SRIMAD-BHAGAVATAM
CHANT 5
CHAPITRE 4

Les gloires de Rsabhadeva,
manifestation de Dieu,
la Personne Suprême.

VERSET 1

sri-suka uvaca
atha ha tam utpattyaivabhivyajyamana-bhagaval-laksanam
samyopasama-vairagyaisvarya-maha-vibhutibhir anudinam
edhamananubhavam prakrtayah praja brahmana devatas cavani-tala-
samavanayatitaram jagrdhuh.

TRADUCTION

Sri Sukadeva Gosvami dit:
Lorsque le Seigneur apparut en tant que fils de Maharaja Nabhi, Il présenta, dès Sa naissance, des signes qui caractérisent Dieu, la Personne Suprême, comme les symboles marquant la plante de Ses pieds [le drapeau, l'éclair, etc.]. Il Se montrait égal envers tous et profondément paisible. Il maîtrisait Ses sens et Son mental, et comme Il avait tout ce qui se peut désirer, Il n'aspirait pas aux plaisirs matériels. Doté de tous ces attributs, le fils de Maharaja Nabhi devenait jour après jour plus puissant, si bien que les citoyens, les brahmanas érudits, les ministres et les devas voulurent qu'Il devienne le souverain attitré de la Terre.

TENEUR ET PORTEE

De nos jours, où foisonnent les incarnations de pacotille, il est très intéressant de noter les caractéristiques corporelles d'une authentique manifestation de Dieu. Dès Sa naissance, on put observer que les pieds de Rsabhadeva portaient les marques de Sa divinité (un drapeau, un éclair, une fleur de lotus, etc.). De plus, en grandissant, le Seigneur Se révéla être un personnage exceptionnel. Il Se montrait impartial, ne favorisant aucun être aux dépens d'un autre. Un avatara, une manifestation divine, doit posséder les six perfections -la beauté, la richesse, la renommée, la puissance, la sagesse et le renoncement. Notre verset précise à ce sujet que bien qu'Il fût en possession de toutes ces perfections, Rsabhadeva n'était pas le moins du monde attaché aux plaisirs matériels. Sa parfaite maîtrise de Lui-même Lui valait d'être aimé de tous. En raison de Ses qualités exceptionnelles, tout le monde Le voulait comme dirigeant de la Terre. Une manifestation de Dieu doit être reconnue comme telle par des personnes compétentes, compte tenu des indications données dans les sastras. Un avatara ne doit pas être accepté comme tel en se fondant sur l'adulation des ignorants.

VERSET 2

tasya ha va ittham varsamana variyasa brhac-chlokena caujasa balena
sriya yasasa virya-sauryabhyam ca pita rsabha itidam nama cakara.

TRADUCTION

Lorsqu'Il apparut, le fils de Maharaja Nabhi fit preuve de toutes les qualités décrites par les grands poètes: un corps aux lignes harmonieuses, doté de toutes les caractéristiques de Dieu -la vaillance, la puissance, la beauté, le renom, la gloire, l'influence et l'enthousiasme. Lorsque Maharaja Nabhi vit toutes ces qualités il estima que son fils devait être le meilleur des êtres humains, peut-être même l'Etre Suprême; c'est pourquoi il Lui donna le nom de Rsabha.

TENEUR ET PORTEE

Avant d'accepter quelqu'un comme Dieu, ou en tant que manifestation divine, on doit d'abord observer sur son corps tous les traits distinctifs du Divin. Or, ces signes étaient tous visibles sur le corps du fils extraordinairement puissant de Maharaja Nabhi. Son corps était bien proportionné, et Il possédait toutes les qualités divines. En outre, Il était très influent et maîtrisait Son mental et Ses sens. En conséquence, Il reçut le nom de Rsabha, qui Le désignait comme suprême entre tous.

VERSET 3

yasya hindrah spardhamano bhagavan varse na vavarsa tad avadharya
bhagavan rsabhadevo yogesvarah prahasyatma-yogamayaya sva-varsam
ajanabham namabhyavarsat.

TRADUCTION

Indra, le souverain des cieux, dont la condition matérielle est des plus prestigieuses, se mit à envier le roi Rsabhadeva, à tel point qu'il cessa de déverser l'eau des nuages sur la planète dénommée Bharata-varsa. Le Seigneur Suprême, maître de tous les pouvoirs surnaturels, comprit alors les intentions d'Indra, ce qui le fit sourire. Puis, grâce à Sa propre puissance, par l'entremise de yoga maya (Son énergie interne), Il fit tomber la pluie en abondance sur Son royaume, nommé Ajanabha.

TENEUR ET PORTEE

Nous constatons que le mot bhagavan est utilisé à deux reprises dans ce verset. Il désigne d'abord le roi Indra, puis Rsabhadeva, la manifestation du Seigneur Suprême. Parfois, Narada et Brahma sont aussi qualifiés de bhagavan. Ce mot s'applique à une personne qui jouit d'une opulence et d'une puissance exceptionnelles, comme c'est le cas pour Brahma, Siva, Narada ou Indra, qui sont tous appelés ainsi en raison de leur grandeur exceptionnelle. Pour Sa part, le roi Rsabhadeva était un avatara du Seigneur Suprême, en sorte qu'Il était le Bhagavan originel. Aussi ce verset Le qualifie-t-Il également de yogesvara, pour indiquer qu'Il possède la puissance spirituelle suprême. Il ne dépend donc nullement du roi Indra pour la pluie puisqu'Il peut Lui-même la faire tomber, et c'est d'ailleurs ce qu'Il fit dans ce cas précis. La Bhagavad-gita enseigne que c'est grâce à l'accomplissement de yajnas que des nuages de pluie se forment dans le ciel (yajnad bhavati parjanyah). Les nuages et les chutes de pluie sont sous la juridiction d'Indra, le roi des planètes édéniques; toutefois, lorsque celui-ci néglige ses devoirs, le Seigneur Suprême en personne, connu également sous les noms de Yajna, et de Yajna-pati, prend sur Lui-même de remplir ces fonctions. C'est ainsi que le royaume d'Ajanabha reçut suffisamment de pluie. S'Il Le désire, Yajna-pati peut faire ce qui Lui plaît, sans l'aide de personne -c'est pourquoi on dit du Seigneur qu'Il est tout-puissant. Dans l'âge où nous vivons, le kali-yuga, l'eau finira par manquer d'une façon dramatique (anavrsti), car les hommes négligeront d'accomplir des yajnas, aussi bien par ignorance que par manque d'ingrédients appropriés. C'est pourquoi le Srimad-Bhagavatam recommande: yajnaih sankirtana prayaih yajanti hi sumedhasah. Les yajnas ont pour but de satisfaire Dieu, la Personne Suprême. Or, l'âge de Kali se caractérise par de grandes pénuries et une ignorance marquée; néanmoins, chacun peut prendre part au sankirtana-yajna. Chaque famille, dans quelque société que ce soit peut accomplir ce sacrifice au moins chaque soir. De cette façon, tout manque de pluie et toutes autres formes de calamité seront évités. Il est essentiel pour les hommes vivant en cet âge d'accomplir le sankirtana-yajna s'ils veulent connaître le bonheur matériel et progresser dans la vie spirituelle.

VERSET 4

nabhis tu yathabhilasitam suprajastvam avarudhyati-pramoda-bhara-
vihvalo gadgadaksaraya gira svairam grhita-naraloka-sadharmam
bhagavantam purana-purusam maya-vilasita-matir vatsa tateti
sanuragam upalalayan param nirvrtim upagatah.

TRADUCTION

Ayant obtenu un fils parfait comme il l'avait désiré, le roi Nabhi, constamment submergé par un sentiment de félicité spirituelle, témoignait à son enfant une grande affection. C'est avec une joie indicible et d'une voix émue qu'il s'adressait à Lui, l'appelant "Mon cher fils, mon chéri". Sous l'influence de yoga-maya, il considérait le Seigneur Souverain, le père suprême, comme son propre enfant. De par Son désir suprême, le Seigneur était devenu son fils et agissait envers tous comme s'Il eût été un être humain ordinaire. Quant au roi Nabhi, qui élevait donc son fils divin avec grande affection, il débordait constamment de félicité, de joie et de dévotion spirituelles.

TENEUR ET PORTEE

Le mot maya signifie ici "illusion". Du fait qu'il considérait Dieu, la Personne Suprême, comme son propre fils, Maharaja Nabhi s'illusionnait sans aucun doute; toutefois il s'agissait là d'une illusion toute spirituelle, qui était requise en la circonstance -sinon, comment peut-on voir le père suprême comme son propre fils? Le Seigneur apparaît comme le fils d'un de Ses dévots: Krsna, par exemple, devint l'enfant de Yasoda et de Nanda Maharaja. Ces bhaktas ne pourraient jamais voir leur fils comme Dieu en personne car cela perturberait leurs relations avec Lui, fondées sur l'amour parental.

VERSET 5

viditanuragam apaura-prakrti jana-pado raja nabhir atmajam samaya-
setu-raksayam abhisicya brahmanesupanidhaya saha merudevya visalayam
prasanna-nipunena tapasa samadhi-yogena nara-narayanakhyam
bhagavantam vasudevam upasinah kalena tan-mahimanam avapa.

TRADUCTION

Voyant combien son fils jouissait d'une grande popularité parmi les citoyens, les ministres et les responsables du gouvernement, Maharaja Nabhi en fit l'empereur du monde pour protéger l'humanité selon le code religieux des Vedas. A cette fin, il Le confia à de doctes brahmanas, pour qu'ils Le guident dans Ses fonctions gouvernementales. Puis, Maharaja Nabhi et son épouse, Merudevi, se rendirent à Badarikasrama, dans l'Himalaya, où le roi mena une parfaite vie d'ascèse, le coeur empli d'une grande joie. Absorbé en samadhi, il adora le Seigneur Suprême, Nara-Narayana, une émanation plénière de Krsna. Et c'est ainsi que vint le jour où Maharaja Nabhi fut élevé jusqu'au monde spirituel, le royaume de Vaikuntha.

TENEUR ET PORTEE

Lorsque Maharaja Nabhi vit que son fils Rsabhadeva avait gagné les coeurs de la population et des membres du gouvernement, il décida de L'installer sur le trône impérial. En outre, il prit soin de Le confier à des brahmanas érudits. Cela signifie qu'un monarque était censé gouverner en strict accord avec les principes védiques, sous la direction de savants brahmanas qui pouvaient le conseiller d'après des Textes védiques reconnus, comme la Manu-smrti et autres sastras similaires. Il est du devoir du roi de régner sur ses sujets selon les principes védiques, en divisant la société en quatre groupes, respectivement formés par les brahmanas, les ksatriyas, les vaisyas et les sudras (catur-varnyam maya srstam guna-karma-vibhagasah) .Après avoir ainsi réparti les divers membres de la société, le roi doit veiller à ce que chacun s'acquitte des devoirs de son varna. Le brahmana, par exemple, doit accomplir le devoir qui lui échoit, sans tromper les hommes du commun; il n'est pas question d'obtenir le titre de brahmana sans en posséder les qualités. Le roi a donc pour devoir de s'assurer que chacun s'acquitte de ses tâches conformément aux principes védiques. En outre, il doit obligatoirement se retirer vers la fin de sa vie. Bien qu'il fût encore roi, Maharaja Nabhi renonça à la vie de famille et se rendit, avec son épouse, en un lieu de l'Himalaya appelé Badarikasrama, où la murti de Nara-Narayana est adorée. Les mots prasanna-nipunena tapasa indiquent que c'est avec beaucoup de science et le coeur débordant de joie que le roi se soumit à toutes sortes d'austérités. Tout empereur qu'il était, il n'éprouva aucune appréhension à l'idée de quitter la vie confortable de son palais. Bien qu'il menât une vie d'ascèse sévère, il se sentait très heureux à Badarikasrama, et il y accomplit son devoir à la perfection. C'est ainsi que, pleinement absorbé dans la Conscience de Krsna (samadhi-yoga) et méditant sans cesse sur Krsna,' ou Vasudeva, Maharaja Nabhi vit finalement le succès couronner son existence; il atteignit alors le monde spirituel, Vaikunthaloka.

Voilà donc comment il faut vivre selon la culture védique. Il faut mettre un terme au cycle des naissances et des morts, et retourner à Dieu, dans sa demeure originelle. Les mots tan-mahimanam avapa revêtent à cet égard une importance particulière. Srila Sridhara Svami affirme que le terme mahima se rapporte à la libération obtenue en cette vie même. Ceci nous indique que nous devrions agir tout au long de notre existence de façon telle qu'après avoir quitté notre corps, nous soyons délivrés des chaînes de la naissance et de la mort répétées. C'est ce qu'on appelle la jivan-mukti. Srila Viraraghava Acarya souligne pour sa part que la Chandogya Upanisad fait mention de huit traits caractéristiques d'un jivan-mukta -une personne déjà libérée alors qu'elle est encore dans son enveloppe charnelle. En premier lieu, elle ne commet aucune activité pécheresse (apahata-papa). En effet, tant que l'on subit l'emprise de maya au sein de l'énergie matérielle, on est forcé de commettre des activités coupables. La Bhagavad-gita qualifie de duskrtinah, les hommes qui mènent ainsi une vie de péché. A l'opposé, l'être libéré en cette vie ne se rend coupable d'aucune faute, ce qui se résume à ne pas avoir de rapports sexuels illicites, à ne pas consommer de chair animale, à ne faire usage ni d'excitants ni de substances toxiques et à renoncer aux jeux de hasard. Une autre caractéristique de l'être libéré est qu'il n'est pas affecté par les souffrances de la vieillesse (vijara). Autre trait encore: vimrtyu -il se prépare à ne plus revêtir de corps matériels, tous destinés à périr. En d'autres termes, il ne retombe plus dans le cycle des morts et des renaissances. En outre, les joies et les peines matérielles le laissent indifférent (visoka). L'être libéré est également vijighatsa, ce qui signifie qu'il n'éprouve plus de désirs pour la jouissance matérielle, apipata, car il n'a d'autre aspiration que de servir Krsna, le très cher objet de ses désirs, avec amour et dévotion, et satya-kama, car tous ses désirs sont tournés vers Krsna, la Vérité suprême, et il ne veut rien d'autre. Enfin, il est satya-sankalpa: tous ses désirs sont exaucés par la grâce de Krsna. De toutes façons, il ne demande rien pour lui-même, et s'il désire quoi que ce soit, c'est uniquement de servir le Seigneur Suprême. Or, ce désir se trouve comblé par la grâce du Seigneur. Tel est le sens des mots satya-sankalpa. Srila Visvanatha Cakravarti fait remarquer pour sa part que le mot mahima veut dire que le bhakta retourne dans le monde spirituel, à Vaikuntha, en sa demeure originelle; et selon Sri Sukadeva, ce même mot indique que le bhakta développe en lui les qualités de Dieu, la Personne Suprême. C'est ce qu'on appelle le sadharma, ou "l'identité qualitative". Ainsi, à l'instar de Krsna qui jamais ne naît ni ne meurt, ceux de Ses dévots qui retournent à Lui n'ont plus jamais à naître ni à mourir dans cet univers matériel.


Hare Krishna Hare Krishna Krishna Krishna Hare Hare
Hare Rama Hare Rama Rama Rama Hare Hare