MACHIAVEL
(1469-1527)

HAYAGRIVA : Machiavel est reconnu comme le plus influent théoricien politique de la Renaissance, et sa philosophie a influencé les chefs d’État jusqu'à nos jours. Typique de la Renaissance, il se détourne des thèmes chers aux Pères de l'Église — Dieu, le Paradis, le salut...—, pour se concentrer sur l'Homme et la Nature. La Renaissance marque le déclin du pouvoir de l'Église et la philosophie commence à se séculariser. Machiavel admet lui-même que son ouvrage le plus célèbre, Le Prince, ne s'applique pas à un État utopique composé de bons citoyens; c'est une philosophie sans scrupule qui s'applique à des citoyens corrompus. Le Prince est un guide pour tyrans; il contient les instructions qu'il a choisi de transmettre à la famille dirigeante des Médicis. C'est une justification des actions immorales. Le pouvoir représente le but ultime et dans la quête du pouvoir, la fin justifie les moyens. Celui qui réussit à l'obtenir est obéi et respecté. Le seul péché serait l'échec.

SRILA PRABHUPADA: Ainsi se définit la politique, occupation des kshatriyas. La Bhagavad-Gîtâ (18:43) énumère les qualités du kshatriya :

sauryam tejo dhrtir dâksyam yuddhe câpy apalâyanam
dânam îsvara-bhâvas ca ksâtram karma svabhâva-jam

« L’héroïsme, la puissance, la détermination, l’ingéniosité, la générosité, le courage au combat et l’art de diriger: telles sont les qualités qui accompagnent les actions du kshatriya. » Les rois ou présidents des temps modernes ne se rendent jamais, bien sûr, sur le champ de bataille pour y déployer leur courage. Ils ne se livrent qu'à des combats verbaux; lorsque se déclare un vrai conflit, ils demeurent dans un lieu retiré et laissent les citoyens combattre à leur place. De plus, ils instituent un Conseil de révision pour s'assurer que ces derniers ne se défilent pas. Le système védique veut toutefois que lorsqu'une guerre éclate, le roi ou président soit présent sur le champ de bataille pour mener le combat et encourager ses troupes. C'est ce qu'on nomme yuddhe câpy apalâyanam [ne pas fuir le combat]. Le chef de la nation doit combattre de son mieux, déterminé soit à remporter la victoire, soit à sacrifier sa vie. La Bhagavad-Gîtâ est elle-même un guide pour kshatriyas et fut énoncée à l'origine au Déva du Soleil, il y a plusieurs millions d'années. Parfois, on cherche à interpréter la Gîtâ comme un traité philosophique de non-violence. Or, la politique implique la violence puisque le monarque doit vaincre. Les Védas déclarent qu'un roi victorieux sera respecté; il doit donc faire preuve de puissance. De plus, le chef d'État doit se montrer charitable; jadis, tous les grands rois accomplissaient d'imposants sacrifices (yajñas).

annâd bhavanti bhûtâni parjanyâd anna-sambhavah
yajñâd bhavati parjanyo yajñah karma-samudbhavah

« Le corps de tout être subsiste grâce aux aliments dont les pluies permettent la croissance. Et les pluies coulent du yajña, le sacrifice qu'accomplit l'être en s'acquittant des devoirs qui lui sont prescrits. » (Gîtâ 3:14)

Lorsque le roi ou l'État accomplit suffisamment de sacrifices, il en résulte des pluies. Le pouvoir en soi ne suffit pas. Il faut aussi être à même de pleinement satisfaire les citoyens en leur procurant des céréales en quantité suffisante pour qu’humains et animaux puissent manger à satiété. Le prince ou politicien doit posséder cette aptitude. Il doit non seulement être puissant mais charitable. Les impôts prélevés sur le revenu des citoyens doivent être judicieusement employés pour l'accomplissement de sacrifices. Bien entendu, il n'est plus possible d'accomplir comme jadis de tels rites. Autrefois, on offrait en effet des tonnes de beurre clarifié (ghi) et de céréales dans le feu sacrificiel. Cela ne s'avère toutefois guère pratique de nos jours. Le sankîrtan-yajña représente désormais le meilleur sacrifice qui soit. C'est d'ailleurs celui que propage notre Mouvement pour la Conscience de Krishna et que doivent encourager les chefs d'État.

HAYAGRIVA : Machiavel estime que le prince doit au moins manifester 5 vertus fondamentales: la foi, l'intégrité, la religion, l'humanité et la miséricorde, qu'il les possède ou non. Il écrit: «Il n'est pas requis que le prince possède toutes les qualités précitées, mais il s'avère indispensable qu'il semble en être doté. Je dirais même qu'il serait dangereux de les avoir et de toujours les manifester. Il est cependant utile de paraître les posséder. Il serait donc bien de paraître fidèle, humain, sincère, religieux, miséricordieux, et aussi de l'être. Mais il faut être mentalement disposé à passer aux qualités opposées quand il se révèle nécessaire d'être autrement.»

SRILA PRABHUPADA: Machiavel peut penser ainsi, mais tout prince ou roi qui ne possède toutes ces qualités s'avère indigne de régner. Il ne peut donc demeurer prince, car sa position est artificielle. Les rois n'étant plus qualifiés, la monarchie fut abolie et la démocratie prévaut désormais. Toutefois, les monarques de l'Inde possédaient jadis toutes les vertus requises. Citons un exemple: Parîkshit Mahârâja parcourait un jour son royaume. Apercevant un homme au teint sombre qui cherche à tuer une vache, il dégaine aussitôt son épée et s'écrie: «Qui ose attaquer une vache et dans mon royaume, de surcroît? Ton comportement te mérite un châtiment.» Le roi doit être ainsi déterminé à protéger tous les habitants de son royaume. À l'heure actuelle, le gouvernement n'offre aucune protection aux animaux. On abat la vache bien qu'elle donne son lait, dont nous obtenons tant de délicieuses préparations. C'est le Kali-yuga, et l'État ne fait preuve de bon sens dans aucun domaine. Puisqu'il se montre indigne de gouverner, le chaos règne à travers le monde entier. La civilisation védique vénère le roi comme une manifestation de Dieu sous forme humaine, d'où son nom de naradéva. Dénué de toute vertu, il ne peut plus être vu comme tel et ne saurait régner longtemps, son règne s'avérant artificiel. Aussi la monarchie est-elle abolie dans le Kali-yuga.

HAYAGRIVA : Machiavel ne prétend pas que tels sont les modes de la politique. Au contraire, puisqu'elle est telle présentement, voilà la meilleure façon dont peut régner le prince.

SRILA PRABHUPADA: Nos principes doivent prévaloir en tout temps, passé, présent ou futur. Krishna énonça la Bhagavad-Gîtâ voici des millions d'années au roi du Soleil: Vivasvân. Il redonna les mêmes principes il y a 5 000 ans à Arjouna, sur le champ de bataille de Kurukshetra. Ce n'est pas que les principes changent. Que l'on soit prince, président..., les principes pour gouverner doivent être maintenus. Alors les gens y gagneront. On dit que lorsque régnait Mahârâj Youdhisthir, les gens n'étaient jamais troublés par la chaleur ou le froid excessifs; ils étaient libres de toute angoisse et du ciel tombaient des pluies régulières. Voilà un royaume idéal où tous sont heureux à tous égards.

HAYAGRIVA : Machiavel croit que le chef d’État doit prendre sur lui les péchés de la nation, à l'instar du Christ qui prit sur lui ceux du monde.

SRILA PRABHUPADA: Mais s'il est lui-même un pécheur, comment peut-il endosser les conséquences des fautes d'autrui ?

HAYAGRIVA : Machiavel estime qu'en politique la corruption est inéluctable. Il écrit à ce sujet: « Celui qui veut en tout et partout se montrer homme de bien ne peut manquer de périr au milieu de tant de méchants. »

SRILA PRABHUPADA: Comment un malfaiteur pourrait-il introduire quoi que ce soit de bon? À l'heure actuelle en Inde, plusieurs se disent de grands mahâtmâs, de nobles érudits, politiciens ou spiritualistes, mais ils sont incapables de protéger ne serait-ce que la vache. La Bhagavad-Gîtâ (18:44) dit:

krsi-goraksya-vânijyam vaisya-karma svabhâva-jam

« L'agriculture, la protection de la vache et le négoce, tels sont les travaux qui incombent naturellement au vaishya. » L'État doit au moins protéger la vache, qui n'est pas un animal ordinaire. Le roi doit veiller au bien-être de tous les citoyens, y compris la vache. Si le roi ou président ne fait que monter sur le trône, le peuple ne connaîtra pas le bonheur. Même en Amérique, le président fut destitué lorsque les électeurs furent mécontents de lui. Quoi qu'il en soit, le chef d'État doit être parfait et manifester les traits princiers idéals.

HAYAGRIVA : Puisque le peuple désire en général la paix, Machiavel suggère au prince de la promouvoir dans ses discours publics. L'armée, par contre, lui préfère toujours la guerre car elle favorise les promotions; or, le prince doit aussi apaiser les militaristes. Ainsi, bien qu'il prône publiquement la paix, le prince peut briser sa promesse chaque fois qu'il faudra déclarer la guerre à l'étranger, surtout quand surgit quelque trouble dans son pays.

SRILA PRABHUPADA: Personne ne peut apporter la paix s'il n'est versé dans la conscience de Dieu. La Bhagavad-Gîtâ (5:29) déclare :

bhoktâram yajña-tapasâm sarva-loka-mahesvaram
suhrdam sarva-bhûtânâm jñâtva mâm sântim rcchati

« Parce qu'il Me sait le bénéficiaire ultime de tous les sacrifices, de toutes les austérités, souverain de tous les astres et de tous les Dévas, ami et bienfaiteur de tous les êtres, le sage échappe aux souffrances matérielles. » Le roi doit se garder de croire que le royaume lui appartient ou qu'il appartient à son père. Au contraire, se sachant le représentant du Père Suprême, il doit comprendre que l'État est la propriété de Dieu. En tant que tel, son devoir consiste à protéger l'État et les citoyens. Il n'est pas un lopin de terre dans tout l'Univers qui n'appartienne à Dieu, la Personne Suprême. Toute propriété doit donc être utilisée pour Sa satisfaction. Bhoktâram yajña-tapasâm: tout doit être accompli pour la satisfaction du Seigneur; telle est l'occupation idéale pour toute société.

atah pumbhir dvija-srestha varnashrama-vibhagasah
svanusthitasya dharmasya samsiddhir hari-tosanam

« Ainsi a-t-il été conclu, ô meilleur des deux-fois-nés, que la plus haute perfection que l'on puisse atteindre en s'acquittant de ses devoirs dans l'institution du varnashram est de satisfaire le Seigneur, Sri Hari. » (S.B. 1.2.13) Les Écritures (shâstras) dénombrent 4 divisions sociales: brâhmana, kshatriya, vaishya et sudras, qui favorisent une administration adéquate. C'est le devoir du roi de diviser la société humaine selon le varnashram-dharma. On doit retrouver d'authentiques brâhmanas, kshatriyas, vaishyas, sudras, brahmachârîs, grihasthas, vânaprasthas et sannyâsîs. Personne ne doit tricher; chacun doit s'acquitter de son devoir en conséquence. Le roi doit savoir ce qu'est le péché, afin d'être à même d'en protéger le royaume. Mais s'il supporte les activités coupables, s'il maintient par exemple un abattoir, comment serait-il sans péché? Les shâstras enseignent que le roi acquiert le pouvoir politique par ses actes de piété; or, s'il ne protège pas les citoyens, il le perdra automatiquement.

HAYAGRIVA : Machiavel estime certes que le peuple doit être protégé, mais il croit aussi à l'emploi du pouvoir et de la force. S'il surgit des problèmes internes, ils doivent être étouffés par la force. Si cela s'avère impossible, le prince doit détourner l'attention du peuple en déclarant la guerre à l'étranger. Il juge même que mieux vaut partir en guerre que de rester neutre, car une nation neutre s'attire la haine du perdant et le mépris du gagnant. Il glorifie par conséquent le pouvoir et la guerre.

SRILA PRABHUPADA: Il glorifie la guerre car il ne peut résoudre les problèmes internes qui rongent son administration. Quelle attitude inhumaine !

HAYAGRIVA : « Problèmes internes, guerre à l'étranger »: telle était l'une de ses plus célèbres devises.

SRILA PRABHUPADA: Parfois, les gouvernements créent artificiellement l'agitation et la pauvreté. En 1940, lors de la Seconde Guerre mondiale, nous avons vu le gouvernement créer une famine artificielle pour inciter les hommes à combattre. Les sans-emploi n'avaient d'autre choix que de joindre les rangs de l'armée. Le gouvernement augmenta le prix des aliments: je me souviens que celui du riz monta d'un coup de 6 à 10 roupies; le lendemain, il se vendait 20 roupies. Puis, il monta en flèche jusqu'à 50 roupies, alors qu'il n'en coûtait d'abord que six. Telles sont les séquelles de la politique. Quand le gouvernement n'est ni pieux ni solide, de tels incidents surviennent, plongeant le peuple dans la détresse.

HAYAGRIVA : Machiavel professe une opinion très cynique de l'homme. Il écrit d'ailleurs: «Il faut considérer comme allant de soi que tous les hommes sont méchants lorsqu'on constitue une communauté et qu’on légifère.»

SRILA PRABHUPADA: Une telle opinion n'a rien de philosophique.

HAYAGRIVA : Il juge que les humains sont ainsi faits qu'ils désirent tout avoir, bien que cela soit impossible. Jamais satisfaits, dès qu'ils acquièrent quoi que ce soit, il désirent ardemment autre chose.

SRILA PRABHUPADA: C'est donc le devoir de l'État d'introduire la conscience de Krishna, afin que les gens puissent connaître les voies de la paix et du bonheur.

HAYAGRIVA : Tant que le prince agissait pour le bien des citoyens, ils étaient entièrement siens.

SRILA PRABHUPADA: Mais il doit connaître l'art d'agir pour leur bien.

HAYAGRIVA : Machiavel aimait beaucoup parler de « l'intérêt commun », qu'il plaçait, avec l'amour de la patrie, au-dessus de l'amour chrétien pour Dieu.

SRILA PRABHUPADA: Mais qu'entend-il par « l'intérêt commun »? Il pense que les gens doivent manger à leur faim; il est cependant dans l'intérêt commun de chacun d'aimer Dieu. L'amour de Dieu est pour chacun et Dieu est un. Lorsque nous apprenons à L'aimer, notre vie est couronnée de perfection.

HAYAGRIVA : Toutefois, si les gens sont fondamentalement méchants, raisonne-t-il, un prince puissant est requis pour les contrôler.

SRILA PRABHUPADA: Pourquoi demeureraient-ils méchants ? C'est le devoir du roi de s'assurer que tous les citoyens deviennent des gentlemen. Il ne doit pas permettre qu'ils restent méchants. Les systèmes éducationnels, sociaux et religieux doivent être si parfaits que les gens deviennent conscients de Dieu. Une section au moins de la population, à savoir les brahmanes, doit se montrer parfaite.

HAYAGRIVA : Mais il juge que si le prince était toujours parfaitement vertueux ou véridique, il lui serait absolument impossible de survivre dans l'univers de la politique.

SRILA PRABHUPADA: Voilà pourquoi les divisions sociales (brâhmana, kshatriya, vaishya et sudras) furent créées. Tous ne peuvent être véridiques, mais une section au moins de la population doit être idéale afin que les autres puissent profiter de ses sages conseils. Ce n'est pas que tous occupent la même position. À titre d'exemple, seuls ceux qui aiment combattre devraient joindre les rangs de l'armée.

HAYAGRIVA : Machiavel recommande le service militaire obligatoire comme une forme primaire d'éducation pour tous.

SRILA PRABHUPADA: Rien n'est conçu pour tous; il doit exister des divisions. Machiavel ignorait qu'une formation brahmanique est absolument nécessaire pour les hommes d'intelligence.

HAYAGRIVA : Puisque les jeunes doivent plus particulièrement s'habituer aux épreuves et aux privations, il considère la guerre comme une forme d'éducation.

SRILA PRABHUPADA: Toute éducation requiert épreuves et privations, surtout lorsqu'il s'agit de devenir un brahmane ou un brahmachârî. Quoi qu'il en soit, certaines divisions pédagogiques doivent exister au sein de la société, de la même façon que le corps se divise aussi en différentes parties: la tête, les bras, le ventre et les jambes. La formation militaire consiste à éduquer les bras, mais où est celle destinée au cerveau? Comment les bras pourraient-ils agir si la tête ne reçoit aucune éducation ?

HAYAGRIVA : Machiavel recommande une république démocratique en vue d'une société composée d'âmes vertueuses. Dans un tel État, le souverain doit obtenir l'approbation du peuple. Machiavel considère toutefois qu'une telle société ne peut qu'être utopique.

SRILA PRABHUPADA: En effet, une telle société n'est qu'utopie en cet âge. Néanmoins, une partie de la population peut faire preuve d'une vertu idéale et les autres peuvent suivre leur exemple. Il n'est guère possible que chacun devienne un brahmane, mais quelques personnes peuvent être formées dans ce but. Le ciel peut être constellé d'étoiles, mais une lune suffit à dissiper les ténèbres. Si la population n'est formée que de sots et de mécréants, comment pourrait-on la gouverner? Une partie de la population au moins doit l'éclairer comme la Lune.

HAYAGRIVA : Sa vision cynique de l'humanité repose en partie sur la doctrine chrétienne — ou du moins sur celle de saint Augustin —, selon laquelle l'être humain est par nature corrompu. Alors qu’Augustin croit en la grâce salvatrice de Dieu, Machiavel croit, lui, que la volonté humaine surmontera les revers de fortune.

SRILA PRABHUPADA: Mais qui dispense bonheur et malheur? Qui dit bonheur et malheur dit dispensateur, puissance ou maître suprême — bref, Dieu. Les gens doivent apprendre la conscience de Krishna grâce à la lecture d'ouvrages spirituels, dont la Bhagavad-Gîtâ et le Srimad-Bhâgavatam.

HAYAGRIVA : L'attitude de Machiavel vis-à-vis de la religion a grandement influencé les gouvernements modernes. Or, il considère la religion comme un ministère qui ne doit pas être distinct en ce sens qu'il ne doit pas rivaliser avec l'État.

SRILA PRABHUPADA: Je suis d'accord avec lui sur ce point. Le gouvernement se doit de protéger la religion; si celle-ci est de nature scientifique, l'État reposera sur des bases solides. À l'heure actuelle, l'Amérique est à bien des égards une grande puissance; elle doit maintenant devenir une puissance divine. C'est très bien d'écrire: « À la grâce de Dieu », mais il faut aussi savoir qui est Dieu et pourquoi nous devons nous en remettre à Lui. Voilà pourquoi nous cherchons à introduire la science de Dieu qu'est la conscience de Krishna.

HAYAGRIVA : Machiavel estime que l'État peut admettre la validité de la religion, tant qu'elle ne lui est pas préjudiciable. Mais dans un sens, la religion est subordonnée à l'État.

SRILA PRABHUPADA: Il s'agit, bien sûr, de deux entités distinctes, mais l'État doit savoir en quoi consiste la religion et comment la faire connaître aux masses. Il ne saurait être question ici de foi aveugle. L'État soutient plusieurs ministères différents: le ministère de la Santé, le ministère de la Défense nationale... De même, le ministère de la Religion pourrait être subordonné à l'État car tous les ministères le sont, mais la religion doit reposer sur une connaissance scientifique. Si l'État tire profit de la littérature védique, il sera en mesure d'introduire une religion scientifique. Les gens seront alors aussi instruits qu'heureux.

HAYAGRIVA : Pour Machiavel, le seul péché serait de ne pas agir dans l'intérêt commun. Avant tout, le chef d'État doit préserver les citoyens de touteviolence physique. Les citoyens seront heureux s'ils respectent les lois et coutumes et prient Dieu.

SRILA PRABHUPADA: Si le chef d'État doit avant tout préserver les citoyens de toute violence physique, comment peut-il prôner l'abattage des animaux? Les animaux sont aussi des sujets, nés dans un pays spécifique. Est un citoyen quiconque naît au sein d'un État. Comment un chef d'État peut-il ainsi faire de la discrimination contre certains citoyens? Il ne peut alors parler d'intérêt commun mais seulement d'« intérêt humain ». L'intérêt commun veut que les animaux soient protégés au même titre que les humains.

HAYAGRIVA : Machiavel place l'amour de la patrie et l'intérêt commun au-dessus de tout. Il emploie rarement les mots «Dieu» ou «Providence», auxquels il préfère le mot «fortune». C'est la fortune qui se joue des humains et change les amis en ennemis.

SRILA PRABHUPADA: Si Dieu incarne la fortune, qui incarne l'infortune? Étant le Maître Absolu, Dieu incarne et la fortune et l'infortune. Selon qu'on fasse le bien ou le mal, le châtiment ou la récompense viendra de Dieu.

HAYAGRIVA : L'amour de la patrie transcenderait toute religion et moralité, tant et si bien qu'on pourrait perdre son âme pour la patrie. Machiavel écrit en fait : «J'aime davantage mon pays que mon âme.»

SRILA PRABHUPADA: Mais combien de temps vivra-t-il dans son pays ?

HAYAGRIVA : Il vécut de 1469 à 1527.

SRILA PRABHUPADA: Que représentent ces quelques années en regard de l'éternité du temps et de l'âme? La déification de la patrie ne témoigne donc pas d'une très grande intelligence.