SRIMAD-BHAGAVATAM
CHANT 3
CHAPITRE 16

Jaya et Vijaya, les deux
gardiens de Vaikuntha,
maudits par les sages.

VERSET 6

yasyamrtamala-yasah-sravanavagahah
sadyah punati jagad asvapacad vikunthah
so ham bhavadbhya upalabdha-sutirtha-kirtis
chindyam sva-bahum api vah pratikula-vrttim

TRADUCTION

N'importe quel homme en ce monde, fût-il un candala -homme qui se nourrit de la chair des chiens-, devient aussitôt purifié s'il se baigne dans l'écoute des gloires de Mon Nom, de Ma Renommée et de tout ce qui touche à Ma Personne. Vous M'avez maintenant réalisé sans aucun doute; aussi n'hésiterais-Je pas à couper Mon propre bras si vous le jugez hostile à votre égard.

TENEUR ET PORTEE

La société peut véritablement se purifier si les hommes adoptent la Conscience de Krsna; c'est ce qu'établissent clairement toutes les Ecritures védiques. Quiconque adopte la Conscience de Krsna en toute sincérité, même s'il n'est pas très raffiné dans son comportement, s'en trouve purifié. Ainsi, il est possible de recruter des bhaktas dans n'importe quelle couche de la société, même s'il est entendu que tous ne sont pas bien éduqués. Comme l'indique ce verset et plusieurs passages de la Bhagavad-gita, tout homme, même s'il n'est pas issu d'une famille de brahmana ou même s'il est né dans une famille de candalas, peut être aussitôt purifié en adoptant la Conscience de Krsna. La Bhagavad-gita (IX.30-32) établit clairement qu'il faut tenir un homme pour saint dès l'instant où il adopte la Conscience de Krsna, et cela, même si sa conduite n'est pas exemplaire. Tant qu'un être vit dans l'univers matériel, il doit forcément entretenir deux types de relation dans ses rapports avec autrui, l'une relative au corps, l'autre à l'âme. Ainsi, même un homme spirituellement purifié conduira parfois ses activités sociales et physiques en tenant compte des relations basées sur le corps. Par exemple, si un bhakta naît d'une famille de candalas (la plus basse d'entre les couches sociales) et semble parfois poursuivre ses activités habituelles (au niveau des candalas), il ne faut pas pour autant voir en lui un vulgaire candala. En d'autres mots, il ne faut pas juger un vaisnava par rapport à son corps et à ses activités corporelles. Les sastras stipulent que nul ne devrait penser que la murti dans le temple est faite de bois ou de pierre, ou qu'une personne issue d'une classe inférieure de la société continue d'appartenir à ce groupe social après avoir adopté la Conscience de Krsna. De telles conceptions doivent être bannies, car quiconque embrasse la Conscience de Krsna est tenu pour complètement purifié; du moins a-t-il fait ses premiers pas sur la voie de la purification, et s'il adhère aux principes de la Conscience de Krsna, il sera très bientôt entièrement purifié. En conclusion, celui qui adhère à la Conscience de Krsna avec tout le sérieux dont il est capable doit être considéré comme déjà purifié; et Krsna est prêt à lui donner toute protection. Il l'affirme d'ailleurs dans le verset qui nous occupe, même, dit-Il, s'Il doit pour cela couper un de Ses membres.

VERSET 7

yat-sevaya carana-padma-pavitra-renum
sadyah ksatakhila-malam pratilabdha-silam
na srir viraktam api mam vijahati yasyah
preksa-lavartha itare niyaman vahanti

TRADUCTION

[Le Seigneur poursuivit:]
Parce que Je suis le serviteur de Mes dévots, Mes pieds pareils-au-lotus possèdent un pouvoir purificateur tel qu'ils effacent sans délai toutes fautes, et J'ai maintenant acquis une telle disposition envers la déesse de la fortune, qu'elle ne Me quitte jamais, et ce, bien que Je ne manifeste aucun attachement pour elle, alors que d'autres louent sa beauté et se plient à des voeux sacrés en vue d'obtenir d'elle ne serait-ce qu'une infime faveur.

TENEUR ET PORTEE

La relation qui unit le Seigneur à Son dévot est d'une beauté toute spiriturelle. De même que le bhakta pense que c'est parce qu'il sert le Seigneur qu'il acquiert toutes les qualités, le Seigneur croit que c'est Sa dévotion envers Son serviteur qui accroît Ses gloires divines. En d'autres mots, tout comme le bhakta se montre toujours ardemment désireux de Le servir, le Seigneur aspire sans cesse à servir Son dévot. Le Seigneur reconnaît dans ce verset que Son incontestable pouvoir, grâce auquel quiconque reçoit la plus petite particule de poussière de Ses pieds pareils-au-lotus devient aussitôt une personne honorable, résulte de Son affection pour Ses dévots. Et c'est encore en raison de cette affection que la déesse de la fortune ne Le quitte jamais, et que non seulement une, mais plusieurs milliers de déesses de la fortune se consacrent à Son service. Dans l'univers matériel, pour obtenir ne serait-ce qu'une infime faveur de la déesse de la fortune, certains se soumettent à des austérités et à des pénitences selon des règles très strictes. Ajoutons que le Seigneur ne peut tolérer que Son dévot subisse le moindre inconvénient; Il est donc célébré en tant que bhakta-vatsala.

VERSET 8

naham tathadmi yajamana-havir vitane
scyotad-ghrta-plutam adan huta-bhun-mukhena
yad brahmanasya mukhatas carato nughasam
tustasya mayy avahitair nija-karma-pakaih

TRADUCTION

Je ne savoure pas les oblations offertes par les prêtres dans le feu sacrificiel -qui représente l'une de Mes bouches- autant que les mets délicats et regorgeant de ghi destinés à la bouche des brahmanas qui M'ont dédié les fruits de leurs actes et qui se satisfont à jamais de Mon prasada.

TENEUR ET PORTEE

Le dévot du Seigneur, le vaisnava, n'accepte rien sans l'offrir d'abord au Seigneur. Et parce qu'il Lui consacre les fruits de tous ses actes, il ne goûte aucune nourriture qui ne Lui ait d'abord été offerte. Le Seigneur, pour Sa part, trouve grand plaisir à nourrir le vaisnava de tous les mets qui Lui ont été offerts. Il ressort clairement de ce verset que le Seigneur Se nourrit à travers la bouche du feu sacrificiel et celle des brahmanas. Nombre d'aliments -des céréales, du ghi, etc.- sont en effet offerts en sacrifice pour la satisfaction du Seigneur. Celui-ci accepte les offrandes sacrificielles des brahmanas et des bhaktas, et de plus, comme il est indiqué autre part, toute nourriture offerte aux brahmanas et aux vaisnavas est également acceptée par le Seigneur. Toutefois, le verset qui nous occupe précise bien qu'Il savoure davantage les offrandes faites aux brahmanas et aux vaisnavas. Le meilleur exemple de ceci se trouve dans les rapports entre Advaita Prabhu et Haridasa Thakura. Bien qu'Haridasa fût issu d'une famille musulmane, Advaita Prabhu lui offrit le premier plat de prasada après la cérémonie sacrée d'un sacrifice du feu. Haridasa Thakura l'informa alors qu'il était né dans une famille de musulmans, et lui demanda pourquoi c'était à lui qu'il avait offert le premier plat plutôt qu'à un brahmana élevé. Dans son humilité, Haridasa se considérait au rang des musulmans, mais Advaita Prabhu, en bhakta expérimenté qu'il était, avait reconnu en lui un véritable brahmana. Advaita Prabhu affirma qu'en offrant le premier plat à Haridasa Thakura, il récoltait les mêmes fruits que s'il avait nourri cent mille brahmanas. Pour conclure, nourrir un brahmana ou un vaisnava vaut mieux que d'accomplir des centaines de milliers de sacrifices. Aussi les Ecritures enseignent-elles que le harer nama -le chant des Saints Noms de Dieu- et la satisfaction des vaisnavas sont les seuls moyens de s'élever dans la vie spirituelle.

VERSET 9

yesam bibharmy aham akhanda-vikuntha-yoga-
maya-vibhutir amalanghri-rajah kiritaih
viprams tu ko na visaheta yad-arhanambhah
sadyah punati saha-candra-lalama-lokan

TRADUCTION

Je suis le maître de Mon imperturbable énergie interne, et les eaux du Gange, qui sanctifient les trois mondes, y compris Siva qui les porte sur sa tête, sont celles que l'on a recueillies après avoir lavé Mes pieds. Si Je peux Moi-même prendre sur Ma tête la poussière des pieds des vaisnavas, qui refuserait de faire de même?

TENEUR ET PORTEE

La différence entre l'énergie interne et l'énergie externe du Seigneur Suprême tient à ce que dans l'énergie interne, ou dans le monde spirituel, toutes les perfections demeurent inaltérables, tandis qu'au sein de l'énergie externe, ou matérielle, toute splendeur est de nature éphémère. La suprématie du Seigneur reste égale dans les deux mondes, matériel et spirituel, mais on en désigne pas moins le monde spirituel sous le nom de royaume de Dieu, et l'univers matériel sous celui de royaume de Maya. Le mot maya indique ce qui n'existe pas vraiment. En effet, la splendeur de l'univers matériel n'est qu'une image réfléchie du monde spirituel. La Bhagavad-gita enseigne à ce propos que l'univers matériel est comparable à un arbre dont les racines pointent vers le haut et les branches vers le bas, ce qui signifie qu'il est comme l'ombre du monde spirituel. La véritable splendeur se trouve dans le monde spirituel, où le Seigneur en personne est la Divinité prédominante; dans l'univers matériel, on trouve au contraire plusieurs maîtres. Voilà qui distingue l'énergie interne de l'énergie externe. Le Seigneur affirme que bien qu'Il soit le maître de l'énergie interne et que l'univers matériel soit sanctifié par l'eau qui a lavé Ses pieds, Il éprouve le plus grand respect pour les brahmanas et les vaisnavas. Or, si le Seigneur en personne montre tant d'égards à l'endroit des vaisnavas et des brahmanas, qui pourrait leur refuser un respect égal?

VERSET 10

ye me tanur dvija-varan duhatir madiya
bhutany alabdha-saranani ca bheda-buddhya
draksyanty agha-ksata-drso hy ahi-manyavas tan
grdhra rusa mama kusanty adhidanda-netuh

TRADUCTION

Les brahmanas, les vaches et les créatures sans défense forment Mon propre Corps. Ceux dont le jugement se trouve altéré par leurs péchés voient ces êtres comme distincts de Moi; or, ceux qui possèdent une telle vision sont des serpents furieux qui devront être déchirés avec colère par le bec des vautours que sont les messagers de Yamaraja, le bourreau des pécheurs.

TENEUR ET PORTEE

Selon la Brahma-samhita, les vaches, les brahmanas, les femmes, les enfants et les vieillards sont des créatures sans défense. Parmi ces cinq catégories d'êtres, les brahmanas et les vaches se trouvent plus précisément mentionnés dans ce verset parce que le Seigneur est toujours très attentif au bien des brahmanas et des vaches, et c'est pourquoi on Le glorifie par des prières qui Le qualifient comme tel. L'instruction précise qu'Il nous donne ici est donc de ne pas envier ces cinq groupes spécifiques, particulièrement les vaches et les brahmanas. Dans certaines versions du Srimad-Bhagavatam, le mot duhitrh est utilisé à la place de duhatih. Mais dans un cas comme dans l'autre, la signification reste la même. Duhatih veut dire "vache" et duhitrh peut également revêtir ce sens, car on dit de la vache qu'elle est la fille du deva du Soleil. Tout comme les enfants doivent être protégés par les parents, les femmes prises en tant que groupe social doivent être protégées par leur père, leur époux ou leur fils devenu adulte. Les êtres sans recours doivent être protégés par ceux qui les gardent sous leur responsabilité, sans quoi ces derniers seront sujets au châtiment de Yamaraja, lequel est désigné par le Seigneur pour veiller sur le sort des pécheurs. Les assistants ou messagers de Yamaraja, sont ici comparés à des vautours, et ceux qui n'accomplissent pas leur devoir propre en veillant sur leurs protégés sont assimilés à des serpents. Les vautours sont impitoyables à l'égard des serpents, et de la même façon, les messagers de Yamaraja ne manquent pas de zèle lorsqu'il s'agit de châtier des protecteurs négligents.


Hare Krishna Hare Krishna Krishna Krishna Hare Hare
Hare Rama Hare Rama Rama Rama Hare Hare