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Mardi le 28 mai, 2002

Celui qui attire le mental.

Ce dernier samedi au temple de la rue Pie IX nous célébrions le 25 ième anniversaire de l'installation des murtis.

Je vous présente ici l'histoire de la venue de Sri-Sri Radha-Manohara racontée par Nandi Kesvara, président du temple de Montréal. (Octobre 1975 à août 1983)

À mon arrivée à Montréal, en octobre 1975, le temple avait déjà été acheté. Srila Prabhupada l'avait d'ailleurs visité en août de la même année. C'était son premier séjour à Montréal depuis l'achat du temple par les dévots, un an auparavant. Jagadish, Uttamasloka, Vishvakarma, Brahmananda et moi-même étions aussi présents à cette occasion.

Prabhupada exprima à Jagadish, qui était à l'époque GBC, son mécontentement quant au développement du temple: rien n'avait été fait, tout demeurait dans un état délabré. Il a également souligné l'importance d'un président qui parlerait français, puisque le temple se trouvait dans un quartier et une ville francophones.

C'est alors qu'on m'a demandé de venir à Montréal. J'étais, en effet, déjà président à Winnipeg depuis 1974. J'ai donc accepté ce nouveau défi. Après quelques échanges de dévots, me voici désormais à Montréal, accompagné de quelques hommes clés que je considère importants pour le développement du temple: Vyapaka - comme leader de sankirtan, Jitarati - comme commandant de temple, sans oublier quelques dévotes.

Sripati, le président du temple de Montréal d'alors, avait déjà entrepris quelques démarches en vue de rénover l'édifice intérieur. Dans les classeurs se trouvent les noms de certains entrepreneurs qui avaient déjà fait des devis. Par contre, où trouverions-nous les 25 000$ requis pour payer ces rénovations?

Plutôt rêveur à l'époque, j'ai dit aux dévots qu'on allait transformer le temple en Vaikuntha, le monde spirituel dans toute son opulence. Presque au même moment, une nouvelle jeune dévote nous a fait don de 5 000$, somme que j'ai remise à M. Asselin - un des entrepreneurs sur notre liste - en lui promettant de lui verser le reste à raison de 400$ par mois. Je ne connaissais pas M. Asselin, mais nous avons néanmoins conclu cette entente.

En l'espace de quelques mois, tous les travaux étaient réalisés. On a d'abord songé à l'autel: celui-ci se trouvait alors à l'entrée, à la place de la chambre des invités. N'était-il pas préférable de le déplacer vers l'autre extrémité où l'on voyait d'ores et déjà une arche? Samir avait d'ailleurs dessiné un plan pour les dômes qui viendraient couronner l'autel.

Voilà quand m'est venue l'idée d'installer de grandes Déités. J'ai toujours désiré que les gens puissent au moins s'identifier avec une forme de leur stature. L'idée que Krishna, Dieu, la Personne Suprême, ait une forme plus petite que la nôtre ne me plaisait guère. C'est pourquoi j'ai toujours voulu de grandes Déités. Je n'aspirais pas à posséder les plus imposantes Déités du mouvement. Cette idée ne m'a jamais effleuré. Mon rêve: qu'Elles aient de l'impact sur les gens. Krishna dit dans la Bhagavad Gita que les sots ne connaissent pas sa forme transcendantale, celle qui s'apparente à la forme humaine. Ce que confirmaient mon rêve, mon désir d'avoir des Déités de stature humaine.

Mais le rêve et la réalité sont deux entités bien distinctes. En février ou mars suivant, j'aperçois en Inde une photo de Krishna qui m'intrigue beaucoup. Noir, Sa figure s'avère vraiment spéciale. Prenant avec moi la photo, je me dis qu'il fallait acheter des Déités de six pieds, et aussi des vaches. Seul, mon but était de me rendre à Jaipur avant le festival de Mayapur, afin de commander les Déités pour que le sculpteur puisse commencer immédiatement de les façonner. Je savais toutefois qu'il ne pourrait pas avoir fini avant mon départ de l'Inde pour Montréal, qui aurait lieu dans un mois. Je reviendrais donc à Jaipur avant de rentrer.

Dans cette ville toute rose j'ai rencontré Pandiji, un des meilleurs sculpteurs de l'endroit. J'avais toujours ma photo avec moi pour lui montrer exactement ce que je voulais. Les mains de Radha devaient prendre une pose spécifique. Je lui commandai également des vaches. À mon départ, il semblait avoir bien compris ce que je désirais. Les Déités sont habituellement déjà sculptées lorsque nous allons les acheter, mais moi, je les voulais semblables à ma photo. J'en avais décidé ainsi.

Après le festival, j'y suis donc retourné pour voir où en était le travail du sculpteur. Or, il n'avait pas encore commencé de sculpter Radha. Krishna n'était qu'un bloc de marbre noir avec quelques coups de ciseaux ici et là. On pouvait ainsi voir en partie Ses jambes, Ses bras et Son visage sans détails. Je n'en revenais pas, j'aurais cru que le travail serait plus avancé. Je lui demandai de faire de son mieux et dans les meilleurs délais. Puis, je suis revenu à Montréal.

Fin août ou début septembre, des nouvelles nous sont enfin parvenues: les Déités étaient prêtes. Je suis donc reparti en compagnie de ma femme, Mandhari, et de mes deux filles aînées, Subhadra et Radharani. Mandhari m'aiderait à choisir les costumes du Seigneur et de Sa compagne éternelle, costumes que je voulais confectionnés à Jaipur.

Début octobre, arrivés en Inde, il fallait tout organiser pour ramener les Déités à Montréal. Je n'oublierai jamais cette journée; j'étais tellement excité. On se rend donc chez le sculpteur. Lorsque Pandiji ouvre deux petites portes, nous apercevons pour la première fois Manohara. C'était vraiment incroyable de le voir achevé et tout peint. Radha, par contre, n'était pas encore peinte. L'artiste attendait que j'arrive pour faire peindre les mains, les lèvres, les yeux et le visage. Quelle extase de pouvoir contempler d'aussi merveilleuses Déités! Je ne croyais pas qu'elles seraient si belles.

Le sculpteur a donc appelé le peintre, qui s'est aussitôt mis au travail. Le lendemain, tout était terminé: les fleurs sur les mains, les lèvres et tous les autres petits détails étaient dessinés. Un vrai chef-d'oeuvre.

Voilà qui était bien, mais comment ramener les Déités au Québec? C'était un défi, et de taille! Jeune, j'avais 26 ans, de sorte que je me sentais d'attaque pour le faire. Le jour suivant, j'ai donc loué un autobus du genre " écoliers " qui peut contenir une vingtaine de passagers.

Enveloppées dans un énorme tissu de coton pur, les Déités étaient ensuite recouvertes d'un plastique. Par souci de sécurité, le tout fut déposé dans un contenant en bois très bien vissé. Radha, Krishna et les vaches - tout cela constituait un énorme bagage! Il a ainsi fallu enlever presque tous les bancs, sauf quelques-uns à l'avant pour que ma famille et moi puissions nous asseoir. Le trajet Jaipur-Delhi a nécessité quatre ou cinq heures, un voyage des plus spirituels.

Rien n'avait été planifié pour ramener Radha et Krishna à Montréal. Krishna nous dirigeait au fur et à mesure. Arrivés à Delhi, nous avons placé les Déités dans un ricksha qui pouvait aussi contenir les vaches. Puis, nous avons pris la direction de l'aéroport. Là, le pire nous attendait: il fallait passer par les douanes, où le préposé m'a demandé des documents que je n'avais malheureusement pas en ma possession. Le lendemain, j'ai dû attendre dans la fameuse " file indienne " afin de me procurer les papiers exigés.

Me revoici donc aux douanes, papiers en main et nouveau défi à relever: prouver aux douaniers que mes bagages ne contiennent pas des antiquités. Aussi me faut-il argumenter: " Voyez! Elles viennent d'être fabriquées; elles sont neuves. " J'ai dû leur répéter mille fois la même chose.

Les Déités avaient couté 19 000 roupies, soit environ 2 700$, ce qui n'était pas énorme. Impossible donc que ce soit des antiquités. Il a fallu malgré tout ouvrir tous les contenants, mais j'ignorais comment faire. Après les avoir dévissés, un douanier a déchiré le plastique pour mieux voir. Je le trouvais tellement démoniaque que j'enrageais. Finalement, un autre homme déclara que tout était correct après avoir regardé Krishna, frais peint. J'ai enfin obtenu le document après l'avoir attendu toute la journée. Le pire était passé.

Une fois les Déités à bord de l'avion, tout s'est bien passé jusqu'à notre destination montréalaise, où elles furent transportées jusqu'au temple. Là, près de la fontaine, attendaient impatiemment Jaya Govinda, Priya Bandhu, Ghosh Thakur, etc....

L'installation eut lieu le 2 mai 1977, date mémorable. Pour l'occasion, Jayatirtha et Jagadish honorèrent de leur présence le temple où furent également célébrés mariages et initiations. C'était on ne peut plus extatique! Les petites Déités furent baignées pendant que Radha-Manohara trônaient sur l'autel, vêtus d'un costume ordinaire. Prabhupada choisit lui-même le nom de Manohara, qui signifie " Celui qui attire le mental ".


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