SRIMAD-BHAGAVATAM
CHANT 4 CHAPITRE 9 Le retour de
Dhruva Maharaja.
yasmin viruddha-gatayo hy anisam patanti
vidyadayo vividha-saktaya anupurvyat tad brahma visva-bhavam ekam anantam adyam ananda-matram avikaram aham prapadye
La Brahma-samhita enseigne que le Brahman impersonnel, infini, constitue la radiance du Corps spirituel de Govinda. Dans cette aura resplendissante et infinie de la Personne Divine, il se trouve un nombre infini d'univers, composés eux-mêmes d'innombrables planètes de différentes catégories. Bien que la Personne Suprême soit la Cause originelle de toutes les causes, Sa radiance impersonnelle, appelée Brahman, constitue la cause immédiate de la manifestation matérielle. Voilà pourquoi, avec respect, Dhruva Maharaja rendit son hommage à l'aspect impersonnel du Seigneur. Quiconque accède à cette réalisation peut connaître l'immuable brahmananda, que ce verset décrit comme une félicité spirituelle. Srila Visvanatha Cakravarti Thakura explique que cette manifestation impersonnelle du Seigneur Suprême, ou Brahman, est destinée à des êtres effectivement très avancés, mais néanmoins incapables de comprendre la variété ou les aspects personnels du monde spirituel. De tels bhaktas sont appelés jnana-misra-bhaktas, dénomination indiquant que leur service de dévotion est teinté de savoir empirique. Toutefois, du fait que la réalisation du Brahman impersonnel correspond à une compréhension partielle de la Vérité Absolue, Dhruva Maharaja rend ici hommage à cet aspect du Seigneur. On dit de ce Brahman impersonnel qu'il représente la réalisation éloignée de la Vérité Absolue. Bien que le brahman soit apparemment dénué d'énergie, il possède en réalité différentes énergies dont l'action s'inscrit dans le cadre de la connaissance et de l'ignorance; c'est à cause de ces énergies que se manifestent continuellement la vidya et l'avidya. L'Isopanisad décrit très clairement ces deux principes et explique que, parfois, à cause d'un fonds limité de connaissance (avidya), certains estiment que la Vérité Absolue est, en dernière analyse, impersonnelle. Mais en fait, les réalisations impersonnelles et personnelles se développent en proportion de notre progrès dans le service de dévotion. Plus nous évoluons dans le service de dévotion que nous offrons au Seigneur, plus nous nous rapprochons de la Vérité Absolue, laquelle Se manifeste au début sous Son aspect impersonnel, lorsque nous la réalisons tout en demeurant éloignés d'Elle. La masse des gens, subissant l'influence de l'avidya-sakti, ou maya, ne possède ni savoir ni dévotion. Mais lorsqu'un être qui est quelque peu avancé (ce qui lui vaut le nom de jnani) progresse encore plus, il entre alors dans la catégorie des jnana-misra-bhaktas, ou des bhaktas dont l'amour est teinté de connaissance empirique. Puis, ayant atteint un niveau encore plus élevé, il peut alors réaliser que la Vérité Absolue est une Personne pourvue de multiples énergies. Un bhakta avancé peut saisir l'aspect personnel du Seigneur et Son énergie créatrice. Dès que l'on accepte l'existence de l'énergie créatrice de la Vérité Absolue, on comprend également ce que sont les six perfections de Dieu, la Personne Suprême. Enfin, les dévots du Seigneur qui sont parvenus à un niveau encore supérieur et qui possèdent la connaissance complète, peuvent comprendre Ses Divertissements divins. Ce n'est qu'à ce stade que l'on peut goûter pleinement à la félicité spirituelle. Visvanatha Cakravarti Thakura donne à cet égard l'exemple d'un homme qui se dirigerait vers une certaine destination. Au cours de sa progression, il parvient à voir dans le lointain le lieu où il doit se rendre, par exemple une ville. A ce stade, il comprend simplement qu'il existe une ville à distance. Mais, lorsqu'il se rapproche encore davantage, il peut voir les dômes et les drapeaux. Et finalement, lorsqu'il pénètre dans cette ville, il y découvre divers jardins, avenues et lacs, ainsi que des quartiers commerçants avec des magasins bien achalandés. Il y voit également divers cinémas, des gens qui dansent et toutes sortes de manifestations de joie. Ainsi, c'est lorsqu'il entre dans la ville et y voit personnellement les activités qui s'y déroulent, qu'il est enfin satisfait.
satyasiso hi bhagavams tava pada-padmam
asis tathanubhajatah purusartha-murteh apy evam arya bhagavan paripati dinan vasreva vatsakam anugraha-kataro sman
Dhruva Maharaja se rendait bien compte de la nature imparfaite du service de dévotion qu'il offrait au Seigneur. En effet, le service de dévotion pur n'a rien de matériel et n'est teinté ni par la spéculation intellectuelle ni par les actes intéressés. Aussi le dit-on ahaituki, ou immotivé. Dhruva Maharaja savait très bien quel était le motif qui l'avait amené à adorer le Seigneur en recourant à la pratique du service de dévotion: il voulait obtenir le royaume de son père. Or, il n'est jamais donné à un bhakta animé de telles motivations de contempler de ses yeux la Personne Suprême; c'est pourquoi Dhruva Maharaja éprouva une vive reconnaissance pour la miséricorde immotivée que le Seigneur lui avait accordée. De fait, le Seigneur fait preuve d'une telle bienveillance que non seulement Il comble les désirs d'un bhakta qui est conduit par l'ignorance et qui aspire à quelque bienfait matériel, mais Il lui accorde également toute protection, de même qu'une vache allaite son veau en bas âge. La Bhagavad-gita enseigne que le Seigneur donne au bhakta constamment occupé à Le servir l'intelligence grâce à laquelle il peut graduellement L'approcher sans difficulté. Aussi un bhakta doit-il être très sincère dans la pratique du service de dévotion; alors, bien qu'il puisse commettre de nombreuses erreurs, Krsna le guidera et l'élèvera peu à peu jusqu'à la plus haute position qui soit dans cette voie. Dans ce verset, Dhruva Maharaja s'adresse au Seigneur en Le désignant par les mots purusartha-murti, signifiant "le but ultime de l'existence". En général, le mot purusartha sert à indiquer l'observance d'un principe religieux ou l'adoration offerte à Dieu en vue de recevoir une bénédiction d'ordre matériel. Ceux qui adressent des prières pour obtenir une telle bénédiction cherchent la satisfaction de leurs sens; frustrés lorsqu'ils ne parviennent pas à trouver pleinement satisfaction en dépit de tous leurs efforts, ils désirent obtenir la libération, ou, en d'autres termes, échapper à l'existence matérielle. Telles sont les activités que l'on désigne généralement par le mot purusartha. Mais en réalité, le but ultime est de réaliser Dieu, la Personne Suprême. Voilà ce que l'on entend par les mots pancama-purusartha ou "le but ultime de l'existence". Aussi Sri Caitanya nous a-t-Il enseigné de ne demander à la Personne Divine aucune bénédiction telle que la richesse matérielle, la popularité ou une bonne épouse. On doit seulement prier le Seigneur de pouvoir sans cesse Le servir d'un amour absolu. C'est la raison pour laquelle Dhruva Maharaja, sachant qu'il aspirait à quelque chose de matériel, voulait que le Seigneur lui accordât Sa protection afin qu'aucun désir de cet ordre ne le fourvoie ou ne le fasse dévier de la voie du service de dévotion.
maitreya uvaca
athabhistuta evam vai sat-sankalpena dhimata bhrtyanurakto bhagavan pratinandyedam abravit
Cher Vidura, lorsque Dhruva Maharaja, dont le coeur ne recelait que de bonnes intentions, eut achevé sa prière, le Seigneur Suprême, la Personne Divine, qui fait preuve d'une grande bienveillance envers Ses dévots et Ses serviteurs, lui adressa des compliments en lui tenant les propos qui vont suivre.
sri-bhagavan uvaca
vedaham te vyavasitam hrdi rajanya-balaka tat prayacchami bhadram te durapam api suvrata
Cher Dhruva, fils de roi, tu as observé des voeux de sainteté, et Je connais également le désir que tu nourris en ton coeur. Bien qu'il soit très ambitieux et fort difficile à combler, Je vais t'accorder la satisfaction de ce désir. Tu as toutes Mes bénédictions!
La bienveillance du Seigneur pour Son dévot était si grande qu'Il dit d'emblée à Dhruva Maharaja: "Tu as toutes mes bénédictions!" Le fait est qu'en son for intérieur Dhruva Maharaja ressentait une très vive inquiétude, car c'est en aspirant à un bienfait matériel qu'il avait pratiqué le service de dévotion, et cela l'empêchait d'atteindre le stade de l'amour pour Dieu. La Bhagavad-gita (II.44) enseigne à ce propos, bhogaisvarya-prasaktanam: ceux qui sont attachés au plaisir matériel ne peuvent ressentir d'attirance pour le service de dévotion. Or, en vérité, il était indéniable que Dhruva Maharaja désirait du fond du coeur un royaume qui surpasserait, et de loin, Brahmaloka. Pour un ksatriya, il ne s'agissait là que d'un désir naturel. En outre, il n'avait que cinq ans, et son désir était celui d'un enfant: il voulait un royaume beaucoup plus grandiose encore que celui de son père, de son grand-père ou de son arrière-grand-père. Or, son père, c'était Uttanapada, le fils de Manu, qui lui-même était fils de Brahma; Dhruva voulait donc dépasser toutes ces hautes personnalités qui composaient sa famille. Le Seigneur connaissait l'ambition puérile de Dhruva Maharaja, mais comment pouvait-il lui offrir une position plus prestigieuse encore que celle de Brahma? Le Seigneur donna néanmoins à Dhruva Maharaja l'assurance qu'Il lui garderait toujours Son amour. Pour l'encourager, Il lui affirma qu'il ne devait pas s'inquiéter de ce qu'il nourrissait puérilement des désirs matériels tout en ayant en lui la pure aspiration d'être un grand bhakta. En général, le Seigneur n'accorde pas d'opulence matérielle à Son pur dévot, même si ce dernier en manifeste le désir; mais il n'en était pas de même dans le cas de Dhruva Maharaja. En effet, le Seigneur savait que c'était un bhakta si avancé que même s'il vivait dans l'opulence matérielle, il ne se laisserait jamais détourner de son amour pour Dieu. Cet exemple illustre le fait qu'un bhakta hautement accompli peut avoir les moyens de jouir de plaisirs matériels et, tout à la fois, de vivre pour l'amour de Dieu. Toutefois, il s'agissait ici d'un cas exceptionnel.
nanyair adhisthitam bhadra
yad bhrajisnu dhruva-ksiti yatra graharksa-taranam jyotisam cakram ahitam
medhyam go-cakravat sthasnu
Cher Dhruva, Je vais t'accorder l'astre lumineux connu sous le nom d'étoile Polaire, qui continuera d'exister même après la dissolution des mondes, à la fin d'une journée de Brahma. Nul n'a jamais régné sur cette planète qu'entourent tous les systèmes solaires, les planètes et les étoiles. Tous les luminaires du ciel exécutent une ronde autour d'elle, comme les boeufs qui tournent autour d'un axe afin de moudre le grain. Gardant l'étoile Polaire à leur droite, toutes les étoiles habitées par les grands sages comme Dharma, Agni, Kasyapa et Sukra gravitent autour de cet astre qui continuera d'exister même après la destruction de tous les autres.
L'étoile Polaire existait avant que Dhruva Maharaja ne s'y installe, mais aucun deva-maître ne régnait sur elle. Dhruvaloka, notre étoile Polaire, représente le point central autour duquel gravitent toutes les autres étoiles et systèmes solaires, tout comme des boeufs écrasent le grain en piétinant longuement autour d'un axe. Dhruva Maharaja voulait la plus prestigieuse de toutes les planètes, et malgré le caractère enfantin de cette prière, le Seigneur combla sa requête. Il arrive ainsi qu'un petit enfant demande à son père une chose que ce dernier n'a jamais accordée à qui que ce soit, et que par affection, le père le lui offre néanmoins. C'est ainsi que Maharaja Dhruva se vit attribuer Dhruvaloka, cette planète unique en son genre puisqu'elle continuera d'exister même pendant l'anéantissement de l'univers entier et même pendant la dévastation qui surviendra lors de la nuit de Brahma. On distingue deux sortes de dissolutions, l'une ayant lieu durant la nuit de Brahma et l'autre survenant à la fin de sa vie. Dhruva Maharaja était l'une des éminentes personnalités qui retournent à Dieu, en leur demeure originelle, à la fin de la vie de Brahma. Le Seigneur assura donc à Dhruva qu'il survivrait à la dissolution partielle de cet univers, et qu'à la fin de la dissolution complète, il irait directement à Vaikunthaloka, sur une planète éternelle du monde spirituel. Srila Visvanatha Cakravarti Thakura précise à cet égard que Dhruvaloka se trouve sur le même plan que Svetadvipa, Mathura et Dvaraka. Ces lokas sont tous des lieux éternels appartenant à ce royaume de Dieu que décrit la Bhagavad-gita (tad dhama paramam) et les Vedas (om tad visnoh paramam padam sada pasyanti surayah). Les mots parastat kalpa-vasinam, signifiant "qui transcende les planètes habitées après la dissolution" se rapportent aux planètes "Vaikunthas". On peut en conclure que l'élévation de Dhruva Maharaja aux Vaikunthalokas était garantie par Dieu, la Personne Suprême.
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