VINGT SIXIÈME CHAPITRE.
LES GLOIRES DE KRISHNA
srî-krsna krsna-sakha vrsny-rsabhâvani-dhrug- râjanya-vamsa-dahanânaparvaga-vîrya govinda go-dvija-surârti-harâvatâra yogesvarâkhila-guro bhagavan namas te
" O Krishna, ami d'Arjouna, souverain parmi les descendants de Vrishni, totues les dynasties rebelles qui troublent la Terre, Tu les détruis; jamais, cependnat, ne s'affaiblissent Tes puissances. Maître du royaume spirituel, Tu descends en ce monde pour soulager de leurs souffrances les vaches, les brahmanes et les bhaktas. Maître de tous les pouvoirs yogiques et précepteur de l'Univers entier, Tu es Dieu, le Tout-puissant. Je T'offre mon hommage respectueux. "
(Srimad-Bhâgavatam 1.8.43)
Srimatî Kunti résume dans cette prière les attributs du Seigneur Suprême et Tout-puissant, Sri Krishna. Il vit dans Son royaume éternel et absolu, où Il garde les vaches sourabhis. Des centaines et des milliers de déesses de la fortune L'y servent. Il descend parfois dans l'Univers matériel, pour rappeler à Lui Ses dévots et anéantir les éléments perturbateurs de la société - politiciens et monarques manquant à leur devoir. Le Seigneur assure, à travers Ses puissances infinies, la création, le maintien et la destruction des univers, et malgré cela, jamais Ses puissances ne connaissent la moindre diminution. Un autre trait du Seigneur est qu'Il accorde une attention particulière à la vache, au brahmane et à Son dévot, tous trois jouant un rôle capital pour le bien de la masse des êtres. Kunti appelle le Seigneur Krishna-sakha, sachant bien que même si Arjouna - qu'on nomme aussi Krishna -soit son propre fils et donc son subordonné, des liesn plus intimes l'unissent au Seigneur. Draupadî est également appelée Krishnâ; le nom Krishna-sakha indique ainsi la relation qui unit Draupadî à Krishna, lequel la sauva quand Duryodhan et Karna cherchèrent à l'outrager en lui retirant son vêtement. Kunti nomme aussi Krishna Vrishni-rishabha, l'enfant de la dynastie Vrishni. Celle-ci devint célèbre du fait que Krishna prit naissance d'un de ses membres, comme le santal fait la gloire de la Malaisie et de ses montagnes, puisqu'il pousse surtout dans cette région. Kunti appelle également Krishna le destructeur des partis politiques et des dynasties royales qui perturbent la Terre. Le roi est toujours vénéré avec grand faste. Pourquoi l'honorer ainsi, s'il est auss humain que les autres citoyens ? Parce qu'il est censé représenter Dieu, au même titre d'ailleurs que le maître spirituel. On lit dans les Écritures védiques : âcâryam mâm vijânîyân nâvamanyeta karhicit (S.B. 11:17:27) : il ne faut pas voir le maître spirituel comme si c'était un homme ordinaire. De même, il ne faut pas traiter le roi ou le président comme un homme ordinaire. La langue sanskrite qualifie le roi de naradéva, d'" homme-dieu ", car son devoir s'apparente à celui de Krishna. De la même façon que Dieu est l'Être Suprême, Celui qui soutient tous les autres êtres, le roi est le citoyen suprême, responsable du bien-être de tous. Krishna, Dieu, est un être vivant au même titre que nous tous; Il n'est pas une entité impersonnelle. Étant tous des individus, des personnes, mais dont la connaissance et l'opulence sont limitées, les impersonnalistesne peuvent accommoder l'idée que le Suprême, l'infinie cause première de toute chose, soit aussi une personne. Du fait que nous sommes limités alors que Dieu est sans limite, les Mâyâvâdîs - ces impersonnalistes au maigre savoir - estiment que le Seigneur ne peut qu'être impersonnel. À l'aide d'une comparaison matérielle, ils prétendent que comme l'espace qu'on dit infini, est de nature impersonnelle, Dieu étant infini, doit être tout aussi impersonnel. Mais tel n'est pas l'enseignement védique. Les Védas nous informent au contraire que Dieu est une personne. Krishna est une personne, comme nous le sommes aussi, à la différence qu'Il doit être adoré tandis que nous sommes des adorateurs. Le roi ou président est une personne au même titre que les citoyens, à la différence que le roi ou président occupe un poste élevé qui lui mérite le respect d'autrui. Maintenant, pourquoi tant de personnes adoreraient-elles une même personne? Parce que celle-ci pourvoie aux besoins des autres. Eko bahûnâm yo vidadhâti kâmân. Dieu est un, et nous sommes légions, mais on L'adore car Il subvient aux besoins de tous. C'est Dieu qui procure la nourriture et tous les éléments nécessaires à la vie. Comme nous avons besoin d'eau, Il en a créé des océans auxquels Il a ajouté du sel pour que l'eau se conserve bien. Puisqu'il nous faut aussi de l'eau potable, Dieu a fait en sorte que le soleil évapore l'eau de l'océan, qui retombe ensuite du ciel sous forme d'eau limpide, distillée. Voyez comme Dieu subvient aux besoins de tous. Même dans la vie quotidienne, l'État possède différents départements qui fournissent chaleur, éclairage, eau, etc. Pourquoi? Parce qu'il s'agit là de commodités dont nous avons besoin. Mais ces dispositions sont subordonnées à celle prise par Dieu. C'est Lui qui à l'origine fournit chaleur, lumière et eau, Lui encore qui envoie les pluies qui viennent remplir nos puits et réservoirs. Dieu est donc le fournisseur originel. Dieu est une personne dotée d'intelligence et consciente de nos besoins en eau, chaleur, lumière... Sans eau, il s'avère impossible de produire des aliments. Même ceux qui se nourrissent de chair animale ne pourraient le faire sans Dieu, puisque l'animal doit d'abord se nourrir d'herbe avant qu'on puisse le conduire à l'abattoir. C'est donc Dieu qui donne la nourriture, ce qui ne nous empêche pas pour autant de nous révolter contre Lui. Le mot dhruk signifie " rébelle ". Ces vauriens qui violent les lois divines sont des rebelles. Le devoir du roi consiste à agir comme représentant de Krishna, de Dieu. Sinon, de quel droit reçoit-il tant d'honneurs de la part des citoyens? La monarchie existait jadis dans tous les pays. Les rois s'étant toutefois rebellés contre Dieu et violé Ses lois, ayant cherché à usurper Son pouvoir sans agir comme Ses représentants, les monarchies du monde ont pratiquement toutes disparues. Les rois croyaient que leurs royaumes leur appartenaient personnellement. " J'ai une si grande propriété, un royaume si vaste, pensaient-ils. Je suis Dieu; je domine tout ce qui m'entoure. " Mais il n'en est rien en fait. En réalité, tout appartient à Dieu (îsâvâsyam idam sarvam). Le représentant de Dieu doit donc se montrer très obéissant envers Lui pour que sa position soit légitime. Les rois cupides qui recherchent leur avantage personnel sont comme ces faux maîtres spirituels qui se disent Dieu. Leur rébellion les prive de position. Le maître spirituel est censé agir non comme Dieu mais bien comme Son serviteur le plus intime en répandant la conscience divine, la conscience de Krishna. Visvanâth Chakravartî Thâkur dit : sâksâd-dharitvena samasta-sâstrair uktah; tous les sâstras, tous les textes védiques déclarent que le maître spirituel doit être honoré au même titre que le Seigneur Suprême. La notion qu'il est l'égal de Dieu n'est donc pas fausse. Les sâstras l'affirment et ceux qui sont spirituellement évolués acceptent cette injonction spirituelle (uktas tathâ bhâvyata eva sadbhih). Le maître spirituel serait-il alors non différent de Dieu? Kintu prabhor yah priya eva tasya : il n'est pas Dieu, mais Son représentant intime. Leur différence est celle qui existe entre sevya-bhagavân (celui qu'on adore) et sevaka-bhagavân (celui qui adore). Le maître spirituel est Dieu et Krishna est Dieu; mais Krishna est le Dieu digne d'adoration tandis que le maître spirituel est le Dieu adorateur. Les Mâyâvâdîs ne peuvent comprendre cela. Ils pensent : " Puisque le maître spirituel doit être accepté au même titre que Dieu, et que je suis désormais maître spirituel, me voici Dieu. " Voilà une attitude rebelle. Ceux qui, ayant obtenu de Dieu une position élevée, veulent usurper Son pouvoir - ce qui leur est impossible - sont des sots et vauriens rebelles dignes d'être punis. D'où ces propos de Kuntîdevî : avani-dhrug-râjanya-vamsa-dahana - " Tu descends ici-bas pour donner la mort à tous ces vauriens qui, par esprit d'insubordination, revendiquent Ta position. " Quand différents rois et propriétaires sont subordonnés à un empereur, ils se révolteront parfois et refuseront de lui verser des impôts. Pareillement, plusieurs âmes rebelles nient la suprématie de Dieu et se déclarent eux-mêmes Dieu. Krishna Se donne pour mission de les anéantir. Le mot anapavarga, indicant que la prouesse de Krishna ne connaît pas de détérioration, s'oppose à pavarga, qui désigne la voie des tribulations matérielles. Selon la linguistique sanskrite, le mot pa-varga désigne également les lettres sanskrites pa, pha, ba, bha et ma. Ainsi, lorsque pavarga sert à désigner la voie des tribulations matérielles, sa signification est comprise à l'aide de mots qui commencent par ces cinq lettres. La lettre pa vient du mot parisrama, signifiant le dur labeur qu'il faut fournir pour subvenir à ses besoins dans ce monde matériel. Dans la Bhagavad-Gîtâ (III:8), nous lisons : sarîra-yâtrâpi ca te na prasiddhyed akarmanah; " Sans agir, on est incapable de pourvoir aux besoins de son propre corps. " Krishna ne conseilla jamais Arjuna comme suit : " Étant ton ami, Je ferai tout. Assis-toi et fume du gañja. " Bien qu'Il Se chargeait de tout , Krishna dit pourtant à Arjuna : " Tu dois combattre. " On ne voit pas plus Arjuna dire à Krishna : " Étant mon grand ami, mieux vaut que Tu combattes et me permettes de m'asseoir pour fumer du gañja. " No, telle n'est pas la conscience de Krishna. Une personne consciente de Dieu ne dira jamais : " Seigneur, fais tout pour moi, je T'en prie, pendant que je fume de l'herbe. " Au contraire, elle doit œuvrer pour Dieu. Mais même si l'on ne le fait pas pour Dieu, il faut néanmoins travailler, sinon on sera incapable de veiller à ses plus simples besoins. L'Univers matériel fut donc conçu pour un dur labeur (parisrama). Bien qu'il soit le roi des animaux, même le lion doit chercher ses proies dans la jungle. Il est dit : na hi suptasya simhasya pravisanti mukhe mrgâh. Le lion ne peut penser ainsi : " Étant roi de la forêt, je dormirai et tous les animaux viendront se jeter dans ma gueule. " Cela n'est guère possible. " Non. Tout lion que vous soyez, vous devez chercher votre nourriture. " Ainsi, même le lion doit, malgré sa puissance, peiner dur pour trouver une autre bête à dévorer. De même, chacun en ce monde doit s'éreinter pour survivre. La lettre pa indique donc le labeur, parisrama, et pha vient de phenila, qui signifie " écume ". Lorsqu'il peine dur, de l'écume apparaît à la bouche du cheval; de même, l'être humain est aussi obligé de travailler dur. Un tel labeur, toutefois, s'avère futile - vyartha - comme l'indique la lettre ba. La lettre bha, elle, indique la peur, bhaya. Même si on peine comme des esclaves, on craint toujours que les choses ne soient pas faites selon notre désir. La nature du corps fait qu'il doit se nourrir, dormir, s'accoupler et craindre (âhâra-nidrâ-bhaya-maithunam ca). Même si l'on mange des mets savoureux, il faut toujours considérer les excès de table afin de ne pas tomber malade. De sorte que même le fait de manger comporte un élément de crainte. Lorsqu'il mange, l'oiseau regarde toujours à gauche et à droite de crainte qu'un ennemi s'approche. Et pour tous les êtres, tout aboutit à la mort - mrtyu - comme l'indique la lettre ma. Ainsi, pavarga et les lettres qui le forment - pa, pha, ba, bha et ma - dénotent un dur labeur (parisrama), l'écume à la bouche (phenila), la frustration (vyartha), la peur (bhaya) et la mort (mrtyu). C'est ce qu'on appelle pavarga, la voie des tribulations matérielles. Le mot anapavarga, cependant, indique exactement le contraire - le monde spirituel, où n'existe aucune de ces cinq tribulations. Aussi nomme-t-on Krishna Anapavarga-vîrya, car Il révèle la voie qui mène au monde spirituel. Pourquoi doit-on subir ces cinq formes de tribulation? À cause du corps matériel. Dès qu'on accepte un corps de matière - fût-ce celui d'un président ou d'un homme ordinaire, d'un déva ou d'un humain, d'un insecte ou d'un Brahmâ - on doit endurer ces tribulations. Voilà ce qu'on appelle l'existence matérielle. Krishna vient donc nous montrer la voie de l'apavarga, de l'affranchissement de ces tribulations, que nous devons accepter lorsqu'Il nous la révèle. Krishna dit très clairement : " Abandonne-toi à Moi, Je te donnerai l'apavarga. " Aham tvâm sarva-pâpebhyo moksayisyâmi : " Je te protégerai. " Et Krishna a le pouvoir de remplir cette garantie. Kuntîdevî appelle ici Krishna du nom de Govinda, car Il donne la joie aux vaches comme aux sens. Govindam âdi-purusam tam aham bhajâmi : Govinda, Krishna, est l'âdi-purusa, la personne originelle. Aham âdir hi devânâm (Bhagavad-Gîtâ X:2) : Il est l'origine même de Brahmâ, Vishnou et Shiva, ces dévas en qui il ne faut pas voir la source de tout ce qui existe. Non. Krishna dit : aham âdir hi devânâm - " Je suis la source même de ces dévas. " D'où notre insistance répétée sur l'adoration exclusive de la personne originelle (govindam âdi-purusam tam aham bhajâmi). Lorsque Kuntî prie : go-dvija-surârti-harâvatâra, elle indique que Govinda, Krishna, descend en ce monde spécialement pour protéger les vaches, les brahmanes et les dévots. Les éléments démoniaques de la population sont les plus grands ennemis des vaches, car ils entretiennent des milliers d'abattoirs. Même si la vache donne son lait - l'aliment le plus important - et une fois morte, sa peau pour qu'on en fasse des souliers, les gens sont si ignobles qu'ils tuent cet animal innocent et désirent néanmoins être heureux en ce monde. Quels pécheurs ! Pourquoi précenise-t-on tant la protection de la vache? Parce qu'aucun animal n'est plus important. Aucune interdiction nous empêche de manger la chair des tigres et autres animaux féroces. La culture védique recommande aux carnivores de manger la chair des chèvres, des chiens, des porcs et autres animaux inférieurs, mais jamais celle de la vache, l'animal le plus important. De son vivant, la vache offre un service essentiel en donnant son lait; mais même morte, elle continue de servir en offrant sa peau, ses sabots et ses cornes qu'on peut utiliser de diverses façons. Néanmoins, les hommes modernes sont si ingrats qu'ils donnent inutilement la mort à cet animal inoffensif. Aussi Krishna vient-Il les punir. On adore Krishna à l'aide de la prière suivante :
namo brahmanya-devâya go-brâhmana-hitâya ca jagad-dhitâya krsnâya govindâya namo namah " O Seigneur, Tu es le bienfaiteur des vaches, des brahmanes, de l'humanité entière, voire de tout l'Univers. " Pour que la société humaine devienne parfaite, il doit y avoir protection de la vache et du brahmane (go-dvija). Le mot dvija désigne le brahmane, c'est-à-dire celui qui connaît Brahman (Dieu). Quand les démoniaques tourmentent trop les brahmanes et les vaches, Krishna descend ici-bas pour rétablir les principes de la spiritualité. Comme dit le Seigneur dans la Bhagavad-Gîtâ (IV:7) :
" Chaque fois qu'en quelque endroit de l'Univers, la spiritualité voit un déclin, et que s'élève l'irréligion, ô descendant de Bharata, Je descends en personne. " Dans l'âge actuel, le Kali-yuga, les gens sont très pécheurs et souffrent donc beaucoup. Voilà pourquoi Krishna S'est manifesté sous la forme de Son Nom, tel qu'on le retrouve dans le mahâ-mantra :
Hare Krishna, Hare Krishna, Krishna Krishna, Hare Hare Hare Rama, Hare Rama, Rama Rama, Hare Hare. La reine Kuntî offre ces prières au Seigneur dans le seul but d'énoncer un fragment de Ses gloires. Entendant ses prières, composées de mots bien choisis pour Sa glorification, le Seigneur répondit d'un sourire aussi enchanteur que Sa puissance surnaturelle. Les âmes conditionnées, qui s'efforcent de dominer le monde matériel, sont aussi enchantées par la puissance surnaturelle du Seigneur; mais les dévots sont enchantés d'une façon bien différente par Ses gloires. Aussi L'adorent-ils par des phrases bien choisies. Aucun nombre de prières bien choisies suffirait pour recenser les gloires du Seigneur, qui ne S'en montre pas moins comblé, comme un père l'est par les efforts linguistiques que fournit son enfant en cours de croissance. Souriant, le Seigneur accepta donc les prières de la reine Kuntî.
Hare Krishna Hare Krishna Krishna Krishna Hare Hare Hare Rama Hare Rama Rama Rama Hare Hare |