SRIMAD-BHAGAVATAM
CHANT 5
CHAPITRE 12

Dialogue entre Maharaja
Rahugana et Jada Bharata.

VERSET 1

rahugana uvaca
namo namah karana-vigrahaya
svarupa-tucchikrta-vigrahaya
namo vadhuta dvija-bandhu-linga-
nigudha-nityanubhavaya tubhyam

TRADUCTION

Le roi Rahugana dit:
O grand et noble personnage, tu n'es pas différent de Dieu, le Seigneur Suprême. Par l'influence de ta véritable nature, toutes contradictions apparentes contenues dans les sastras se trouvent dissipées. Sous l'aspect d'un proche des brahmanas, tu caches ta nature spirituelle, toute de félicité. Je t'offre mon hommage respectueux.

TENEUR ET PORTEE

La Brahma-samhita nous permet de comprendre que Dieu, la Personne Suprême, représente la Cause de toutes les causes (sarva-karana-karanam). Or, Rsabhadeva était une manifestation directe de ce même Seigneur Souverain. Son fils, Bharata Maharaja, maintenant dans le rôle du brahmana Jada Bharata, avait donc ainsi reçu son corps de cette cause première et c'est pourquoi il est appelé karana-vigrahaya dans ce verset.

VERSET 2

jvaramayartasya yathagadam sat
nidagha-dagdhasya yatha himambhah
kudeha-manahi-vidasta-drsteh
brahman vacas te mrtam ausadham me

TRADUCTION

O toi, le meilleur des brahmanas, mon corps est rempli de substances impures, et ma vision a été blessée par la morsure du serpent de l'orgueil. Victime de mes conceptions matérielles, me voilà malade, et tes instructions douces comme le nectar sont le remède qui convient pour guérir la fièvre dont je souffre; elles sont comme une eau fraîche calmant la douleur brûlante qui m'accable.

TENEUR ET PORTEE

L'âme conditionnée vit dans un corps plein de substances impures -des os, du sang, de l'urine, des excréments, et ainsi de suite. Néanmoins, même les hommes les plus intelligents en ce monde pensent n'être qu'une combinaison de ces substances. Mais si cela était vrai, pourquoi ne peut-on créer d'autres êtres intelligents à partir de ces éléments qui sont si facilement disponibles? Le monde entier est gouverné par cette conception corporelle de la vie, créant ainsi une situation infernale qui ne saurait convenir à des personnes respectables. Les instructions transmises par Jada Bharata au roi Rahugana revêtent de ce fait une grande valeur. Elles sont comme un médicament qui peut sauver des suites de la morsure d'un serpent venimeux. Les enseignements védiques sont comparables à du nectar et à de l'eau fraîche pour une personne qui souffrirait d'une chaleur intense.

VERSET 3

tasmad bhavantam mama samsayartham
praksyami pascad adhuna subodham
adhyatma-yoga-grathitam tavoktam
akhyahi kautuhala-cetaso me

TRADUCTION

Je te soumettrai plus tard les doutes que je puis avoir sur un sujet particulier. Pour l'instant, les mystérieuses instructions yogiques que tu m'as données à propos de la réalisation spirituelle me semblent très difficiles à comprendre. Veuille donc me les répéter dans un langage plus simple afin que je puisse en saisir le sens. Mon esprit est avide de ce savoir, et je désire le comprendre clairement.

TENEUR ET PORTEE

Les Ecritures védiques stipulent: tasmad gurum prapadyeta jijnasuh sreya uttamam -un homme intelligent doit se montrer avide de connaître les profondeurs de la science spirituelle, et pour cela il lui faut approcher un guru, un maître spirituel. Bien que Jada Bharata ait tout expliqué à Maharaja Rahugana, il semble que l'intelligence de ce dernier ne lui ait pas permis de comprendre clairement ses enseignements. C'est pourquoi il demanda d'autres explications. Comme le déclare la Bhagavad-gita (IV.34): tad viddhi pranipatena pariprasnena sevaya -l'étudiant doit trouver un maître spirituel et s'abandonner complètement à lui (pranipatena); il doit également l'interroger afin de bien comprendre ses instructions (pariprasnena). Mais il ne faut pas seulement s'abandonner au maître spirituel; il faut aussi le servir avec amour (sevaya) de façon à ce qu'il soit satisfait de son disciple et lui explique la science spirituelle avec plus de clarté encore. Il faut éviter tout esprit de défi devant le maître spirituel si l'on a le moindre désir de comprendre en profondeur les enseignements védiques.

VERSET 4

yad aha yogesvara drsyamanam
kriya-phalam sad-vyavahara-mulam
na hy anjasa tattva-vimarsanaya
bhavan amusmin bhramate mano me

TRADUCTION

O maître des pouvoirs surnaturels, tu as dit que la fatigue résultant des déplacements du corps est ressentie par perception directe, mais qu'en réalité il n'y a pas réellement de fatigue; celle-ci n'est qu'apparente. Par un échange de questions et de réponses de cet ordre, personne ne peut arriver à une conclusion sur la Vérité Absolue. Du fait de tes propos, mon esprit se trouve quelque peu troublé.

TENEUR ET PORTEE

Les questions et les réponses touchant à la conception corporelle de l'existence ne constituent pas la connaissance de la Vérité Absolue, laquelle diffère considérablement de la connaissance liée aux plaisirs et aux souffrances corporelles, qui demeure à un niveau superficiel, externe. Dans la Bhagavad-gita, Krsna souligne à Arjuna la nature éphémère de ces joies et de ces peines liées au corps; elles vont et viennent, et l'on ne devrait pas se laisser troubler par elles, mais plutôt les tolérer et poursuivre l'oeuvre de réalisation spirituelle.

VERSET 5-6

brahmana uvaca
ayam jano nama calan prthivyam
yah parthivah parthiva kasya hetoh
tasyapi canghryor adhi gulpha-jangha-
januru-madhyora-sirodharamsah

amse dhi darvi sibika ca yasyam
sauvira-rajety apadesa aste
yasmin bhavan rudha-nijabhimano
rajasmi sindhusv iti durmadandhah

TRADUCTION

Jada Bharata, le brahmana accompli, dit:
De par les diverses combinaisons et permutations matérielles, il existe différentes formes et transformations de la terre. Pour une raison ou une autre, certaines se déplacent à la surface du globe et viennent à être appelées "porteurs de palanquin". Quant aux produits de la terre qui ne se déplacent pas, ce sont les objets matériels grossiers, comme la pierre. Quoi qu'il en soit, le corps matériel est fait de terre et de pierre contribuant à former les pieds, les chevilles, les mollets, les genoux, les cuisses, le torse, le cou et la tête. Sur les épaules repose un palanquin de bois et dans ce palanquin se trouve le soi-disant roi de Sauvira. Son corps n'est qu'un autre produit de la terre, mais il est habité par Ta Majesté qui croit être le roi de l'état de Sauvira.

TENEUR ET PORTEE

Après avoir analysé les corps matériels du porteur et du passager du palanquin, Jada Bharata en vient à conclure que la véritable force de vie est l'âme. Celle-ci est issue de Visnu, si bien qu'au sein de ce monde, Visnu est le principe réel de tout ce qui se meut ou ne se meut pas. C'est à cause de Sa présence que tout fonctionne, et qu'il y a des actes suivis de leurs conséquences. Celui qui comprend que Visnu est la cause originelle de tout ce qui est, doit être considéré comme ayant une connaissance spirituelle parfaite. Bien qu'il fût vainement fier d'être roi, Maharaja Rahugana ne possédait pas vraiment cette connaissance. C'est pourquoi il s'en prenait aux porteurs de son palanquin, y compris au brahmana accompli qu'était Jada Bharata. Voilà donc la première accusation que Jada Bharata porta contre le roi, qui voyait tout d'un point de vue matériel et avait osé, dans son ignorance, critiquer un docte brahmana. Le roi Rahugana disait que l'âme se trouve à l'intérieur du corps, et que lorsque celui-ci connaît la fatigue, l'âme doit également souffrir. Or, les versets qui suivent expliquent clairement que l'âme ne souffre pas du fait de la fatigue du corps. Srila Visvanatha Cakravarti donne à ce propos l'exemple d'un enfant lourdement chargé d'ornements: bien que son corps soit très délicat, lui n'éprouve aucune fatigue et ses parents ne pensent pas que ces ornements devraient lui être retirés. L'âme n'a aucun lien avec les plaisirs et les souffrances du corps, qui ne sont que des créations du mental. Un homme intelligent trouvera la cause originelle de tout. Même si les combinaisons et les permutations de la matière ont une réalité tangible dans le cours de nos occupations temporelles, en fait, la force vitale, l'âme, n'a rien de commun avec elles. Les gens à l'esprit matérialiste se préoccupent du corps et inventent le concept de daridra-narayana ou "pauvre Narayana"; néanmoins, ce n'est pas parce que le corps est misérable que l'âme ou l'Ame Suprême le deviennent également. Seuls des ignares peuvent tenir un pareil langage. L'âme et l'Ame Suprême sont toujours au-dessus des joies et des douleurs corporelles.


Hare Krishna Hare Krishna Krishna Krishna Hare Hare
Hare Rama Hare Rama Rama Rama Hare Hare