L'Upadesamrita L’enseignement de Rūpa Gosvāmī
VERSET 2
atyāhāraḥ prayāsaś ca TRADUCTION
Il verra bientôt s'altérer en lui le service de dévotion, celui qui se livre aux six formes d'occupations qui suivent: 1) consommer plus de nourriture ou entasser plus de richesses que nécessaire, 2) entreprendre de trop grands efforts pour gagner des bienfaints matériels difficilement accessibles, 3) débattre sans nécessité de questions matérielles, 4) adhérer strictement aux règles par pur amour des règles plutôt qu'en vue de favoriser le progrès spirituel, ou encore les négliger pour agir de manière indépendante, par caprice, 5) fréquenter des personnes à l'esprit matérialiste, qui ne montrent pas d'intérêt pour la Conscience de Kṛṣṇa, et 6) nourrir une soif ardente pour des réalisations d'ordre matériel.
TENEUR ET PORTEE L'homme est fait pour une existence simple vouée à de hautes pensées. Par ailleurs, tout être conditionné doit, sous l'emprise de l'énergie externe du Seigneur, peiner selon les lois de l'Univers matériel. Dieu, la Personne Suprême, possède trois énergies, ou puissances, principales: l'énergie interne (antaraṅga-śakti), l'énergie marginale (taṭastha-śakti), et l'énergie externe (bahiraṅga-śakti). Les êtres vivants constituent l'énergie marginale et se trouvent donc situés entre les énergies interne et externe du Seigneur. Les jīvātmās, les âmes infimes, serviteurs éternels du Seigneur Suprême, toujours subordonnés à Lui, peuvent se trouver sous l'emprise soit de Son énergie interne, soit de Son énergie externe. Recevant l'influence de l'énergie interne, ils agissent en accord avec leur nature originelle, et s'absorbent sans fin, avec dévotion, dans le service du Seigneur. Ce que corrobore la Bhagavad-gītā:
mahātmānas tu māṁ pārtha daivīṁ prakṛtim āśritāḥ bhajanty ananya-manaso jñātvā bhūtādim avyayam «Mais ceux qui ignorent l'égarement, ô fils de Pṛthā, les mahātmās, se trouvent sous la protection de la nature divine. Me sachant Dieu, la Personne Suprême, originel et intarissable, ils s'absorbent dans le service de dévotion.» (B.g., IX.13) Le mot «mahātmā» désigne un être à l'esprit large, par opposition aux esprits boiteux, ou étroits, dont le souci constant est de satisfaire leurs sens. Ces derniers «élargissent» parfois leur champ d'activité et adhèrent alors à quelque doctrine en «isme» — le nationalisme, l'humanitarisme, l'altruisme... — en vue de faire le bien autour d'eux. Ils peuvent ainsi renoncer à leur satisfaction propre pour celle d'autres êtres, tels que les membres de leur famille et de leur nation, voire d'une société entière, ou même de l'humanité, mais ce ne sont là, en dernière analyse, qu'autant de formes différentes de la recherche de la satisfaction personnelle, dite alors «déployée». D'un point de vue matériel, toutes ces activités peuvent prendre un caractère des plus favorables, mais elles n'en sont pas moins dépourvues de valeur spirituelle; car toutes reposent sur le plaisir des sens, égocentrique ou déployé. Seul peut être appelé mahātmā, ou «esprit large», celui qui comble les Sens du Seigneur Suprême.
Dans le verset de la Bhagavad-gītā cité plus haut, les mots daivīṁ prakṛtim désignent l'influence de l'énergie interne, de la puissance de félicité du Seigneur Suprême, laquelle se trouve personnifiée par Śrīmatī Rādhārāṇī, ou par Lakṣmī, la déesse de la fortune, qui est son émanation. Sous l'influence de cette énergie, l'âme distincte, le jīva, se donne pour unique souci de satisfaire le Seigneur, Viṣṇu, ou Sri Kṛṣṇa.. Et telle est la position du mahātmā. Ceux qui ne possèdent pas cette ouverture d'esprit, on les nomme durātmā, ou pauvres d'esprit; ils se placent sous l'influence de l'énergie externe du Seigneur, de Sa mahāmāyā. De ces déboires, le principal auquel se heurte l'âme conditionnée réside en la répétition des naissances, de la maladie, de la vieillesse et de la mort. Mais il lui faut aussi, pendant son séjour en ce monde, satisfaire aux besoins du corps; or, comment y parvenir, et de manière à favoriser l'épanouissement en soi de la conscience de Kṛṣṇa ? L'homme requiert, pour subsister, des aliments végétaux, des vêtements, de l'argent, etc., mais il ne lui faut jamais amasser plus que l'essentiel. Celui qui observe ce principe naturel n'éprouvera aucun mal à répondre aux besoins du corps. De par les lois naturelles, jamais les êtres appartenant aux espèces inférieures dans l'échelle de l'évolution ne mangent ni n'amassent plus qu'il ne leur est nécessaire. Ainsi ne trouve-t-on parmi eux nulle carence. Pour eux, le problème économique ne se pose pas. Si on laisse un sac de riz sur la voie publique, les oiseaux viendront en manger quelques grains et repartiront ensuite. Un homme, lui, prendra possession du sac entier, mangera autant de riz que son estomac peut en contenir et gardera le reste en réserve. Les Ecritures condamnent un tel comportement (atyāhāra ), et enjoignent à l'homme «de ne pas entasser plus qu'il ne faut». C'est parce qu'il a manqué à cette règle que le monde d'aujourd'hui connaît la souffrance. Le désir d'amasser et manger plus que nécessaire engendrera par ailleurs un vain labeur (prayāsa). Dieu a fait en sorte que tout homme puisse vivre paisiblement, en toute région du monde, pourvu qu'il ait à sa disposition une parcelle de terrain et une vache laitière. Il ne lui est nullement nécessaire de se déplacer sans fin pour assurer sa subsistance, puisque, là où il se trouve, la terre et la vache peuvent réunies lui fournir tous ses aliments. Telle est la solution à tous les problèmes économiques. L'homme se voit, parmi les êtres, béni d'une intelligence supérieure, afin qu'il puisse développer sa conscience de Kṛṣṇa, c'est-à-dire développer sa compréhension de Dieu, renouer son lien avec Lui, et ainsi atteindre le but ultime de l'existence: le pur amour de Dieu. Hélas, l'homme «civilisé», oublieux de la réalisation spirituelle, use de son intelligence à seule fin d'entasser des biens superflus et ne mange que pour satisfaire sa langue. Par la volonté de Dieu, l'homme n'a aucun mal à produire lait et céréales en quantité suffisante pour nourrir la terre entière; mais plutôt que d'utiliser son intelligence supérieure en vue de développer sa conscience de Dieu, il en mésuse, et l'emploie à créer l'inutile, l'indésirable. D'où les usines, les abattoirs, les maisons de prostitution, les débits de boissons alcooliques, etc. Lorsqu'on donne au matérialiste moderne le conseil de ne pas entasser trop de biens, de ne pas manger trop ou de ne pas s'engager en un vain labeur, en vue d'un confort artificiel, il pense aussitôt qu'on lui demande de régresser, de vivre comme un primitif. C'est qu'en règle générale, les hommes ne chérissent guère l'idée d'une vie simple vouée à de hautes pensées. Telle est leur infortune. La vie a pour but la réalisation de Dieu; voilà pourquoi l'homme est doté d'une intelligence supérieure. Et les hommes qui l'ont compris ont le devoir de mettre en pratique les enseignements des Ecritures védiques. Car, celui qui applique ces enseignements sous la direction d'une autorité en la matière peut gagner de s'établir dans le parfait savoir, donnant ainsi à sa vie un sens réel. Dans le Śrīmad-Bhāgavatam (1.2.9) Śrī Sūta Gosvāmī définit de la façon suivante le dharma de l'homme:
dharmasya hy āpavargyasya nārtho 'rthāyopakalpate nārthasya dharmaikāntasya kāmo lābhāya hi smṛtaḥ «Toute occupation de l'homme doit avoir pour but ultime la libération, aucune ne doit être accomplie en vue de quelque bienfait matériel. D'autre part, celui qui emprunte la voie de l'occupation ultime, du service suprême, ne doit jamais utiliser pour la satisfaction des sens les bienfaits matériels qui s'offrent à lui. Voilà ce qu'affirment les grands sages.» (.S.B., 1.2.9) La civilisation humaine demande d'abord que chacun accomplisse les devoirs et occupations qui lui incombent en conformité avec les prescriptions scripturaires. L'intelligence de l'homme, supérieure, devrait être cultivée de manière à lui permettre de saisir la nature essentielle du arma, de l'occupation, ou «religion», ultime. Il existe, dans les diverses sociétés humaines, divers concepts définissant la religion, et qui empruntent les noms d'Hindouisme, de Christianisme, de Judaïsme, d'Islam, de Bouddhisme, etc.; c'est ce sentiment religieux qui distingue l'homme de la gent animale. Comme l'enseigne le verset cité plus haut: dharmasya hy āpavargyasya nārtho 'rthāyopakalpate, le but de la religion est de permettre à l'homme d'atteindre à l'émancipation spirituelle, et non pas d'obtenir son pain de chaque jour. Il arrive qu'une société crée un système religieux visant à favoriser le progrès matériel, mais le but du véritable dharma est tout autre. La religion, ou dharma, permet de comprendre les lois de Dieu, pour ensuite s'y conformer, ce qui représente le seul moyen pour secouer le joug de la matière. Tel est le vrai but de la religion. Malheureusement, par convoitise de la prospérité matérielle (atyāhāra ), les hommes pratiquent le plus souvent la religion dans un but intéressé. Pourtant, la religion véritable demande aux hommes que tout en se consacrant à la Conscience de Kṛṣṇa., ils se satisfassent du minimum vital. Certes, nous devons acquérir des biens, pour assurer notre subsistance, mais seulement dans la mesure où ils sont requis pour combler les besoins essentiels du corps. Voilà ce qu'enseigne la vraie religion. Jīvasya tattva jijñāsā: la vie a pour but premier de s'enquérir de la Vérité Absolue. Et si ce n'est pas à la poursuite de ce but que nous engageons nos efforts (prayāsa), ce sera pour satisfaire toujours davantage les besoins superflus du corps. Or, quiconque aspire à la réalisation spirituelle doit éviter une telle orientation de ses efforts. Un autre obstacle à la vie spirituelle réside dans les vains propos (prajalpa). Nous rencontrons des amis: aussitôt affluent les propos inutiles, semblables aux coassements des crapauds. Si nous devons émettre des paroles, que ce soit pour propager le Mouvement pour la Conscience de Kṛṣṇa. En dehors de la Conscience de Kṛṣṇa, on aime à lire des piles de jounaux, de revues, de romans, à faire des mots croisés, ou autres inepties de la même farine. Tous perdent ainsi un temps et une énergie précieux. En Occident, les vieillards, les retraités, jouent aux cartes, vont à la pêche, regardent la télévision et discutent «politique». Inepties et frivolités de ce genre relèvent du prajalpa. Jamais les hommes d'intelligence, orientés vers la Conscience de Kṛṣṇa, ne doivent s'adonner à de telles activités. Par les mots Jana-saṅga, on désigne la fréquentation d'hommes qui ne montrent pas d'intérêt pour la Conscience de Kṛṣṇa; c'est une compagnie que tous devraient soigneusement éviter. Śrīla Narottama dāsa Ṭhākura nous recommande d'ailleurs expressément de ne vivre qu'en la compagnie de bhaktas, d'êtres conscients de Kṛṣṇa. (bhakta-sane vāsa). Le désir de chacun doit être de s'engager constamment dans le service du Seigneur en compagnie de bhaktas. Il est un principe général, que celui qui désire se spécialiser en telle ou telle profession trouve tout avantage à se lier avec des personnes engagées dans cette voie. Suivant ce principe, les matérialistes constituent divers groupements, associations et clubs, en vue d'accélérer leur progrès. Dans le monde des affaires, par exemple, on trouve des Bourses, des chambres de commerce, etc. Quant à nous, nous avons choisi de fonder l'Association Internationale pour la Conscience de Kṛṣṇa, pour permettre aux hommes de profiter de la compagnie d'êtres qui n'ont pas oublié Kṛṣṇa. Ce Mouvement spirituel prend une ampleur croissante, et nombreux sont ceux qui, dans toutes les parties du monde, joignent ses rangs, afin d'éveiller en eux leur conscience de Kṛṣṇa, maintenant assoupie. Śrīla Bhaktisiddhānta Sarasvatī Ṭhākura écrit, dans son Anuvṛtti, que les efforts outrés des arides théoriciens et des philosophes spéculatifs en vue d'acquérir le savoir relèvent de l'atyāhāra , de l'accumulation excessive des biens. Le Śrīmad-Bhāgavatam ajoute que leurs efforts à écrire tant d'ouvrages — qui ne traitent, en fait, que de philosophie sèche et impraticable — dénués de toute conscience de Kṛṣṇa, se révèlent parfaitement vains. De même, les efforts des karmīs pour publier des masses d'ouvrages destinés à favoriser le développement économique relèvent de l'atyāhāra . Tombent en fait sous cette catégorie les efforts de tous ceux qui, en l'absence de tout désir de devenir conscients de Kṛṣṇa, s'acharnent à accroître leurs possessions matérielles, qu'il s'agisse de gains monétaires ou d'un accroissement des connaissances scientifiques. Si les karmīs peinent tant afin d'accumuler toujours plus de richesses pour leurs descendants, c'est uniquement par ignorance de leur condition future. Les exemples abondent. Celui, entre autres, d'un parfait karmī, lequel avait amassé une grande fortune, qu'il transmit à ses héritiers. Or il dut, selon son karma, reprendre naissance dans la famille d'un cordonnier, non loin de la maison qu'il avait fait construire dans sa vie précédente pour ses enfants. Notre cordonnier se présente un jour à son domicile d'antan, dont les maîtres, ses propres fils, irrités contre lui, le frappent de leurs chaussures... A moins de se tourner vers la Conscience de Kṛṣṇa, karmīs et jñānīs continueront simplement de gâcher leur existence en vains efforts. Accepter certaines règles des sāstras (Ecritures révélées) afin d'en retirer un bénéfice immédiat, comme le prônent les utilitaristes, s'appelle niyama-āgraha. Et le fait de négliger les préceptes scripturaires, lesquels visent à nous faire progresser sur la voie spirituelle, s'appelle niyama-agraha. Le mot āgraha signifie «ardent désir d'accepter», et agraha «refus d'accepter». En ajoutant l'un ou l'autre de ces mots à niyama, «règles», ou «principes régulateurs», on obtient le terme niyamāgraha. Ce dernier peut donc, selon le contexte, prendre deux sens différents. Ceux qui cherchent à développer leur conscience de Kṛṣṇa ne devraient pas adhérer avec empressement aux prescriptions des Ecritures pour l'accroissement des biens matériels; mais ils doivent au contraire accepter de grand coeur, avec foi, les principes régulateurs permettant de progresser sur la voie de la Conscience de Kṛṣṇa, et les observer avec la plus parfaite rigueur. Ces premières règles consistent à s'abstenir de toute activité sexuelle illicite, à ne pas consommer la chair des animaux, à rejeter tout jeu de hasard et à ne faire usage d'aucun excitant ou substance enivrante. Il est également recommandé qu'on évite la compagnie des Māyāvādīs, parce qu'ils ne cessent de blasphémer contre les Vaiṣṇavas, les bhaktas; mais encore celles des Bhukti-kāmīs, qui ne s'intéressent qu'aux plaisirs matériels, des mukti-kāmīs, qui cherchent la libération en essayant de se fondre dans l'existence du Brahman, l'aspect sans forme de l'Absolu, et enfin des siddhi-kāmīs, qui sédirent goûter les fruits que confère la pratique parfaite du yoga visant au développement des pouvoirs surnaturels. Tous sont comptés parmi les atyāhārīs, les êtres dont il faut rejeter la compagnie comme indésirable. Le désir d'étendre la puissance du mental par la pratique toujours plus parfaite du yoga, le désir de se fondre dans l'existence du Brahman, le désir d'atteindre à la prospérité matérielle, toujours capricieuse, tout cela relève de l'avidité (laulya). Tout effort visant à obtenir de tels bienfaits matériels (même s'ils se déguisent en prétendus progrès spirituels) représente un obstacle sur la voie de la Conscience de Kṛṣṇa. Les conflits qui opposent aujourd'hui capitalistes et communistes viennent de ce qu'ils ne suivent pas le conseil donné par Śrīla Rūpa Gosvāmī en ce qui touche à l'atyāhāra . Les capitalistes entassent plus de richesse qu'il n'est nécessaire, et les communistes, jaloux de leur prospérité, prônent la nationalisation de toutes les ressources, de tous les biens. Mais le problème reste entier, puisque les communistes eux-mêmes ignorent comment régler la question du partage des richesses. Ainsi, même lorsque la fortune des capitalistes tombe entre leurs mains, ils demeurent incapables d'en faire meilleur usage. Au contraire de ces deux philosophies, le système de pensée propre à la Conscience de Kṛṣṇa proclame que toute richesse appartient à Kṛṣṇa. Ainsi, tant qu'on ne remettra pas tous les biens aux mains de Kṛṣṇa, aucune solution ne sera trouvée aux problèmes économiques. Ce n'est pas en enrichissant les capitalistes ou les communistes qu'on accomplira quoi que ce soit. L'homme qui trouve dans la rue un billet de cinq cent francs et l'empoche est certes malhonnête. Celui qui décide de laisser le billet où il est, considérant qu'il ne doit pas prendre ce qui ne lui appartient pas, bien qu'il ne fasse pas de l'argent sa propriété, manque cependant d'accomplir le geste correct. Mais un troisième ramassera le billet, en trouvera le propriétaire et le lui rendra. Il ne s'empare pas du bien d'autrui pour servir ses propres fins, ni ne le néglige en le laissant traîner dans la rue. Il prend simplement le billet pour le rendre à son propriétaire: de celui-là, on dira qu'il est sage et honnête. De même, il a été démontré que lorsqu'un communiste prend possession de quelque argent, il l'utilise pour son propre plaisir, pour la satisfaction de ses sens. Et voilà justement la raison pour laquelle on ne saurait résoudre les problèmes politiques actuels en faisant passer les richesses des mains des capitalistes aux mains des communistes. Les richesses du monde appartiennent en fait à Kṛṣṇa, et chaque être, homme ou bête, a le droit légitime d'utiliser les biens du Seigneur pour assurer sa subsistance. Mais s'il s'approprie plus que ne l'exigent ses besoins vitaux, il devient un voleur — peu importe qu'il soit capitaliste ou communiste —, et passible d'être puni par les lois de la nature. Les richesses du monde doivent être utilisées pour le bien-être de tous les vivants, car ainsi le veut Mère Nature. Tous possèdent le droit de vivre en usant des richesses du Seigneur, et dès que les hommes connaîtront l'art de les utiliser avec science, ils cesseront de se léser mutuellement. Alors seulement paraîtra une société parfaite. Le principe à la base d'une telle société, dès lors tout entière spirituelle, on le trouve énoncé dans le premier mantra de la Śrī Īśopaniṣad :
īśāvāsyam idaṁ sarvaṁ yat kiñca jagatyāṁ jagat tena tyaktena bhuñjīthā mā gṛdhaḥ kasya svid dhanam «De tout ce qui existe en cet univers, de l'animé comme de l'inanimé, le Seigneur est Maître et Possesseur. Nous ne devons donc user que du nécessaire et ne prendre que la part qui nous est assignée, sachant bien à Qui tout appartient.» Les bhaktas, imprégnés de conscience de Kṛṣṇa, savent bien que l'Univers matériel a été conçu par le Seigneur de manière à répondre parfaitement aux moindres besoins de tous les êtres, et sans que quiconque n'ait à empiéter sur les droits et l'existence d'autrui. Cet ordre parfait assure à chacun la part de richesse nécessaire pour combler ses besoins réels, de sorte que tous puissent vivre paisiblement selon le principe d'une vie simple vouée à de hautes pensées. Les matérialistes, cependant, parce qu'ils n'ont aucune foi dans le plan divin ni aucun désir de développer en eux une conscience supérieure, font de leur intelligence —don de Dieu— un usage inconsidéré; ils l'utilisent à seule fin d'accroître leurs possessions matérielles, et c'est là un grand malheur. Les nombreux systèmes qu'ils élaborent, et parmi eux le capitalisme et le communisme matérialiste, ont tous pour but de rendre meilleure leur condition matérielle. Ils n'accordent aucun intérêt aux lois de Dieu ou à un but supérieur; et parce qu'ils brûlent sans cesse de satisfaire leurs innombrables désirs matériels, ils brillent par leur adresse à exploiter tous ceux qu'ils côtoient. Lorsque l'homme abandonnera les pratiques nocives de base (l'atyāhāra , etc.) que décrit Śrīla Rūpa Gosvāmī dans ce second verset, cessera toute inimitié entre hommes et bêtes, communistes et capitalistes, ou à toute autre échelle. Tout dérèglement, ou toute instabilité économique ou politique disparaîtront. La pureté de conscience qui permet un tel achèvement s'acquiert par une éducation spirituelle et une pratique appropriées: celles qu'offre de façon scientifique le Mouvement pour la Conscience de Kṛṣṇa. L'Association Internationale pour la Conscience de Kṛṣṇa donne au monde l'exemple d'une vie spirituelle capable de lui donner la paix. Tout homme d'intelligence devrait donc purifier sa conscience et s'affranchir des six obstacles, freins à l'accomplissement du service de dévotion, mentionnés dans notre verset, en prenant pleinement refuge en ce Mouvement pour la Conscience de Kṛṣṇa. |