SRIMAD-BHAGAVATAM
CHANT 5
CHAPITRE 8

La personnalité de
Bharata Maharaja.

VERSET 6

tat-prasavotsarpana-bhaya-khedatura sva-ganena viyujyamana kasyancid
daryam krsna-sarasati nipapatatha ca mamara.

TRADUCTION

Isolée de son troupeau et affligée d'avoir perdu son petit, la biche à la robe noire, ayant franchi la rivière, se trouva fort accablée. En fin de compte, elle tomba dans une grotte où elle mourut aussitôt.

VERSET 7

tam tv ena-kunakam krpanam srotasanuhyamanam
abhiviksyapaviddham bandhur ivanukampaya rajarsir bharata adaya
mrta-mataram ity asrama-padam anayat.

TRADUCTION

Toujours assis sur la berge de la rivière, l'illustre roi Bharata vit le petit animal emporté par les eaux, séparé de sa mère, et il se sentit envahi d'une grande compassion. Comme un ami sincère, il arracha le faon aux vagues, et le sachant sans mère, il l'emmena dans son asrama.

TENEUR ET PORTEE

Les lois de la nature agissent par des voies subtiles qui ne nous sont pas connues. Maharaja Bharata était un grand roi, fort avancé dans la pratique du service de dévotion; il avait presque atteint le niveau du service d'amour offert au Seigneur Suprême. Mais bien qu'il se trouvât à un niveau si élevé, il retomba sur le plan matériel. C'est pourquoi la Bhagavad-gita (II.15) nous met en garde:

yam hi na vyathayanty ete
purusam purusarsabha
sama-duhkha-sukham dhiram
so mrtatvaya kalpate

''O meilleur des hommes (Arjuna), celui que n'affectent ni les joies ni les peines, qui, en toutes circonstances, demeure serein et résolu, celui-là est digne de la libération." Celui qui aspire au salut spirituel et à la libération des chaînes de la matière doit agir avec beaucoup de précautions, car le moindre écart peut l'amener à replonger dans l'existence matérielle. En étudiant l'histoire de Maharaja Bharata, nous pouvons apprendre l'art de nous affranchir complètement de toute attache matérielle. Ainsi que nous le révéleront les versets ultérieurs, Bharata Maharaja dut renaître sous la forme d'un faon pour avoir manifesté une compassion excessive à l'égard de cet animal. C'est en élevant les êtres du niveau matériel au niveau spirituel que nous devons leur témoigner notre compassion; autrement, nos progrès spirituels peuvent à tout moment être gâchés, et nous pouvons même retomber sur le plan matériel. Ainsi, la compassion de Maharaja Bharata pour le jeune faon marqua le début de sa chute au niveau matériel.

VERSET 8

tasya ha va ena-kunaka uccair etasmin krta-nijabhimanasyahar-ahas
tat-posana-palana-lalana-prinananudhyanenatma-niyamah saha-yamah
purusa-paricaryadaya ekaikasah katipayenahar-ganena viyujyamanah
kila sarva evodavasan.

TRADUCTION

Peu à peu, Maharaja Bharata vit grandir son affection pour le faon. Il se mit à l'élever et à le nourrir en lui donnant de l'herbe; il prenait toujours bien garde de le protéger contre les attaques des tigres et des autres animaux. Lorsque la peau le démangeait, il le grattait et le caressait, s'efforçant à tout moment d'assurer son confort. Il l'embrassait même parfois afin de lui témoigner son amour. Maharaja Bharata en vint à oublier les règles et les principes du progrès spirituel, et même l'adoration de Dieu, la Personne Suprême, tant il s'était attaché à soigner cet animal. En quelques jours seulement, il oublia tout de sa vie spirituelle.

TENEUR ET PORTEE

Cet exemple doit nous faire comprendre combien nous devons nous montrer prudents dans l'accomplissement de nos devoirs spirituels, en observant sans y manquer tous les principes régulateurs et en chantant régulièrement le maha-mantra Hare Krsna. Si nous négligeons ces devoirs, nous finirons tôt ou tard par déchoir. Il faut se lever tôt le matin, se baigner, assister au mangala-arati, adorer les murtis, chanter le mantra Hare Krsna, étudier les Ecritures védiques et respecter toutes les règles établies par les acaryas et le maître spirituel. Si nous nous écartons de cette voie, nous risquons de perdre pied, même si nous étions déjà très avancés. A ce propos, il est intéressant de noter le verset suivant, tiré de la Bhagavad-gita (XVIII.5):

yajna-dana-tapah-karma
na tyajyam karyam eva tat
yajno danam tapas caiva
pavanani manisinam

"On ne doit nullement renoncer aux actes de sacrifice, d'austérité et de charité. En fait, ces sacrifices, austérités et de charité sanctifient même les grandes âmes." Même celui qui a embrassé l'ordre du renoncement ne doit pas abandonner pour autant les principes régulateurs. Il doit adorer la murti et consacrer tout son temps au service de Krsna; en outre, il doit continuer d'observer les principes d'austérité et de pénitence. Rien de tout cela ne peut être rejeté. Il ne faut pas se croire très avancé par le simple fait d'avoir opté pour le sannyasa. Encore une fois, il faut soigneusement étudier l'histoire de Bharata Maharaja pour assurer son propre progrès spirituel.

VERSET 9

aho batayam harina-kunakah krpana isvara-ratha-carana-paribhramana-
rayena sva-gana-suhrd-bandhubhyah parivarjitah saranam ca mopasadito
mam eva mata-pitarau bhratr-jnatin yauthikams caivopeyaya nanyam
kancana veda mayy ati-visrabdhas cata eva maya mat-parayanasya posana-
palana-prinana-lalanam anasuyunanustheyam saranyopeksa-dosa-vidusa.

TRADUCTION

L'illustre Maharaja Bharata se mit à penser:
Hélas voilà que, sous l'influence du temps, cet agent du Seigneur Souverain, ce faon livré à lui-même a maintenant perdu ses parents et ses proches et a trouvé en moi un refuge. Il ne connaît que moi, qui suis devenu à la fois son père, sa mère, son frère et toute sa famille. Ce jeune animal pense ainsi, et met en moi toute sa confiance. Il ne connaît personne d'autre; aussi ne dois-je pas me montrer envieux et craindre de perdre mon propre bien-être à son profit. II me faut l'élever, le protéger, lui être agréable et le choyer. Comment pourrais-je l'ignorer puisqu'il a cherché refuge auprès de moi? Même s'il perturbe ma vie spirituelle, j'ai conscience que si une personne, dans son impuissance, cherche un refuge, elle ne peut être laissée à elle-même; ce serait là une faute grave.

TENEUR ET PORTEE

Lorsqu'une personne a évolué dans la conscience spirituelle, dans la conscience de Krsna, elle fait naturellement preuve d'une grande compassion à l'égard de tous les êtres qui souffrent en ce monde. Il va de soi qu'une âme aussi noble songe à la souffrance des hommes en général. Cependant, si l'on ignore les souffrances des âmes déchues, et si l'on se prend de compassion pour autrui en se souciant du bien-être du corps -comme le fit Bharata Maharaja-, cette compassion sera une cause de chute. Celui qui est véritablement compatissant à l'égard de l'humanité souffrante, déchue, doit s'efforcer d'élever la conscience des gens du niveau matériel au niveau spirituel. Dans le cas du faon, Bharata Maharaja fut envahi par une grande compassion, mais il oublia qu'il était impossible d'élever son jeune ami à un niveau de conscience spirituelle, car après tout, un faon n'est jamais qu'un animal. Bharata Maharaja prit un très grand risque en sacrifiant tous ses devoirs spirituels à seule fin de prendre soin d'une bête. Pour cette raison, il faut s'en tenir aux principes énoncés dans la Bhagavad-gita (II.15): yam hi na vyathayanty ete purusam purusarsabha. En ce qui concerne le corps matériel, nous ne pouvons rien pour personne. Cependant, il nous est possible, par la grâce de Krsna d'élever la conscience d'une personne à un niveau spirituel en observant nous-mêmes tous les principes régulateurs de la vie spirituelle. Toutefois, si nous négligeons nos propres activités spirituelles pour ne plus nous soucier que du bien-être matériel d'autrui, nous nous mettons alors dans une situation périlleuse.

VERSET 10

nunam hy aryah sadhava upasama-silah krpana-suhrda evam-vidharthe
svarthan api gurutaran upeksante.

TRADUCTION

Même un homme qui a parfaitement renoncé éprouvera sans aucun doute de la compassion pour ceux qui souffrent, s'il est parvenu à un haut niveau de réalisation. Il faut certes négliger ses propres intérêts, fussent-ils d'une très grande importance, pour protéger un être qui demande assistance.

TENEUR ET PORTEE

Maya est très puissante. Au nom de la philanthropie, de l'altruisme et du communisme, les gens éprouvent de la compassion pour l'humanité souffrante partout dans le monde. Les philanthropes et les altruistes ne se rendent pas compte qu'il est impossible d'améliorer les conditions de vie matérielles, de qui que ce soit; celles-ci sont en effet déjà déterminées par un ordre supérieur en fonction du karma de chacun, et elles ne peuvent être modifiées. Le seul bien que l'on puisse faire à ceux qui souffrent consiste à les amener à un niveau de conscience spirituelle. Les conditions de vie matérielles ne peuvent être ni améliorées ni aggravées. D'où ce verset du Srimad-Bhagavatam (1.5.18): tal labhyate duhkhavad anyatah sukham -"Pour ce qui est du bonheur matériel, il vient de lui-même en temps opportun, tout comme le malheur, sans même que nous fassions des efforts pour l'obtenir." Les joies et les peines matérielles surviennent sans effort particulier; nous ne devons donc pas nous soucier d'activités matérielles. Quiconque éprouve le désir ou est en mesure d'aider autrui devrait s'efforcer d'élever les hommes au niveau de la conscience de Krsna. De cette façon, chacun progresse spirituellement par la grâce du Seigneur. Pour notre édification, Bharata Maharaja emprunta cette voie d'action; comprenons par là qu'il nous faut prendre garde de ne pas nous laisser fourvoyer par de prétendues oeuvres de bienfaisance fondées sur le corps. Nous ne devons à aucun prix renoncer à notre intérêt qui consiste à obtenir à tout prix la faveur de Visnu. En général, les gens ignorent cette vérité, ou bien ils l'oublient; ils sacrifient alors leur intérêt premier, qui consiste à mériter la faveur de Visnu, et s'emploient à des oeuvres philanthropiques visant au bien-être du corps.


Hare Krishna Hare Krishna Krishna Krishna Hare Hare
Hare Rama Hare Rama Rama Rama Hare Hare