SRIMAD-BHAGAVATAM
CHANT 5
CHAPITRE 14

La forêt de plaisirs
de l'univers matériel.

VERSET 16

kvacit kala-visa-mita-raja-kula-raksasapahrta-priyatama-dhanasuh
pramrtaka iva vigata-jiva-laksana aste.

TRADUCTION

Les hommes du gouvernement sont toujours comme ces démons cannibales qu'on nomme Raksasas. Parfois, ils se tournent contre l'âme conditionnée et lui enlèvent toutes les richesses qu'elle a pu accumuler. Privée de ses économies, qui représentent souvent le labeur d'une vie, elle perd tout enthousiasme; en vérité, c'est comme si elle perdait sa propre vie.

TENEUR ET PORTEE

Il convient ici de s'arrêter sur les mots raja-kula-raksasa. Le Srimad-Bhagavatam fut écrit il y a environ cinq mille ans, et pourtant les membres des gouvernements s'y trouvent déjà décrits comme des Raksasas, ou démons carnivores. En effet, s'ils s'en prennent à un individu, celui-ci se verra privé de toutes ses richesses, accumulées à grand-peine depuis fort longtemps. En fait, personne ne veut payer d'impôts -les membres du gouvernement eux-mêmes tentent d'y échapper-, mais il y a toujours des périodes difficiles et les impôts sont alors perçus de force, au grand dépit des contribuables.

VERSET 17

kadacin manorathopagata-pitr-pitamahady asat sad iti svapna-nirvrti-
laksanam anubhavati.

TRADUCTION

Parfois l'âme conditionnée imagine que son père ou son grand-père est revenu en ce monde en la personne de son fils ou de son petit-fils. Elle éprouve de la sorte un bonheur comparable à celui qu'on trouve parfois en rêve, et prend alors plaisir à ces fantasmes.

TENEUR ET PORTEE

Ignorant l'existence bien réelle du Seigneur, l'âme conditionnée imagine beaucoup de choses. En vertu du karma, elle est amenée à vivre avec ses proches, pères, fils et aïeux, de la même façon que des brins de paille s'assemblent au fil de l'eau avant d'être dispersés en tous sens l'instant d'après. L'être vivant à l'état conditionné se trouve au contact de nombre d'autres âme conditionnées, mais toujours de façon temporaire. L'attachement matériel au sein des membres d'une famille devient si puissant que même après la mort du père ou du grand-père, on prend plaisir à penser que ceux-ci reviennent dans la famille dans des corps différents. Cela peut effectivement se produire parfois, mais quoi qu'il en soit l'âme conditionnée se complaît dans de telles élucubrations.

VERSET 18

kvacid grhasrama-karma-codanati-bhara-girim aruruksamano loka-
vyasana-karsita-manah kantaka-sarkara-ksetram pravisann iva sidati.

TRADUCTION

Celui qui embrasse la vie de famille se doit d'accomplir de nombreux yajnas et autres rites, particulièrement le vivaha-yajna [la célébration du mariage des fils et des filles] et la cérémonie du cordon sacré. Ce sont là des devoirs pénibles qui requièrent d'importants préparatifs de la part du grhastha. On les compare à une grande montagne dont il faut triompher lorsqu'on est attaché aux activités matérielles; celui qui désire mener à bien ces divers rites connaît certainement des douleurs comparables aux entailles qu'épines et cailloux infligent à celui qui tente d'escalader une montagne. Ainsi, l'âme conditionnée souffre sans fin.

TENEUR ET PORTEE

Il y a de nombreuses solennités sociales dont il faut s'acquitter pour conserver son prestige dans la société. Diverses célébrations ou cérémonies caractérisent à cet effet différents pays ou types de sociétés. En Inde, le père est censé arranger le mariage de ses enfants. On considère alors qu'il s'est acquitté de toutes ses responsabilités familiales. L'organisation des mariages est chose bien difficile, particulièrement de nos jours où personne n'est plus en mesure d'accomplir les rites ou sacrifices requis, ni de payer pour les cérémonies et les fêtes devant marquer le mariage de ses fils et de ses filles. Il en résulte que les chefs de famille sont affligés lorsqu'ils doivent s'acquitter de ces devoirs sociaux; c'est comme s'ils étaient blessés par des épines et des cailloux pointus. Toutefois, l'attachement matériel est si puissant qu'en dépit de toutes les souffrances qu'il occasionne, on ne peut y renoncer. C'est pourquoi Prahlada Maharaja déclare:

hitvatma-patam grham andha-kupam
vanam gato yad dharim asrayeta

La vie de famille, avec tout son prétendu confort, peut être comparée à un puits caché au milieu d'un champ. Si quelqu'un tombe dans un puits profond caché par les herbes environnantes, en dépit de tous ses appels à l'aide il y laissera sa vie. C'est pourquoi les spiritualistes très avancés recommandent de ne pas entrer dans le grhastha-asrama. Mieux vaut apprendre l'austérité dans le brahmacarya-asrama et demeurer brahmacari toute sa vie; de cette manière, on n'aura pas à subir les blessures infligées par les épines de la vie matérielle au sein du grhastha-asrama. Le grhastha doit accepter les invitations d'amis et de proches, et suivre divers usages et rites; ce faisant, il se laisse prendre à de telles activités même s'il n'a pas suffisamment de ressources pour les poursuivre. Celui qui désire maintenir un train de vie de grhastha doit travailler très dur pour obtenir l'argent nécessaire; il s'enlise alors dans l'existence matérielle, et doit en subir les piqûres d'épines.

VERSET 19

kvacic ca duhsahena kayabhyantara-vahnina grhita-sarah sva-kutumbaya
krudhyati.

TRADUCTION

Parfois, sous l'influence de la faim et de la soif, l'être conditionné devient si perturbé qu'il perd patience et se met en colère contre ses propres enfants et sa femme, qui lui sont pourtant si chers. Mais en se montrant dur envers eux, il accroît d'autant sa souffrance.

TENEUR ET PORTEE

Srila Vidyapati Thakura chante:

tatala saikate, vari-bindu-sama
suta-mita-ramani-samaje

Le bonheur de la vie familiale ressemble à une goutte d'eau dans le désert. En fait, nul ne peut trouver le bonheur dans ces conditions. Selon le critère de la civilisation védique, il n'est pas question de renoncer aux responsabilités de la vie de famille une fois qu'on s'y est engagé; mais de nos jours, on ne compte plus les mariages qui s'achèvent par le divorce. Cela s'explique par la situation misérable à laquelle nous expose la vie de famille. Parfois, du fait qu'il est malheureux, l'homme en vient à s'endurcir à l'égard de ses fils, de ses filles ou de sa femme qu'il affectionne pourtant. Et il ne s'agit là que d'un aspect de l'immense feu de forêt que représente l'existence matérielle.

VERSET 20

sa eva punar nidrajagara-grhito ndhe tamasi magnah sunyaranya iva sete
nanyat-kincana veda sava ivapaviddhah.

TRADUCTION

(Sukadeva Gosvami continue de s'entretenir avec Maharaja Pariksit:)
O roi, le sommeil ressemble à un python dévorant tous ceux qui errent dant les bois de l'existence matérielle. Une fois assaillis par le python du sommeil, ils demeurent à jamais prisonniers des ténèbres de l'ignorance, tels des cadavres jetés au plus profond d'une forêt. Dans cette condition, les âmes conditionnées ne comprennent rien à la vie.

TENEUR ET PORTEE

L'existence matérielle revient à manger, dormir, avoir des rapports sexuels et se défendre. Parmi ces activités, le sommeil est pris particulièrement au sérieux. Lorsqu'on dort, on oublie tout de l'objet de la vie et de ce qu'on doit faire; aussi celui qui poursuit la réalisation spirituelle doit-il essayer de dormir le moins possible. A titre d'exemple, les Gosvamis de Vrndavana ne dormaient pratiquement pas. Bien entendu, ils dormaient un peu, car le corps a besoin de sommeil, mais guère plus de deux heures, et parfois moins. Ils oeuvraient constamment au développement de leur spiritualité. Nous devrions marcher sur les traces des Gosvamis (nidrahara-viharakadivijitau) et tenter de réduire le sommeil, la vie sexuelle et les efforts en vue d'assurer notre protection.


Hare Krishna Hare Krishna Krishna Krishna Hare Hare
Hare Rama Hare Rama Rama Rama Hare Hare