Douzième chapitre.

Le service de dévotion.




VERSET 16

anapeksah sucir daksha
udasino gata-vyathah
sarvarambha-parityagi
yo mad-bhaktah sa me priyah

TRADUCTION

Celui qui ne dépend en rien des modes de l'action matérielle, l'être pur, expert en tout, libre de toute anxiété, affranchi de la souffrance, et qui ne recherche point le fruit de ses actes, celui-là, Mon dévot, M'est très cher.

TENEUR ET PORTEE

Le bhakta peut accepter l'argent qui lui est offert, mais ne doit pas lutter pour en acquérir. Et lorsque, par la grâce du Seigneur, quelque argent lui vient, il ne s'agite pas. Tout naturellement, le bhakta baigne son corps au moins deux fois par jour et se lève tôt le matin pour reprendre ses activités dévotionnelles, ce qui garantit sa pureté, externe aussi bien qu'interne. Il agit toujours de façon experte, car il connaît pleinement le sens et la portée de toute action, et il est certain de la valeur des Ecritures. Il est libre de tout souci, car il ne prend part à aucun conflit. Egalement libre de toutes distinctions matérielles, il ne connaît pas la douleur, sachant que le corps est un simple objet de désignation matérielle, distinct de lui-même, il ne souffre pas quand le corps souffre. Le pur bhakta n'entreprend jamais rien qui le conduira hors des principes du service de dévotion. Construire un bâtiment, par exemple, requiert de grands efforts, et le bhakta ne se lancera jamais dans une telle entreprise si cela ne favorise pas son progrès dans la conscience de Krsna. Il construira, certes, un temple, et acceptera tous les soucis que cela implique, mais jamais une maison luxueuse pour son utilisation personnelle.

VERSET 17

yo na hrsyati na dvesti
na socati na kanksati
subhasubha-parityagi
bhaktiman yah sa me priyah

TRADUCTION

Celui qui ne se saisit ni de la joie ni de la peine, qui ne s'afflige ni ne convoite, qui renonce au favorable comme au défavorable, celui-là, Mon dévot, M'est très cher.

TENEUR ET PORTEE

Le gain matériel ne réjouit pas le pur bhakta, non plus que la perte ne l'affecte; il n'est pas très anxieux d'avoir un fils ou un disciple, et n'est pas malheureux s'il n'en obtient aucun. Il ne se lamente ni pour la perte de ce qui lui est cher, ni lorsqu'il n'obtient pas ce qu'il désire. Les actes favorables, défavorables, ou même coupables, ne le touchent pas, il les transcende. Pour satisfaire le Seigneur, il est prêt à accepter tous les risques, et rien ne peut faire obstacle à son service de dévotion. Un tel bhakta est très cher au Seigneur.

VERSET 18-19

samah satrau ca mitre ca
tatha manapamanayoh
sitosna-sukha-duhkhesu
samah sanga-vivarjitah

tulya-ninda-stutir mauni
santusto yena kenacit
aniketah sthira-matir
bhaktiman me priyo narah

TRADUCTION

Celui qui envers l'ami ou l'ennemi se montre égal, et le même devant la gloire ou l'opprobre, la chaleur ou le froid, les joies ou les peines, l'éloge ou le blâme, qui toujours est libre de toute souillure, silencieux, satisfait de tout, insouciant du gîte, et qui, établi dans la connaissance, Me sert avec amour et dévotion, celui-là M'est très cher.

TENEUR ET PORTEE

Un bhakta ne vit jamais en mauvaise compagnie. Un homme est parfois loué, parfois diffamé, c'est la nature même de la société humaine qui le veut; mais le bhakta se situe toujours au-delà des catégories artificielles que sont la réputation et la diffamation, le bonheur et le malheur. Il est très patient. Il n'a pas d'autre sujet de conversation que Krsna, et pour cette raison, on le dit silencieux; en effet, être silencieux ne signifie pas se taire, mais s'abstenir de prononcer des sottises. On ne doit parler que des choses essentielles, et pour le bhakta, le plus important est le Seigneur Suprême. Le bhakta est heureux quoi qu'il arrive; et, qu'il ait ou non des mets savoureux, il demeure satisfait. Peu lui importe le confort d'un logis: vivre sous un arbre, vivre dans un palais, l'un n'a pas plus d'attrait que l'autre. Il est fermement situé, car sa détermination et sa connaissance sont inébranlables. On trouvera peut-être des répétitions dans cette liste des qualités du bhakta, mais elles ont simplement pour but de souligner qu'il est indispensable d'acquérir toutes ces vertus pour devenir un pur bhakta. Et quiconque n'est pas un dévot du Seigneur ne possède, à vrai dire, aucune qualité. Pour développer ces qualités, le bhakta n'a pas à faire d'effort extérieur à la conscience de Krsna: le service de dévotion l'aide automatiquement à les acquérir.

VERSET 20

ye tu dharmamritam idam
yathoktam paryupasate
sraddadhana mat-parama
bhaktas te ’tiva me priyah

TRADUCTION

Celui qui, plein de foi, dans cette impérissable voie du service de dévotion s'engage tout entier, faisant de Moi le but suprême, celui-là M'est infiniment cher.

TENEUR ET PORTEE

Ce chapitre dépeint la "religion", la fonction éternelle de l'être, c'est-à-dire le service spirituel et absolu qui mène au Seigneur Suprême. Ce mode d'action est très cher à Krsna, qui reconnaît pour Sien quiconque s'y engage. Arjuna demandait quelle était la meilleure voie, celle de la recherche du Brahman impersonnel ou celle du service personnel offert à la Personne Suprême. Le Seigneur lui répond si explicitement qu'il est impossible de douter que le service de dévotion offert à la Personne Suprême soit la meilleure méthode de réalisation spirituelle. En somme, ce chapitre certifie qu'en l'heureuse compagnie des bhaktas, on développe un attachement pour le pur service de dévotion, d'où l'on accepte un maître spirituel authentique; on commence alors à écouter de ses lèvres l'enseignement spirituel et à chanter les gloires du Seigneur, à observer avec foi, attachement et dévotion, les principes régulateurs du bhakti-yoga; et on se trouve ainsi engagé au service absolu du Seigneur. Tout le chapitre recommande cette voie. Il est donc certain que le service de dévotion est la seule voie conduisant à la réalisation spirituelle parfaite et absolue, à Dieu, la Personne Suprême. La conception impersonnelle de la Vérité Suprême et Absolue, qu'on trouve également décrite dans ce chapitre, ne vaut que jusqu'au moment où l'on se voue à la pleine réalisation spirituelle; en d'autres mots, elle n'est bénéfique qu'aussi longtemps qu'on n'a pas eu l'occasion d'entrer en contact avec un pur bhakta. Celui qui suit la voie impersonnelle agit sans prétendre au fruit de ses actes, il médite et cultive la connaissance, afin de pouvoir distinguer le spirituel du matériel, activités nécessaires tant que l'on n'est pas en contact avec un pur bhakta. Mais celui qui, par bonheur, trouve en lui, directement, le désir de s'engager dans la conscience de Krsna, dans le service de dévotion pur, n'a pas à franchir une à une les étapes de la réalisation spirituelle. Le service de dévotion, décrit aux chapitres sept à douze de la Bhagavad-gita, sied davantage à l'être distinct. Pour qui l'adopte, en effet, nul besoin de se soucier du maintien de son corps, car par la grâce du Seigneur, tout lui vient naturellement.

Ainsi s'achèvent les enseignements de Bhaktivedanta sur le douzième chapitre de la Srimad-Bhagavad-gita, intitulé: "Le service de dévotion".


Hare Krishna Hare Krishna Krishna Krishna Hare Hare
Hare Rama Hare Rama Rama Rama Hare Hare