SRIMAD-BHAGAVATAM
CHANT 6 CHAPITRE 1 La vie d'Ajamila.
yatheha deva-pravaras
trai-vidhyam upalabhyate bhutesu guna-vaicitryat tathanyatranumiyate
L'influence des trois gunas et ses conséquences sont visibles en cette vie. A titre d'exemple, certains se sentent très heureux, d'autres très malheureux, et d'autres encore entre les deux; or, c'est là le résultat d'un contact passé avec les trois gunas (la vertu, la passion et l'ignorance). Etant donné que ces différences sont manifestes au cours de cette vie, nous pouvons supposer qu'en fonction de leurs rapports avec les différents gunas, les êtres vivants seront également heureux, malheureux ou entre les deux lors de leur prochaine vie. Le mieux sera donc de se dissocier des trois attributs de la nature matérielle et de transcender pour toujours leur influence contaminante. Toutefois ceci n'est possible que lorsqu'on se voue entièrement au service de dévotion offert à Dieu. C'est ce que confirme Krsna Lui-même dans la Bhagavad-gita (XIV.26):
vartamano nyayoh kalo
gunabhijnapako yatha evam janmanyayor etad dharmadharma-nidarsanam
Il n'est pas très difficile de connaître son passé et son avenir, car le temps reflète la contamination des trois gunas. A titre d'exemple, dès qu'arrive le printemps, ses manifestations habituelles, sous forme de fleurs et de fruits, ne manquent pas de l'accompagner, ce qui nous permet d'en déduire que les printemps passés se sont déroulés de la même façon et qu'il en sera de même à l'avenir. Nos naissances et nos morts se succèdent également dans le temps, et selon l'influence des gunas, nous recevons divers corps et nous sommes soumis à diverses conditions.
manasaiva pure devah
purva-rupam vipasyati anumimamsate purvam manasa bhagavan ajah
Il ne faut pas considérer Yamaraja comme un être ordinaire. Il est l'égal de Brahma, et bénéficie de l'entière coopération du Seigneur Suprême, présent dans le coeur de chaque être; c'est ainsi que, par la grâce de l'Ame Suprême, il peut, de l'intérieur, percevoir le passé, le présent et l'avenir de tous les êtres vivants. Le mot anumimamsate signifie précisément qu'il est en mesure de prononcer un jugement après consultation de l'Ame Suprême —le préfixe anu ayant le sens de "suivant". Les décisions concernant les vies futures d'un individu donné sont en réalité prises par l'Ame Suprême, et mises à exécution par Yamaraja.
yathajnas tamasa yukta
upaste vyaktam eva hi na veda purvam aparam nasta-janma-smrtis tatha
L'homme se livre au péché car il ignore les actes de sa vie passée qui lui ont valu sa condition présente, dans un corps matériel exposé aux trois formes de souffrances. Rsabhadeva enseigne dans le Srimad-Bhagavatam (5.5.4): nunam pramattah kurute vikarma —l'homme qui est pris d'un besoin éperdu de plaisirs matériels n'hésite pas à pécher. Yad indriya-pritaya aprnoti: il commet des actes répréhensibles à seule fin de satisfaire ses sens. Na sadhu manye: mais cela n'a rien de bon. Yata atmano yam asann api klesada asa dehah: du fait de ses péchés, il devra recevoir un autre corps dans lequel il souffrira tout comme il souffre maintenant par suite de ses fautes passées. Il faut bien comprendre qu'une personne privée du savoir védique agit constamment dans l'ignorance de ce qu'elle a pu faire par le passé, de ce qu'elle fait maintenant et de la façon dont elle souffrira à l'avenir; elle est plongée dans les ténèbres. C'est pourquoi les Vedas prescrivent: tamasi ma —"Ne restez pas dans les ténèbres"; jyotir gama —"Efforcez-vous de rejoindre la lumière." Cette lumière, c'est le savoir védique, que l'on peut comprendre une fois que l'on a atteint le niveau de la vertu, ou lorsqu'on transcende la vertu en adoptant la pratique du service de dévotion offert au maître spirituel et au Seigneur Suprême. C'est ce qu'explique la Svetasvatara Upanisad (6.23):
Selon sa relation avec les attributs de la nature matérielle (la vertu, la passion et l'ignorance), l'être incarné obtient un type de corps particulier. Ainsi, un brahmana digne de ce nom est l'exemple d'une personne vivant dans la vertu. Il connaît le passé, le présent et l'avenir, car il consulte les Textes védiques et voit par les yeux des sastras (sastra-caksuh). Il peut comprendre ce qu'était sa vie passée, pourquoi il se trouve dans son corps présent, et comment il peut se libérer de l'emprise de maya pour ne plus avoir à revêtir d'autres corps matériels. Tout cela est possible lorsqu'on s'établit dans la vertu. Néanmoins, la généralité des êtres reste profondément ancrée dans la passion et l'ignorance. Dans tous les cas, c'est selon le jugement de Dieu, sous la forme du Paramatma, que nous recevons des corps de nature inférieure ou supérieure. Reprenons le verset précédent:
pancabhih kurute svarthan
panca vedatha pancabhih ekas tu sodasena trin svayam saptadaso snute
Chacun agit avec ses mains, ses jambes et ses autres organes d'action à seule fin d'atteindre un certain but, qui est l'aboutissement de ses conceptions personnelles. L'homme essaie ainsi de jouir des cinq objets des sens —les formes, les sons, les saveurs, les odeurs et les corps touchés, ignorant tout du but réel de l'existence qui consiste à agir pour la satisfaction du Seigneur Suprême. Pour avoir désobéi à Dieu, il se voit plongé dans des conditions d'existence matérielles, après quoi il s'efforce d'améliorer sa situation, mais toujours selon ses propres conceptions arbitraires, sans aucun désir d'obéir aux instructions du Seigneur Souverain. Néanmoins, Celui-ci est tellement bienveillant qu'Il vient personnellement en ce monde instruire les âmes égarées sur la manière d'agir en accord avec Sa volonté pour ainsi retourner peu à peu dans le monde spirituel, leur demeure originelle, où elles jouiront de la vie éternelle, toute de connaissance, de paix et de félicité. L'être conditionné possède un corps, qui est un mélange très complexe d'éléments matériels, et dans ce corps il lutte seul, comme l'indiquent dans ce verset les mots ekas tu. Prenons l'exemple d'un homme se débattant pour survivre dans l'océan; il ne peut compter sur personne et doit nager seul, par lui-même. Même si de nombreux autres hommes et animaux aquatiques se trouvent également dans l'océan, il doit s'occuper de lui-même, car personne ne lui viendra en aide. Voilà pourquoi notre verset souligne que le dix-septième élément, l'âme, doit agir seul. En dépit de ses efforts pour créer des liens sociaux, des amitiés et des amours en ce monde, nul ne peut l'aider sinon Krsna, le Seigneur Suprême. Sa seule préoccupation devrait donc être d'agir pour la satisfaction de Krsna. C'est d'ailleurs là le désir du Seigneur: sarva dharman parityajya mam ekam saranam vraja. Les hommes illusionnés par les conditions matérielles auxquelles ils sont soumis cherchent à s'unir, mais toutes leurs tentatives en vue de rassembler hommes et nations se révèlent futiles. Pour mener sa vie, chacun doit lutter seul contre les éléments de la nature. Ainsi que Krsna le recommande, notre seul espoir réside donc dans l'abandon à Sa Personne, car Lui peut nous aider à sortir de l'océan de l'ignorance. C'est pourquoi Sri Caitanya Mahaprabhu priait ainsi:
Hare Krishna Hare Krishna Krishna Krishna Hare Hare Hare Rama Hare Rama Rama Rama Hare Hare |