Deuxième chapitre.
Aperçu de la Bhagavad-gita.
VERSET 66
TRADUCTION L'être inconscient de son identité spirituelle ne peut ni maîtriser son mental, ni affermir son intelligence; comment, dès lors, connaîtrait-il la sérénité? Et comment, sans elle, pourrait-il goûter au bonheur? TENEUR ET PORTEE A moins d'être conscient de Krsna, on ne peut trouver la paix. Ce que confirme le vingt-neuvième verset du chapitre cinq: on ne trouve la paix réelle que lorsqu'on reconnaît Krsna comme le seul bénéficiaire des bénédictions qu'entravent sacrifices et austérités, comme le maître de tous les univers et comme l'ami de tous les êtres. Si l'on ne pratique pas la conscience de Krsna, on ne peut orienter ses pensées vers un but ultime, et l'absence d'un tel but engendre la confusion; mais dès qu'on réalise que Krsna est le bénéficiaire suprême, le maître absolu et l'ami véritable de tout être et de toute chose, on peut trouver la paix, avec un mental devenu ferme et constant. Ainsi, celui qui agit sans aucun lien avec Krsna est sûr de toujours connaître l'affliction, sans jamais trouver la paix, quel que soit le degré de sérénité et d'avancement spirituel dont il tente de faire preuve. La conscience de Krsna est, en elle-même, un état de paix, et cette condition ne peut être atteinte qu'une fois rétabli le lien entre le Seigneur et nous.
VERSET 67
TRADUCTION Comme un vent violent balaie sur l'eau une nacelle, il suffit que l'un des sens entraîne le mental pour que l'intelligence soit emportée. TENEUR ET PORTEE Il suffit qu'un seul de ses sens soit engagé à la recherche de plaisirs matériels pour que le spiritualiste dévie du sentier de la réalisation spirituelle; il est donc très important que nous engagions, comme Maharaja Ambarisa, tous nos sens au service du Seigneur. Telle est la vraie façon de maîtriser le mental.
VERSET 68
TRADUCTION Aussi, ô Arjuna aux-bras-puissants, celui qui détourne ses sens de leurs objets possède-t-il une intelligence sûre. TENEUR ET PORTEE L'effort humain ne suffit pas pour maîtriser les sens; pour vaincre un ennemi, on doit utiliser une force qui lui soit supérieure. De même, on ne parvient à dominer ses sens qu'à condition de les engager toujours au service du Seigneur. Seul sera sadhaka, "digne de la libération", celui qui comprend que la conscience de Krsna, et rien d'autre, lui donnera l'intelligence véritable, mais aussi que cet art doit être cultivé sous la direction d'un maître spirituel authentique.
VERSET 69
TRADUCTION Ce qui est nuit pour tous les êtres devient, pour l'homme qui a maîtrisé les sens, le temps de l'éveil; ce qui, pour tous, est le temps de l'éveil, est la nuit pour le sage recueilli. TENEUR ET PORTEE Il existe deux sortes d'hommes intelligents. L'un utilise son intelligence sur le plan matériel, dans le but de mieux jouir de ses sens, et l'autre, plus réfléchi, pour s'ouvrir à la réalisation spirituelle. Les actions du sage, de l'homme réfléchi, sont obscures pour l'homme envahi de pensées matérielles. Ignorant de son identité spirituelle, le matérialiste reste endormi dans ces ténèbres. Le sage réfléchi, pour sa part, demeure bien éveillé dans les ténèbres du matérialiste. Il ressent une joie transcendante en progressant sur le sentier de la réalisation spirituelle, tandis que le matérialiste, "endormi", donc fermé à la réalisation spirituelle, rêve de divers plaisirs sensoriels, éprouvant tantôt de la joie et tantôt de la peine. Le sage est toujours indifférent aux joies et aux peines de l'existence matérielle; il poursuit son évolution spirituelle sans être troublé par les circonstances matérielles.
VERSET 70
TRADUCTION Celui qui reste inébranlable malgré le flot incessant des désirs, comme l'océan demeure immuable malgré les mille fleuves qui s'y jettent, peut seul trouver la sérénité; mais certes pas celui qui cherche à satisfaire ces désirs. TENEUR ET PORTEE L'océan, dans sa plénitude, reçoit sans fin de nouvelles eaux, surtout durant la saison des pluies, et pourtant, demeure impassible; il ne change pas, il ne s'agite pas, il ne sort pas de ses limites. Comme lui est l'être conscient de Krsna. En effet, tant que l'on possède un corps matériel, les demandes des sens ne cessent d'affluer; mais le bhakta, à cause de sa plénitude spirituelle, n'en est pas troublé. Conscient de Krsna, il n'a nul besoin, car le Seigneur pourvoit à tout. Le bhakta est donc comme l'océan, jouissant toujours d'une plénitude totale. Les désirs peuvent affluer, comme les eaux des rivières dans l'océan, mais il n'en est pas le moins du monde affecté; rien ne le fait dévier du sentier de la réalisation spirituelle. Voilà comment reconnaître l'homme conscient de Krsna; il n'est plus porté à jouir de ses sens, même si les désirs l'assaillent encore. Il est pleinement satisfait en servant le Seigneur avec une dévotion toute spirituelle, et, comme l'océan, il demeure toujours immuable, jouissant d'une paix sans trouble. Les autres, par contre, même s'ils satisfont leurs désirs de réussite matérielle ou de libération, ne trouvent jamais la paix. Les matérialistes, ceux qui cherchent le salut, mais également les yogis en quête de pouvoirs surnaturels, sont tous voués au malheur, car leurs désirs demeurent insatisfaits. Le bhakta, lui, est heureux en servant le Seigneur; il n'a aucun désir à satisfaire, pas même la libération du soi-disant asservissement au monde matériel. Un dévot de Krsna n'a aucun désir matériel; il jouit d'une paix parfaite.
VERSET 71
TRADUCTION Celui que les plaisirs matériels n'attirent plus, qui n'est plus esclave de ses désirs, qui a rejeté tout esprit de possession et qui s'est libéré du faux ego, peut seul connaître la sérénité parfaite.
TENEUR ET PORTEE Etre exempt de désir signifie ne rien désirer de matériel. Il suffit pour cela de désirer devenir conscient de Krsna. La perfection de la conscience de Krsna consiste à comprendre sa position éternelle en tant que Son serviteur, sans croire que le corps matériel représente le moi, et sans non plus se dire propriétaire de rien. Celui qui atteint cette perfection prend conscience du fait que toute chose doit être utilisée dans le seul but de plaire à Krsna puisqu'il est le possesseur de tout ce qui existe. Si Arjuna refuse de combattre, c'est par intérêt propre, mais une fois devenu parfaitement conscient de Krsna, il combattra, car ainsi le veut le Seigneur. Bien que n'ayant pour lui même nul désir de combattre, Arjuna combattra pour le Seigneur au mieux de ses capacités. La volonté de plaire à Krsna est le véritable détachement de tous les désirs, ce n'est pas une tentative factice en vue de les supprimer. Nul homme ne peut se priver de sens ou de désir, mais il peut et doit en changer la qualité. Celui qui n'a aucun désir matériel sait parfaitement que tout appartient à Krsna; il ne réclame donc aucun droit de propriété sur quoi que ce soit. Ce savoir transcendant est fondé sur la réalisation spirituelle, qui consiste à "voir" que tous les êtres font partie intégrante de Krsna, qu'ils participent de la même nature spirituelle que Lui, sans que leur position éternelle ne les mette jamais au même niveau que le Seigneur, et encore moins à un niveau plus élevé. Cette compréhension de la conscience de Krsna est à la base même d'une paix réelle.
VERSET 72
TRADUCTION Tels sont les modes de la spiritualité, ô fils de Prtha. Qui s'y établit, fût-ce à l'instant de la mort, sort de sa confusion, et le royaume de Dieu s'ouvre pour lui.
TENEUR ET PORTEE Parvenir au niveau de la conscience de Krsna, de la vie spirituelle, peut ne demander qu'une fraction de seconde, mais on peut aussi ne pas y arriver, même après plusieurs millions d'existences, si l'on refuse obstinément de voir et d'accepter les choses telles qu'elles sont. Khatvanga Maharaja y parvint juste avant sa mort, en quelques instants, en s'abandonnant à Krsna. Nirvana signifie mettre un terme à l'existence matérielle. Selon la philosophie bouddhiste, au terme de l'existence matérielle ne se trouve que le vide. L'enseignement de la Bhagavad-gita est radicalement différent: la vraie vie ne commence qu'à la fin de l'existence matérielle. Le fait que cette existence devra finir un jour est un savoir suffisant pour le matérialiste endurci; mais le spiritualiste, lui, sait très bien qu'une nouvelle vie commence après la mort. Si, avant de mourir, on obtient la grâce de devenir conscient de Krsna, on atteint aussitôt le brahma-nirvana, le niveau de l'absolu. Il n'existe aucune différence entre le royaume de Dieu et le service dévotionnel offert à Krsna. Puisqu'ils sont tous deux absolus, lorsqu'on s'engage au service sublime du Seigneur avec amour et dévotion, on atteint par là même le monde spirituel. Les activités du monde matériel ont toutes comme but le plaisir des sens, alors que les activités du monde spirituel sont toutes conscientes de Krsna. Dès que l'on devient conscient de Krsna, fût-ce dans cette vie même, on atteint le niveau du brahman. Il est hors de doute que quiconque a développé la conscience de Krsna se trouve déjà dans le royaume de Dieu. Le brahman est tout à fait à l'opposé de la matière; le terme employé ici, brahmi-sthitih, veut d'ailleurs dire "libération de la matière". La Bhagavad-gita reconnaît donc que celui qui s'engage au service du Seigneur est libéré de l'emprise de la matière. Srila Bhaktivinoda Thakura a défini ce deuxième chapitre de la Bhagavad-gita comme résumant le contenu du texte tout entier. Les sujets dont traite la Bhagavad-gita sont le karma-yoga, le jnana-yoga et le bhakti-yoga. Le karma-yoga et le jnana-yoga ont été clairement exposés dans ce chapitre, où l'on a également trouvé un aperçu du bhakti-yoga. Il couvre donc les trois formes de yoga dont traite l'ouvrage. Ainsi s'achève les enseignements de Baktivedanta sur le deuxième chapitre de la Srimad-Bhagavad-gita, intitulé: "Aperçu de la Bhagavad-gita. Hare Krishna Hare Krishna Krishna Krishna Hare Hare Hare Rama Hare Rama Rama Rama Hare Hare |