SRIMAD-BHAGAVATAM
CHANT 5
CHAPITRE 5

Les enseignements de
Rsabhadeva à Ses fils.

VERSET 21-22

bhutesu virudbhya uduttama ye
sarisrpas tesu sabodha-nisthah
tato manusyah pramathas tato pi
gandharva-siddha vibudhanuga ye

devasurebhyo maghavat-pradhana
daksadayo brahma-sutas tu tesam
bhavah parah so tha virinca-viryah
sa mat-paro ham dvija-deva-devah

TRADUCTION

Parmi les créations produites par les deux énergies manifestées [l'esprit et la matière inerte], celles qui possèdent la force vitale [les légumes, l'herbe, les arbres et les végétaux en général] dominent sur la matière inerte la pierre, la terre, etc. A leur tour, les reptiles, les vers et les serpents, qui sont à même de se mouvoir, surpassent les plantes immobiles, et les animaux dont l'intelligence est développée sont supérieur aux reptiles eux-mêmes. Les êtres humains l'emportent sur les animaux, et les spectres sur les êtres humains, car ils n'ont pas de corps physiques. Au-dessus des spectres, il y a les Gandharvas et, plus haut encore, les Siddhas, puis les Kinnaras, et enfin les asuras. Au-dessus des asuras viennent les devas, sur lesquels règne Indra, le roi des cieux. Les fils directs de Brahma, dont le roi Daksa, prévalent sur Indra, et d'entre les fils de Brahma, Siva est le plus grand. Siva étant le fils de Brahma, ce dernier lui est tenu pour supérieur, mais Brahma lui-même se trouve subordonné à Moi, le Seigneur Souverain. Cependant, comme Je suis Moi-même favorable aux brahmanas, ceux-ci sont les plus grands de tous.

TENEUR ET PORTEE

Ce verset donne aux brahmanas une position supérieure à celle du Seigneur Suprême. Il convient ici de retenir que le gouvernement devrait exercer le pouvoir suivant les directives des brahmanas. Bien que Rsabhadeva ait recommandé que Son fils aîné, Bharata, devienne l'empereur du monde, celui-ci aurait toujours la responsabilité de se conformer aux instructions des brahmanas de façon à gouverner parfaitement la Terre. On vénère le Seigneur en tant que brahmanya-deva; c'est dire qu'Il a beaucoup d'affection pour les bhaktas, ou les brahmanas. Bien entendu, il ne s'agit pas ici des prétendus brahmanas de caste, mais de ceux qui sont dignes de ce titre. Un vrai brahmana doit posséder les huit qualités mentionnées au verset vingt-quatre (sama, dama, satya, titiksa...). Il faut toujours vénérer les brahmanas ,et c'est guidé par eux que le dirigeant doit s'acquitter de ses tâches et gouverner les citoyens. Malheureusement, dans l'âge de Kali, le chef d'Etat n'est pas choisi par des hommes très intelligents et il n'est pas davantage guidé par des brahmanas confirmés; il en résulte donc le chaos. Les citoyens devraient être éduqués dans la Conscience de Krsna de telle sorte que, conformément aux voies démocratiques, ils puissent élire à la tête du gouvernement un bhakta éminent, comme Bharata Maharaja. Si le chef de l'Etat est conseillé par des brahmanas accomplis, tout va alors à merveille.

Ce verset fait indirectement allusion au processus de l'évolution. La théorie moderne selon laquelle la vie procède de la matière se trouve corroborée dans une certaine mesure par ce verset. Les mots bhutesu virudbhyah signifient que les êtres vivants évoluent à partir du règne végétal -herbes, plantes et arbres-, qui est supérieur à la matière inerte. En d'autres termes, la matière possède également le pouvoir de faire apparaître des êtres vivants sous forme de végétaux. Dans ce sens, la vie provient de la matière; mais il est également vrai que la matière provient de la vie. C'est ce que Krsna enseigne dans la Bhagavad gita (X.8): aham sarvasya prabhavo mattah sarvam pravartate- "De tous les mondes, spirituel et matériel, Je suis la source; de Moi tout émane."

Il existe deux énergies, l'une matérielle et l'autre spirituelle, toutes deux ayant pour origine Krsna, l'Etre Suprême. Bien qu'on puisse dire qu'en cet univers matériel, une force vivante naît de la matière, on doit reconnaître qu'a l'origine, la matière provient de l'Etre Suprême entre tous (nityo nityanam cetanas cetananam). Il faut en conclure que tout ce qui existe -le matériel le spirituel- émane de l'Etre Suprême. Du point de vue de l'évolution, la perfection se trouve atteinte lorsque l'être vivant parvient au niveau du brahmana. Le brahmana est celui qui adore le Brahman Suprême, mais le Brahman Suprême Lui-même honore le brahmana. Autrement dit, le bhakta surbordonné au Seigneur Suprême, et le Seigneur, quant à Lui, désire que Son dévot soit satisfait. Un autre nom pour le brahmana est dvija-deva, et le Seigneur est appelé djiva-deva-deva, car Il est le Seigneur des brahmanas.

Le Caitanya-caritamrta (au dix-neuvième chapitre du Madhya-lila) nous éclaire également sur le processus de l'évolution; on y trouve écrit qu'il existe deux sortes d'êtres vivants, les uns mobiles et les autres immobiles. Parmi les créatures à même de se déplacer, citons les oiseaux, les mammifères, les êtres aquatiques, les êtres humains, et ainsi de suite. Parmi ces êtres, les humains sont censée être les plus évolués, mais le nombre en est restreint. Or, au sein de ce petit groupe d'êtres humains, il existe plusieurs catégories inférieures, comme celles des mlecchas, des Pulindas, des bauddhas et des sabaras. L'homme suffisamment élevé pour accepter les principes védiques leur est supérieur. Mais d'entre ceux qui acceptent les principes védiques, généralement regroupés sous le nom de varnasrama (aujourd'hui on dit aussi "le système hindou"), bien peu observent vraiment ces principes. Parmi ceux qui les observent en fait, la plupart se livrent à des actes intéressés et accomplissent des actes de vertu en vue d'être promus à une position supérieure. Manusyanam sahasresu kascid yatati siddhaye: parmi tous ceux qui s'attachent à des actes intéressés, un seul peut-être sera un jnani, c'est-à-dire enclin à philosopher, et il s'avérera ainsi supérieur aux karmis. Yatatam api siddhanam kascin mam vetti tattvatah: parmi bien des jnanis un seul peut-être parviendra à se libérer de l'asservissement à la matière, et d'entre des millions de jnanis libérés, un seul peut-être deviendra un dévot de Krsna.

VERSET 23

na brahmanais tulaye bhutam anyat
pasyami viprah kim atah param tu
yasmin nrbhih prahutam sraddhayaham
asnami kamam na tathagni-hotre

TRADUCTION

Pour Moi, ô respectueux Brahmanas, nul n'est supérieur ou même égal aux brahmanas en ce monde; Je ne trouve personne qui puisse leur être comparé. Lorsque après avoir accompli des sacrifices en accord avec les principes védiques, les hommes perçoivent le but que Je poursuis, ils M'offrent de la nourriture avec foi et amour par la bouche d'un brahmana. Lorsque la nourriture M'est ainsi offerte, Je la mange en toute satisfaction; à dire vrai, je tire plus de plaisir de cette nourriture que de celle qui m'est offerte dans le feu sacrificiel.

TENEUR ET PORTEE

La tradition védique veut qu'après un sacrifice les brahmanas soient invités à partager la nourriture qui a été offerte. Lorsque les brahmanas prennent cette nourriture, on la considère comme directement ingérée par le Seigneur Suprême. Nul ne peut donc être comparé aux brahmanas accomplis. Le sommet de l'évolution consiste à s'établir au niveau brahmanique. Toute civilisation non fondée sur la culture brahmanique ou non guidée par les brahmanas est indubitablement condamnée. La civilisation actuelle est axée sur la satisfaction des sens, de sorte que de plus en plus de gens s'adonnent à toutes sortes d'activités indues; personne ne respecte la culture brahmanique. Une civilisation démoniaque s'attache à des activités déplorables (ugra-karma), et de grandes industries y sont créées pour combler un nombre quasi infini de désirs concupiscents. En conséquence, les gens sont accablés de taxes gouvernementales. En outre, l'irréligion prédomine et les sacrifices recommandés dans la Bhagavad-gita ne sont plus accomplis. Le Texte sacré dit: yajnad bhavati parjanyah grâce à l'accomplissement des sacrifices, des nuages se forment et déversent leurs pluies en quantité suffisante, celles-ci permettant à leur tour une ample production d'aliments. Sous la direction des brahmanas, la société devrait observer les principes de la Bhagavad-gita; tous y trouveraient leur bonheur. Annad bhavanti bhutani: lorsque les animaux et les hommes ont suffisamment de céréales pour se nourrir, ils deviennent plus forts, leur coeur devient plus serein et leur esprit s'apaise. Ils peuvent alors progresser dans la vie spirituelle et atteindre ainsi le but ultime de l'existence.

VERSET 24

dhrta tanur usati me purani
yeneha sattvam paramam pavitram
samo damah satyam anugrahas ca
tapas titiksanubhavas ca yatra

TRADUCTION

Les Vedas représentent la manifestation sonore éternelle de Ma personne, d'ou leur nom de sabda-brahma. Ici-bas, les brahmanas étudient soigneusement tous les Vedas, et parce qu'ils en assimilent les conclusions, on les considère comme représentant les Vedas personnifiés. Ils sont établis dans le sattva-guna, l'attribut spirituel suprême; de ce fait, ils possèdent la maîtrise du mental [sama] et celle des sens [dama], de même que la véracité [satya]. Ils expliquent les Vedas selon leur sens originel et, par pure compassion anugraha, en enseignent l'objectif ultime à toutes les âmes conditionnées. Ils pratiquent l'austérité [tapasya] et la tolérance [titiksa], et ont conscience de la position respective de l'être infinitésimal et du Seigneur Suprême [anubhava].Telles sont les huit qualités des brahmanas. Ainsi, d'entre tous les êtres vivants, nul n'est supérieur aux brahmanas.

TENEUR ET PORTEE

Nous avons ici la description exacte d'un brahmana: il a assimilé les conclusions des Vedas en pratiquant la maîtrise des sens et du mental. Il exprime en outre les Vedas dans leur version première. Ainsi que l'enseigne la Bhagavad-gita (XV.15) vedais ca sarvair aham eva vedyah par l'étude des Vedas, on doit parvenir à connaître la position spirituelle et absolue de Sri Krsna. Celui qui a effectivement assimilé l'essence des Vedas peut prêcher la vérité. Il fait également preuve de compassion envers les âmes conditionnées qui, parce qu'elles ne sont pas conscientes de Krsna, sont assujetties aux trois formes de souffrance de ce monde. Un brahmana doit avoir pitié de ces gens et prêcher la conscience de Krsna afin de les élever. Sri Krsna, le Seigneur Souverain, descend en personne ici-bas depuis Son royaume divin pour instruire les âmes conditionnées au sujet des valeurs spirituelles et les amener à s'abandonner à Lui. Les brahmanas, de leur côté, font la même chose; après avoir assimilé les enseignements védiques, ils assistent le Seigneur Suprême dans Son effort en vue de libérer les âmes conditionnées. Du fait de leurs - éminentes qualités relevant du sattva-guna, les brahmanas, qui se livrent également à des oeuvres bienfaisantes pour toutes les âmes conditionnées de l'univers matériel, sont très chers au Seigneur Suprême.

VERSET 25

matto py anantat paratah parasmat
svargapavargadhipater na kincit
yesam kim u syad itarena tesam
akincananam mayi bhakti-bhajam

TRADUCTION

Je suis infiniment grand et tout-puissant, supérieur à Brahma et à Indra le roi des planètes édéniques. C'est aussi Moi qui octroie le bonheur dont on jouit dans le royaume céleste ou celui que procure la libération. Pourtant, les brahmanas ne recherchent pas auprès de Moi quelque bien-être matériel; ils sont d'une grande pureté et ne désirent rien posséder. Ils se contentent de Me servir avec dévotion; quel besoin auraient-ils, dès lors, de demander des bienfaits matériels à quelqu'un d'autre?

TENEUR ET PORTEE

La qualité brahmanique par excellence se trouve ici mentionnée: akin-cananam mayi bhakti-bhajam les brahmanas s'absorbent sans cesse dans le service de dévotion offert au Seigneur. Par suite, ils n'ont aucun besoin matériel et ne possèdent rien de matériel. Dans le Caitanya-caritamrta (Madhya 11.8), Caitanya Mahaprabhu décrit les purs vaisnavas qui sont profondément désireux de retourner à Dieu, en leur demeure originelle: niskincanasya bhagavad-bhajanonmukhasya. Ceux qui désirent vraiment retourner à Dieu sont niskincanam, c'est-à-dire qu'ils n'éprouvent aucun désir de confort matériel. Il poursuit en disant: sandarsanam visayinam atha yositam ca ha hanta hanta visa-bhaksanato py asadhu. L'opulence matériel et la satisfaction des sens obtenues en compagnie des femmes s'avèrent plus dangereuses que du poison.

Les brahmanas qui sont de purs vaisnavas s'absorbent toujours dans le service du Seigneur; ils sont dénués de tout désir d'en retirer un quelconque avantage matérieL Les brahmanas ne rendent pas de culte aux devas comme Brahma, Indra ou Siva en vue d'obtenir un quelconque bienfait matériel; il ne demandent même pas de tels bienfaits au Seigneur Suprême. C'est pourquoi on considère les brahmanas comme suprêmes entre tous les êtres vivants de ce monde. C'est ce que confirme Sri Kapiladeva dans le Srimad-Bhagavatam (3.29.33):

tasman mayy arpitasesa-
kriyarthatma nirantarah
mayy arpitatmanah pumso
mayi sannyasta-karmanah
na pasyami param bhutam
akartuh sama-darsanat

Les brahmanas se consacrent constamment au service du Seigneur avec leur corps, leurs paroles et leur mental. Il n'y a pas d'être meilleur qu'un brahmana qui dédie tout son être au Seigneur Suprême.


Hare Krishna Hare Krishna Krishna Krishna Hare Hare
Hare Rama Hare Rama Rama Rama Hare Hare