Quinzième Chapitre.

La Personne Suprême.




VERSET 11

yatanto yoginas cainam
pasyanty atmany avasthitam
yatanto ’py akritatmano
nainam pasyanty acetasah

TRADUCTION

Il voit tout cela avec clarté, le spiritualiste établi avec constance dans la réalisation spirituelle. Mais les autres, dénués de réalisation spirituelle, ne peuvent, quelque effort qu'ils y mettent, saisir la vérité.

TENEUR ET PORTEE

Nombreux sont les spiritualistes engagés dans la voie de réalisation spirituelle, mais celui qui n'est pas établi dans cette réalisation spirituelle ne peut voir comment change le corps de l'être vivant. L'usage du mot yoginah est, à ce propos, plein d'intérêt. Nous trouvons, aujourd'hui, tant de pseudo sociétés de yoga, tant de pseudo-yogis, tous aussi aveugles en matière de réalisation spirituelle. Ils se bornent, pour l'essentiel, à une manière de gymnastique, et se satisfont d'y gagner un corps sain et bien bâti. Là se limite leur connaissance du yoga. Bien qu'ils aient emprunté une voie de yoga, et qu'ils s'efforcent d'en connaître le succès, ils ne sont nullement établis dans la réalisation spirituelle. Ceux-ci ne sauraient comprendre le mécanisme de la transmigration de l'âme. Seuls les vrais yogis, ceux qui ont réalisé à la fois leur identité véritable, la nature de l'univers matériel et le Seigneur Suprême, seuls ceux-là, nul autre que les bhakti-yogis, absorbés dans la conscience de Krsna, dans le pur service de dévotion, peuvent comprendre comment les choses s'ordonnent.

VERSET 12

yad aditya-gatam tejo
jagad bhasayate ’khilam
yac candramasi yac cagnau
tat tejo viddhi mamakam

TRADUCTION

La splendeur du soleil, qui dissipe les ténèbres de l'univers entier, sache-le, procède de Ma Personne. Et aussi celle de la lune, et aussi celle du feu.

TENEUR ET PORTEE

Impossible, pour l'homme privé d'intelligence, de voir comment tout s'opère. Mais un début de connaissance peut être réalisé par celui qui saisit les paroles prononcées par le Seigneur dans ce verset. Chacun ne voit-il pas le soleil, la lune, le feu ou la lumière électrique? Il faut alors essayer de comprendre que la splendeur du soleil, la splendeur de la lune, celle de l'énergie électrique, ou du feu, viennent de Dieu, la Personne Suprême. En une telle vision, marquant le début de la conscience de Krsna, réside un progrès de taille pour l'âme conditionnée en ce monde. Les êtres distincts font partie intégrante du Seigneur Suprême; Il leur donne ici une indication sur la façon dont ils pourront retourner à Lui.

Ce verset nous indique que le soleil illumine à lui seul tout le système solaire. Il existe nombre d'univers, nombre de systèmes solaires, et donc nombre de soleils, de lunes et de diverses planètes. La lumière du soleil tire son origine de la radiance spirituelle qui emplit le royaume du Seigneur Suprême. Avec le lever du soleil, les hommes s'éveillent à l'action. Avec le feu qu'ils allument, ils préparent leurs aliments, et avec le feu encore, ils font marcher leurs usines... Avec l'aide du feu, tant de choses sont accomplies. Le lever du soleil, le feu, les rayons de la lune, sont tous très plaisants aux êtres vivants. Sans eux, nul ne peut vivre. Que l'on comprenne donc que la lumière et la splendeur du soleil, de la lune, du feu, émanent de Sri Krsna, Dieu, la Personne Suprême, et l'on verra la conscience de Krsna s'ébaucher en soi. La lune, par ses rayons, nourrit tous les végétaux comestibles. Les rayons de la lune sont si plaisants pour les hommes qu'il leur devient aisé de voir qu'ils ne vivent que par la grâce du Seigneur Suprême, Sri Krsna. En effet, sans Sa grâce, ni soleil, ni lune, ni feu ne connaîtraient l'existence, et sans eux, impossible de vivre. Ce sont là quelques pensées destinées à susciter la conscience de Krsna en l'âme conditionnée.

VERSET 13

gam avisya ca bhutani
dharayamy aham ojasa
pusnami causadhih sarvah
somo bhutva rasatmakah

TRADUCTION

J'entre en chacune des planètes, et, à travers Mon énergie, les maintiens dans leur orbite. Je deviens la lune, et par là donne le suc de la vie à tous les végétaux.

TENEUR ET PORTEE

Comprenons que seule l'énergie du Seigneur permet aux planètes de se maintenir dans l'espace. Le Seigneur entre dans chaque atome, en chaque planète et en chaque être vivant. La Brahma-samhita nous enseigne que le Paramatma, émanation plénière de Dieu, la Personne Suprême, entre en l'univers, les planètes, l'être vivant, et même l'atome. Et parce qu'Il entre ainsi en elles, toutes choses sont manifestées de juste manière. Tant que l'âme y est présente, le corps peut flotter sur l'eau, mais aussitôt que l'étincelle vivante le quitte, il doit sombrer. Bien sûr, une fois décomposé, il flottera également, tout comme flotte un brin de paille, mais à l'instant de la mort, il sombre aussitôt. De même, si toutes les planètes flottent dans l'espace, cela n'est dû qu'à la présence en chacune de l'énergie souveraine de Dieu, la Personne Suprême. Son énergie soutient, en effet, chaque planète, comme si elle n'était qu'une poignée de poussière. Si on tient de la poussière dans son poing fermé, elle ne risque pas de choir, mais si on la projette en l'air, elle retombe. Ainsi de ces planètes, flottant dans l'espace, en fait tenues dans le poing de la forme universelle du Seigneur Suprême. Par Sa puissance et Son énergie, toutes choses, mobiles et immobiles, sont maintenues en leur place propre. Il est dit que c'est par Dieu, la Personne Suprême, que brille le soleil et que les planètes poursuivent régulièrement leur course. S'Il ne les tenait, toutes les planètes, comme de la poussière projetée vers le ciel, se disperseraient et périraient. De même, c'est grâce à Lui que la lune nourrit tous les végétaux comestibles. Végétaux comestibles de toutes sortes prennent saveur, en effet, sous l'influence des rayons de la lune. Sans cette influence, ils ne pourraient ni pousser, ni devenir succulents. Les hommes ne travaillent, ne vivent bien et ne jouissent de la nourriture que grâce à ce que leur pourvoit le Seigneur Suprême. Sans Lui, l'espèce humaine ne pourrait survivre. Le mot rasatmakah est à retenir; il indique que tout aliment prend un goût agréable par l'action du Seigneur à travers l'influence de la lune.

VERSET 14

aham vaisvanaro bhutva
praninam deham asritah
pranapana-samayuktah
pacamy annam catur-vidham

TRADUCTION

Je suis, en chaque corps animé, le feu de la digestion, et aussi le souffle vital, inspiré comme expiré. Ainsi, je fais l'assimilation des quatre sortes d'aliments.

TENEUR ET PORTEE

Nous comprenons, à la lumière du sastra qu'est l'Ayur-veda, qu'il est un feu dans l'estomac, lequel digère toute nourriture. Que ce feu soit calme, et la faim ne se manifeste pas; qu'il prenne de la vigueur, et la faim se fait ressentir. Et parfois, lorsque le feu cesse de brûler comme il le doit, nous devons subir un traitement. Mais sachons que dans ces différents états, ce feu représente toujours Dieu, la Personne Suprême. Les mantras védiques confirment également que le Seigneur Suprême, ou Brahman, siège sous la forme d'un feu, dans l'estomac, y faisant ainsi l'assimilation des différentes sortes de nourriture. Aussi, puisque le Seigneur permet la digestion de tous les aliments, l'entité vivante n'est pas indépendante dans l'acte de manger. En effet, si le Seigneur Suprême ne permettait pas la digestion, il lui serait impossible de se nourrir. C'est donc bien le Seigneur qui produit et digère tout aliment, et c'est bien par Sa grâce que les êtres jouissent de la vie. Le Vedanta sutra ajoute que le Seigneur Se trouve dans le son et dans le corps, dans l'air et même dans l'estomac, où Il est la force digestive. On distingue quatre sortes d'aliments: ceux qu'on avale, mâche, lèche et suce; quels qu'ils soient, la force qui les digère est Krsna.

VERSET 15

sarvasya caham hridi sannivisto
mattah smritir jnanam apohanam ca
vedais ca sarvair aham eva vedyo
vedanta-krd veda-vid eva caham

TRADUCTION

Je Me tiens dans le coeur de chaque être, et de Moi viennent le souvenir, le savoir et l'oubli. Le but de tous les Vedas est de Me connaître; en vérité, c'est Moi qui ai composé le Vedanta, et Je suis Celui qui connaît les Vedas.

TENEUR ET PORTEE

Le Seigneur Suprême Se trouve, sous la forme du Paramatma, dans le coeur de chaque être, dont tous les actes trouvent en Lui leur origine. L'être conditionné oublie tout de sa vie antérieure, mais il agira selon les directives du Seigneur, témoin de toutes ses œuvres. Grâce au Seigneur, qui lui donne la connaissance nécessaire, mais aussi bien le souvenir ou l'oubli, il pourra commencer d'agir, dans le prolongement des actes accomplis au cours de sa vie précédente. Le Seigneur, donc, n'est pas seulement omniprésent, mais aussi "localisé", présent dans le coeur de chaque être, à qui Il accorde les fruits de ses actes intéressés. Et on ne L'adore pas seulement comme le Brahman impersonnel, comme Dieu, la Personne Suprême, ou le Paramatma "localisé", mais également sous Sa forme des Vedas. Les Vedas donnent à l'homme, en effet, la juste orientation qui lui permettra de façonner sa vie de telle sorte qu'il retourne à Dieu, en sa demeure originelle. Ils offrent la connaissance de Dieu, la Personne Suprême, Sri Krsna, qui, en tant que l'avatara Vyasadeva, a compilé le Vedanta-sutra, dont le Srimad-Bhagavatam, où le même Vyasadeva commente Son propre Vedanta-sutra, donne la teneur et l'entendement véritables. Le Seigneur Suprême n'est en rien limité, tant et si bien que pour aider la délivrance de l'âme conditionnée, Il devient Celui qui pourvoit et veille à la digestion de sa nourriture, le témoin de ses actes, Celui qui, sous la forme des Vedas, donne la connaissance, et Celui qui, en tant que Dieu, la Personne Suprême, en tant que Sri Krsna, Se fait le maître qui enseigne la Bhagavad-gita. Ainsi, Dieu est infiniment bon, infiniment miséricordieux, et digne de l'adoration de l'âme conditionnée.

L'être vivant est frappé d'oubli aussitôt qu'il quitte le corps; mais dans la vie suivante, il reprend néanmoins ses actes, sous l'action du Seigneur Suprême. Bien qu'il oublie sa vie passée, le Seigneur lui donne l'intelligence par quoi reprendre ses actes là où il les a laissés dans sa vie précédente. Mais l'être conditionné ne reçoit pas seulement du Seigneur, sis en son coeur, les directives qui lui feront connaître, en ce monde, le plaisir ou la souffrance; il en reçoit également la possibilité de comprendre les Vedas. En effet, qu'il se montre sérieux dans sa volonté de comprendre le savoir védique, et Krsna lui accordera l'intelligence nécessaire. Pourquoi cela? Parce que tous et chacun ont individuellement besoin de comprendre Krsna. Et les Textes védiques eux-mêmes le confirment. Dans toutes les Ecritures védiques, en commençant par les quatre Vedas, le Vedanta-sutra, les Upanisads et les Puranas, sont célébrées les gloires du Seigneur Suprême. Et par l'accomplissement des rites védiques, les échanges sur la philosophie védique et l'adoration du Seigneur, dans le service de dévotion, on peut L'atteindre. L'objet des Vedas, donc, est de comprendre Krsna. Ils nous donnent pour cela les directives nécessaires, ainsi que la méthode appropriée. Le but ultime n'est nul autre que Dieu, la Personne Suprême. Ce que confirme le Vedanta-sutra. On peut atteindre la perfection en comprenant les Ecrits védiques, et connaître sa relation avec Dieu, la Personne Suprême, en se pliant aux diverses méthodes qu'on y trouve prescrites. On pourra ainsi L'approcher puis, à la fin, L'atteindre, Lui, le but suprême. Ce verset définit donc clairement l'objet, le but et la teneur des Vedas.

VERSET 16

dvav imau purushau loke
ksharas cakshara eva ca
ksharah sarvani bhutani
kuta-stho ’kshara ucyate

TRADUCTION

Il est deux ordres d'êtres: le faillible et l'infaillible. Dans l'Univers matériel, tous sont faillibles; mais dans le monde spirituel, il est dit que tous sont infaillibles.

TENEUR ET PORTEE

Comme nous l'avons déjà vu, l'auteur du Vedanta-sutra est le Seigneur Lui-même, en tant que l'avatara Vyasadeva. Et ici, Il nous expose en bref le contenu de ce Vedanta-sutra: les êtres, innombrables, peuvent se diviser selon les deux catégories du faillible et de l'infaillible. Ils sont éternellement des fragments de Dieu, la Personne Suprême, distincts de Lui. Lorsqu'ils sont en contact avec l'univers matériel, on les nomme jiva-bhutas; et notre verset les range dans la catégorie du faillible. Ceux qui, au contraire, ne font qu'Un avec le Seigneur, on les dit infaillibles. Par "Un avec le Seigneur", n'entendons pas qu'il n'existe, pour ces êtres, nulle individualité, mais bien qu'ils ne sont en rien désunis d'avec le Seigneur. Tous sont en accord avec le Seigneur quant au but de Sa création. Il n'est, bien sûr, pas question de création dans le monde spirituel, mais le Seigneur explique ce concept, dans le Vedanta-sutra, en disant que tout émane de Lui, tire de Lui son origine.

Le Seigneur enseigne donc dans notre verset qu'il existe deux sortes d'hommes, ce que, par ailleurs, confirment les Vedas; nul doute ne saurait donc subsister à ce sujet. Les êtres en ce monde, aux prises avec le mental et les cinq sens, subissent, aussi longtemps qu'ils sont conditionnés, divers changements de corps. Le corps de l'être change au contact de la matière; et parce que la matière change, l'être semble changer. Mais dans le monde spirituel, aucun changement ne se produit, car les corps des êtres ne sont pas de matière. Les étapes que traverse l'être dans l'univers matériel sont au nombre de six: la naissance, la croissance, la stabilisation, la reproduction, le déclin et la mort. Tels sont les changements liés au corps matériel. Dans le monde spirituel, le corps, lui aussi spirituel, ne change pas: là n'existent ni vieillesse, ni naissance, ni mort. Tout s'y trouve dans l'unité. Les mots sarvani bhutani montrent clairement que tous les êtres entrés en contact avec la matière, depuis Brahma, le premier être créé, jusqu'à la petite fourmi, changent de corps; ils sont donc tous faillibles. Dans le monde spirituel, cependant, tous ne font qu'Un avec le Seigneur, et sont éternellement libérés.

VERSET 17

uttamah purushas tv anyah
paramatmety udahrtah
yo loka-trayam avisya
bibharty avyaya ishvarah

TRADUCTION

Mais autre que ceux-là est le plus grand des êtres, le Seigneur en Personne, qui entre dans les mondes et les soutient.

TENEUR ET PORTEE

On retrouve la teneur de ce verset fort bien exprimée dans la Katha Upanisad ainsi que dans la Svetasvatara Upanisad, où il est clairement dit qu'au-delà des innombrables entités vivantes, dont certaines sont conditionnées, certaines libérées, Se trouve la Personne Suprême, qui est aussi le Paramatma. Ce que montrent ces mots, plus particulièrement, c'est qu'au-delà de tous les êtres, conditionnés ou libérés, Se trouve un Etre Souverain. C'est Dieu, la Personne Suprême, qui soutient tous les autres et leur accorde à tous, selon leurs actes divers, facilité pour jouir de l'existence. Et cette Personne Suprême, en tant que le Paramatma, est sise dans le coeur de chacun. Seul l'homme sage qui parvient à La connaître se qualifie pour atteindre la paix parfaite.

Il serait certes erroné de croire que les êtres distincts égalent en tout le Seigneur Suprême. Il faut garder présentes, en ce qui les concerne, les notions respectives d'infériorité et de supériorité. Un des mots importants de notre verset, uttamah, indique que nul ne peut dépasser Dieu, la Personne Suprême. Le mot loka y prend également une résonance particulière; le Paurusa, un Ecrit védique, nous dit que le Seigneur Suprême, sous Sa Forme localisée, le Paramatma, explique l'objet des Vedas. Et les Vedas disent encore:

"Le Paramatma, l'Ame Suprême, quitte le corps et entre dans le brahmajyoti, où Il garde Sa Forme et Son identité spirituelle. Cet Absolu, on L'appelle la Personne Suprême."
Ce qui signifie que la Personne Suprême manifeste et diffuse Sa radiance spirituelle, qui est la lumière ultime. Cet Etre Suprême possède également un aspect "localisé", le Paramatma. Et en apparaissant sous la forme de Vyasadeva, fils de Parasara et de Satyavati, Il explique le savoir védique.

VERSET 18

yasmat ksharam atito ’ham
aksharad api cottamah
ato ’smi loke vede ca
prathitah purushottamah

TRADUCTION

Puisque Je suis absolu, au-delà du faillible et de l'infaillible, puisque Je suis le plus grand de tous, le monde et les Vedas Me célèbrent comme cette Personne Suprême.

TENEUR ET PORTEE

Conditionnée ou libérée, nulle âme ne dépasse Dieu, la Personne Suprême, Sri Krsna: Il est donc la Personne la plus grande d'entre toutes. Il est clair, ici, que les êtres vivants et Dieu, la Personne Suprême, sont distincts, individuels. Leur différence vient de ce que jamais les êtres vivants, conditionnés ou libérés, ne peuvent quantitativement dépasser les puissances inconcevables de la Personne Suprême.

VERSET 19

yo mam evam asammudho
janati purushottamam
sa sarva-vid bhajati mam
sarva-bhavena bharata

TRADUCTION

Celui qui, libre des doutes, Me connaît ainsi, comme Dieu, la Personne Suprême, celui-là, sache-le, sa connaissance embrasse tout. C'est pourquoi, ô descendant de Bharata, de tout son être il Me sert avec amour et dévotion.

TENEUR ET PORTEE

Nombreuses sont les spéculations philosophiques sur la nature réelle des êtres vivants et de la Vérité Suprême et Absolue. Mais dans ce verset, Sri Krsna donne toute lumière en nous apprenant que celui qui Le sait être Dieu, la Personne Suprême, celui-là en vérité sait tout. Avec un savoir imparfait, on ne peut qu'élucubrer sur la Vérité Absolue; mais celui qui possède la connaissance parfaite, sans perdre une seconde de son temps précieux, s'engage directement dans la conscience de Krsna, dans le service de dévotion offert au Seigneur Suprême. Et cela se trouve souligné tout au long de la Bhagavad-gita. Mais nombreux sont les commentateurs opiniâtres qui cependant continuent de prétendre que rien ne distingue la Vérité Suprême et Absolue des êtres distincts.

Le savoir védique est appelé sruti, ou savoir reçu par voie auditive. Il faut, en effet, recevoir ce message védique de personnes reconnues comme autorités en la matière, c'est-à-dire de Krsna ou de Ses représentants. Ici, Krsna met en évidence toutes choses; c'est donc de Ses lèvres qu'il faut obtenir le savoir. Ne nous contentons pas d'écouter comme le ferait un porc; il faut encore pouvoir comprendre ce que l'on écoute, et cela grâce à l'aide des autorités en la matière. Plutôt que de nous livrer aux exercices académiques de la spéculation intellectuelle, écoutons, soumis, la Bhagavad-gita, lorsqu'elle nous enseigne justement que les êtres distincts sont toujours subordonnés à Dieu, la Personne Suprême. Selon le Seigneur Suprême, Sri Krsna, seul l'être qui peut comprendre cela connaît l'objet des Vedas. Nul autre ne le peut.

Le mot bhajate mérite qu'on s'y arrête: on le trouve, en de nombreux endroits, utilisé en rapport avec le service offert au Seigneur Suprême. On doit savoir, de l'homme tout entier absorbé dans la conscience de Krsna, dans le service de dévotion, qu'il a parfaitement compris tout le savoir védique. La parampara vaisnava dit également que pour celui qui se trouve engagé dans le service de dévotion offert au Seigneur, il n'est besoin d'aucune autre forme de vie spirituelle pour comprendre la Vérité Suprême et Absolue. Engagé dans le service de dévotion, il a déjà atteint ce niveau. Il a dépassé toutes les voies préliminaires d'entendement spirituel. Et d'autre part, si, après mille et mille existences passées en conjectures sur la Vérité Absolue, l'homme ne parvient pas à conclure que Krsna est Dieu, la Personne Suprême, et qu'il doit s'abandonner à Lui, alors ses années, ses mille existences de conjectures, n'auront été que vaine perte de temps.

VERSET 20

iti guhyatamam shastram
idam uktam mayanagha
etad buddhva buddhiman syat
krita-krtyas ca bharata

TRADUCTION

Ce que maintenant Je te révèle, ô toi sans péché, est la part la plus secrète des Ecritures védiques. Qui en saisit la teneur connaîtra la sagesse, ô descendant de Bharata, et ses efforts le mèneront à la perfection.

TENEUR ET PORTEE

Le Seigneur explique ici de la façon la plus claire que ce savoir constitue l'essence de toutes les Ecritures révélées. Il faut donc le comprendre tel que le Seigneur Suprême le donne. Ainsi, l'être développera son intelligence et s'établira parfaitement dans le savoir absolu. En d'autres mots, par la compréhension de cette philosophie qui traite de Dieu, la Personne Suprême, et par l'engagement dans Son service spirituel et absolu, n'importe qui peut être lavé de toutes les souillures dont le marquent les trois gunas. La voie du service de dévotion est intimement liée à la compréhension spirituelle, et aucune souillure matérielle ne saurait subsister là où on le pratique. Le service de dévotion offert au Seigneur, et la Personne du Seigneur, parce que tous deux spirituels, sont une seule et même chose. Le service de dévotion, en effet, relève de l'énergie interne du Seigneur. On dit du Seigneur qu'il est le soleil, et de l'ignorance, les ténèbres. Et là où le service de dévotion est présent, dirigé de façon appropriée par un maître spirituel authentique, il ne saurait être question d'ignorance.

Tous se doivent d'adopter la conscience de Krsna, de s'engager dans le service de dévotion; par là, ils acquerront l'intelligence et deviendront purs. A moins d'en venir à ce niveau où l'on comprend Krsna et où l'on s'engage dans le service de dévotion, on n'a certes pas atteint l'intelligence parfaite, quand bien même on le paraîtrait au commun des mortels.

Le mot anagha, par quoi Krsna S'adresse ici à Arjuna, présente un intérêt particulier. Signifiant "ô toi sans tache, sans péché", il indique qu'il est très difficile de comprendre Krsna tant que l'on n'est pas affranchi de toutes les suites de ses péchés. Pour comprendre, il faut d'abord se laver de toute souillure, de tout acte coupable. Mais la puissance et la pureté du service de dévotion sont telles, qu'une fois qu'on s'y engage, on parvient tout naturellement au niveau où l'on est affranchi du péché.

Au cours du service de dévotion accompli en la compagnie de purs bhaktas, pleinement absorbés dans la conscience de Krsna, certains éléments doivent être tout à fait dominés, en particulier nos faiblesses de cœur. La première, qui entraîne la première chute, réside dans le désir de dominer la nature matérielle. Elle a pour effet de conduire le bhakta à abandonner le service d'amour et de dévotion offert au Seigneur Suprême. Et lorsque cette tendance à dominer la nature matérielle s'accroît, alors se manifeste la seconde faiblesse: l'attachement à la matière et à la possession de la matière. Les problèmes de l'existence matérielle viennent de ces faiblesses de coeur.

Ainsi s'achèvent les enseignements de Bhaktivedanta sur le quinzième chapitre de la Srimad-Bhagavad-gita, intitulé.- "La Personne Suprême", ou "Le Purusottama-yoga".


Hare Krishna Hare Krishna Krishna Krishna Hare Hare
Hare Rama Hare Rama Rama Rama Hare Hare