Deuxième chapitre.
Aperçu de la Bhagavad-gita. VERSET 36
TRADUCTION Tes ennemis te couvriront de propos outrageants et railleront ta vaillance. Quoi de plus pénible pour toi? TENEUR ET PORTEE La tirade mal à propos d'Arjuna en faveur de la pitié a fort étonné le Seigneur, qui lui a expliqué pourquoi sa fausse compassion ne convient nullement à un arya. A présent, Il a démontré à suffisance que la compassion d'Arjuna pour ses proches est déraisonnable. VERSET 37
TRADUCTION Si tu meurs en combattant, tu atteindras les planètes de délices; vainqueur, tu jouiras du royaume de la Terre. Lève-toi donc, ô fils de Kunti, et combats fermement. TENEUR ET PORTEE Bien que la victoire ne soit pas sûre, Arjuna doit combattre; même s'il était tué dans la lutte, il renaîtrait sur l'une des planètes édéniques. VERSET 38
TRADUCTION Combats par devoir, sans compter tes joies ni tes peines, la perte ni le gain, la victoire ni la défaite; ainsi, jamais tu n'encourras le péché. TENEUR ET PORTEE Sans plus de détours, Krsna dit à Arjuna de simplement combattre le combat, parce que Lui le désire. Lorsqu'on agit pour Krsna, on ne prend nullement en considération les résultats de l'acte, joies ou peines, perte ou victoire ou défaite. La conscience spirituelle, transcendant la matière, fait comprendre que tout acte doit avoir pour seul but de plaire au Seigneur, et n'entraîne alors aucune conséquence matérielle. Celui qui, au contraire, agit pour son propre plaisir, qu'il soit influencé par la vertu* ou la passion*, doit subir les conséquences de ses actes, bons ou mauvais. S'abandonner complètement à Krsna et n'agir que pour Lui nous libère de toutes les obligations qui lient généralement un homme dans sa vie quotidienne. Le Srimad-Bhagavatam dit à ce propos: "Celui qui s'abandonne entièrement à Krsna, Mukunda, et qui rejette tout autre devoir, n'est plus l'obligé de quiconque, s'agirait-il des devas, des sages, des membres de sa famille, de ses ancêtres, ou même de l'humanité entière."Krsna Se contente, dans ce verset, d'introduire une idée qu'Il développera dans les suivants. VERSET 39
TRADUCTION Tu as reçu de Moi, jusqu'ici, la connaissance analytique de la philosophie du sankhya. Reçois maintenant la connaissance du yoga, qui permet d'agir sans être lié à ses actes. Quand cette intelligence te guidera, ô fils de Prtha, tu pourras briser les chaînes du karma. TENEUR ET PORTEE Selon le Nirukti (dictionnaire sanskrit védique), le mot sankhya, employé ici, implique à la fois l'analyse détaillée des phénomènes matériels et l'étude de la nature réelle de l'âme. Quant au mot "yoga", il réfère à la maîtrise des sens. Si Arjuna s'est persuadé qu'il vaut mieux ne pas combattre, c'est en fait pour des raisons d'intérêt matériel. Oubliant son devoir, il veut abandonner la lutte, car il pense être plus heureux en ne tuant pas les membres de sa famille que s'il jouit d'un royaume au prix du sang de ses cousins, les fils de Dhrtarastra, presque ses frères. Motifs purement matériels: qu'il parle du bonheur qui découlera de la victoire ou de celui qu'il éprouvera en voyant sa famille sauve, il s'agit toujours d'un intérêt personnel; il ne connaîtra, en effet, ces joies que par l'abandon de la sagesse et du devoir. C'est pourquoi Krsna lui démontre qu'en tuant le corps de son aïeul, il ne détruira pas son âme. Tous les êtres, y compris le Seigneur, possèdent une individualité éternelle: ils étaient distincts dans le passé, le demeurent dans le présent, et le seront encore dans l'avenir. Nous sommes éternellement des âmes distinctes, et nous changeons simplement d'enveloppe charnelle, passant d'un corps à l'autre. Même libérés de la prison des corps, nous gardons notre individualité. Le Seigneur a donc, pour Arjuna, expliqué de façon détaillée la nature de l'âme et celle du corps. Dans le dictionnaire Nirukti, cette étude de l'âme et du corps sous différents points de vision est ce qu'on appelle le sankhya, et qui n'a rien à voir avec la philosophie du sankhya énoncée par le penseur athée Kapila. Bien avant la venue de cet imposteur, l'authentique philosophie du sankhya avait été exposée par le véritable Kapila, l'avatara, à sa mère Devahuti. Ces entretiens philosophiques sont relatés dans le Srimad Bhagavatam, où Kapila explique très clairement que le purusa, le Seigneur Suprême, est actif, et qu'Il crée le monde temporel en jetant Son regard sur la nature matérielle (la prakrti). On retrouve cette notion dans la Bhagavad-gita comme dans les Vedas, où il est dît que le Seigneur regarda la prakrti et l'imprégna ainsi d'âmes distinctes infinitésimales. Une fois en contact avec le monde matériel, les êtres se lancent à la poursuite des plaisirs, et, ensorcelés par l'énergie illusoire, croient pouvoir en jouir pleinement. Ce désir de jouissance accompagne tout être, même libéré de la matière; à ce stade, il tente de s'identifier à Dieu. Tel est le dernier piège de maya. Seulement après des vies et des vies de plaisir matériel devient-on un mahatma et s'abandonne-t-on à Vasudeva, Krsna, pour ainsi atteindre le but de la recherche de la Vérité Absolue. Arjuna reconnaît déjà dans le Seigneur son maître spirituel; il s'est livré à Lui. Krsna va donc à présent lui enseigner la question de l'acte dans le buddhi-yoga. L'acte accompli de cette manière relève du karma-yoga, soit la pratique du service de dévotion pour le seul plaisir du Seigneur. Dans le dixième verset du chapitre dix, nous apprenons que le buddhi-yoga est la communion directe avec le Seigneur, qui réside dans le coeur de chacun sous la forme du Paramatma. Impossible de parvenir à cette union sans servir le Seigneur avec amour: uniquement à Son dévot Krsna accorde-t-Il la grâce de s'unir à Lui dans le buddhi-yoga. Mais aussi bien est-il le seul à qui le Seigneur donne la connaissance pure de la dévotion dans l'amour absolu. La conscience de Krsna est donc la voie la plus droite pour atteindre Dieu et Son Royaume d'éternelle félicité. Le buddhi-yoga, dans ce verset, représente donc le service de dévotion. Quant au mot sankhya, il ne réfère en rien au sankhya-yoga du faux Kapila. Nous ne devons pas faire l'erreur de confondre les deux. Non seulement cette philosophie athée n'avait aucune influence à l'époque où la Bataille de Kuruksetra eut lieu, mais en outre, Krsna n'aurait jamais mentionné dans la Bhagavad-gita de telles spéculations. La vraie philosophie du sankhya, telle que donnée par l'authentique Kapila, l'avatara, on la trouvera décrite dans le Srimad-Bhagavatam. La signification, ici, du mot sankhya, est "description analytique du corps et de l'âme". Le but de Krsna, lorsqu'il analyse la nature de l'âme devant Arjuna, c'est de l'amener au buddhi-yoga, au bhakti-yoga. Le sankhya de Krsna, par conséquent, et celui de l'authentique Kapila sont une seule et même chose: le bhakti-yoga. Plus loin dans la Bhagavad-gita, Krsna précise que seuls les ignorants distinguent le sankhya-yoga du bhakti-yoga. L'autre sankhya, celui des athées, n'a évidemment rien à voir avec le bhakti-yoga, mais ces ignares affirment que c'est là celui dont traite la Bhagavad-gita. Comprenons donc que buddhi-yoga signifie "agir dans la conscience de Krsna", c'est-à-dire servir le Seigneur avec dévotion, dans la connaissance et la félicité qu'engendre ce service. Celui dont tous les actes tendent à ce but, malgré les difficultés, suit les principes du buddhi-yoga et baigne continuellement dans la félicité spirituelle. Par la grâce du Seigneur, celui qui Le sert ainsi acquiert d'un coup toutes les qualités spirituelles; sa libération est donc, en elle-même, complète; il n'a pas à fournir d'efforts indépendants pour atteindre la connaissance. L'action accomplie dans la conscience de Krsna et l'action accomplie pour son résultat, en vue d'un bonheur matériel, présentent donc une différence essentielle. Ce qui fait la perfection spirituelle de l'action, c'est son accomplissement dans l'esprit du buddhi-yoga. VERSET 40
TRADUCTION A qui marche sur cette voie, aucun effort n'est vain, nul bienfait acquis, n'est jamais perdu; le moindre pas nous y libère de la plus redoutable crainte. TENEUR ET PORTEE L'action accomplie dans la conscience de Krsna, soit pour satisfaire le Seigneur, sans rien désirer d'autre, constitue le sommet de l'action spirituelle. D'autre part, le moindre effort tenté pour plaire à Krsna n'est jamais perdu. Sur le plan matériel, toute entreprise qui n'est pas menée jusqu'au bout est un échec, tandis que sur le plan spirituel, dans la conscience de Krsna, la moindre activité engendre des bienfaits durables. Ce n'est jamais en vain qu'on agit pour le plaisir de Krsna, même si l'entreprise reste inachevée. Un pas vers Krsna est un pas pour toujours, même si l'on s'arrête en chemin; et lorsqu'on repart de nouveau, c'est toujours pour une deuxième étape. Quelle différence d'avec les actes matériels, qui ne portent leurs fruits qu'accomplis jusqu'au bout! Un fait relaté par le Srimad-Bhagavatam, illustre bien ce phénomène; jadis, un brahmana du nom d'Ajamila, qui n'avait, dans sa jeunesse, suivi les principes de la conscience de Krsna que jusqu'à un certain point, n'en fut pas moins, par la grâce du Seigneur, totalement récompensé à la fin de sa vie. Toujours dans le Srimad-Bhagavatam, on trouve à ce propos un admirable verset: "Que pourrait bien perdre l'être qui, pour un moment, a mis un terme à sa quête des plaisirs matériels pour servir Krsna, même s'il ne poursuit pas son effort et retourne à l'ancienne vie? Par contre, que gagnera celui qui mène à la perfection ses activités dans la matière?"Ou, comme disent les chrétiens: "Que sert à l'homme de gagner le monde entier s'il perd la vie éternelle?" Les activités matérielles et leurs fruits disparaissent avec le corps. Au contraire, l'action accomplie pour Krsna, même interrompue, finit toujours par ramener son auteur à la conscience de Krsna, serait-ce dans une prochaine vie. En agissant pour Krsna, on est au moins assuré de renaître dans un corps humain, soit dans une famille de sages brahmanas, soit dans une famille riche et cultivée, avec la possibilité de nouveaux progrès sur la voie de la réalisation spirituelle. Telle est la vertu incomparable du service de dévotion.
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