SRIMAD-BHAGAVATAM
CHANT 3 CHAPITRE 14 La grossesse
inopportune de Diti.
na vayam prabhavas tam tvam
anukartum grhesvari apy ayusa va kartsnyena ye canye guna-grdhnavah
Pour adresser autant de louanges à son épouse, il faut qu'un homme soit à ses pieds ou qu'il plaisante. Kasyapa voulait faire ressortir que les chefs de famille vivant avec leur épouse jouissent des bénédictions célestes du plaisir sensoriel, et cela, sans la moindre crainte de descendre aux enfers. Celui qui s'est engagé dans la voie du renoncement n'a pas d'épouse, mais il peut également être la proie du désir charnel et fréquenter une femme, ou même l'épouse d'un autre, pour ainsi choir en enfer. En d'autres mots, l'homme qui a adopté l'ordre du renoncement, du moins selon toute apparence, et qui a quitté sa femme de même que son foyer, se dirige vers l'enfer s'il éprouve encore, consciemment ou non, le désir de jouir des plaisirs charnels. A cet égard, les hommes mariés sont à l'abri. Et c'est dans ce sens qu'on les dit incapables de rembourser leur dette envers leur femme, que ce soit dans cette vie ou dans l'autre. S'efforceraient-ils tout au long de leur existence de les payer de retour, ils n'y parviendraient pas. Tous les hommes mariés ne sont pas à même d'apprécier les qualités de leur femme, mais même ceux qui le peuvent sont incapables de leur témoigner une reconnaissance suffisante. De telles louanges, pour le moins exubérantes de la part d'un homme envers son épouse, sont certes adressées avec une note d'humour.
athapi kamam etam te
prajatyai karavany alam yatha mam natirocanti muhurtam pratipalaya
Un époux soumis peut ne pas pouvoir s'acquitter de sa dette envers sa femme pour tous les bienfaits qu'elle lui procure, mais à moins d'être complètement impuissant, aucun mari n'aura de mal à lui donner des enfant et à satisfaire ainsi ses désirs charnels. Il n'y a vraiment rien de plus facile pour un homme normalement constitué. Mais en dépit de l'empressement que manifestait également Kaasyapa, ce dernier pria sa femme de patienter quelques secondes pour que personne n'ait rien à lui reprocher. Il explique sa position comme suit.
esa ghoratama vela
ghoranam ghora-darsana caranti yasyam bhutani bhutesanucarani ha
Kasyapa a déjà demandé à son épouse, Diti, d'attendre un moment, et il la prévient maintenant qu'en négligeant de tenir compte des circonstances de temps, il s'exposerait au châtiment des spectres et des esprits malfaisants qui errent à cette heure en compagnie de leur maître, Rudra.
etasyam sadhvi sandhyayam
bhagavan bhuta-bhavanah parito bhuta-parsadbhir vrsenatati bhutarat
Siva, ou Rudra, gouverne les spectres. Et les différents êtres de nature spectrale le vénèrent afin d'être progressivement guidés vers le sentier de la réalisation spirituelle. Les philosophes mayavadis sont pour la plupart des adorateurs de Siva, et l'on tient Sripada Sankaracarya pour une incarnation de Siva venue leur prêcher l'athéisme. Les esprits se trouvent privés de corps physique du fait de leurs actes profondément coupables, tels que le suicide. Le dernier recours des hommes qui tiennent du fantôme consiste en effet à chercher refuge dans le suicide, qu'il soit matériel ou spirituel. Le suicide matériel entraîne la perte du corps physique tandis que le suicide spirituel entraîne la perte de l'individualité propre de l'être. Ainsi, les philosophes mayavadis désirent perdre leur individualité et se fondre dans l'existence spirituelle du brahmajyoti impersonnel. Et Siva, qui se montre bienveillant envers les spectres, veille à ce que ceux-ci, malgré la condamnation qui pèse sur eux, obtiennent un corps physique. Il les place, à cet effet, dans le sein de femmes qui ont des rapports sexuels sans tenir compte des restrictions de temps et de circonstances. Or, Kasyapa désirait informer Diti de cette vérité, afin de la convaincre de patienter un moment.
smasana-cakranila-dhuli-dhumra-
vikirna-vidyota-jata-kalapah bhasmavagunthamala-rukma-deho devas tribhih pasyati devaras te
Siva n'est pas un être ordinaire, mais il ne se situe pas non plus au niveau de Visnu, du Seigneur Suprême. Sa puissance dépasse de loin celle de tous les autres êtres vivants, jusqu'à Brahma, et pourtant, il n'est pas égal à Visnu. Néanmoins, puisqu'il Lui est presque identique, il peut voir le passé, le présent et le futur. L'un de ses yeux est comparable au soleil, et l'autre à la lune; quant au troisième, situé entre ses sourcils, il s'apparente au feu. Il peut ainsi faire jaillir le feu de cet oeil médiant, et se trouve à même de vaincre tout être puissant, y compris Brahma. Mais bien qu'il soit le maître de l'univers matériel, il ne vit pas dans le faste d'une magnifique demeure, non plus qu'il ne possède de biens matériels. Il vit surtout dans les lieux de crémation, où l'on brûle les cadavres, et les tourbillons de poussière qui s'échappent de ces crématoires forment son vêtement; il reste cependant libre de toute souillure matérielle. Kasyapa le considérait comme son frère cadet, car la plus jeune des soeurs de Diti (l'épouse de Kasyapa) avait été unie à Siva. L'époux d'une soeur est considéré au même titre qu'un frère. Et du fait de cette relation, Siva se trouvait être le frère cadet de Kasyapa. Celui-ci informa donc son épouse du caractère inopportun de cette heure où Siva aurait connaissance de leur union. Diti aurait pu soulever l'argument que leur union se ferait en un lieu privé; aussi Kasyapa lui rappela-t-il que Siva possède trois yeux, désignés comme le soleil, la lune et le feu, en sorte que nul ne peut davantage échapper à sa vigilance qu'à celle de Visnu. Même s'il a été vu par la police, un criminel n'est pas toujours arrêté sur-le-champ; les représentants de l'ordre attendent parfois un moment plus favorable pour s'emparer de lui. Ainsi, l'union charnelle, si elle se déroulait à l'heure interdite, serait notée par Siva, et Diti en serait dûment châtiée en mettant au monde un enfant qui tient du fantômes ou un impersonnaliste athée. Kasyapa prévoyait ce dénouement, et c'est pourquoi il voulait mettre en garde Diti, son épouse.
Hare Krishna Hare Krishna Krishna Krishna Hare Hare Hare Rama Hare Rama Rama Rama Hare Hare |