Etre conscient de notre condition originelle

"La conscience de Kṛṣṇa n'est rien d'autre que votre conscience originelle", explique Śrila Prabhupāda à Sandy Nixon, une journaliste indépendante. "Une épaisse couche de poussière la couvre maintenant. Vous devez donc l'en débarrasser pour qu'elle réapparaisse alors dans sa pureté originelle. Notre conscience est comme l'eau pure. L'eau est limpide de nature, mais lorsqu'elle devient boueuse, il suffit de la filtrer pour qu'elle retrouve sa pureté, sa limpidité première."

Mlle Nixon: Ma première question sera des plus fondamentales. Qu'est-ce que la conscience de Kṛṣṇa ?

Śrila Prabhupāda: "Kṛṣṇa" signifie Dieu. Nous Lui sommes tous intimement liés car Il est notre père originel. Mais nous avons oublié ce lien; aussi, lorsque nous nous demandons: "Quelle relation ai-je avec Dieu ? Quel est le but de ma vie ?", voilà ce que l'on appelle être conscient de Kṛṣṇa.

Mlle Nixon: Comment la conscience de Kṛṣṇa se développe-t-elle en celui qui la pratique ?

Śrila Prabhupāda: La conscience de Kṛṣṇa repose déjà au plus profond du coeur de chacun, mais parce que nous sommes conditionnés par l'existence matérielle, nous l'avons oubliée. Or, le chant du maha-mantra:

hare kṛṣṇa hare kṛṣṇa kṛṣṇa kṛṣṇa hare hare
hare rāma hare rāma rāma rāma hare hare

ravive cette conscience innée en l'être. Par exemple, voici quelques mois, ces jeunes, garçons et filles d'Amérique et d'Europe, ne savaient rien de Kṛṣṇa; pourtant, hier nous avons vu comment ils chantaient Hare Kṛṣṇa et dansaient d'extase durant toute la procession du ratha-yatra (fête annuelle célébrée dans les grandes villes du monde par le Mouvement pour la Conscience de Kṛṣṇa). Croyez-vous que cela n'était pas naturel ? Personne ne peut se forcer à chanter et à danser pendant plusieurs heures. Ils ont réellement éveillé leur conscience de Kṛṣṇa en suivant une voie authentique. Le Caitanya-caritāmṛta explique à ce propos :

nitya-siddha kṛṣṇa-prema ‘sādhya’ kabhu naya
śravaṇādi-śuddha-citte karaye udaya

(C.c., Madhya 22.107)

La conscience de Kṛṣṇa repose à l'état latent dans le coeur de chacun et elle s'éveille lorsqu'on entre au contact des bhaktas. La conscience de Kṛṣṇa n'a rien d'artificiel; de même qu'un jeune garçon voit s'éveiller en lui une attirance naturelle pour une jeune fille, celui qui écoute ce qui a trait à Kṛṣṇa en la compagnie des bhaktas, éveille sa conscience de Kṛṣṇa jusqu'alors assoupie.

Mlle Nixon: Ne peut-on aussi développer la conscience du Christ ?

Śrila Prabhupāda: La conscience du Christ et la conscience de Kṛṣṇa sont synonymes, mais parce qu'aujourd'hui l'homme ne respecte plus les lois et les principes du christianisme —c'est-à-dire les commandements de Jésus-Christ—, il ne s'élèvera pas au niveau de la conscience divine.

Mlle Nixon: En quoi la conscience de Kṛṣṇa se distingue-t-elle de toutes les religions ?

Śrila Prabhupāda: Essentiellement, "religion" signifie connaître et aimer Dieu. Voilà ce qu'on entend par religion. Or, aujourd'hui, par manque d'éducation, personne ne connaît Dieu, que dire de L'aimer. Dans l'ensemble, les gens se contentent d'aller à l'église pour prier: "Donne-nous aujourd'hui notre pain quotidien". Selon le Śrimad-Bhāgavatam , il s'agit là d'une démarche malhonnête puisque son but n'est pas de connaître et d'aimer Dieu, mais bien d'en tirer un profit personnel. En d'autres mots, si je prétends suivre une certaine religion, sans rien connaître de Dieu ni de la façon dont je dois Lui porter mon amour, ma "religion" n'est qu'artifice. Certes, le christianisme procure amplement l'opportunité de comprendre Dieu, mais personne ne s'en soucie vraiment. Par exemple, la Bible commande: "Tu ne tueras point !" et pourtant les abattoirs les plus modernes ne sont-ils pas conçus par des chrétiens ? Comment peuvent-ils devenir conscients de Dieu s'ils violent les commandements de Jésus-Christ ? On peut d'ailleurs en dire autant de toutes les religions. Les dénominations "hindou", "musulman" ou "chrétien" ne sont que des étiquettes portées par des hommes qui ne savent pas qui est Dieu ni comment L'aimer.

Mlle Nixon: Comment distinguer un maître spirituel authentique d'un charlatan ?

Śrila Prabhupāda: Celui qui enseigne l'art de connaître et d'aimer Dieu est un maître spirituel. Parfois, certaines crapules trompent les masses en proclamant qu'ils sont Dieu, et ceux qui ne savent rien du Seigneur les croient sur parole. Il faut se montrer très sérieux si on veut comprendre qui est Dieu et comment. L'aimer. Sinon, ce ne sera que perte de temps. Ce qui différencie notre Mouvement de tous les autres, c'est que nous seuls pouvons réellement enseigner l'art de connaître et d'aimer Dieu. Nous présentons la science qui consiste à connaître Kṛṣṇa, la Personne Suprême, par la mise en pratique des enseignements de la Bhagavad-Gītā et du Śrimad-Bhāgavatam. Ces ouvrages nous enseignent que notre seul devoir consiste à aimer Dieu. Nous n'avons pas à Lui demander de subvenir à nos besoins car Il prend soin de tous les êtres —même de celui qui n'a aucune religion. Les chiens et les chats, par exemple, n'ont pas de religion, pourtant Kṛṣṇa veille sur eux. Alors, pourquoi importuner Kṛṣṇa au sujet de notre pain quotidien puisqu'Il nous le procure d'ores et déjà ? La véritable religion est celle qui nous enseigne à aimer Dieu. Le Śrimad-Bhāgavatam dit à ce sujet :

sa vai puṁsāṁ paro dharmo
 yato bhaktir adhokṣaje
ahaituky apratihatā
 yayātmā suprasīdati

(.S.B., 1.2.6)

La religion de premier ordre révèle comment aimer Dieu sans aucune motivation.. Servir Dieu pour en tirer un gain quelconque relève du commerce —pas de l'amour. Le véritable amour pour Dieu est ahaituky apratihata: il est inconditionnel et aucune cause matérielle ne peut lui faire obstacle. Rien ne peut arrêter celui qui désire vraiment aimer Dieu, peu importe qu'il soit riche ou pauvre, jeune ou vieux, noir ou blanc.

Mlle Nixon: Tous les sentiers mènent-ils au même but ?

Śrila Prabhupāda: Non, il y a quatre catégories d'hommes —les karmis, les jñanis, les yogis et les bhaktas— et tous atteignent un but différent. Le karmi, agit en vue d'un bénéfice matériel. On en trouve beaucoup par exemple dans les villes, qui peinent jour et nuit pour de l'argent. Ce sont donc des karmis, des hommes qui agissent de façon intéressée. Le jñani, lui, pense ainsi: "Pourquoi travailler si dur ? Les oiseaux, les abeilles, et même les éléphants mangent à leur faim bien qu'ils soient sans profession. Alors pourquoi s'exténuer inutilement. Essayons plutôt de résoudre les véritables problèmes de la vie —la naissance, la mort, la vieillesse et la maladie." Quant au yogi, il cherche à obtenir des pouvoirs surnaturels pour accomplir des merveilles. Il peut, par exemple, se faire très petit: si vous l'enfermez à clé dans une pièce, il pourra en sortir par la moindre fissure. De semblables tours de magie lui valent la réputation d'un être merveilleux. Bien sûr, nos yogis modernes ne montrent que des talents de gymnastes car ils ne détiennent aucun pouvoir réel. Le vrai yogi, lui, possède certains pouvoirs d'ordre matériel, qui n'ont rien de spirituel. Bref, le yogi recherche les pouvoirs surnaturels, le jñani veut s'affranchir des souffrances de l'existence, et le karmi convoite un gain matériel. Or, le bhakta —le dévot du Seigneur— ne désire rien pour lui-même. Il ne veut que servir Dieu par amour comme une mère se dévoue pour son enfant: pour elle, la question d'intérêt personnel n'entre absolument pas en ligne de compte; c'est par affection pure qu'elle l'entoure de soins.

Vous n'atteindrez la perfection que lorsque vous serez parvenu à un tel stade d'amour pour Dieu. Le karmi, le jñani et le yogi ne peuvent connaître Dieu; seulement le bhakta. Comme Kṛṣṇa le dit dans la Bhagavad-Gītā, bhaktya mam abhijanati: "A travers le service de dévotion, et seulement ainsi peut-on Me connaître tel que Je suis." (B.g., XVIII.55) Kṛṣṇa n'a recommandé aucune autre voie pour Le connaître. Si vraiment vous voulez Le connaître et L'aimer, alors vous devez accepter la voie dévotionnelle et nulle autre. Les autres processus, quels qu'ils soient, ne vous serviront à rien.

Mlle Nixon: Quel changement s'opère en celui qui suit cette voie ?

Śrila Prabhupāda: Il ne s'agit pas de changement. La conscience de Kṛṣṇa n'est rien d'autre que votre conscience originelle mais une épaisse couche de poussière la couvre maintenant. Vous devez l'en débarrasser pour qu'elle retrouve sa pureté originelle. Notre conscience est comme l'eau pure. L'eau est limpide de nature, et lorsqu'elle devient boueuse, il suffit de la filtrer pour qu'elle retrouve sa pureté, sa limpidité première.

Mlle Nixon: Peut-on s'améliorer sur le plan social en devenant conscient de Kṛṣṇa ?

Śrila Prabhupāda: Oui, vous pouvez constater que mes disciples ne sont pas des ivrognes, ni des mangeurs de viande et qu'ils sont physiologiquement très sains, désormais à l'abri de toute maladie sérieuse. A vrai dire, le fait de ne plus manger de viande n'est pas vraiment un signe de conscience de Kṛṣṇa mais de vie civilisée. Dieu a donné à l'homme une nourriture si variée et abondante: de délicieux fruits, légumes et céréales, et le lait, qui est un aliment de première qualité. On peut préparer des centaines de mets nutritifs à partir du lait, mais personne n'en connaît plus l'art. Aujourd'hui, on préfère entretenir d'immenses abattoirs et manger de la viande. L'humanité n'est pas même civilisée: seul l'homme à l'état sauvage ira tuer des pauvres bêtes pour les manger.

L'homme véritablement civilisé, lui, connaîtra l'art de préparer des mets nutritifs à partir du lait. A la Nouvelle-Vrndavana, par exemple, dans notre communauté rurale de West Virginia aux Etats-Unis, nous faisons des centaines de produits laitiers, tous merveilleux. Les visiteurs s'étonnent toujours de voir qu'on peut obtenir tant de préparations délicieuses à partir du lait. Le sang de la vache est certes très riche en matières nutritives, mais l'homme civilisé en bénéficie sous forme de lait. Le lait, en effet, n'est rien d'autre que le sang de la vache, transformé. On peut en tirer tant de sous-produits: du yaourt, du fromage, du ghi (beurre clarifié)... Et en les mélangeant à des céréales, à des fruits et à des légumes, on obtient ainsi des centaines de préparations. Voilà ce qu'on entend par civilisation, et non tuer directement un animal pour dévorer sa chair. En toute innocence, les vaches se nourrissent de l'herbe que leur donne le Seigneur et elles produisent le lait dont l'homme se nourrit. Croyez-vous que ce soit civilisé de leur trancher la gorge pour ensuite manger leur chair ?

Mlle Nixon: Non, je suis entièrement d'accord avec vous... Je suis par ailleurs très curieuse vis-à-vis d'un point particulier: doit-on accepter les Vedas à la lettre ou bien peut-on également leur accorder une valeur symbolique ?

Śrila Prabhupāda: Non. Il ne faut pas les prendre symboliquement mais tels qu'ils sont. C'est pourquoi nous présentons la Bhagavad-Gītā telle qu'elle est.

Mlle Nixon: Vos efforts visent-ils à faire revivre en Occident l'ancien système des castes ? La Gītā mentionne effectivement que...

Śrila Prabhupāda: A quel endroit la Bhagavad-Gītā fait-elle mention du système des castes ? Kṛṣṇa dit, catur-varnyarh māyā sream guna-karma-vibhagagah: "J'ai créé les quatre divisions de la société selon les tendances et les devoirs de l'homme." (B.g.,IV.13). Par exemple, vous pouvez voir que dans la société on trouve des ingénieurs ainsi que des médecins. Mais dites-vous qu'ils appartiennent à des castes différentes —que un tel appartient à la caste des ingenieurs et un tel autre, à celle des médecins ? Non, si quelqu'un s'est qualifié à l'école de médecine, vous l'acceptez comme médecin et si un autre a obtenu un diplôme d'ingénieur, vous l'accepterez comme tel. De même, la Bhagavad-Gītā partage la société en quatre groupes distincts: celui des hommes d'intelligence supérieure, celui des administrateurs, celui des producteurs et enfin, celui des simples travailleurs. Ces divisions sont naturelles. Prenons, par exemple, le groupe des hommes intelligents; pour répondre réellement aux qualifications propres aux hommes d'élite tels que les définit la Bhagavad-Gītā, ils devront nécessairement recevoir une formation, de même que tout garçon intelligent devra être formé par une université pour devenir un médecin qualifié. Ainsi, dans la conscience de Kṛṣṇa, les hommes intelligents apprennent à maîtriser leur mental ainsi que leurs sens, à devenir véridiques, propres, autant intérieurement qu'extérieurement, à faire preuve de sagesse, à appliquer leur savoir pratiquement dans la vie de tous les jours et à devenir conscients de Dieu. Tous ces garçons (Prabhupāda, d'un geste, désigne alors ses disciples) sont dotés d'une grande intelligence et nous leur enseignons comment en faire bon usage.

Nous ne sommes pas en train d'instaurer le système des castes, où n'importe quelle crapule née d'une famille de brahmanas sera d'emblée faite brahmana. Si bien que même s'il se comporte de la façon la plus vile, on le tiendra quand même pour un homme d'élite du fait qu'il soit né d'une famille de brahmana. Mais nous n'admettons pas une telle aberration. Il faut recevoir une formation Brahmanique. Peu importe qu'il soit Indien, Européen ou Américain; de basse ou de haute naissance, cela n'a aucune importance. Tout homme d'intelligence peut recevoir une formation qui l'amène à adopter des principes de vie supérieurs. Nous voulons faire cesser cette idée absurde qui veut que nous imposions le système des castes à nos disciples. Nous sélectionnons simplement des hommes intelligents et les formons de sorte qu'ils deviennent idéals à tout égard.

Mlle Nixon: Que pensez-vous de la libération de la femme ?

Śrila Prabhupāda: Cette prétendue égalité des droits est synonyme d'exploitation par l'homme. Supposez un homme et une femme qui se rencontrent, deviennent amoureux l'un de l'autre et ont des rapports sexuels; Lorsque la femme tombe enceinte, l’homme disparaît et elle doit alors subvenir aux besoins de l'enfant en allant mendier auprès de l'Etat ou bien tuer son enfant en recourant à l'avortement. Voilà ce qu'on appelle l'indépendance de la femme... En Inde, même si une femme vit dans la misère, elle demeure au moins sous la protection de son époux et celui-ci en est responsable. Lorsqu'elle est enceinte, elle ne se trouve pas dans l'obligation de tuer son enfant ou d'aller mendier pour le faire vivre. Dites-moi alors en quoi réside la véritable indépendance —demeurer sous la protection d'un époux ou devenir un objet de plaisir exploité par tous ?

Mlle Nixon: Et sur le plan spirituel —la femme peut-elle également réussir dans la conscience de Kṛṣṇa ?

Śrila Prabhupāda: Nous ne faisons aucune distinction de sexe. Nous offrons la conscience de Kṛṣṇa aussi bien à l'homme qu'à la femme. L'homme, la femme, le riche, le pauvre: tous sont les bienvenus. Kṛṣṇa dit dans la Bhagavad-Gītā:

vidyā-vinaya-sampanne
brāhmaṇe gavi hastini
śuni caiva śva-pāke ca
paṇḍitāḥ sama-darśinaḥ

"L'humble sage, éclairé du pur savoir, voit d'un oeil égal le brahmana noble et érudit, la vache, l'éléphant, ou encore le chien et le mangeur de chien." (B.g., V.18)

Mlle Nixon: Pouvez-vous m'expliquer la signification du mantra Hare Kṛṣṇa ?

Śrila Prabhupāda: C'est très simple. Hare signifie "O énergie du Seigneur" et Kṛṣṇa, "O Kṛṣṇa". De même que dans le monde matériel on trouve les deux principes mâle et femelle, ainsi Dieu est le mâle originel (purusa) et Son énergie (prakrti), le principe féminin originel. Donc, lorsque nous chantons Hare Kṛṣṇa, nous prions: "O Kṛṣṇa, ô énergie de Kṛṣṇa, acceptez que je vous serve."

Mlle Nixon: S'il vous plaît, pouvez-vous me raconter brièvement ce que fut votre vie et comment vous en êtes venu à réaliser que vous étiez le maître spirituel du Mouvement pour la Conscience de Kṛṣṇa ?

Śrila Prabhupāda: Mon histoire est très simple. J'étais marié et père de famille —je suis maintenant grand-père— lorsque mon maître spirituel m'ordonna d'aller en Occident pour y prêcher le culte de la conscience de Kṛṣṇa. J'ai donc tout quitté à sa requête, et maintenant j'essaie d'exécuter son ordre, et celui de Kṛṣṇa.

Mlle Nixon: Quel âge aviez-vous lorsqu'il vous a demandé de vous rendre en Occident ?

Śrila Prabhupāda: Dès notre première rencontre, il m'a ordonné d'aller prêcher la conscience de Kṛṣṇa en Occident. J'étais alors âgé de vingt-cinq ans, marié et père de deux enfants. J'ai essayé de mon mieux d'obéir à son ordre et commençai de publier la revue Back to Godhead en 1944, alors que j'étais encore chef de famille. Mais c'est en 1959, après avoir renoncé à la vie de famille, que je commençai d'écrire des livres. Enfin, en 1965, je suis parti pour les Etats-Unis.

Mlle Nixon: Vous avez dit que vous n'êtes pas Dieu. Pourtant, vu de l'extérieur, il semble bien que vos disciples vous traitent justement comme si vous l'étiez.

Śrila Prabhupāda: En effet, c'est leur devoir. Le maître spirituel doit être honoré au même titre que Dieu parce qu'il accomplit Sa volonté; tout comme le représentant de l'Etat doit recevoir un respect égal à celui offert au chef d'Etat lui-même, car il en exécute les ordres. Qu'un simple gendarme se présente chez vous, par exemple, et vous devrez le respecter puisqu'il sert l'Etat. Mais cela n'implique en rien qu'il soit lui-même chef d'Etat. Saksadharityena samasta-sastrair/uktas tatha bhavyata eva sadbhih: "Le maître spirituel doit être honoré au même titre que le Seigneur Suprême, car il en est le serviteur le plus intime; ce que confirment toutes les Ecritures, ce que reconnaissent toutes les autorités en matière spirituelle." (Gurv-astaka, VII)

Mlle Nixon: Je m'étonne aussi de toute cette opulence matérielle que vous offrent vos disciples. Par exemple, vous avez quitté l'aéroport dans une voiture de luxe. Je m'en étonne car...

Śrila Prabhupāda: Cela apprend aux disciples à considérer le maître spirituel comme l'égal de Dieu. Pour offrir au représentant du gouvernement le respect dû au chef d'Etat lui-même, vous devez le traiter avec considération. Par conséquent, si vous accordez autant de respect au maître spirituel qu'à Dieu Lui-même, vous devez lui offrir les mêmes avantages que vous offririez au Seigneur. Dieu pourrait Se déplacer dans un véhicule en or, et si les disciples n'offrent au maître spirituel qu'une voiture des plus ordinaires, cela ne pourra convenir puisqu'il doit être traité comme l'égal de Dieu.

Mlle Nixon: L'un des aspects de la conscience de Kṛṣṇa les plus difficiles à accepter pour l'observateur, est bien la présence de la murti (Forme de Kṛṣṇa) dans le temple —le fait qu'elle représente Kṛṣṇa. Pouvez-vous m'expliquer cela en quelques mots ?

Śrila Prabhupāda: Volontiers. Parce que vous n'avez pas les yeux pour voir Kṛṣṇa, Il Se manifeste ainsi, de par Sa bienveillance, pour que vous puissiez Le contempler. Vous pouvez voir le bois ou la pierre, mais pas le spirituel. Imaginons que votre père soit à l'hôpital et qu'il vienne à mourir. "Il nous a quitté !" direz-vous. Mais pourquoi affirmer une telle chose ? Qu'est-ce qui est parti ?

Mlle Nixon: Mais, son esprit, bien sûr.

Śrila Prabhupāda: Avez-vous vu cet esprit ?

Mlle Nixon: Jamais.

Śrila Prabhupāda: Vous ne pouvez donc pas voir l'esprit. Or, Dieu est l'esprit suprême. A vrai dire, Il est toutes choses —matérielles et spirituelles—, mais vous ne pouvez pas Le voir dans Sa Forme spirituelle. En sorte qu'Il Se manifeste de par Sa miséricorde infinie, sous la forme de la murti, faite de bois ou de pierre, pour que vous puissiez Le voir.

Mlle Nixon: Je vous remercie beaucoup.

Śrila Prabhupāda: Hare Kṛṣṇa.