SRIMAD-BHAGAVATAM
CHANT 5
CHAPITRE 18

Les prières offertes
au Seigneur par les
habitants de Jambudvipa.

VERSET 16

ativa sulalita-gati-vilasa-vilasita-rucira-hasa-lesavaloka-lilaya kincid-
uttambhita-sundara-bhru-mandala-subhaga-vadanaravinda-sriya ramam
ramayann indriyani ramayate.

TRADUCTION

A Ketumala-varsa, Sri Kamadeva [Pradyumna] Se déplace avec beaucoup de grâce. Son doux sourire a un charme infini, et lorsqu'Il accroît la beauté de Son visage en relevant légèrement Ses sourcils et en jetant des regards espiègles, Il enchante la déesse de la fortune. C'est ainsi qu'Il jouit de Ses sens spirituels.

VERSET 17

tad bhagavato mayamayam rupam parama-samadhi-yogena rama devi
samvatsarasya ratrisu prajapater duhitrbhir upetahahsu ca tad-bhartrbhir
upaste idam codaharati.

TRADUCTION

Accompagnée durant le jour par les fils de Prajapati [les divinités maîtresses des jours] et durant la nuit par ses filles (les divinités de la nuit), Laksmidevi adore le Seigneur dans Sa Forme infiniment miséricordieuse de Kamadeva au cours de la période dite du samvatsara. Pleinement absorbée dans le service de dévotion, elle chante les mantras qui suivent.

TENEUR ET PORTEE

Le mot mayamayam qui est utilisé dans ce verset ne doit pas être compris d'après l'interprétation qu'en donnent les mayavadis. Maya veut tout aussi bien dire "affection" qu"illusion". Ainsi, lorsqu'une mère donne des marques d'affection à son enfant, on la qualifie de mayamaya. Quelle que soit la Forme sous laquelle apparaisse le Seigneur Suprême, Sri Visnu, Il Se montre toujours affectueux envers Ses dévots. Le mot mayamayam est donc utilisé ici pour signifier "très affectueux envers les bhaktas". Srila Jiva Gosvami écrit à ce propos que mayamayam peut aussi vouloir dire krpa-pracuram, ''profondément miséricordieux". De même, Srila Viraraghava dit: maya-pracuranatmiya-sankalpena parigrhitam ity arthah jnana-paryayo tra maya-sabdah -celui qui fait preuve d'une grande affection envers une personne qui lui est intime est qualifié de mayamaya. Srila Visvanatha Cakravarti Thakura explique à son tour le mot mayamayam en le décomposant en maya et amayam: ces mots indiquent que l'être distinct est en proie à la maladie de l'illusion et que, de ce fait, le Seigneur Se montre toujours grandement désireux d'arracher Son dévot aux griffes de maya et de le guérir de cette maladie provoquée par l'énergie d'illusion.

VERSET 18

om hram hrim hrum om namo bhagavate hrsikesaya sarva-guna-visesair
vilaksitatmane akutinam cittinam cetasam visesanam cadhipataye sodasa-
kalaya cchando-mayayanna-mayayamrta-mayaya sarva-mayaya sahase ojase
balaya kantaya kamaya namas te ubhayatra bhuyat.

TRADUCTION

J'offre mon hommage respectueux au Seigneur Souverain, Sri Hrsikesa, le maître de mes sens et l'origine de tout ce qui est. En tant que maître suprême de toutes les activités physiques, mentales et intellectuelles, Il est le seul à bénéficier de leurs fruits. Les cinq objets des sens et les onze sens, parmi lesquels le mental, représentent autant de manifestations partielles de Sa Personne. Il pourvoit aux besoins de tous les êtres en puisant dans Son énergie, c'est-à-dire en Lui-même; c'est encore Lui la cause des prouesses physiques et mentales de tous les êtres, elles aussi non différentes de Sa Personne. Il représente pour tous l'époux suprême et Celui qui pourvoit à tous leurs besoins. Tous les Vedas ont pour but de L'adorer. Offrons-Lui donc notre hommage respectueux, et puisse-t-Il toujours Se montrer favorable à notre égard, dans cette vie comme dans la suivante.

TENEUR ET PORTEE

Ce verset précise davantage le sens du mot mayamaya, en ce qui concerne les nombreuses façons dont le Seigneur répand Sa miséricorde. Parasya saktir vividhaiva sruyate: les énergies du Seigneur Suprême sont perçues de diverses manières. Nous Le voyons ici décrit comme la source originelle de tout ce qui est, même de notre corps, de nos sens, de notre mental, de nos activités, de notre vaillance, de notre force physique, de nos aptitudes mentales et de notre détermination à obtenir les biens nécessaires à notre subsistance. A vrai dire, les énergies du Seigneur peuvent être perçues en tout, Comme l'enseigne la Bhagavad-gita (VII.8), le goût de l'eau est également Krsna (raso ham apsu kaunteya). Krsna est le principe actif de tout ce dont nous avons besoin pour notre subsistance.

Ce verset à la gloire du Seigneur, composé par Rama, la déesse de la fortune, possède une grande puissance spirituelle. Sous la direction d'un maître spirituel, chacun devrait réciter ce mantra, et ainsi devenir un bhakta accompli et parfait. On peut le prononcer pour se libérer complètement de l'esclavage que nous impose la matière, et on peut continuer de le réciter après la libération, en adorant le Seigneur Suprême à Vaikunthaloka. Bien entendu, ainsi que Krsna le confirme Lui-même dans la Bhagavad-gita (IX.14), tous les mantras peuvent être chantés dans cette vie comme dans la suivante:

satatam kirtayanto mam
yatantas ca drdha-vratah
namasyantas ca mam bhaktya
nitya-yukta upasate

''Chantant toujours Mes gloires, se prosternant devant Moi, grandement déterminées dans leur effort spirituel, les grandes âmes M'adorent éternellement avec amour et dévotion." Un bhakta qui, dans cette vie comme dans la suivante, chante le maha-mantra, ou tout autre mantra, est qualifié de nitya-yuktopasaka.

VERSET 19

striyo vratais tva hrsikesvaram svato
hy aradhya loke patim asasate nyam
tasam na te vai paripanty apatyam
priyam dhanayumsi yato sva-tantrah

TRADUCTION

Mon cher Seigneur, Tu es indiscutablement, de par Ta seule volonté, le maître de tous les sens. Aussi, toutes les femmes qui Te rendent un culte en se pliant à des voeux rigoureux dans l'espoir d'obtenir un mari qui satisfera leurs sens sont certainement la proie de l'illusion. Elles ignorent en effet que ce mari ne pourra pas vraiment les protéger, ni elles ni leurs enfants; et il ne pourra pas davantage protéger leurs biens ou leur existence puisqu'il dépend lui-même du temps, du karma et des gunas qui, tous, Te sont subordonnés.

TENEUR ET PORTEE

Dans ce verset, Laksmidevi (Rama) fait preuve de compassion envers les femmes qui rendent un culte au Seigneur afin qu'Il leur accorde la bénédiction d'obtenir un bon mari. Bien que ces femmes veuillent connaître le bonheur qu'apportent les enfants, les richesses, une longue durée d'existence et tout ce qui peut leur être cher, elles ne peuvent y parvenir, car dans l'univers matériel, celui qu'on appelle le mari est subordonné à la volonté de Dieu, la Personne Suprême. Bien des fois, le mari, qui dépend lui-même des fruits de ses propres actes intéressés, ne parvient pas à subvenir correctement aux besoins de son épouse, ni à ceux de ses enfants, et ne parvient pas non plus à conserver leurs richesses ou à leur assurer une longue existence. En coséquence, le seul véritable mari de toutes les femmes est Krsna, le mari suprême. Du fait qu'elles étaient des âmes libérées, les gopis avaient compris cette vérité, elles rejetèrent donc leurs maris matériels pour accepter Krsna en tant que leur véritable époux. Krsna est le mari réel non seulement des gopis, mais de tous les êtres vivants. La Bhagavad-gita désigne ceux-ci du nom de prakrti (femelle), et non de purusa (mâle); tous devraient bien saisir ce fait. Dans la Bhagavad-gita (X.12), seul Krsna est appelé purusa:

param brahma param dhama
pavitram paramam bhavan
purusam sasvatam divyam
adi-devam ajam vibhum

"Tu es le Brahman Suprême, l'ultime demeure, le purificateur souverain, la Vérité Absolue et l'éternelle Personne Divine. Tu es Dieu, l'Etre primordial, originel et absolu. Tu es le Non-né, la beauté qui tout pénètre." Krsna est le purusa originel, tandis que les êtres vivants appartiennent à la prakrti. Krsna est Celui qui jouit de tout alors que tous les êtres, eux, sont destinés à Sa jouissance. Par conséquent, toute femme qui cherche un mari matériel pour la protéger, ou tout homme qui désire devenir le mari d'une femme, est dans l'illusion. Devenir un mari signifie pourvoir largement aux besoins de sa femme et de ses enfants en veillant à leur sécurité et en leur procurant des biens matériels. Cependant, un mari de ce monde, ne peut s'acquitter de cette tâche, car il est assujetti à son karma. Karmana daiva-netrena: sa situation actuelle dépend de ses activités intéressées d'autrefois. En conséquence, si quelqu'un dans son orgueil, croit pouvoir protéger sa femme, il s'illusionne; Krsna est le seul véritable mari, de telle sorte que les liens unissant mari et femme en ce monde ne peuvent être absolus. Du fait que nous avons le désir de nous marier, Krsna, dans Son infinie miséricorde, permet au soi-disant mari d'avoir une femme et à la femme de posséder un "mari", pour leur satisfaction réciproque. L'Isopanisad enseigne à ce propos: tena tyaktena bhunjitha -le Seigneur donne à chacun ce qui lui revient. Il faut néanmoins retenir que tous les êtres sont prakrti, ou de condition féminine, et que Krsna est le seul mari.

ekale isvara krsna, ara saba bhrtya
yare yaiche nacaya, se taiche kare nrtya
(C.c., Adi 5.142)

Krsna est le maître ou l'époux originel de tous les êtres, et tous -qu'ils soient ''mari" ou femme- dansent selon Son désir. Un mari matériel peut s'unir à sa femme en vue d'en tirer un plaisir personnel, mais ses sens agissent sous la direcion de Hrsikesa, le maître des sens, qui est donc le véritable mari.

VERSET 20

sa vai patih syad akutobhayah svayam
samantatah pati bhayaturam janam
sa eka evetaratha mitho bhayam
naivatmalabhad adhi manyate param

TRADUCTION

Celui-là seul qui n'est jamais effrayé, mais qui, au contraire, accorde toute protection aux personnes sujettes à la peur, peut en fait devenir un mari et un refuge. Par suite, mon Seigneur, Tu es le seul époux, et nul autre que Toi ne peut prétendre à cette position. Si Tu n'étais pas le seul mari, Tu aurais Toi-même peur des autres; c'est pourquoi les érudits versés dans la connaissance de tous les Ecrits védiques reconnaissent Ta Grâce comme le maître unique de tous les êtres, et ils ne voient point de meilleur époux et protecteur que Toi.

TENEUR ET PORTEE

Ce verset nous explique clairement ce qu'est un mari ou un tuteur. Les gens veulent devenir mari, protecteur, dirigeant ou chef politique sans même connaître la portée de ces positions de supériorité. Il existe ainsi beaucoup d'hommes de par le monde -en fait dans l'univers entier- qui prétendent pendant un certain temps être des maris, des dirigeants politiques ou des protecteurs, mais le jour vient où le Seigneur Suprême désire les voir quitter leur poste, et leur carrière s'achève aussitôt. Sachant cela, les hommes vraiment érudits et spirituellement élevés ne reconnaissent aucun chef, mari, ou protecteur autre que Dieu, la Personne Suprême.

Sri Krsna déclare personnellement dans la Bhagavad-gita (XVIII.66): aham tvam sarva-papebhyo moksayisyami -"Je t'affranchirai de toute réaction pécheresse." Krsna ne craint personne; au contraire, c'est Lui que tout le monde redoute. Lui seul peut donc vraiment protéger un être subordonné. Les prétendus dirigeants et dictateurs étant entièrement sous l'empire de la nature matérielle, ils ne peuvent jamais protéger complètement autrui, bien que le prestige illusoire dont ils jouissent leur fasse prétendre le contraire. Na te viduh svartha-gatim hi visnum: les gens ignorent que le véritable progrès dans l'existence consiste à accepter Dieu, la Personne Suprême, comme son maître. Au lieu de se tromper eux-mêmes et de tromper autrui en se disant tout-puissants, tous les dirigeants politiques, les maris et les protecteurs de toutes sortes devraient participer à la propagation du Mouvemment pour la Conscience de Krsna de façon à ce que tous les êtres apprennent à s'abandonner à Krsna, le mari suprême.


Hare Krishna Hare Krishna Krishna Krishna Hare Hare
Hare Rama Hare Rama Rama Rama Hare Hare