SRIMAD-BHAGAVATAM
CHANT 4
CHAPITRE 12

Dhruva Maharaja retourne
au monde spirituel.

VERSET 1

maitreya uvaca
dhruvam nivrttam pratibuddhya vaisasad
apeta-manyum bhagavan dhanesvarah
tatragatas carana-yaksa-kinnaraih
samstuyamano nyavadat krtanjalim

TRADUCTION

Le sage Maitreya dit:
O cher Vidura, sa colère apaisée, Dhruva Maharaja cessa de massacrer les Yaksas. Mis au courant de ces événements, Kuvera, le bienheureux maître des richesses célestes, apparut à Dhruva. Tandis que les Yaksas, les Kinnaras et les Caranas l'adoraient, il s'adressa au roi, qui se tenait devant lui les mains jointes.

VERSET 2

dhanada uvaca
bho bhoh ksatriya-dayada
paritusto smi te nagha
yat tvam pitamahadesad
vairam dustyajam atyajah

TRADUCTION

Kuvera, le trésorier des devas, dit:
O fils de ksatriya, toi qui es sans reproche, je suis très heureux de savoir que sur les conseils de ton grand-père, tu as renoncé à ton animosité, cette passion qu'il est si difficile de vaincre. Je suis très satisfait de toi.

VERSET 3

na bhavan avadhid yaksan
na yaksa bhrataram tava
kala eva hi bhutanam
prabhur apyaya-bhavayoh

TRADUCTION

En réalité, tu n'as pas donné la mort aux Yaksas, pas plus qu'ils n'ont vraiment tué ton frère, car la cause ultime de toute génèse et de toute annihilation n'est autre que le Seigneur Suprême sous Son aspect du temps éternel.

TENEUR ET PORTEE

Le trésorier des devas s'était adressé à Dhruva Maharaja en lui disant qu'il était exempt de toute faute. Ce dernier, en effet, se considérant responsable de la mort de nombreux Yaksas, aurait pu se juger coupable, et c'est pourquoi Kuvera lui affirma qu'en réalité il n'en avait tué aucun; aussi n'y avait-il effectivement aucune trace de péché en lui. Somme toute, il avait fait son devoir de roi, tel qu'il est établi par les lois de la nature. Kuvera lui précisa également: "Ne pense pas non plus que ton frère ait été tué par les Yaksas; il est mort en temps voulu, tué par les lois de la nature. C'est le temps éternel, l'un des aspects du Seigneur, qui, en dernière analyse, est responsable de toute génèse et anéantissement. Tu n'es pas responsable de ces événements."

VERSET 4

aham tvam ity apartha dhir
ajnanat purusasya hi
svapnivabhaty atad-dhyanad
yaya bandha-viparyayau

TRADUCTION

La notion erronée du "moi" et du "toi", reposant sur une conception de l'existence fondée sur le corps, est un produit de l'ignorance. Cette conscience corporelle est la cause des morts et des renaissances successives, et elle assujettit indéfiniment l'être à l'existence matérielle.

TENEUR ET PORTEE

La conception du "moi" et du "toi", ou aham tvam, sépares l'un de l'autre, est due à notre oubli de la relation éternelle qui nous unit à Dieu. Krsna, la Personne Suprême, est au centre de toutes les relations, et nous sommes tous des parcelles de Sa Personne, tout comme les bras et les jambes sont des parties du corps. Lorsque nous parvenons à comprendre réellement qu'un lien éternel nous unit au Seigneur Suprême, cette distinction, qui repose sur une conception corporelle de l'existence, disparaît naturellement. Pour reprendre l'exemple précédent, le bras et la jambe sont des menbres bien distincts, mais lorsque tous deux sont utilisés au service du corps dans son ensemble, il n'existe plus de distinction entre eux. En effet, bras et jambes font partie du corps et tous les organes et les membres, agissant conjointement, forment le corps en tant que tout unique. De même, lorsque les êtres agissent dans la conscience de Krsna, il n'existe plus de distinction telle que "moi" et "toi" puisque tous participent au service du Seigneur. En effet, le Seigneur étant absolu, les services qui Lui sont offerts le sont également. Bien que, comme les bras et les jambes, les êtres aient des fonctions différentes, ils ne font qu'un et participent d'une même nature, étant donné que tous leurs actes ont pour but le service de Dieu, la Personne Suprême. Il convient toutefois de ne pas mélanger ce concept avec celui des philosophes mayavadis, selon lesquels "tout est un". La véritable connaissance consiste à savoir que le bras, la jambe et le corps sont des entités distinctes, mais qu'ils forment ensemble un tout unique. Dès que l'être vivant pense être indépendant, il commence son existence matérielle conditionnée. La conception d'une existente indépendante est donc comparable à un rêve. Sachons plutôt nous établir dans la conscience de Krsna, notre position originelle; nous serons alors libérés de l'asservissement à l'existence matérielle.

VERSET 5

tad gaccha dhruva bhadram te
bhagavantam adhoksajam
sarva-bhutatma-bhavena
sarva-bhutatma-vigraham

TRADUCTION

Approche, cher Dhruva, que le Seigneur te couvre toujours de Ses bénédictions. Dieu, la Personne Suprême, demeure au-delà de la perception de nos sens. Il est l'Ame Suprême de tous les êtres vivants, de telle sorte que tous participent d'une seule et même nature, sans distinction. Veuille donc t'engager sur la voie du service offert à la Forme transcendante du Seigneur, le refuge ultime de tous les êtres.

TENEUR ET PORTEE

Dans ce verset, le mot vigraham signifiant "ayant une Forme spécifique" a une grande importance, car il indique qu'en dernière analyse, la Vérité Absolue est Dieu, la Personne Suprême. La Brahma-samhita précise à ce propos, sac-cid-ananda-vigrahah: Il possède bien une Forme, mais celle-ci se distingue de toute forme matérielle, quelle qu'elle soit. Du fait que les êtres distincts constituent l'énergie marginale de la Forme suprême, ils ne sont pas différents de celle-ci, sans pour autant Lui être identiques. Il est ici recommandé à Dhruva Maharaja de servir la Forme suprême car, ce faisant, il servira toute autre forme individuelle. A titre d'exemple, un arbre possède une forme propre, et si l'on en arrose les racines, les autres parties de cet arbre —les branches, les feuilles, les fleurs et les fruits, qui ont, eux aussi, leurs formes propres— sont tout naturellement nourries. En d'autres termes, ce verset réfute la conception mayavada selon laquelle la Vérité Absolue, étant le Tout complet, devrait être dénuée de forme; il établit nettement, au contraire, que la Vérité Absolue possède une Forme et jouit néanmoins de l'omniprésence. Rien n'est indépendant de l'Etre Suprême.


Hare Krishna Hare Krishna Krishna Krishna Hare Hare
Hare Rama Hare Rama Rama Rama Hare Hare