SRIMAD-BHAGAVATAM
CHANT 6
CHAPITRE 1

La vie d'Ajamila.

VERSET 51

tad etat sodasa-kalam
lingam sakti-trayam mahat
dhatte nusamsrtim pumsi
harsa-soka-bhayartidam

TRADUCTION

Le corps subtil est recouvert par seize éléments —les cinq organes de perception, les cinq organes d'action, les cinq objets des sens et le mental. Ce corps subtil est un produit des trois attributs de la nature matérielle; il se compose de désirs irrésistibles tant ils sont puissants, de telle sorte qu'il amène l'être distinct à transmigrer d'un corps à un autre parmi les hommes, les animaux et les devas. Lorsqu'il obtient un corps de deva, il en est assurément très heureux, mais lorsqu'il revêt la forme humaine, il ne cesse de se lamenter; et quand il naît avec un corps d'animal, il vit constamment dans la peur. Toutefois, quelle que soit sa situation, il est en fait misérable car il doit poursuivre son existence matérielle, transmigrant d'un corps à un autre —ce que traduit le mot samsrti.

TENEUR ET PORTEE

Ce verset nous explique la somme et l'essence de l'existence conditionnée. L'être incarné, le dix-septième élément, doit lutter seul, vie après vie, et son combat a pour nom samsrti: c'est la condition matérielle. La Bhagavad-gita (VII.14) enseigne que la nature matérielle possède une force irrésistible (daivi hy esa gunamayi mama maya duratyaya). Elle harcèle l'être distinct en divers corps, mais si celui-ci s'abandonne à Dieu, la Personne Suprême, il est libéré de ce joug (mam eva ye prapadyante mayam etam taranti te). Ainsi, sa vie devient une réussite.

VERSET 52

dehy ajno jita-sad-vargo
necchan karmani karyate
kosakara ivatmanam
karmanacchadya muhyati

TRADUCTION

Incapable, dans sa sottise, de se rendre maître de ses sens et de son mental, l'être incarné est contraint d'agir suivant l'influence qu'exercent sur lui les trois attributs de la nature matérielle, et ce, contre ses désirs. Il ressemble au ver à soie, qui utilise sa propre salive pour s'entourer d'un cocon dont il devient prisonnier, sans pouvoir en sortir. En effet, l'être conditionné s'empêtre dans le réseau de ses actes intéressés et n'entrevoit aucun moyen de s'en défaire. Il vit ainsi constamment dans le trouble et meurt de façon répétée.

TENEUR ET PORTEE

Comme cela a déjà été expliqué, l'influence des gunas est très puissante. L'être distinct pris dans l'engrenage de différents types d'actions intéressées ressemble à un ver à soie prisonnier de son cocon. Sa libération s'avère difficile, à moins qu'il ne soit aidé par Dieu, la Personne Suprême.

VERSET 53

na hi kascit ksanam api
jatu tisthaty akarma-krt
karyate hy avasah karma
gunaih svabhavikair balat

TRADUCTION

Aucun être vivant ne peut rester inactif, ne serait-ce que pendant un instant. Chacun doit agir suivant ses tendances naturelles en accord avec les trois gunas, car ces tendances le forcent à agir d'une façon particulière.

TENEUR ET PORTEE

Les tendances naturelles d'une personne (svabhavika) représentent le facteur le plus déterminant dans l'action. La tendance naturelle et profonde de l'être vivant consiste à servir, car il est le serviteur éternel de Dieu. Il veut donc servir, mais du fait qu'il a oublié sa relation avec le Seigneur Suprême, son service se place sous l'influence des trois gunas. C'est ainsi qu'il invente divers modes de service, comme le socialisme, l'humanitarisme et l'altruisme. Cependant, chaque être humain devrait être éclairé sur le message de la Bhagavad-gita et accepter l'instruction du Seigneur Souverain: il faut renoncer à toute propension naturelle pour un service matériel, quel que soit le nom qui s'y attache, pour se consacrer au service du Seigneur. Notre tendance naturelle originelle consiste à agir dans la conscience de Krsna, car notre véritable nature est spirituelle. L'être humain a le devoir de comprendre que parce qu'il est d'essence spirituelle, il doit suivre ses propensions spirituelles, et ne pas se laisser entraîner par ses penchants matériels. Voilà pourquoi Srila Bhaktivinoda Thakura disait dans l'un de ses chants:

(miche) mayara vase, yaccha bhese,
khaccha habudubu, bhai

"Mes chers frères, vous êtes emportés par les vagues de l'énergie matérielle et vous souffrez au sein de toutes sortes de conditions lamentables. Tantôt vous vous enfoncez dans l'océan de la nature matérielle, et tantôt vous êtes ballottés par ses vagues comme un nageur luttant contre les éléments." Il confirme ensuite que cette tendance à se laisser battre par les vagues de maya peut être remplacée par notre tendance première, spirituelle, lorsque nous nous rendons compte que nous sommes éternellement des krsna-dasas, des serviteurs de Dieu, de Krsna:

(jiva) krsna-dasa, ei visvasa,
karle ta ara duhkha nai

Si, plutôt que de servir maya sous différents noms, nous dirigeons notre tendance à servir vers le Seigneur Suprême, nous serons alors en sécurité, à l'abri de toute difficulté. Et si nous utilisons notre vie humaine pour revenir à cette tendance naturelle, originelle, en assimilant la parfaite connaissance donnée dans les Ecritures védiques, par Krsna Lui-même, notre vie deviendra une réussite.

VERSET 54

labdhva nimittam avyaktam
vyaktavyaktam bhavaty uta
yatha-yoni yatha-bijam
svabhavena baliyasa

TRADUCTION

Les actes intéressés accomplis par l'être distinct, qu'ils soient vertueux ou impies, sont la cause invisible de la manière dont ses désirs seront satisfaits. Cette cause invisible est à l'origine des différents corps revêtus par l'âme conditionnée. Du fait de son désir intense, celle-ci voit le jour dans une famille particulière et reçoit un corps semblable à celui de sa mère ou à celui de son père. Les corps grossier et subtil sont donc créés en fonction de son désir.

TENEUR ET PORTEE

Le corps grossier est un produit du corps subtil. Selon la Bhagavad-gita (VIII.6):

yam yam vapi smaran bhavam
tyajaty ante kalevaram
tam tam evaiti kaunteya
sada tad-bhava-bhavitah

"Ce sont certes les pensées, les souvenirs de l'être à l'instant de quitter son corps qui déterminent sa condition future." Quant aux pensées qui habitent le corps subtil à l'instant de la mort, elles résultent des activités du corps grossier. Ainsi, le corps grossier agit au cours de notre existence, et le corps subtil au moment de la mort. Le corps subtil, appelé linga —ou corps de désir—, sert de toile de fond au développement d'un certain corps grossier, qui ressemblera à celui de la mère ou à celui du père. Selon le Rg-Veda, si, au moment de l'union sexuelle, les sécrétions de la mère sont plus abondantes que celles du père, l'enfant recevra un corps féminin; au contraire, si les sécrétions du père sont plus abondantes que celles de la mère, l'enfant recevra un corps masculin. C'est ainsi qu'agissent les lois subtiles de la nature, en accord avec les désirs de l'être distinct. Si un être humain apprend à transformer son corps subtil en devenant conscient de Krsna, lorsque viendra l'heure de sa mort, son corps subtil produira un corps grossier avec lequel il agira en dévot de Krsna; mieux encore, s'il a atteint un niveau de perfection supérieur, il ne reprendra plus de corps matériel, mais obtiendra aussitôt un corps spirituel et retournera à Dieu, dans sa demeure originelle. C'est ainsi que s'effectue la transmigration de l'âme. En conséquence, plutôt que de chercher à unir les hommes au moyen de pactes qui sont fondés sur la satisfaction des sens et qui ne peuvent jamais réussir, il est nettement préférable de leur enseigner comment devenir conscients de Krsna et retourner à Dieu, dans leur demeure originelle. Ceci est vrai maintenant comme en tout temps.

VERSET 55

esa prakrti-sangena
purusasya viparyayah
asit sa eva na cirad
isa-sangad viliyate

TRADUCTION

L'être distinct en contact avec la nature matérielle se trouve dans une situation difficile; mais si, au cours de sa vie humaine, il apprend à vivre au contact de Dieu, la Personne Suprême, ou de Ses dévots, il pourra surmonter cette situation.

TENEUR ET PORTEE

Le mot prakrti désigne la nature matérielle; de son côté, le mot purusa peut également indiquer Dieu, la Personne Suprême. Si quelqu'un désire continuer à vivre au contact de la prakrti, de l'énergie féminine de Krsna, et rester séparé de Krsna en ayant l'illusion qu'il peut jouir de la prakrti, alors son existence conditionnée doit se poursuivre. Cependant, s'il modifie son état de conscience et recherche la compagnie de la Personne Suprême et Originelle (purusam sasvatam) ou de Ses compagnons, il peut s'arracher aux rets de la nature matérielle. Ainsi que le confirme la Bhagavad-gita (IV.9) : janma karma ca me divyam evam yo vetti tattvatah —il faut seulement connaître Krsna, la Personne Suprême, c'est-à-dire comprendre la nature de Sa Forme, de Son Nom, de Ses Actes et de Ses Divertissements. Ceci permettra de demeurer constamment en conctact avec Lui. Tyaktva deham punar janma naiti mam eti so rjuna: de cette façon, après avoir quitté son corps matériel grossier, l'être reçoit non pas un nouveau corps grossier mais un corps spirituel permettant de retourner auprès de Dieu, dans le monde spirituel. Il met ainsi un terme aux tribulations causées par son association avec l'énergie matérielle. En résumé, l'être distinct est un serviteur éternel de Dieu, mais il vient dans l'univers matériel et se trouve assujetti aux conditions de ce monde par suite de son désir de dominer la matière. La libération correspond à l'abandon de cette conception erronée et à la reprise de son activité originelle, qui est de servir le Seigneur. Ce retour à sa condition première a pour nom mukti, comme le confirme le Srimad-Bhagavatam: muktir hitvanyatha rupam svarupena vyavasthitih.


Hare Krishna Hare Krishna Krishna Krishna Hare Hare
Hare Rama Hare Rama Rama Rama Hare Hare