Troisième chapitre.
Le karma-yoga.
VERSET 36
TRADUCTION
Arjuna dit: TENEUR ET PORTEE Parce qu'elle fait partie intégrante de l'Absolu, l'âme est, dans son essence, spirituelle, pure et libre de toute contamination matérielle. Par nature, elle n'est donc pas sujette aux fautes relatives au monde matériel. Mais au contact de la matière, elle s'adonne sans hésitation à toutes sortes d'activités pécheresses, souvent contre sa volonté. La question d'Arjuna concernant la nature pervertie des êtres vivants est donc particulièrement intéressante. L'homme se voit parfois contraint de commettre des fautes sans l'avoir désiré. Or, ces actes coupables ne sont pas provoqués par l'Ame Suprême; ils ont, comme l'explique le Seigneur dans le prochain verset, une tout autre cause.
VERSET 37
TRADUCTION
Le Seigneur Bienheureux dit: TENEUR ET PORTEE Quand l'âme entre en contact avec la création matérielle, son amour pour Krsna se transforme, sous l'influence de la passion, en concupiscence, comme le lait qui, sous l'action du tamarin, se transforme en yaourt. Inassouvie, cette concupiscence se transforme en colère, et la colère en illusion, par quoi nous demeurons prisonniers de l'existence matérielle. La concupiscence est donc le plus grand ennemi de l'être; c'est elle qui garde l'âme pure prisonnière de la matière. La colère et ses séquelles sont des manifestations de l'ignorance, mais nous pouvons utiliser la passion pour nous élever jusqu'à la vertu, en suivant certaines règles de vie, plutôt que de la laisser nous entraîner vers l'ignorance; nous développerons ainsi un goût du spirituel, qui nous garantira contre la déchéance de la colère. Dieu, la Personne Suprême, Se déploie à l'infini, de telle sorte que Sa félicité spirituelle grandit sans cesse, et tous les êtres contribuent à cette félicité sans borne. Ils ont, eux aussi, une certaine indépendance, mais parce qu'ils l'ont mal utilisée, parce qu'ils ont transformé leur attitude dévotieuse en désir de jouissance matérielle, ils sont tombés sous l'empire de la concupiscence. Le monde matériel a été créé par le Seigneur pour permettre aux âmes conditionnées de satisfaire leurs désirs lubriques, et après une suite interminable d'efforts vains et frustrants, l'homme commence à s'interroger sur sa nature véritable. Lisons le début du Vedanta-sutra: "L'on doit s'enquérir de la Vérité Absolue."Et le Srimad-Bhagavatam décrit en ces termes la Vérité Absolue: "La Vérité Absolue, le Brahman Suprême, est l'origine de toutes choses."La source de la convoitise est donc également l'Absolu. Et si la convoitise est métamorphosée en amour pour l'Etre Suprême, c'est-à-dire en conscience de Krsna, qui consiste à tout désirer pour Lui, cette convoitise, de même que la colère, seront spiritualisées. Hanuman, par exemple, le grand serviteur de Rama, l'avatara, tourna sa colère contre ses ennemis afin de plaire au Seigneur. Par conséquent, la convoitise et la colère, lorsqu'elles sont utilisées au service de Krsna, d'ennemies se changent en amies.
VERSET 38
TRADUCTION De même que la fumée masque le feu, de même que la poussière recouvre le miroir et que la matrice enveloppe l'embryon, divers degrés de concupiscence recouvrent l'être. TENEUR ET PORTEE Trois degrés d'obscurcissement peuvent voiler la conscience pure de l'être, et cet obscurcissement n'est autre que la concupiscence sous ses diverses formes, parfois comparée à la fumée qui masque le feu, à la poussière qui recouvre le miroir, ou encore à la matrice qui enveloppe l'embryon. Si l'on compare la concupiscence à de la fumée, c'est pour indiquer que le feu de l'étincelle spirituelle demeure légèrement perceptible, que l'être manifeste encore, bien que de façon atténuée, sa conscience de Krsna, et il est alors comparé au feu que voile la fumée. Il n'y a pas de fumée sans feu, bien qu'au départ, le feu soit parfois invisible: il en est de même au début du développement de la conscience de Krsna. La poussière sur le miroir rappelle que le miroir du mental doit être purifié par des pratiques spirituelles, la meilleure étant le chant des Saints Noms du Seigneur. Et l'embryon qu'enveloppe la matrice illustre une condition désespérée, car l'enfant dans le sein de sa mère est si impuissant qu'il ne peut pas même bouger. Cette étape de l'existence peut être comparée à la vie de l'arbre. L'arbre est aussi un être vivant, mais celui-ci a fait montre d'une telle convoitise qu'il a revêtu un corps presque entièrement dépourvu de conscience. L'exemple du miroir que recouvre la poussière s'applique aux oiseaux et aux animaux, celui du feu et de la fumée à l'être humain. La forme humaine offre à l'être une occasion de développer sa conscience de Krsna; qu'il en profite, et la forme humaine aura servi à rallumer en lui le feu de la vie spirituelle. En manipulant soigneusement la fumée, on peut transformer le feu en brasier. La forme humaine constitue donc une occasion pour l'être de se libérer des chaînes de l'existence matérielle. Elle est la seule qui lui permette de vaincre son ennemi, la concupiscence, en lui fournissant la possibilité de développer la conscience de Krsna, sous la direction d'un maître spirituel authentique.
VERSET 39
TRADUCTION Ainsi, ô fils de Kunti, la conscience pure de l'être est voilée par son ennemi éternel, la concupiscence, insatiable et brillante comme le feu. TENEUR ET PORTEE Il est dit dans la Manu-smrti que la concupiscence ne peut jamais être assouvie par la recherche de nouveaux plaisirs matériels, tout comme il est impossible d'éteindre un incendie en l'arrosant constamment d'essence. Le centre de toutes les activités matérielles est la vie sexuelle; c'est pourquoi le monde matériel est appelé maithunya-agara, "les chaînes de la vie sexuelle". Les criminels, dans la société, sont jetés en prison et gardés derrière les barreaux; de même, ceux qui enfreignent les lois du Seigneur subissent les chaînes de la vie sexuelle. Le progrès des civilisations matérialistes est fondé sur le plaisir des sens; il implique, pour l'être, un prolongement de l'existence matérielle. La concupiscence symbolise donc l'ignorance qui garde l'être prisonnier du monde matériel. En procurant des plaisirs à ses sens, on peut éprouver une certaine forme de satisfaction, mais ce faux sentiment de bonheur est en fin de compte l'ennemi ultime de celui qui en fait l'expérience
VERSET 40
TRADUCTION C'est dans les sens, le mental et l'intelligence qu'elle se loge, cette concupiscence qui égare l'être en étouffant son savoir véritable. TENEUR ET PORTEE L'ennemi occupe divers points stratégiques du corps de l'âme conditionnée, et Krsna nous les indique pour que celui qui veut vaincre l'ennemi sache où le trouver. Le mental est le centre d'activité des sens où reposent toutes les idées de jouissance matérielle; lui et les sens deviennent donc les premiers sièges de la concupiscence. L'intelligence, quant à elle, devient la métropole de ces tendances de convoitise. Et comme elle voisine l'âme, une fois rongée par la concupiscence, elle l'incitera à développer un faux ego et à s'identifier à la matière, donc au mental et aux sens. L'âme, progressivement accoutumée à jouir de ses sens matériels, en vient à croire que là est le vrai bonheur. Le Srimad-Bhagavatam développe cette méprise de l'âme sur son identité réelle: "L'homme qui croit être les trois éléments de son corps, qui en considère les fruits comme les membres de sa famille, qui fait de sa terre natale un objet de culte, et qui ne se rend aux lieux saints que pour s'y baigner plutôt que de chercher à y connaître ceux qui possèdent le savoir spirituel, celui-là ne vaut certes pas mieux qu'un âne ou une vache."
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