Septième chapitre.
La connaissance de l'absolu.
VERSET 16
TRADUCTION De quatre ordres, ô Arjuna, les vertueux qui avec dévotion Me servent: le malheureux, le curieux, l'homme qui poursuit la richesse et celui qui désire connaître l'Absolu, ô prince des Bharatas. TENEUR ET PORTEE Les vertueux, au contraire des mécréants décrits dans le verset qui précède, adhèrent strictement aux principes régulateurs donnés dans les Ecritures, à l'ensemble des lois sociales et morales, et sont, à des degrés divers, dévoués au Seigneur Suprême, d'où leur nom de sukrtinas. On les classe en quatre groupes: 1) ceux qui connaissent le malheur;Tous, sous diverses conditions, approchent le Seigneur Suprême en vue de Le servir, mais aucun ne le fait avec pureté, car en échange de leur dévotion, tous cherchent à combler certains désirs. La dévotion pure est dénuée de toute aspiration et de tout désir personnel, matériel. Le Bhakti-rasamrta sindhu la définit de cette manière: "L'on doit servir favorablement le Seigneur Suprême, Sri Krsna, avec un amour et une dévotion purement spirituels, en s'abstenant d'y mêler des motifs qui relèvent de l'intérêt personnel ou de la spéculation intellectuelle, et rechercher par là quelque récompense matérielle. Telle est la pure bhakti, la dévotion parfaite."Lorsque les quatre types d'hommes qui viennent au Seigneur pour Le servir se purifient pleinement au contact d'un pur bhakta, à leur tour, ils deviennent semblables à lui. Aux mécréants, il est très difficile de servir le Seigneur, car ils sont égoïstes, irréguliers dans leurs habitudes et sans but spirituel. Cependant, même eux, s'ils approchent un pur bhakta, peuvent devenir de purs dévots du Seigneur. Les hommes absorbés en des actes intéressés s'approchent parfois du Seigneur lorsque s'abat sur eux le malheur. Ils entrent alors en contact avec de purs bhaktas et adoptent, dans leur malheur, le service de dévotion. Ceux qui sont déçus de tout viennent parfois aussi en contact avec de purs bhaktas, et commencent à s'interroger sur Dieu. Les philosophes insipides eux aussi, parce que frustrés dans leurs recherches, s'intéressent parfois à Dieu et commencent à Le servir; ils dépassent alors la connaissance du Brahman impersonnel et du Paramatma, sis dans le cœur de chacun, pour en venir à concevoir la Forme personnelle de Dieu, et ce, par la seule grâce du Seigneur ou de Son pur dévot. Enfin, quand les malheureux, ceux qui ont besoin d'argent, ceux qu'anime la curiosité et ceux qui recherchent la connaissance sont affranchis de tout désir matériel et réalisent pleinement la différence entre gain matériel et progrès spirituel, ils deviennent des purs bhaktas. Tant qu'ils n'ont pas atteint la pureté, les bhaktas, tout en servant le Seigneur, continuent de poursuivre un but intéressé, de rechercher la connaissance matérielle, de chérir quelque autre objet intérieur. Il est donc nécessaire, pour atteindre à la pure dévotion, d'éliminer ces obstacles.
VERSET 17
TRADUCTION De tous, supérieur est le sage parfait au savoir, que le service de dévotion pur unit à Moi. Je lui suis très cher, comme il M'est aussi très cher. TENEUR ET PORTEE Affranchis de toute impureté, de tout désir matériel, le malheureux, le sans-le-sou, le curieux et le chercheur de la connaissance suprême, tous peuvent être des purs bhaktas. Mais parmi eux, celui qui approche le Seigneur en connaissance de la Vérité Absolue et libre de motifs personnels, celui-là devient vraiment pur. Et des quatre, celui qui adhère au service de dévotion en pleine connaissance est, dit le Seigneur, le plus grand. Car, en cultivant la connaissance, on réalise d'abord que le moi, l'être, se distingue du corps matériel qu'il habite; puis, en progressant sur cette voie, on découvre le Brahman impersonnel et le Paramatma. Que vienne alors la purification totale, et on prend finalement conscience de sa nature intrinsèque d'éternel serviteur de Dieu. En résumé, au contact des purs bhaktas, le malheureux, celui que poursuit le désir de quelque avantage matériel, celui qu'anime la curiosité et celui qui possède la connaissance, tous se purifient. Mais celui qui, dès le début, approche le Seigneur Suprême avec dévotion, en pleine connaissance, celui-là est très cher au Seigneur. Qui détient la connaissance pure de la Vérité Absolue, de Dieu, la Personne Suprême, bénéficie d'une telle protection dans l'accomplissement de son service au Seigneur qu'aucune influence matérielle ne peut l'affecter.
VERSET 18
TRADUCTION Tous ces bhaktas sont certes des âmes magnanimes, mais celui qui Me connaît, Je considère qu'il vit en Moi. TENEUR ET PORTEE N'allons pas croire, cependant, que ceux qui servent le Seigneur avec une connaissance moins haute se voient privés de Son affection. Il les considère tous comme magnanimes, car quiconque vient à Lui, peu importe pour quels motifs, mérite le titre de mahatma, de "grande âme". Le Seigneur accepte également le service de ceux qui se vouent à Lui par intérêt, car il existe, là aussi, un échange d'amour. Avec affection, ils demandent au Seigneur une récompense matérielle, et quand ils l'obtiennent, ils sont tellement heureux que leur bonheur même les fait progresser sur la voie de la dévotion. Mais celui qui sert le Seigneur Suprême en pleine connaissance de cause n'en demeure pas moins particulièrement cher à Krsna, puisqu'il a pour unique motif de Le servir avec amour et dévotion. Un tel bhakta ne peut vivre un seul instant sans être en contact avec le Seigneur, ou sans Le servir. De même, le Seigneur, très attaché à Son dévot, ne peut être séparé de lui. Krsna Lui-même déclare, dans le Srimad-Bhagavatam: "Je porte toujours Mes dévots en Mon cœur, comme ils Me portent toujours dans leur coeur. De même que Je suis tout pour eux, Moi, Je ne peux les oublier. La relation la plus intime M'unit aux purs bhaktas. Etablis dans la connaissance, ils ne perdent jamais le lien spirituel qui les unit à Moi; aussi Me sont-ils très chers."
VERSET 19
TRADUCTION Absorbé dans Mon service absolu, il vient à Moi. Après de nombreuses renaissances, lorsqu'il sait que Je suis tout ce qui est, la Cause de toutes les causes, l'homme au vrai savoir s'abandonne à Moi. Rare un tel mahatma. TENEUR ET PORTEE Par l'accomplissement du service de dévotion ou des diverses pratiques spirituelles, l'homme peut, après de très nombreuses vies, atteindre à la connaissance pure et voir Dieu, la Personne Suprême, comme le but ultime de la réalisation spirituelle. Au début, le néophyte, luttant pour détruire ses attaches matérielles, tend à se laisser entraîner vers la "théologie négative" de l'impersonnalisme; mais en progressant sur la voie, il comprend qu'il existe aussi des activités spirituelles, lesquelles constituent le service de dévotion. Il commence alors à s'attacher au Seigneur Suprême en tant que Personne, pour finalement s'abandonner à Lui. Il réalise alors que rien n'a plus d'importance que la miséricorde de Krsna, que Krsna est la cause de toutes les causes et que l'univers matériel n'a, hors de Lui, aucune indépendance propre. Il comprend que ce monde n'est qu'une manifestation fragmentaire de la diversité spirituelle et que tout est lié au Seigneur Suprême, Sri Krsna. Il voit tout en relation avec Vasudeva, ou Sri Krsna, et cette vision universelle le projette vers le but ultime, l'abandon total au Seigneur Suprême, Sri Krsna. Mais infiniment rare est un tel mahatma. On trouve ce verset expliqué au troisième chapitre de la Svetasvatara Upanisad "Dans le corps se trouvent les pouvoirs de parler, de voir, d'entendre, de penser même, mais tous ces actes n'ont de valeur que liés au Seigneur Suprême. Parce que Vasudeva est omniprésent, parce que tout est Vasudeva, le sage, en pleine connaissance, s'abandonne entièrement à Lui."
VERSET 20
TRADUCTION Ceux dont le mental est déformé par les désirs matériels se vouent aux devas; ils suivent, chacun selon leur nature, les divers rites propres à leur culte. TENEUR ET PORTEE Ceux qui sont lavés de toute souillure matérielle s'abandonnent au Seigneur Suprême et Le servent avec amour et dévotion. Mais non encore entièrement purifié, l'être conserve sa nature d'abhakta. Pourtant, s'ils s'en remettent au Seigneur, même ceux qu'envahissent encore les désirs matériels perdent rapidement leur attrait pour le monde extérieur, car, ayant emprunté la bonne voie, ils s'affranchissent bientôt de la concupiscence. Le Srimad-Bhagavatam enjoint à tous les êtres, qu'ils soient libres de tout désir matériel ou qu'ils en soient, au contraire, saturés, qu'ils aspirent encore à s'affranchir de la matière ou qu'ils soient déjà des purs bhaktas, désintéressés des plaisirs du monde, de s'abandonner à Vasudeva et de L'adorer. Le même texte nous apprend encore que des êtres à l'intelligence réduite, ayant perdu leur raison spirituelle, préfèrent rendre un culte aux devas, afin d'assouvir rapidement leurs désirs matériels, plutôt que d'aller sans détour à Dieu, la Personne Suprême; la cause en est le joug que font peser sur eux les trois gunas, plus particulièrement la passion et l'ignorance. Ils suivent donc les règles du culte aux devas et voient bientôt leurs souhaits exaucés. Mais, esclaves de la mesquinerie de leurs désirs matériels, ils ignorent le but suprême. Parce que les Vedas recommandent, pour obtenir temporairement certains bienfaits matériels, de rendre un culte aux devas (le soleil, par exemple, pour avoir la santé), ils croient ces derniers plus puissants, plus aptes à satisfaire leurs demandes que Dieu Lui-même. Mais le dévot du Seigneur ne se laisse pas égarer de la sorte, il sait bien que Krsna, la Personne Suprême, est le maître de tous, hommes ou devas. Ce que confirme d'ailleurs le Caitanya-caritamrta, où il est dit que seul Krsna, Dieu, est maître, et tous les autres êtres Ses serviteurs. Le pur bhakta, pour satisfaire ses besoins matériels, n'approche donc jamais les devas; il s'en remet entièrement au Seigneur Suprême et se satisfait pleinement de ce qu'il reçoit de Lui.
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