SRIMAD-BHAGAVATAM
CHANT 6
CHAPITRE 1

La vie d'Ajamila.

VERSET 31

vikarsato ntar hrdayad
dasi-patim ajamilam
yama-presyan visnuduta
varayam asur ojasa

TRADUCTION

Les serviteurs de Yamaraja se saisissaient déjà de l'âme sise au plus profond du coeur d'Ajamila, le mari de la prostituée, quand de leurs voix retentissantes, les messagers de Visnu les sommèrent d'arrêter.

TENEUR ET PORTEE

Le vaisnava, celui qui s'est abandonné aux pieds pareils-au-lotus de Visnu, bénéficie toujours de la protection des serviteurs personnels du Seigneur. Du fait qu'Ajamila avait chanté le Saint Nom de Narayana, non seulement les Visnudutas arrivèrent immédiatement sur les lieux, mais ils interdirent en outre sur-le-champ aux Yamadutas de porter la main sur lui. D'une voix retentissante, les Visnudutas menacèrent de punir les Yamadutas s'ils persistaient à essayer d'arracher l'âme d'Ajamila de son coeur. Les serviteurs de Yamaraja ont pouvoir d'agir sur tous les pécheurs, mais les messagers de Visnu, les Visnudutas, sont en mesure de punir quiconque fait du mal à un vaisnava, y compris Yamaraja.

Les hommes de science matérialistes ne savent pas où trouver l'âme dans le corps avec leurs instruments matériels, mais ce verset explique clairement que l'âme se trouve au plus profond du coeur (hrdaya); c'est en effet du coeur d'Ajamila que les Yamadutas cherchaient à extraire son âme. De même, nous apprenons que l'Ame Suprême, Sri Visnu, Se situe également dans le coeur (isvarah sarva-bhutanam hrd-dese rjuna tisthati). Les Upanisads enseignent que l'Ame Suprême et l'âme individuelle vivent sur un même arbre, le corps, comme deux oiseaux liés d'amitié. On qualifie l'Ame Suprême d'ami car Dieu, la Personne Souveraine, témoigne tant de bienveillance à l'âme distincte qu'Il l'accompagne lorsque celle-ci transmigre d'un corps à un autre. De plus, le Seigneur, par l'intermédiaire de maya, Son agent, lui crée un nouveau corps en fonction de ses désirs et de son karma.

Le coeur joue un rôle mécanique dans le corps. Comme l'explique Krsna dans la Bhagavad-gita (XVIII.61):

isvarah sarva-bhutanam
hrd-dese rjuna tisthati
bhramayan sarva-bhutani
yantrarudhani mayaya

"Le Seigneur Se tient dans le coeur de tous les êtres, ô Arjuna, et dirige leurs errances à tous, qui se trouvent chacun comme sur une machine constituée d'énergie matérielle." Le mot yantra fait allusion à un mécanisme, comme celui d'une automobile. Le conducteur de la machine, c'est-à-dire du corps, est l'âme individuelle, qui est également son maître et son propriétaire, mais le propriétaire suprême en est Dieu, la Personne Souveraine. Le corps d'une personne est créé par l'intermédiaire de maya (karmana daiva-netrena); et suivant les activités de cette personne au cours de cette vie, un autre véhicule sera créé pour elle, toujours sous la direction de la daivi-maya (daivi hy esa gunamayi mama maya duratyaya) Le moment venu, notre prochain corps est aussitôt déterminé, et l'âme individuelle de même que l'Ame Suprême se transportent dans cette nouvelle "machine". C'est ainsi que s'effectue la transmigration. Au cours du transfert d'un corps à un autre, l'âme est emportée par les serviteurs de Yamaraja, qui la font d'abord passer par un certain type de vie infernale (naraka) de manière à l'habituer à la condition où elle devra vivre dans son prochain corps.

VERSET 32

ucur nisedhitas tams te
vaivasvata-purahsarah
ke yuyam pratiseddharo
dharma-rajasya sasanam

TRADUCTION

Se voyant ainsi interdire de continuer leur tâche, les messagers de Yamaraja, le fils du deva du Soleil, répliquèrent:

"Qui êtes-vous donc, Messieurs, pour avoir l'audace de braver les ordres de Yamaraja?

TENEUR ET PORTEE

Si l'on s'en tient aux actes répréhensibles d'Ajamila, celui-ci relevait de la juridiction de Yamaraja, le juge suprême mis en place pour examiner les péchés de tous les êtres vivants. En se voyant interdire de toucher à Ajamila, les messagers de Yamaraja furent très surpris, car jamais personne dans les trois mondes ne les avait jusqu'alors empêchés d'accomplir leur devoir.

VERSET 33

kasya va kuta ayatah
kasmad asya nisedhatha
kim deva upadeva ya
yuyam kim siddha-sattamah

TRADUCTION

"De qui êtes-vous les serviteurs, d'où venez-vous, et pourquoi nous interdisez-vous de toucher au corps d'Ajamila? Etes-vous des devas du royaume édénique, des devas inférieurs, ou alors des bhaktas du plus haut rang?

TENEUR ET PORTEE

Le terme le plus riche de sens dans ce verset est siddha-sattamah, signifiant "les meilleurs des êtres parfaits". La Bhagavad-gita (VII.3) enseigne: manusyanam sahasresu kascid yatati siddhaye —"Parmi des milliers d'hommes, un seul, peut-être, cherchera à devenir parfait (siddha), c'est-à-dire à retrouver son identité spirituelle. Un être réalisé sait qu'il est une âme spirituelle (aham brahmasmi), et non le corps dans lequel il vit. Aujourd'hui, pratiquement tout le monde ignore ce fait, mais celui qui comprend cette vérité a atteint la perfection, et peut donc être qualifié de siddha. Quand on comprend que l'âme est une infime parcelle de l'Ame Suprême, et qu'on se consacre de ce fait à Son service avec dévotion, on devient ce qu'on appelle un siddha-sattama, digne de vivre sur les planètes Vaikunthas ou sur Krsnaloka. Le terme siddha-sattama désigne donc une âme libérée, un pur bhakta.

Puisque les Yamadutas sont les serviteurs de Yamaraja, lui-même un siddha-sattama, ils savaient que de tels personnages se situent au-dessus des devas, des devas inférieurs, et pour tout dire au-dessus de tous les êtres vivants dans l'univers matériel. Aussi demandèrent-ils aux Visnudutas la raison de leur présence en un lieu où un pécheur était sur le point de mourir.

Il faut également remarquer qu'Ajamila n'était pas encore mort, puisque les Yamadutas cherchaient à séparer l'âme du coeur; comme ils n'y étaient pas parvenus, Ajamila vivait donc encore. C'est ce que nous révéleront les versets à venir. Ajamila gisait simplement dans un état d'inconscience, tandis qu'une discussion opposait les Yamadutas et les Visnudutas pour savoir qui pourrait finalement revendiquer son âme.

VERSET 34-36

sarve padma-palasaksah
pita-kauseya-vasasah
kiritinah kundalino
lasat-puskara-malinah

sarve ca nutna-vayasah
sarve caru-caturbhujah
dhanur-nisangasi-gada-
sankha-cakrambuja-sriyah

diso vitimiralokah
kurvantah svena tejasa
kim artham dharma-palasya
kinkaran no nisedhatha

TRADUCTION

"Vos yeux ressemblent aux pétales du lotus. Vêtus de soie jaune, ornés de guirlandes de lotus, de tiares rutilantes et de pendants d'oreilles scintillants, vous resplendissez de fraîcheur et de jeunesse; vos quatre longs bras se parent d'un arc et d'un carquois rempli de flèches, d'une épée, d'une masse, d'une conque, d'un disque et d'une fleur de lotus. Votre radiance a dissipé les ténèbres de ces lieux en les baignant d'une extraordinaire lumière. Mais pourquoi donc nous empêchez-vous d'agir?"

TENEUR ET PORTEE

Avant même d'être présenté à un étranger, on se fait déjà une idée de son identité à la façon dont il est vêtu, en considérant son apparence physique ainsi que son comportement. Ainsi, lorsque les Yamadutas aperçurent les Visnudutas pour la première fois, ils exprimèrent leur surprise en disant: "A en juger par votre apparence, vous semblez être des personnes de très haut rang, et vos pouvoirs célestes sont tels que vous avez dissipé les ténèbres de l'univers matériel grâce à votre radiance. Pourquoi donc chercheriez-vous à nous empêcher d'accomplir notre devoir?" Il nous sera en effet expliqué que les Yamadutas, les serviteurs de Yamaraja, se méprenaient sur le compte d'Ajamila et le considéraient comme un pécheur. Ils ne savaient pas qu'en dépit du fait qu'il avait péché toute sa vie durant, il s'était purifié en prononçant constamment le Saint Nom de Narayana. En d'autres termes, à moins d'être soi-même un vaisnava, nul ne peut saisir le sens des activités d'un vaisnava.

Ce verset décrit de façon appropriée les vêtements et l'apparence des habitants de Vaikunthaloka. Ceux-ci portent des guirlandes et sont vêtus de soie jaune; ils ont quatre bras et tiennent diverses armes, si bien qu'ils ressemblent à s'y méprendre à Sri visnu. S'ils ont la même apparence que Narayana, c'est qu'ils ont atteint la libération dite sarupya, mais ils n'en agissent pas moins comme Ses serviteurs. Tous les habitants de Vaikunthaloka savent parfaitement bien que leur maître est Narayana, ou Krsna, et qu'ils sont tous ses serviteurs. Ce sont tous des âmes réalisées dites nitya-mukta, ou éternellement libérées. Il leur serait possible de se faire passer pour Narayana ou Visnu, mais ils ne le font jamais; ils demeurent toujours conscients de Krsna, fidèles au service du Seigneur. Telle est l'atmosphère qui règne à Vaikunthaloka. De même, quiconque apprend à servir avec foi Sri Krsna par l'intermédiaire du Mouvement pour la Conscience de Krsna vivra éternellement à Vaikunthaloka et n'aura plus aucun lien avec l'univers matériel.


Hare Krishna Hare Krishna Krishna Krishna Hare Hare
Hare Rama Hare Rama Rama Rama Hare Hare