Cinquième chapitre.
L'action dans la conscience de Krsna.
VERSET 11
TRADUCTION Brisant ses attachements, le yogi n'agit avec son corps, son mental, son intelligence et ses sens même, qu'à une seule fin: se purifier. TENEUR ET PORTEE Tout acte accompli en vue de satisfaire les Sens de Krsna purifie son auteur de toute contamination matérielle, qu'il relève du corps, du mental, de l'intelligence ou même des sens. Pour que nos actions soient pures (sadacara), et qu'elles n'entraînent aucune conséquence matérielle, il suffit donc d'agir dans la conscience de Krsna. Srila Rupa Gosvami écrit, dans son Bhaktirasamrta-sindhu: "Celui qui met ses paroles et son corps, son mental et son intelligence au service du Seigneur, dans la conscience de Krsna, est parfaitement libéré en ce monde, même si ses actes semblent matériels." Affranchi du faux ego, il ne s'identifie nullement à son corps, pas plus qu'il ne s'en croit le possesseur. Il sait parfaitement que son corps et lui-même appartiennent à Krsna. Utilisant au service de Krsna tout ce qu'il possède (paroles, corps, mental, intelligence, vie, biens, etc.), il s'unit aussitôt à Lui. Telle est la perfection de la conscience de Krisna.
VERSET 12
TRADUCTION Au contraire de celui qui, sans union avec le Divin, convoite les fruits de son labeur et s'enlise ainsi dans la matière, l'âme établie dans la dévotion trouve, en M'offrant les résultats de tous ses actes, une paix sans mélange. TENEUR ET PORTEE Le bhakta et le matérialiste se distinguent par ce qui les attache. Krsna pour l'un, les fruits de ses actes pour l'autre. Celui qui s'attache à Krsna et agit seulement pour Lui plaire est certes libéré; il ne pense nullement à jouir du fruit de ses actes. Le Srimad-Bhagavatam explique que se préoccuper des résultats de l'action prouve qu'on demeure sous l'emprise de la, dualité, ignorant de la Vérité Absolue, Krsna, Dieu, la Personne Suprême. La dualité n'a aucune place dans la conscience de Krsna: tout ce qui existe est produit de l'énergie de Krsna, Dieu, la Personne Suprême, Vérité Absolue, qui est en tous points parfait. Et tout acte lié à Krsna est lui aussi de nature absolue; purement spirituel, il n'entraîne aucune conséquence d'ordre matériel. Le dévot de Krsna connaît donc une sérénité parfaite, contrairement à celui qu'assèche la soif maladive des fruits de l'acte, de la jouissance matérielle. Tout le secret de la conscience de Krsna consiste à réaliser que rien n'existe en dehors de Krsna. Qui comprend cela s'affranchit de toute crainte et connaît alors la paix suprême.
VERSET 13
TRADUCTION Quand l'âme incarnée domine sa nature inférieure, renonce, par la pensée, à toute action, elle vit en paix dans la cité aux neuf portes [le corps] et n'accomplit, ni ne cause, aucun acte matériel TENEUR ET PORTEE L'âme incarnée vit dans une cité à neuf portes: le corps, dont les actions sont, réglées, de façon automatique, par les trois gunas. Bien que l'âme incarnée soit forcée, par ses désirs, d'accepter le conditionnement d'un corps, elle peut, toujours si elle le désire, s'en affranchir. Car, c'est seulement pour avoir oublié sa nature supérieure qu'elle s'identifie au corps de matière et s'expose à la souffrance. Mais la conscience de Krsna permet à l'âme de retrouver sa position originelle, de sortir de sa prison de chair. Dès qu'on l'adopte, on s'élève au-delà de toute activité corporelle. Et celui qui règle par elle son existence, modifiant l'objet de ses préoccupations, vit heureux dans la cité aux neuf portes, que la Svetasvatara Upanisad décrit ainsi: "Dieu, la Personne Suprême, qui réside dans le corps de chacun, est le Seigneur de tous les êtres dans l'univers. Le corps comprend neuf portes: les deux yeux, les deux narines, les deux oreilles, la bouche, l'anus et l'orifice génital. Tant qu'il demeure conditionné, l'être s'identifie à ce corps, mais dès qu'il retrouve son identité en relation avec le Seigneur, présent en lui, il devient, même en ce corps, tout aussi libre que Lui." Le bhakta demeure donc non affecté par les actes du corps, intérieurs ou extérieurs.
VERSET 14
TRADUCTION L'être incarné, maître de la cité du corps, n'est jamais à l'origine d'aucun acte, non plus qu'il crée les fruits des actes ou engendre l'action chez autrui; tout est l'oeuvre des trois gunas. TENEUR ET PORTEE Comme on le verra dans le septième chapitre, l'être distinct participe de la même nature que Dieu, nature spirituelle, bien différente de la matière, cette autre nature dite inférieure. Pour une raison ou pour une autre, l'âme, de nature supérieure, est entrée, depuis des temps immémoriaux, en contact avec la matière. Le corps qu'habite temporairement l'âme conditionnée cause divers actes, dont celle-ci, pour avoir oublié sa nature première et voulu s'identifier à ce corps, doit, dans le cadre de la matière, subir les conséquences. Seule, en effet, l'ignorance, où il est plongé depuis des temps immémoriaux, garde l'être prisonnier du corps et le force à souffrir. Mais aussitôt qu'il se détache des actes du corps, il s'affranchit également de leurs suites. Tout au long de son séjour dans la cité du corps, l'être semble y régner en maître, mais en vérité, il ne possède pas le corps, pas plus qu'il n'est maître de ses actes et de leurs suites. Perdu au milieu de l'océan de l'existence matérielle, il lutte pour sa survie. Les vagues le ballotent sans qu'il puisse mettre un terme à son impuissance. La meilleure solution qui s'offre à lui pour sortir de cette mer houleuse est d'adopter la conscience de Krsna.
VERSET 15
TRADUCTION Jamais l'Etre Suprême ne peut être tenu pour responsable des actes, vertueux ou coupables, de quiconque. Mais l'être incarné ne s'en égare pas moins, car l'ignorance voile son savoir intérieur. TENEUR ET PORTEE Vibhuh: le mot s'applique au Seigneur Suprême, pour indiquer qu'il possède à l'infini chacune de ces six perfections: la beauté, la richesse, la renommée, la puissance, la sagesse et le renoncement. Toujours satisfait en Lui-même, Il n'est jamais affecté par les actes, coupables ou vertueux, des âmes distinctes. Il ne crée de condition particulière pour personne, mais ce sont les êtres eux-mêmes qui, égarés par l'ignorance, veulent jouir de certaines "conditions" de vie, et se rivent au boulet du karma. L'âme, par sa nature spirituelle, possède la connaissance absolue; mais à cause de son pouvoir limité, elle tend à subir l'influence de l'ignorance. Contrairement à l'âme infinitésimale (l'anu-atma), le Seigneur Suprême (le vibhu-atma) est omnipotent et omniscient. L'âme distincte est également libre de ses désirs, mais quels qu'ils soient, seul le Seigneur tout-puissant peut les satisfaire. Même lorsque l'âme s'égare dans ses désirs, c'est le Seigneur qui lui permet de les satisfaire, mais en aucun cas est-Il responsable du karma -les actes et leurs conséquences qu'engendrent les situations auxquelles aspire l'âme ainsi conditionnée. L'être lui même s'illusionne et s'identifie aux divers corps qu'il revêt, devenant dès lors la proie des souffrances et joies éphémères de l'existence. Le Seigneur, sous la forme du Paramatma, l'Ame Suprême, accompagne toujours l'être dans le corps; Il connaît donc tous ses désirs, comme celui qui se tient à proximité d'une fleur et en respire le parfum. Le désir est, dans l'âme incarnée, une forme de conditionnement tout à fait subtile; c'est en fonction de ses mérites que le Seigneur comble les souhaits de chacun. "L'homme propose, Dieu dispose", dit le proverbe. Et les hymnes védiques: "C'est le Seigneur qui permet aux êtres d'accomplir des actes vertueux, pour qu'ils s'élèvent graduellement. C'est Lui également qui les laisse commettre des actes coupables et ainsi prendre la direction de l'enfer. Bonheur et malheur reposent tout entiers sur Lui; selon Sa volonté, les êtres vont au ciel ou en enfer, comme un nuage emporté par le vent." L'être distinct n'a donc pas le pouvoir de satisfaire par lui-même ses désirs; seul le Seigneur peut combler tous ses vœux Egal envers tous, Krsna ne fait pas obstacle aux désirs qu'ont les âmes infinitésimales, à l'indépendance limitée; toutefois, Il met un soin particulier à guider celui qui veut revenir à Lui; Il l'encourage à tourner de plus en plus vers Lui ses désirs, afin de L'atteindre et de goûter ainsi un bonheur sans fin. L'âme incarnée, parce qu'elle souhaite demeurer à l'écart de la conscience de Krsna, cause sa propre perte. Bien que possédant, par nature, l'éternité, la connaissance et la félicité parfaites, elle se laisse, par sa fragilité, choir dans le gouffre de l'ignorance. Elle oublie sa condition naturelle, qui est de servir le Seigneur, et croit Celui-ci responsable de son conditionnement. Mais le Vedanta-sutra affirme: "Le Seigneur, contre les apparences, n'aime ni ne hait personne."
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