SRIMAD-BHAGAVATAM
CHANT 5
CHAPITRE 14

La forêt de plaisirs
de l'univers matériel.

VERSET 11

kvacid uluka-jhilli-svanavad ati-parusa-rabhasatopam pratyaksam
paroksam va ripu-raja-kula-nirbhartsitenati-vyathita-karna-mula-
hrdayah

TRADUCTION

Parfois, l'âme conditionnée est accablée par les reproches que lui font ses ennemis ou les agents du gouvernement, en le critiquant directement ou indirectement par de dures paroles. Son coeur et ses oreilles sont alors déchirés par ces invectives semblables aux hululements des chouettes et aux stridulations des grillons.

TENEUR ET PORTEE

Il existe différentes sortes d'ennemis en ce monde matériel. Le gouvernement, par exemple, nous harcèle si nous ne payons pas nos impôts. Ce genre d'invectives directes ou indirectes affligent l'âme conditionnée, qui cherche parfois à s'opposer à la sanction qui la frappe. Malheureusement, elle ne peut rien faire.

VERSET 12

sa yada dugdha-purva-sukrtas tada karaskara-kakatundady-apunya-
druma-lata-visoda-panavad ubhayartha-sunya-dravinan jivan-mrtan svayam
jivan-mriyamana upadhavati.

TRADUCTION

Grâce aux actes de vertu accomplis dans ses vies passées, l'âme conditionnée peut jouir en cette vie de toutes sortes de commodités matérielles; mais lorsque ses mérites sont épuisés, elle cherche refuge dans la richesse et les biens de ce monde -qui ne peuvent lui être d'aucune aide, ni dans cette vie ni dans la suivante- et s'adresse pour cela à des êtres apparemment vivants bien qu'en fait déjà morts. On les compare à des plantes et à des arbres impurs ainsi qu'à des puits empoisonnés.

TENEUR ET PORTEE

La richesse et les biens matériels acquis grâce à des actes de vertu passés ne doivent pas être utilisés de façon abusive, c'est-à-dire pour la satisfaction des sens. En jouir à cette fin ne vaudrait guère mieux que de manger les fruits d'un arbre empoisonné. Cette conduite ne peut être d'aucune aide pour l'âme conditionnée, que ce soit dans cette vie ou dans la suivante. En revanche, si l'on met ses possessions au service du Seigneur sous la direction d'un maître spirituel compétent, on trouve le bonheur tant dans cette vie que dans la suivante. Celui qui n'agit pas de la sorte mange du fruit défendu et perd ainsi son paradis. C'est pourquoi Sri Krsna recommande dans la Bhagavad-gita (IX.27) que toutes possessions Lui soient remises:

yat karosi yad asnasi
yaj juhosi dadasi yat
yat tapasyasi kaunteya
tat kurusva mad-arpanam

"Quoi que tu fasses, que tu manges, que tu sacrifies et donnes, quelque austérité que tu pratiques, que ce soit pour Me l'offrir, ô fils de Kunti." La richesse et les atouts matériels obtenus en vertu d'activités pieuses accomplies de par le passé peuvent être utilisées pour notre plus grand bien dans cette vie et dans la suivante si nous sommes conscients de Krsna. Il ne faut pas chercher à posséder plus que ne l'exigent nos besoins essentiels; s'il y a un excédent, il faut l'utiliser entièrement au service du Seigneur. Ceci rendra heureuse l'âme conditionnée, le monde entier et Krsna Lui-même. Tel est le but de l'existence.

VERSET 13

ekadasat-prasangan nikrta-matir vyudaka-srotah-skhalanavad ubhayato pi
duhkhadam pakhandam abhiyati

TRADUCTION

Parfois, afin d'alléger ses souffrances dans la jungle matérielle, l'âme conditionnée accepte les bénédictions sans valeur de certains athées, au contact desquels elle perd toute intelligence. C'est comme si elle choisissait de plonger dans une rivière peu profonde au risque de se rompre les os en voulant mitiger les souffrances que lui cause la chaleur; d'une façon comme de l'autre, elle doit souffrir. Dans son égarement, l'âme conditionnée s'adresse également à de prétendus sadhus et svamis qui prêchent contre les principes des Vedas, mais elle n'en retire aucun bienfait, que ce soit maintenant ou plus tard.

TENEUR ET PORTEE

Il existe toujours des trompeurs pour inventer leur propre voie de réalisation spirituelle; avide de bienfaits matériels, l'âme conditionnée entre en rapport avec ces soi-disant sannyasis et yogis pour obtenir leurs bénédictions de peu de valeur, mais elle n'y gagne rien que ce soit sur le plan matériel ou spirituel. L'ère où nous vivons abonde en escrocs qui font du boniment et des tours de magie; ils parviennent même à créer de l'or pour fasciner leurs adeptes, qui les acceptent ensuite comme Dieu. Cette sorte de tromperie est très courante dans le kali-yuga. Quant au véritable guru, Visvanatha Cakravarti Thakura le décrit en ces termes:

samsara-davanala-lidha-loka-
tranaya karunya-ghanaghanatvam
praptasya kalyana-gunarnavasya
vande guroh sri-caranaravindam

Il faut approcher un guru qui sache éteindre le brasier que représente en ce monde la lutte pour l'existence. Les gens veulent être trompés, et c'est pourquoi ils vont trouver des yogis et des svamis habiles en artifices de tout genre, mais ce ne sont pas les tours de magie qui peuvent atténuer les souffrances de l'existence matérielle. Et si l'aptitude à fabriquer de l'or est un critère pour devenir Dieu, pourquoi alors ne pas accepter Krsna, Lui à qui appartient l'univers entier avec des quantités d'or incommensurables? Ainsi que nous l'avons mentionné auparavant, la couleur de l'or peut être comparée à celle d'un feu follet ou à celle d'excréments jaunes; il ne faut donc pas se laisser séduire par des gurus faiseurs d'or, mais plutôt s'en remettre sincèrement à un bhakta comme Jada Bharata. Celui-ci instruisit si bien Rahugana Maharaja que le roi fut délivré de la conception matérielle de l'existence, axée sur le corps. On ne peut trouver le bonheur auprès d'un faux guru; le maître spirituel doit être choisi suivant les conseils du Srimad-Bhagavatam (11.3.21): tasmad gurum prapadyeta jijnasuh sreya uttamam -il faut approcher un guru authentique pour s'enquérir auprès de lui du plus grand bienfait que la vie ait à offrir. Les mots sabde pare ca nisnatam définissent le véritable guru: il ne fabrique pas de l'or et ne jongle pas avec les mots, mais il connaît parfaitement la conclusion du savoir védique (vedais ca sarvair aham eva vedyah). Il est exempt de toute impureté matérielle et pleinement absorbé dans le service de Krsna. Celui qui peut obtenir la poussière des pieds pareils-au-lotus d'un tel guru voit sa vie couronnée de succès; tout autre court à l'échec, aussi bien dans cette vie que dans la suivante.

VERSET 14

yada tu para-badhayandha atmane nopanamati tada hi pitr-putra-
barhismatah pitr-putran va sa khalu bhaksayati.

TRADUCTION

Dans cet univers matériel, lorsque l'être conditionné ne peut assurer sa propre subsistance même en exploitant les autres, il cherche à exploiter son propre père, ou son fils, en s'appropriant ce qui leur appartient, quand bien même il s'agirait de biens insignifiants. Et s'il ne peut ainsi obtenir ce qu'il désire de son père, de son fils ou d'autres proches, il est prêt à leur créer toutes sortes de difficultés.

TENEUR ET PORTEE

Un jour, nous avons nous-même vu un homme réduit à la misère voler les bijoux de sa fille à seule fin d'assurer sa propre subsistance. Comme le dit le proverbe, nécessité fait loi; lorsqu'une âme conditionnée a besoin de quelque chose, elle en oublie ses liens avec ses proches au point d'exploiter son propre père ou son propre fils. Le Srimad-Bhagavatam nous apprend également que dans l'âge de Kali, celui où nous vivons, le moment viendra rapidement où l'on s'entretuera pour des vétilles entre membres d'une même famille. Sans conscience de Krsna, les gens vont s'avilir de plus en plus, au point de sombrer dans une condition infernale où ils se livreront à des pratiques abominables.

VERSET 15

kvacid asadya grham davavat priyartha-vidhuram asukhodarkam
sokagnina dahyamano bhrsam nirvedam upagacchati

TRADUCTION

Ici-bas, la vie de famille est comparable à un incendie de forêt: on n'y trouve pas le moindre bonheur, et l'on s'y enlise de plus en plus dans le malheur. La vie de famille n'offre aucun avantage pour ce qui est d'atteindre au bonheur éternel, et l'âme conditionnée s'y consume peu à peu dans le brasier de l'affliction. Elle se juge parfois bien infortunée, et en d'autres occasions, elle prétend qu'elle souffre pour n'avoir pas accompli d'actes de vertu dans sa vie passée

TENEUR ET PORTEE

Dans son Gurv-astaka, Srila Visvanatha Cakravati Thakura chante:

samsara-davanala-lidha-loka-
tranaya karunya-ghanaghanatvam

La vie en ce monde ressemble exactement à un feu de forêt. Personne ne va dans la forêt pour y allumer un incendie, mais celui-ci se déclare néanmoins. Pareillement, tout le monde désire trouver le bonheur en ce monde, mais les conditions misérables de l'existence matérielle ne font pourtant que s'aggraver. Il arrive qu'une personne prise dans le brasier de l'existence matérielle se rende compte de la situation dans laquelle elle s'est mise, mais elle est alors incapable de s'en sortir à cause de sa conception corporelle de la vie, si bien qu'elle souffre de plus en plus.


Hare Krishna Hare Krishna Krishna Krishna Hare Hare
Hare Rama Hare Rama Rama Rama Hare Hare