SRIMAD-BHAGAVATAM
CHANT 6
CHAPITRE 1

La vie d'Ajamila.

VERSET 37

sri-suka uvaca
ity ukte yamadutais te
vasudevokta-karinah
tan pratyucuh prahasyedam
megha-nirhradaya gira

TRADUCTION

Sukadeva Gosvami dit:
Ainsi interrogés par les messagers de Yamaraja, les serviteurs de Vasudeva sourirent et prononcèrent les paroles qui vont suivre d'une voix aussi profonde que le grondement du tonnerre dans les nuages.

TENEUR ET PORTEE

Les Yamadutas étaient surpris de voir que les Visnudutas, bien que polis, empêchaient l'exécution des ordres de Yamaraja. De leur côté, les Visnudutas étaient également étonnés de constater que les Yamadutas, qui se disaient serviteurs de Yamaraja, le juge suprême des principes religieux, étaient incapables de reconnaître les principes de la spiritualité. C'est pourquoi les Visnudutas souriaient en songeant: "Mais que racontent-ils là? Si ce sont vraiment des serviteurs de Yamaraja, ils devraient savoir qu'Ajamila n'est pas une proie pour eux!"

VERSET 38

sri-visnuduta ucuh
yuyam vai dharma-rajasya
yadi nirdesa-karinah
bruta dharmasya nas tattvam
yac cadharmasya laksanam

TRADUCTION

Les envoyés bénis de Sri Visnu, les Visnudutas, dirent:
Si vous êtes vraiment les serviteurs de Yamaraja, vous devez nous expliquer ce que l'on entend par principes de la religion, ainsi que les caractéristiques de l'irréligion.

TENEUR ET PORTEE

Cette requête adressée par les Visnudutas aux Yamadutas est de la plus grande importance, car un serviteur doit connaître les instructions de son maître. Les serviteurs de Yamaraja prétendaient agir sur ses ordres; aussi les Visnudutas leur demandèrent avec beaucoup d'intelligence d'établir pour eux une distinction entre les principes de la religion et ceux de l'irréligion. Un vaisnava connaît parfaitement ces principes, car les instructions de Dieu, la Personne Suprême, lui sont familières. Le Seigneur Souverain enseigne:

sarva-dharman parityajya
mam ekam saranam vraja

"Laisse là toute autre forme de religion, et abandonne-toi simplement à Moi." (B.g.,XVIII.66) L'abandon à Dieu représente donc le véritable principe de la religion. Quant à ceux qui s'abandonnent aux principes de la nature matérielle plutôt qu'à Krsna, ils sont tous impies, quelle que soit leur position en ce monde. Ignorants comme ils le sont des principes de la religion, ils ne s'abandonnent pas à Krsna, et c'est pourquoi on les considère comme d'ignobles pécheurs, comme les plus vils des hommes et comme des sots dénués de tout savoir. Ainsi que le déclare Krsna dans la Bhagavad-gita (VII.15):

na mam duskrtino mudhah
prapadyante naradhamah
mayayapahrta-jnana
asuram bhavam asritah

"Les sots, les derniers des hommes, ceux dont le savoir est dérobé par l'illusion, les démoniaques, —ces mécréants ne s'abandonnent pas à Moi." Quiconque ne s'est pas abandonné à Krsna ne connaît pas l'essence de la religion; sinon, il se serait déjà abandonné à Lui.

La question des Visnudutas tombe tout à fait à propos. Quiconque prétend représenter une personne doit parfaitement connaître la mission de celle-ci. Les bhaktas du Mouvement pour la Conscience de Krsna doivent donc parfaitement connaître la mission de Krsna et de Sri Caitanya; autrement, ils passeront pour des insensés. Tous les bhaktas, et particulièrement les prédicateurs, doivent connaître la philosophie de la Conscience de Krsna, de manière à ne pas être mis dans l'embarras ou insultés au cours de leur prédication.

VERSET 39

katham svid dhriyate dandah
kim vasya sthanam ipsitam
dandyah kim karinah sarve
aho svit katicin nrnam

TRADUCTION

Comment s'appliquent les châtiments et quels sont ceux qui méritent vraiment d'être punis? Est-ce que tous les karmis qui se livrent à l'action intéressée doivent être châtiés, ou seulement certains d'entre eux?

TENEUR ET PORTEE

Si quelqu'un a le pouvoir de châtier autrui, il ne doit pas pour autant en user envers tous. Il existe d'innombrables êtres vivants, dont la majorité habite le monde spirituel et sont des nitya-muktas, des âmes éternellement libérées, qu'il n'est donc pas question de juger. Seule une petite fraction des êtres distincts, un quart peut-être, vit dans l'univers matériel, et la plupart d'entre eux —soit huit millions d'espèces sur huit millions quatre cent mille—sont inférieurs aux êtres humains; eux non plus ne sont pas passibles de châtiment, car ils vivent automatiquement selon les lois de la nature matérielle. Les êtres humains, qui possèdent une conscience développée, sont quant à eux, responsables de leurs actes; certains, cependant, ne méritent pas d'être châtiés —par exemple, ceux qui se consacrent à des actes de grande piété. Seuls ceux qui se livrent à des actes répréhensibles doivent être punis. C'est pourquoi les Visnudutas voulurent savoir en particulier qui doit être puni, et pourquoi Yamaraja avait été désigné pour distinguer les êtres passibles de châtiment et ceux qui ne le sont pas. Comment un individu doit-il être jugé? Quel est le principe de base de l'autorité? Telles furent les questions soulevées par les Visnudutas.

VERSET 40

yamaduta ucuh
veda-pranihito dharmo
hy adharmas tad-viparyayah
vedo narayanah saksat
svayambhur iti susruma

TRADUCTION

Les Yamadutas répondirent:
Les préceptes des Vedas forment le dharma, les principes de la religion, et ce qui s'y oppose représente l'irréligion. Les Vedas sont directement Dieu, la Personne Suprême, Narayana, et n'ont d'autre source qu'eux-mêmes. Voilà ce que nous avons entendu de Yamaraja.

TENEUR ET PORTEE

Les serviteurs de Yamaraja répondirent exactement comme ils se devaient de le faire. Ils n'inventèrent pas de principes de religion ou d'irréligion, mais expliquèrent plutôt ce qu'ils avaient entendu de l'autorité en la matière, Yamaraja. Mahajano yena gatah sa panthah: il faut suivre les mahajanas, les maîtres du savoir. Or, Yamaraja compte parmi les douze mahajanas, et c'est pourquoi ses serviteurs, les Yamadutas, répondirent en toute clarté lorsqu'ils dirent: "Nous avons entendu" (Susruma). L'homme moderne élabore toutes sortes de principes religieux imparfaits en recourant à des spéculations intellectuelles, mais ce n'est pas là le dharma; en fait, il ne sait pas ce qu'est le véritable dharma ou l'adharma. D'où ces mots qu'on trouve au commencement du Srimad-Bhagavatam: dharmah projjhita-kaitavo tra —le dharma qui n'est pas étayé par les Vedas se trouve écarté du Srimad-bhagavata-dharma. Le bhagavata-dharma ne comprend en effet que les instructions données par Dieu, la Personne Suprême. Sarva-dharman parityajya mam ekam saranam vraja: il faut accepter l'autorité du Seigneur Souverain et s'abandonner à Lui, de même qu'à Ses enseignements. Voilà en quoi consiste le dharma. Arjuna, par exemple, croyant que la violence relevait de l'adharma, refusait de combattre, mais Krsna le poussa à livrer bataille. Il se plia finalement aux ordres de Krsna, et c'est pourquoi l'on peut dire de lui que c'est un véritable dharma, car les instructions de Krsna constituent le dharma. Krsna enseigne encore dans la Bhagavad-gita (XV.15): vedais ca sarvair aham eva vedyah —"L'objet réel du veda, la connaissance, est de Me connaître." Quiconque connaît parfaitement Krsna est libéré. Comme Krsna Lui-même le dit dans la Bhagavad-gita (IV.9):

janma karma ca me divyam
evam yo vetti tattvatah
tyaktva deham punar janma
naiti mam eti so rjuna

"Celui, ô Arjuna, qui connaît l'absolu de Mon avènement et de Mes actes n'aura plus à renaître dans l'univers matériel; quittant son corps, il entre dans Mon royaume éternel." Celui qui comprend qui est Krsna et obéit à Son ordre est donc apte à retourner à Dieu, dans sa demeure originelle. En conclusion, le dharma, la religion, correspond aux injonctions des Vedas, et l'adharma, ou l'irréligion, à toute connaissance qui n'est pas corroborée par les Vedas.

En fait, le dharma n'est pas vraiment créé par Narayana. Comme l'enseignent les Vedas, les préceptes du dharma émanent du souffle de Narayana, l'Etre Suprême (asya mahato bhutasya nisvasitam etad yad rg-vedah iti). Or, Narayana existe éternellement et respire éternellement, si bien que le dharma, ou les commandements de Narayana, existe lui aussi éternellement. Srila Madhvacarya, le premier acarya de la Madhva-gaudiya-sampradaya, déclare:

vedanam prathamo vakta
harir eva yato vibhuh
ato visnv-atmaka veda
ity ahur veda-vadinah

Les mots spirituels et absolus des Vedas tirent leur origine des lèvres de Dieu, la Personne Suprême. Par suite, les principes védiques doivent être considérés comme des principes vaisnavas, puisque Visnu est la source des Vedas. Ceux-ci ne contiennent rien d'autre que les instructions de Visnu, de telle sorte que celui qui s'inspire des principes védiques est un vaisnava. Le vaisnava n'est pas membre d'un groupe temporel; il connaît véritablement les Vedas, ainsi que le confirme la Bhagavad-gita (vedais ca sarvair aham eva vedyah).


Hare Krishna Hare Krishna Krishna Krishna Hare Hare
Hare Rama Hare Rama Rama Rama Hare Hare