SRIMAD-BHAGAVATAM
CHANT 5 CHAPITRE 10 Dialogue entre Jada Bharata
et Maharaja Rahugana.
jivan-mrtatvam niyamena rajan
adyantavad yad vikrtasya drstam sva-svamya-bhavo dhruva idya yatra tarhy ucyate sau vidhikrtya-yogah
La conscience corporelle représente le principe fondamental de la souffrance dans l'existence matérielle. Tout particulièrement dans le kali-yuga, les hommes font preuve d'une telle ignorance qu'ils ne peuvent même pas comprendre que le corps change à chaque instant et que la mort représente l'ultime changement. Peut-être dans cette vie quelqu'un est-il roi, mais dans sa prochaine existence, il peut tout aussi bien, selon son karma, devenir un chien, L'âme spirituelle dort d'un sommeil profond causé par les forces de la nature matérielle; dans cet état, elle se trouve placée dans diverses conditions d'existence, les unes après les autres. A moins d'atteindre à la connaissance et à la réalisation spirituelle, l'être poursuit son existence conditionnée et continue de se croire roi, serviteur, chat ou chien. Pourtant, ce ne sont là que différentes transformations obéissant à un dessein supérieur, et nous ne devrions pas nous laisser égarer par d'aussi transitoires conceptions de la vie. En fait, nul n'est maître en ce monde, car chacun se trouve sous la domination de la nature matérielle, laquelle agit sous la direction de Dieu, la Personne Suprême; c'est donc le Seigneur Souverain, Krsna, qui est le maître ultime. Comme l'explique le Caitanya-caritamrta: ekala isvara krsna ara saba bhrtya -le seul maître est Krsna, tous les autres êtres sont Ses serviteurs. Ainsi, l'oubli de notre relation avec le Seigneur Suprême nous amène à souffrir en ce monde matériel.
visesa-buddher vivaram manak ca
pasyama yan na vyavaharato nyat ka isvaras tatra kim isitavyam tathapi rajan karavama kim te
Selon le Srimad-Bhagavatam, chacun pense: aham mameti -"Je suis le corps, et en tant que tel, celui-ci est mon maître, celui-là mon serviteur, voici ma femme, et voilà mon fils." Toutes ces conceptions sont éphémères du fait du changement de corps qui est inévitable et des lois de la nature matérielle. Nous nous trouvons réunis comme des fétus de paille flottant sur l'océan, au gré des vagues qui vont inévitablement les séparer. Dans l'univers matériel, tous les êtres flottent sur les vagues de l'océan de l'ignorance. C'est ce qu'explique Srila Bhaktivinoda Thakura:
Ce chant enseigne que tous les hommes et toutes les femmes se trouvent ballottés comme des fétus de paille par les vagues de la nature matérielle. Et c'est en arrivant à comprendre qu'ils sont les serviteurs éternels de Krsna qu'il peuvent mettre un terme à leurs pérégrinations. Considérons à cet égard ce verset de la Bhagavad-gita (III.37): kama esa krodha esa rajoguna-samudbhavah. Sous l'influence de la passion, nous désirons toutes sortes de choses; en fonction de nos désirs, de nos anxiétés, et selon la volonté du Seigneur suprême, la nature matérielle nous attribue un type de corps particulier. Nous en venons ainsi à jouer pendant quelque temps le rôle de maître ou de serviteur, comme des acteurs de théâtre jouant sous la direction d'une autre personne. Mais maintenant que nous avons obtenu une forme humaine, nous devrions mettre un terme à ce jeu absurde. Nous devrions retrouver notre condition originelle et éternelle, c'est-à-dire notre conscience de Krsna. Pour le moment, notre véritable maître est la nature matérielle: daivi hy esa gunamayi mama maya duratyaya. (B.g.,VII.14) Ensorcelés par la nature matérielle, nous devenons serviteurs et maîtres, mais si nous acceptons d'agir sous la direction de Dieu, la Personne Suprême, et de Ses serviteurs éternels, cette situation temporaire cessera d'être.
unmatta-matta-jadavat sva-samstham
gatasya me vira cikitsitena arthah kiyan bhavata siksitena stabdha-pramattasya ca pistapesah
Chaque être en ce monde agit comme un fou, conduit par certaines impressions illusoires acquises au cours de son existence conditionnée. A titre d'exemple, un voleur sait qu'il est mal de voler et qu'il sera puni par l'autorité du pays ou par Dieu; il a vu d'autres voleurs arrêtés et châtiés par les représentants de l'ordre; et néanmoins, il va continuer de perpétrer ses Larcins. L'idée que ces vols le rendront heureux l'obsède; et c'est bien là un signe de folie. Même puni à maintes reprises, ce voleur ne peut renoncer à son habitude; le châtiment n'a donc aucun effet sur lui.
sri-suka uvaca
etavad anuvada-paribhasaya pratyudirya muni-vara upasama-sila uparatanatmya-nimitta upabhogena karmarabdham vyapanayan raja- yanam api tathovaha
O Maharaja Pariksit, c'est ainsi qu'ayant été accablé de paroles blessantes par le roi Rahugana, Jada Bharata, ce grand bhakta, cet être saint et paisible, toléra ses réprimandes et lui répondit de manière appropriée. L'ignorance est le fait de la conscience corporelle, et Jada Bharata n'était pas affecté par cette conception erronée de l'existence. Dans son humilité profonde, il ne se considérait à aucun moment comme étant un bhakta avancé, et il accepta les souffrances qu'on lui infligeait comme les fruits de son karma passé. Comme un homme ordinaire, il pensait qu'en portant le palanquin il diminuait les suites de ses méfaits passés; c'est dans cet état d'esprit qu'il se remit à porter le palanquin.
Un bhakta avancé ne se croit jamais un paramahamsa ou une personne libérée; il reste toujours un humble serviteur du Seigneur. Dans toutes les situations défavorables, il accepte de subir les suites de sa vie passée; jamais il n'accuse le Seigneur d'être la cause de son malheur. Voilà à quoi se reconnaît un bhakta avancé. Tat te nukampam susamiksyamanah. Lorsqu'il rencontre des difficultés, le bhakta y voit toujours une faveur du Seigneur. Jamais il ne se met en colère contre son maître; il se montre toujours heureux de la condition que ce dernier lui offre. En toutes circonstances, il continue de s'acquitter de ses devoirs dans le service de dévotion. Celui qui agit de la sorte peut avoir l'assurance qu'il retournera à Dieu, dans sa demeure originelle. Le Srimad-Bhagavatam (10.14.8) déclare à ce propos:
"Mon cher Seigneur, celui qui attend sans répit que Tu lui accordes Ta miséricorde sans cause et qui continue de subir les conséquences de ses méfaits passés, T'offrant son hommage respectueux du plus profond de son coeur, est assurément digne d'atteindre la libération, car il peut y prétendre à bon droit."
sa capi pandaveya sindhu-sauvira-patis tattva-jijnasayam samyak-
sraddhayadhikrtadhikaras tad dhrdaya-granthi-mocanam dvija-vaca asrutya bahu-yoga-grantha-sammatam tvarayavaruhya sirasa pada- mulam upasrtah ksamapayan vigata-nrpa-deva-smaya uvaca.
Krsna enseigne dans la Bhagavad-gita (IV.2):
''Savoir suprême, transmis de maître à disciple, voilà comment les saints rois l'ont reçu et réalisé. La succession disciplique a été interrompue, et cette science, en son état de pureté, semble maintenant perdue." Grâce à la succession de maître à disciple, les représentants de l'ordre royal étaient aussi élevés que des grands saints (raja-rsis). Autrefois, ils pouvaient comprendre la philosophie de la vie, et ils savaient élever leurs concitoyens au même niveau qu'eux. En d'autres termes, ils savaient comment délivrer leurs sujets des rets de la naissance et de la mort. Un jour, alors que Maharaja Dasaratha régnait sur Ayodhya, l'illustre sage Visvamitra vint le prier de lui laisser emmener Sri Ramacandra et Laksmana dans la forêt afin qu'ils y fassent périr un asura. Lorsque le saint personnage arriva à la cour du roi, celui-ci l'accueillit en disant: aihistam yat tat punar-janma-jayaya -demandant par là au sage si ses efforts pour triompher de la répétition des naissances et des morts étaient fructueux. C'est que toute la civilisation védique repose sur ce principe: savoir mettre un terme à la répétition des morts et des renaissances. Maharaja Rahugana connaissait également le but de l'existence; aussi, lorsque Jada Bharata lui exposa la philosophie de la vie, il sut immédiatement l'apprécier. Voilà le genre d'échange sur lequel la société védique est fondée. Des doctes érudits, des brahmanas, des saints et des sages pleinement conscients de l'objet des Vedas conseillaient les représentants de l'ordre royal sur la façon dont ils devaient oeuvrer pour le bien du peuple, lequel bénéficiait alors de leur coopération. Ainsi, tout allait pour le mieux. Ayant atteint cette perfection liée à la compréhension de la valeur réelle de la vie humaine, Maharaja Rahugana regretta les paroles insultantes qu'il avait adressées à Jada Bharata. Il descendit immédiatement de son palanquin pour se jet à ses pieds pareils-au-lotus, espérant ainsi se faire pardonner et entendre de Jada Bharata d'autres enseignements concernant les valeurs de la vie, regroupés sous le nom de brahma-jijnasa (la quête de la Vérité Absolue). De nos jours, les hauts responsables des gouvernements ignorent tout des aspects essentiels de l'existence, et lorsque de saints hommes s'efforcent de répandre le savoir védique, ceux qui prétendent être l'exécutif ne leur témoignent pas le respect qu'ils leur doivent et cherchent au contraire à entraver la propagation de leurs enseignements spirituels. On peut ainsi dire que les régimes monarchiques d'autrefois étaient paradisiaques, à côté des régimes infernaux des gouvernements actuels.
Hare Krishna Hare Krishna Krishna Krishna Hare Hare Hare Rama Hare Rama Rama Rama Hare Hare |