Sachons distinguer les gurus des charlatans

Au cours d'un entretien avec un journaliste du London Times, Śrila Prabhupāda se prononce sur la question des vrais et faux gurus: "Si vous cherchez une spiritualité de pacotille, vous allez trouver de nombreux escrocs qui se font passer pour gurus; mais si vous êtes sincères, alors vous rencontrerez un guru sincère... Un véritable guru est un pur représentant de Dieu; à ce titre, il ne parle strictement que de ce qui a trait à Dieu... Un vrai guru n'a rien d'un homme d'affaires; il représente Dieu dont il transmet fidèlement l'enseignement et aucune autre parole ne sort jamais de sa bouche".

Le journaliste: Votre Grâce, l'attrait que la spiritualité exerce sur l'homme se fait de plus en plus ressentir, semble-t-il. Pourriez-vous m'expliquer la cause d'un tel phénomène ?

Śrila Prabhupāda: Cette aspiration est tout à fait naturelle chez l'homme car en tant qu'âme spirituelle, il ne peut connaître le bonheur dans l'existence matérielle. Aussi vrai qu'un poisson ne sera jamais heureux hors de l'eau, l'homme sans conscience spirituelle ne goûtera jamais le bonheur véritable. Le progrès scientifique et le développement économique ont aujourd'hui d'innombrables partisans; pourtant, ces derniers ne sont pas heureux car leurs aspirations ne représentent pas le vrai but de l'existence. De nombreux jeunes réalisent cela et rejettent un mode de vie aussi matérialiste pour se tourner vers la spiritualité. Voilà en effet vers quoi doit s'orienter notre recherche car la conscience de Kṛṣṇa est le véritable but de la vie. Sans conscience de Kṛṣṇa, vous ne pouvez pas être heureux; c'est un fait. Voilà pourquoi nous vous invitons tous à étudier ce Mouvement et à en saisir toute la grandeur.

Le journaliste: Je dois vous dire franchement ce qui m'inquiète: voici quelque temps, un yogi venu des Indes a débarqué en Angleterre —beaucoup entendirent ainsi parler de "guru" pour la première fois. Depuis, c'est toute une pléiade de "gurus" qui surgissent de nulle part, et j'ai parfois le sentiment qu'ils ne sont pas tous aussi authentiques qu'ils se doivent de l'être. Ne devrait-on pas prévenir tous ceux qui songent à se tourner vers la spiritualité de s'assurer que leur guide est bien authentique ?

Śrila Prabhupāda: Oui, évidemment, c'est très bien de chercher un guru, mais si vous voulez un guru de pacotille, autrement dit si vous désirez être trompé, vous en trouverez beaucoup de cet acabit. Par contre, si vous êtes sincère, alors vous rencontrerez un guru sincère. C'est parce qu'aujourd'hui les gens veulent tout obtenir à peu de frais qu'ils se font tromper. Pour notre part. nous demandons à nos disciples de renoncer à toute forme de vie sexuelle illicite, à la drogue, à l'alcool et aux autres excitants, aux jeux de hasard, et de ne pas manger de viande. La masse des hommes considère qu'il est très difficile de suivre tous ces principes et y voit une contrainte bien embarrassante. Mais si quelqu'un leur propose: "Vous pouvez agir comme bon vous semble, peu importe. Il suffit que vous adoptiez ce mantra", celui-là, ils l'estimeront beaucoup. En fait, les masses aspirent à être trompées, et c'est pourquoi les charlatans se manifestent. Personne ne veut se plier à aucune forme d'austérité; la vie humaine est destinée à l'austérité mais personne n'est prêt à l'accepter. Voilà pourquoi ces charlatans viennent avec leurs boniments: "Pas d'austérité, faites ce qui vous plaît. Vous me remettez simplement votre argent, contre quoi je vous offrirai ce mantra, et en moins de six mois, vous serez devenu Dieu.". Voilà ce qui se passe aujourd'hui. Si vous désirez être trompé de la sorte, les escrocs se montreront.

Le journaliste: Qu'en est-il alors de celui qui aspire sincèrement à la vie spirituelle mais qui, par malheur, s'en remet à un faux guru ?

Śrila Prabhupāda: Toute formation, aussi élémentaire soit-elle, exige que l'on y consacre beaucoup de temps, de travail et d'étude. Si donc vous désirez vous consacrer à la vie spirituelle, vous devez devenir sérieux. D'où vient que l'on puisse devenir Dieu en l'espace de six mois tout simplement grâce à quelque mantra magique ? Pourquoi se laisse-t-on attirer par de tels boniments si ce n'est qu'on veut précisément être trompé ?

Le journaliste: Comment reconnaître l'authenticité d'un guru ?

Śrila Prabhupāda: Qui, d'entre mes disciples, peut répondre à cette question ?

Un disciple: Je me souviens qu'un jour, John Lennon eut la même question, et vous lui avez répondu: "Il suffit de trouver celui qui se voue tout entier à Kṛṣṇa. Celui-là est authentique."

Śrila Prabhupāda: Précisément. Parce qu'il est le pur représentant ie Dieu, le véritable guru ne parle strictement que de ce qui a trait a Lui, et il ne manifeste aucun intérêt pour la vie matérielle. Il est :oncerné par Dieu, voilà tout; c'est l'un des critères d'authenticité lu guru: il est absorbé dans la Vérité Absolue (Brahmā-nistham). La Mundaka Upanisad enseigne, srotriyam brahmā-nistham: "Le guru authentique connaît les Ecritures, maîtrise le savoir védique, et il dépend tout entier du Brahman." Il doit donc connaître la nature du Brahman, du spirituel, et savoir comment s'y établir. Telles sont les caractéristiques mentionnéespar les Vedas. Le guru authentique, répétons-le, représente le Seigneur Suprême au même titre que le vice-roi représente le roi; c'est pourquoi il n'invente rien de ce qu'il enseigne. Tout ce qu'il dit est en accord avec les Ecritures et les ācāryas qui l'ont précédé. Il ne vous racontera Jamais que vous pouvez devenir. Dieu en l'espace de six mois en récitant un mantra. Là n'est pas sa fonction. Son rôle consiste plutôt à demander à chacun de servir Dieu avec dévotion: "Je vous en conjure, éveillez vôtre conscience divine." Voilà, en essence, la mission du vrai guru. Celui qui, au nom du Seigneur, se consacre ainsi à convaincre autrui de servir Dieu avec dévotion, celui-là est un guru authentique.

Le journaliste: Que pensez-vous alors des prêtres chrétiens ?

Śrila Prabhupāda: Chrétien, musulman ou hindou, peu importe. Celui qui parle uniquement au nom de Dieu est un guru. Ainsi de Jésus-Christ, par exemple, qui s'adressait aux foules en. disant: "Efforcez-vous seulement d'aimer Dieu." Là réside la preuve de l'authenticité du guru: chrétien, musulman ou hindou, il sait convaincre autrui d'aimer Dieu; mais jamais il ne prétendra "Je suis Dieu" ou encore "Je vais faire de vous l'égal de Dieu". Il dira plutôt "Je suis le serviteur de Dieu, et je veux que vous le deveniez également". Peu importe la manière dont il est habillé. Caitanya Mahāprabhu Lui-même disait: "Quiconque peut transmettre à autrui la science de Kṛṣṇa devient par là un maître spirituel." Le maître spirituel authentique n'a d'autre souci que d'amener autrui à servir Kṛṣṇa avec dévotion. Voilà sa seule fonction.

Le journaliste: Mais les mauvais gurus ne sont-ils pas...

Śrila Prabhupāda: Les "mauvais gurus" ? Qu'entendez-vous par là ?

Le journaliste: Ceux qui ne convoitent que l'argent et la gloire.

Śrila Prabhupāda: Mais comment un être corrompu peut-il devenr guru ? [Rires.] Comment le fer peut-il se transformer en or ? C'est impossible, et de même un guru ne peut pas être "mauvais". En fait, l'expression "mauvais guru" constitue un paradoxe. Souciez-vous donc simplement de comprendre ce qu'est un guru authentique: celui qui ne parle que de Dieu. S'il ne voue pas toutes ses paroles à Dieu, c'est qu'il n'est qu'un imposteur, car le guru ne dit jamais d'inepties. Il ne peut pas être question de "mauvais guru", cette expression n'a aucun sens logique. Par définition, le mot guru est synonyme d'authenticité. Sachez simplement qu'on le reconnaît à ce qu'il ne parle que de Dieu et s'efforce de convaincre les hommes de s'abandonner au service divin.

Le journaliste: A supposer que je désire recevoir de vous l'initiation spirituelle, quelles conditions me faudrait-il remplir ?

Śrila Prabhupāda: En premier lieu, vous devriez renoncer à la vie sexuelle illicite.

Le journaliste: Que faut-il comprendre par "illicite" ? Toute vie sexuelle ?

Śrila Prabhupāda: Est illicite toute activité sexuelle qui n'entre pas dans le cadre du mariage. L'animal, lui, n'est soumis à aucune règle particulière, mais l'homme, par contre, dans tout pays, toute religion, doit se plier à certaines restrictions concernant la vie sexuelle. Vous devriez également abandonner l'usage de tout excitant et substance enivrante —thé, alcool, cigarette, marijuana...

Le journaliste: Est-ce tout ?

Śrila Prabhupāda: Non... Il vous faudrait en outre arrêter de manger de la viande, des oeufs et du poisson, et abandonner les jeux de hasard. Si vous ne renoncez pas à ces quatre activités pécheresses, vous ne pouvez pas recevoir l'initiation.

Le journaliste: Combien avez-vous de disciples dans le monde entier ?

Śrila Prabhupāda: Si vous avez quoi que ce soit d'authentique et de précieux à proposer, ne vous attendez- pas à faire de nombreux adeptes. Par contre, les initiations sans valeur sont prisées par beaucoup. Toujours est-il que nous avons initié environ cinq mille disciples.

Le journaliste: Est-ce que le Mouvement pour la Conscience de Kṛṣṇa s'accroît progressivement ?

Śrila Prabhupāda: Oui, mais lentement; les gens n'aiment pas les restrictions.

Le journaliste: Où rencontrez-vous le plus de succès ?

Śrila Prabhupāda: Aux Etats-Unis, en Europe, en Amérique du Sud et en Australie; sans oublier l'Inde bien sûr, où des millions de personnes pratiquent la conscience de Kṛṣṇa.

Le journaliste: Pouvez-vous m'exposer le but de ce Mouvement ?

Śrila Prabhupāda: Le Mouvement pour la Conscience de Kṛṣṇa a pour but de raviver en l'homme sa conscience originelle. Notre conscience présente procède de diverses désignations matérielles. L'un pense "Je suis américain", l'autre "Je suis français"; mais en réalité, nous ne répondons à aucune de ces désignations. Nous faisons partie intégrante de Dieu, c'est là notre véritable identité.
Que chacun développe simplement cette conscience, et tous les problèmes du monde seront résolus car nous comprendrons alors l'unité de tous les êtres en tant qu'âmes spirituelles, toutes de même nature, bien qu'elles aient revêtu des vêtements différents. Voilà ce qu'enseigne la Bhagavad-Gītā.
La conscience de Kṛṣṇa est en fait un processus de purification (sarvopadhi-vinirmuktam) qui permet de se libérer de toutes désignations matérielles (tat-paratvena nirmalam). Les activités ainsi accomplies dans une conscience pure, avec des sens purifiés, nous mènent alors jusqu'à l'ultime perfection de la vie. Cette méthode est d'ailleurs très simple; inutile de devenir un grand philosophe, savant ou autre, il suffit de chanter le Saint Nom du Seigneur, étant entendu que Sa Personne, Son Nom, Ses Attributs sont tous absolus.
Enfin, la conscience de Kṛṣṇa constitue une grande science. Malheureusement, les universités ne lui réservent pas la moindre place. Voilà pourquoi nous invitons tous ceux qui désirent sincèrement le bien de l'humanité à étudier ce Mouvement afin d'en saisir l'importance, et si la chose est possible, à nous offrir ensuite leur coopération en prenant une part active à son développement.
Les problèmes de ce monde seront alors résolus; c'est le verdict de la Bhagavad-Gītā, l'oeuvre la plus pure et la plus importante qui soit dans le domaine de la connaissance spirituelle. Beaucoup parmi vous ont entendu parler de la Bhagavad-Gītā, et elle est d'ailleurs reconnue par tous les grands ācāryas de l'Inde —Rāmanujācārya, Madhvācārya, Sri Caitanya Mahāprabhu et bien d'autres encore. Puisque vous représentez les grands quotidiens d'information, je vous demande de faire de votre mieux pour saisir l'importance de ce Mouvement, pour le bien de l'humanité entière.

Le journaliste: Pensez-vous que votre Mouvement représente la seule voie qui mène à Dieu ?

Śrila Prabhupāda: Oui.

Le journaliste: Qu'est-ce qui vous permet de l'affirmer ainsi ?

Śrila Prabhupāda: Je le tiens des autorités en la matière et de Kṛṣṇa. Dieu Lui-même, qui déclare:

sarva-dharmān parityajya
mām ekaṁ śaraṇaṁ vraja
ahaṁ tvāṁ sarva-pāpebhyo
mokṣayiṣyāmi mā śucaḥ

"Laisse là toute autre forme de religion et abandonne-toi simplement à Moi. Toutes les suites de tes fautes, Je t'en affranchirai. N'aie nulle crainte." (B.g., XVIII.66)

Le journaliste: Cet abandon implique-t-il que l'on doive quitter sa famille ?

Śrila Prabhupāda: Pas du tout.

Le journaliste: Supposons que je m'apprête à recevoir l'initiation spirituelle. Faut-il que je vienne habiter au temple ?

Śrila Prabhupāda: Pas obligatoirement.

Le journaliste: Je pourrai donc rester chez moi ?

Śrila Prabhupāda: Mais bien entendu.

Le journaliste: Et mon travail, me faudra-t-il l'abandonner ?

Śrila Prabhupāda: Non, tout ce qu'il vous faudra abandonner, ce sont vos mauvaises habitudes, et vous devrez en outre chanter le mantra Hare Kṛṣṇa sur ce chapelet, voilà tout.

Le journaliste: Exigez-vous une participation financière ?

Śrila Prabhupāda: Libre à vous de contribuer de la sorte si tel est votre désir. Mais sinon, cela n'a pas d'importance car nous ne dépendons des contributions de personne, nous dépendons de Kṛṣṇa.

Le journaliste: Alors réellement, je n'aurais rien à payer ?

Śrila Prabhupāda: Non, rien du tout.

Le journaliste: Est-ce là un des points essentiels qui permettent de différencier un guru authentique d'un imposteur ?

Śrila Prabhupāda: Effectivement, car un guru n'a rien d'un homme d'affaires; il représente Dieu dont il transmet fidèlement l'enseignement et aucune autre parole ne sort jamais de sa bouche.

Le journaliste: Peut-on s'attendre, par exemple, à rencontrer un guru voyageant en Rolls Royce et séjournant dans la suite princière d'un hôtel de grande classe ?

Śrila Prabhupāda: On nous offre parfois de demeurer dans les grands hôtels, mais d'ordinaire, nous préférons rester dans nos propres temples —une centaine dans le monde entier; comme cela-nous n'avons pas besoin d'aller à l'hôtel.

Le journaliste: Je ne cherchais pas à vous accuser. Je voulais simplement illustrer le bien-fondé de votre mise en garde. La recherche spirituelle est tout à fait au goût du jour, et beaucoup entendent profiter de cette "mode du guru" pour grossir leur compte en banque.

Śrila Prabhupāda: Est-ce que selon vous la vie spirituelle exige que l'on fasse voeu de pauvreté ?

Le journaliste: En vérité, je n'en sais trop rien.

Śrila Prabhupāda: Un indigent peut très bien être un parfait matérialiste, et d'autre part, on rencontre des riches très avancés en matière de spiritualité. La vie spirituelle ne dépend pas de la pauvreté ou de la richesse, elle transcende ces dualités. Prenez l'exemple d'Arjuna: tout prince qu'il était, il n'en demeurait pas moins pur dévot du Seigneur. En outre, Kṛṣṇa enseigne dans la Bhagavad-Gītā :
evam parampara-praptam imam rajarsayo viduh: "Savoir suprême, transmis de maître à disciple, c'est ainsi que les saints rois l'ont reçu et réalisé." Autrefois, donc, les rois, du fait de leur sainteté, pouvaient comprendre la science du spirituel; par conséquent, la vie spirituelle ne dépend d'aucune condition matérielle et reste accessible à tous, au roi comme à l'indigent. Mais d'ordinaire, les gens ignorent tout de la vie spirituelle, et c'est pourquoi ils nous critiquent sans raison. Si je vous demandais vos conceptions par exemple, que me répondriez-vous ?

Le journaliste: Rien de défini à vrai dire.

Śrila Prabhupāda: Et malgré votre ignorance en la matière, vous donnez néanmoins votre opinion. Avant tout, vous devriez savoir ce qu'on entend par vie spirituelle. Elle commence lorsque vous comprenez que vous n'êtes pas le corps. En percevant la différence qui existe entre le moi et le corps, vous réalisez que vous êtes une âme spirituelle (aham brahmāsmi).

Le journaliste: Pensez-vous que cette science devrait faire partie intégrante de l'éducation de tous ?

Śrila Prabhupāda: Certainement. On devrait commencer par expliquer aux gens leur véritable identité; sommes-nous ce corps, ou bien quelque chose d'autre ? L'éducation débute avec cette notion; or aujourd'hui, tous s'identifient à leur corps. Celui que le destin fait naître dans un corps américain va penser, "Je suis Américain", ce qui revient en fait à dire "Je suis une chemise bleue, ou rouge" pour la simple raison que vous portez un vêtement de cette couleur. De toute évidence, vous n'êtes pas une chemise mais un être humain. Dans le même ordre d'idée, le corps matériel est semblable à une chemise qui recouvre la véritable personne —l'âme spirituelle. Si nous nous identifions à notre "vêtement de chair", cela signifie que nous n'avons reçu aucune éducation d'ordre spirituel.

Le journaliste: Et vous estimez qu'il faut donner cette éducation à l'école ?

Śrila Prabhupāda: Oui —dans les écoles, les lycées, les universités; il existe d'innombrables ouvrages sur la question —un trésor de connaissance. Mais pour cela, il faut, et il suffit, que les dirigeants de la société se tournent vers nous et étudient ce Mouvement.

Le journaliste: Certains de vos disciples n'avaient-ils pas été auparavant fourvoyés par de faux gurus ?

Śrila Prabhupāda: Si, malheureusement.

Le journaliste: Leur vie spirituelle en a-t-elle subi un préjudice quelconque ?

Śrila Prabhupāda: Non, car ils cherchaient sincèrement une certaine forme de vie spirituelle. Il faut leur reconnaître ce mérite. Dieu Se tient dans le coeur de chaque être, et Il aide sans attendre quiconque souhaite sincèrement rencontrer un guru authentique.

Le journaliste: N'avez-vous jamais tenté de mettre fin aux agissements des faux gurus, en faisant pression sur eux pour qu'ils soient mis à pied en quelque sorte ?

Śrila Prabhupāda: Non, car ce n'est pas mon but. J'ai commencé ce Mouvement simplement en chantant le mantra Hare Kṛṣṇa. J'allais dans un parc à New York, le Tompkins Square Park, et très vite, plusieurs personnes s'approchèrent; c'est ainsi que le Mouvement pour la Conscience de Kṛṣṇa s'est peu à peu développé. Beaucoup ont joint ses rangs, nombreux aussi ceux qui ont tourné le dos, mais la fortune a souri aux preneurs.

Le journaliste: Ce doit être l'expérience malheureuse d'un faux guru qui fait naître la méfiance, n'est-ce pas ? Si votre dentiste s'avère un charlatan et qu'il vous abîme une dent, vous allez probablement hésiter avant de consulter un autre dentiste !

Śrila Prabhupāda: Naturellement; lorsqu'on vous trompe, vous devenez méfiant. Mais le fait d'être une fois victime d'un escroc ne signifie pas pour autant que vous ne rencontrerez jamais que de tels individus. Cherchez quelqu'un qui soit sincère. Pour entrer en contact avec ce Mouvement, vous devez recevoir la miséricorde spéciale de Kṛṣṇa, ou bien posséder déjà une bonne maîtrise de cette science. Selon la Bhagavad-Gītā, les chercheurs authentiques sont très rares: manusyanam sahasresu kascid yatati siddhaye. (B.g.,VII.3) Parmi des milliers d'hommes, un seul, peut-être, sera intéressé par la vie spirituelle. D'une manière générale, les gens ne vivent que pour manger, dormir, s'accoupler et se défendre contre tout ce qui les dérange. Dans de telles conditions, peut-on s'attendre à avoir une audience très large. On peut facilement se rendre compte que les hommes dans leur masse ont perdu leur intérêt pour la spiritualité, et les seuls vraiment concernés deviennent presque toujours victimes d'imposteurs. En fait, on ne peut pas juger un Mouvement simplement au nombre des disciples; son succès dépend de l'authenticité ne serait-ce que d'un seul de ses membres. Ce n'est pas une question de quantité, mais bien de qualité.

Le journaliste: Peut-on estimer la proportion de "victimes" ?

Śrila Prabhupāda: Pratiquement tout le monde. [Rires.] Inutile d'évaluer un chiffre; presque tous sans exception.

Le journaliste: Est-ce à dire des milliers de personnes...

Śrila Prabhupāda: Des millions ! Des millions qui en fait n'ont eu que ce qu'ils désiraient. Dieu est omniscient, Il connaît donc le désirs de chacun, et puisqu'Il est présent dans votre coeur, Si vous cherchez un charlatan, Il vous en enverra un.

Le journaliste: Est-ce que tout homme peut atteindre ce niveau de perfection dont vous parliez tout à l'heure ?

Śrila Prabhupāda: Oui, et cela en un instant; il suffit de le vouloir Mais personne n'y aspire vraiment, voilà tout le problème. Kṛṣṇa dit dans la Bhagavad-Gītā, sarva-dharman parityajya mam ekam saranam vraja: "Abandonne-toi simplement à Moi". (B.g., XVIII 66) Mais qui voudra bien s'abandonner à Dieu ? Il vont tous dire-"M'abandonner à dieu! Pourquoi ? Je préfère l'indépendance: Sinon, il s'agit de l'affaire d'une seconde, pas plus. Le seul ennui c'est que personne n'est candidat.

Le journaliste: Lorsque vous dites que beaucoup veulent être trompés, entendez-vous par là que, sans avoir l'intention de renoncer aux plaisirs matériels, ils croient néanmoins mener une vie spirituelle en chantant un mantra quelconque ou en se promenan: une fleur à la main ?

Śrila Prabhupāda: Voilà. Exactement comme si un malade pensait: "Mes habitudes malsaines, je les garde, et je vais quand même retrouver la santé." C'est contradictoire. Avant tout, il faut recevoir une formation spirituelle, et ce n'est pas un domaine que l'on peut saisir en quelques minutes de conversation. Il existe beaucoup de traités de philosophie et de théologie, mais personne ne s'intéresse à ces choses; voilà le problème. Si vous abordez, par exemple, la lecture du Śrimad-Bhāgavatam, qui est une oeuvre volumineuse, vous pourrez mettre plusieurs jours avant d'en comprendre ne serait-ce que la première ligne. Cet ouvrage décrit pourtant ce qu'est Dieu et la Vérité Absolue, mais cela n'intéresse personne. Et si, par hasard, quelqu'un manifeste un tant soit peu d'attrait pour la vie spirituelle, il ne désire en général que des résultats rapides et faciles à obtenir. Voilà pourquoi on le trompe. En fait, selon la civilisation védique, austérités et sacrifices sont le propre de la vie de l'homme. Dans les temps védiques, les garçons recevaient une formation de Brahmācaris, laquelle proscrivait toute vie sexuelle jusqu'à l'âge de vingt-cinq ans. Qu'en est-il aujourd'hui d'une telle éducation ? On appelle Brahmācari un étudiant qui vit au gurukula (l'école du maître spirituel) dans l’abstinence la plus totale, et qui obéit aux ordres de son guru. Mais de nos jours, les écoles et lycées éduquent les enfants à la vie sexuelle dès le plus jeune âge, et il n'est pas rare que les garçons et les filles de douze ou treize ans aient des relations sexuelles. Comment pourraient-ils avoir une vie spirituelle ? La vie spirituelle consiste à accepter volontairement certaines austérités au profit de la réalisation de Dieu. C'est la raison pour laquelle nous insistons pour que nos disciples initiés renoncent à la consommation de viande, à toute vie sexuelle illicite, aux excitants et substances enivrantes, et aux jeux de hasard. Sans ces restrictions, nulle « méditation par le yoga », nulle prétendue discipline spirituelle ne peut être authentique. Il ne s'agit alors que d'une entente commerciale entre trompeurs et trompés.

Le journaliste: Je vous remercie beaucoup.

Śrila Prabhupāda: Hare Kṛṣṇa..