct empêtré dans ce monde. Malheureusement, l'homme moderne n'a pas conscience de l'engrenage qui le retient prisonnier, pas plus qu'il ne sait quelle forme de corps il revêtira dans sa prochaine vie. D'un point de vue spirituel, un vaste royaume, une femme ravissante et d'extraordinaires exploits constituent autant d'obstacles à l'élévation d'un homme. Maharaja Priyavrata avait servi le grand sage Narada avec sincérité. Aussi, bien qu'il eût accepté divers atouts matériels, rien ne put le détourner de son devoir premier; il redevint conscient de Krsna. Comme le confirme la Bhagavad-gita (II.40):
para-devata-prasadadhigatatma-pratyavamarsenanupravrttebhyah
putrebhya imam yatha-dayam vibhajya bhukta-bhogam ca mahisim mrtakam iva saha maha-vibhutim apahaya svayam nihita-nirvedo hrdi grhita-hari-viharanubhavo bhagavato naradasya padavim punar evanusasara.
Comme l'enseigne Sri Caitanya Mahaprabhu dans Son Siksastaka: cetodarpana-marjanam bhava-mahadavagni-nirvapanam -sitôt que le coeur est purifié, le brasier de l'existence matérielle cesse de brûler. Nos coeurs sont destinés à servir de lieu de Divertissements pour Dieu, la Personne Suprême. Cela signifie que nous devons devenir pleinement conscients de Krsna, absorbés dans la pensée de Sa Personne, ainsi que Lui-même le recommande (man-mana bhava mad-bhakto mad-yaji mam namaskuru). Telle devrait être notre seule et unique préoccupation. Celui dont le coeur est impur ne peut méditer sur les Divertissements spirituels et absolus du Seigneur; mais si l'on parvient à introniser de nouveau Dieu en son coeur, on devient facilement capable de renoncer à tout attachement matériel. Les philosophes mayavadis, les yogis et les jnanis cherchent à renoncer à ce monde en s'appuyant sur l'aphorisme suivant: brahma satyam jagan mithya -"Ce monde n'est qu'illusion, il n'a aucun sens; tournons-nous plutôt vers le Brahman." Ce genre de connaissance théorique ne peut nous être d'aucun secours. Si nous croyons que le Brahman représente réellement la Vérité, nous devons placer en notre coeur les pieds pareils-au-lotus de Sri Krsna, à l'exemple de Maharaja Ambarisa (sa vai manah krsna-padaravindayoh). Il faut fixer les pieds pareils-au-lotus du Seigneur dans son coeur, car on obtient alors la force de s'extirper de la matière. Maharaja Priyavrata put donc renoncer à son opulent royaume, mais aussi à la compagnie de son épouse ravissante, comme si elle n'eût été qu'un cadravre. Quelle que soit la beauté de sa femme et le charme exercé par son corps, l'homme ne s'intéresse plus à elle lorsque celui-ci est privé de vie. Une femme ravissante est admirée pour son corps, mais dès que l'âme spirituelle le quitte, ce même corps ne présente plus le moindre attrait, même pour le plus lascif des hommes. Or, par la grâce du Seigneur, une telle force habitait Maharaja Priyavrata qu'il put renoncer à la compagnie de sa charmante épouse alors qu'elle vivait encore, tout comme un homme contraint de rompre tout lien avec une épouse décédée. A ce propos, Sri Caitanya Mahaprabhu a déclaré:
na dhanam na janam na sundarim
"O Seigneur tout-puissant! Je n'aspire nullement aux richesses, je ne rêve pas de jolies femmes et ne recherche pas non plus de disciples. Je désire uniquement m'absorber sans fin, vie après vie, dans Ton service d'amour pur et absolu." Pour qui désire progresser dans la vie spirituelle, l'attachement aux richesses matérielles et à une femme ravissante représentent deux grands obstacles. Pareils liens sont encore plus condamnés que le suicide. En conséquence, quiconque désire triompher de l'ignorance matérielle doit, avec la grâce de Krsna, se détacher des femmes et de l'argent. Lorsque Maharaja Priyavrata devint complètement libre de ces attachements, il put à nouveau suivre paisiblement les principes que Narada, le grand sage, lui avait inculqués.
kavitam va jagadisa kamaye mama janmani janmanisvare bhavatad bhaktir ahaituki tvayi (Siks.,IV)
tasya ha va ete slokah
priyavrata-krtam karma ko nu kuryad vinesvaram yo nemi-nimnair akaroc chayam ghnan sapta varidhin
"Nul autre que le Seigneur Souverain ne pourrait accomplir des exploits tels que ceux de Maharaja Priyavrata. Celui-ci a en effet dissipé les ténèbres de la nuit, et les sillons creusés par les roues de son char gigantesque ont formé sept océans."
Il existe de nombreux versets admirables, universellement célébrés, glorifiant les exploits de Maharaja Priyavrata. Celui-ci jouit d'une renommée telle que l'on compare ses exploits à ceux du Seigneur Souverain. Il arrive parfois qu'un serviteur sincère du Seigneur, un bhakta, soit lui aussi appelé bhagavan. Ce fut le cas de Sri Narada, Siva et Vyasadeva. Si ce titre, bhagavan, est parfois conféré de la sorte à un pur bhakta par la grâce du Seigneur, c'est afin qu'il soit très estimé, et Maharaja Priyavrata comptait parmi de tels bhaktas.
bhu-samsthanam krtam yena
sarid-giri-vanadibhih sima ca bhuta-nirvrtyai dvipe dvipe vibhagasah
L'exemple donné par Maharaja Priyavrata en délimitant différents Etats est encore suivi de nos jours. Comme le sous-entend ce verset, les différentes classes d'hommes sont destinées à vivre en des lieux différents; c'est pourquoi les frontières de diverses contrées -ici désignées sous le nom d'"îles"- devraient être définies par des rivières, des forêts et des montagnes. La même remarque s'applique à l'histoire de Maharaja Prthu, né du cadavre de son père grâce aux savantes manipulations de grands sages. Le père de Maharaja Prthu était un grand pécheur, et c'est pourquoi un homme noir nommé Nisada sortit d'abord de son corps inerte. Les hommes qui font partie de la race Naisada, étant par nature des voleurs et des pillards, reçurent pour lieu de résidence une partie de la forêt. De même que les animaux se voient attribuer des territoires en forêt et en montagne, les hommes semblables à des animaux sont également destinés à vivre en de tels lieux. Nul ne peut accéder à la vie civilisée à moins d'adopter la conscience de Krsna, car selon les lois de la nature chacun se voit octroyer une situation particulière en fonction de son karma et de ses rapports avec les gunas. Si les hommes désirent vivre dans l'harmonie et la paix, ils doivent opter pour la conscience de Krsna, car tant qu'ils demeurent absorbés dans une conception corporelle de l'existence, ils seront incapables de s'élever jusqu'au plus haut niveau de l'existence. Or, c'est précisément afin que chaque groupe d'hommes vive paisiblement et sans heurts que Maharaja Priyavrata divisa la surface du globe en différentes "îles". L'idée moderne de nationalité s'est peu à peu développée à partir des divisions ainsi créées par Maharaja Priyavrata.
bhaumam divyam manusam ca
mahitvam karma-yogajam yas cakre nirayaupamyam purusanujana-priyah
Srila Rupa Gosvami a enseigné que le bhakta jouit d'une position si élevée qu'il n'a de considération pour aucun bienfait matériel. Il existe différentes formes de richesses sur terre, sur les planètes édéniques et même sur les systèmes planétaires inférieurs connus sous le nom de Patala. Néanmoins, le bhakta sait qu'elles sont toutes matérielles, de telle sorte qu'il n'éprouve aucun intérêt pour elles. Comme l'enseigne la Bhagavad-gita: param drstva nivartate. Les yogis et les jnanis renoncent parfois volontairement à toute forme d'avantages matériels pour suivre leur voie respective de libération et goûter le bonheur spirituel. Cependant, ils tombent souvent de leur position, car le renoncement artificiel aux biens matériels ne saurait être permanent. Il faut développer en soi un goût supérieur dans la vie spirituelle; c'est seulement alors que l'on peut renoncer à tout bien matériel. Maharaja Priyavrata avait déjà goûté à la félicité spirituelle, si bien qu'il n'éprouvait aucun intérêt pour quelque forme de réalisation matérielle que ce soit au niveau des systèmes planétaires inférieur, supérieur ou intermédiaire. Ainsi s'achèvent les enseignements de Bhaktivedanta sur le premier chapitre du cinquième Chant du Srimad-Bhagavatam, intitulé: "L'histoire de Maharaja Priyavrata".
Hare Krishna Hare Krishna Krishna Krishna Hare Hare Hare Rama Hare Rama Rama Rama Hare Hare |