VERSET 6
susilo mita-bhug daksah
sraddadhano jitendriyah
yavad-artham vyavaharet
strisu stri-nirjitesu ca
TRADUCTION
Un
brahmacari doit se montrer bien élevé et courtois, et il ne doit pas manger ou posséder plus qu'il ne faut. Il doit toujours être actif et faire preuve d'habileté dans ce qu'il entreprend; il lui faut avoir une foi totale dans les instructions de son maître spirituel et des
sastras. Parfaitement maître de ses sens, il ne doit fréquenter les femmes ou ceux qu'elles subjuguent que dans la mesure où cela est nécessaire.
TENEUR ET PORTEE
Un brahmacari doit bien prendre garde de ne pas se mêler aux femmes ou à ceux qui ne peuvent se passer d'elles. Bien que, lorsqu'il va recueillir des aumônes, il lui soit parfois nécessaire de parler avec des femmes et avec des hommes extrêmement attachés aux femmes, ces rapports doivent être très courts, et il ne doit parler avec eux que de l'objet de sa quête, et de rien d'autre. Le brahmacari doit donc faire bien attention dans ses rapports avec les hommes attachés aux femmes.
VERSET 7
varjayet pramada-gatham
agrhastho brhad-vratah
indriyani pramathini
haranty api yater manah
TRADUCTION
Un
brahmacari, ou quiconque n'appartient pas au
grhastha-asrama (vie de famille), doit strictement éviter de parler aux femmes ou d'avoir des conversations sur les femmes, car les sens sont si puissants qu'ils peuvent troubler même l'esprit d'un
sannyasi, d'une personne appartenant à l'ordre du renoncement.
TENEUR ET PORTEE
Par brahmacarya, on entend essentiellement le voeu qui consiste à ne pas se marier et à observer une continence absolue (brhad-vrata). Un brahmacari ou un sannyasi doit éviter de parler aux femmes ou de lire des ouvrages raportant les propos échangés entre hommes et femmes. L'injonction restreignant les rapports avec les femmes représente le principe fondamental de la vie spirituelle. Aucun Texte védique ne recommande de rechercher la compagnie des femmes ou de s'entretenir avec elles. Le système védique tout entier enseigne à éviter toute vie sexuelle de façon à s'élever graduellement du stade de brahmacarya à celui de grhastha, puis à celui de vanaprastha, pour finalement parvenir au sannyasa et renoncer à toute forme de jouissance matérielle, cause originelle de notre enchaînement à ce monde de matière. Les mots brhad-vrata désignent une personne ayant décidé de ne pas se marier ou, en d'autres termes, de ne pas avoir de rapports sexuels durant toute sa vie.
VERSET 8
kesa-prasadhanonmarda-
snapanabhyanjanadikam
guru-stribhir yuvatibhih
karayen natmano yuva
TRADUCTION
Si l'épouse du maître spirituel est jeune, le
brahmacari ne doit pas lui permettre de soigner sa chevelure, de masser son corps avec de l'huile ou de le baigner affectueusement comme une mère.
TENEUR ET PORTEE
Les rapports qui unissent l'élève ou le disciple à l'épouse du précepteur ou du maître spirituel sont comme ceux unissant un fils à sa mère. La mère prend parfois soin de son fils en lui peignant les cheveux, en lui massant le corps avec de l'huile ou encore en le baignant; or, l'épouse du précepteur est une autre mère (guru-patni), et il lui arrive parfois aussi de traiter le disciple d'une façon toute maternelle. Cependant, si c'est une jeune femme, le brahmacari ne doit pas permettre à cette mère de le toucher. Cela est rigoureusement interdit. Il existe sept sortes de mères:
atma-mata guroh patni
brahmani raja-patnika
dhenur dhatri tatha prthvi
saptaita matarah smrtah
Ce sont la mère originelle, la femme du précepteur ou du maître spirituel, la femme d'un brahmana, la femme du roi, la vache, la nourrice et la terre. Tous rapports avec les femmes qui ne sont pas absolument nécessaires sont rigoureusement interdits, même avec sa mère, sa soeur ou sa fille. C'est sur ces bases que fonctionne une civilisation humaine. Une civilisation qui permet aux hommes et aux femmes de se côtoyer sans restrictions est une civilisation animale. Dans le kali-yuga, les gens ont l'esprit très large, mais le fait de se mêler aux femmes et de s'entretenir avec elles d'égal à égal dénote un mode de vie non civilisé.
VERSET 9
nanv agnih pramada nama
ghrta-kumbha-samah puman
sutam api raho jahyad
anyada yavad-artha-krt
TRADUCTION
On compare la femme au feu, et l'homme à un pot de beurre. Dès lors, un homme doit éviter de rester dans un lieu solitaire même avec sa propre fille. Il faut éviter tout contact avec les femmes, si ce n'est pour quelque affaire importante.
TENEUR ET PORTEE
Si l'on maintient un pot de beurre en contact avec le feu, le beurre ne manquera pas de fondre. Or, la femme est comparée au feu, et l'homme à un pot de beurre. Si habile soit-il à réprimer ses sens, il est quasiment impossible pour l'homme de se maîtriser en présence d'une femme, fût-elle sa propre fille, sa mère ou sa soeur. A vrai dire, son esprit se trouble même lorsqu'il a adopté l'ordre du renoncement. C'est pourquoi la civilisation védique prend bien soin de restreindre les rapports entre hommes et femmes. Si quelqu'un ne peut comprendre ce principe fondamental, il doit être considéré comme un animal. Tel est le sens de ce verset.
VERSET 10
kalpayitvatmana yavad
abhasam idam isvarah
dvaitam tavan na viramet
tato hy asya viparyayah
TRADUCTION
Tant qu'un être n'a pas parfaitement pris conscience de son identité spirituelle -tant qu'il n'est pas détaché de l'identification erronée au corps, lequel n'est qu'un reflet de son corps et de ses sens originels-, il ne peut être affranchi du concept de dualité, ramené à sa plus simple expression dans la dualité qui sépare l'homme et la femme. Il est donc presque sûr de tomber du fait de son intelligence égarée.
TENEUR ET PORTEE
Voici un autre avertissement important concernant le soin que doit mettre un homme à se préserver contre l'attirance exercée par les femmes. A moins d'être une âme réalisée, totalement détachée d'une conception illusoire du corps matériel, la dualité qui existe entre l'homme et la femme continue obligatoirement; elle ne cesse que lorsqu'on a véritablement pris conscience de son identité spirituelle.
vidya-vinaya-sampanne
brahmane gavi hastini
suni caiva svapake ca
panditah sama-darsinah
"L'humble sage, éclairé par le pur savoir, voit d'un oeil égal le brahmana noble et érudit, la vache, l'éléphant, ou encore le chien et le mangeur de chien [hors-caste]." (B.g.,5.18) Sur le plan spirituel, l'homme de savoir ne renonce pas seulement à la dualité opposant l'homme et la femme, mais aussi à celle opposant l'homme et l'animal. Telle est la preuve de la réalisation spirituelle. Il faut réaliser parfaitement que l'être distinct est une âme spirituelle goûtant à diverses sortes de corps matériels. On peut posséder une compréhension théorique de cette vérité, mais c'est lorsqu'on en a la réalisation concrète que l'on devient véritablement un pandita -celui qui a la connaissance. Jusque-là, la dualité persiste, de même que les notions d'homme et de femme. Il faut alors faire preuve d'une extrême prudence dans ses rapports avec le sexe opposé. Nul ne doit se croire parfait et négliger l'instruction des sastras aux termes de laquelle on doit être très prudent dans ses rapports avec sa fille, sa mère ou sa soeur, et à plus forte raison avec les autres femmes. Srila Madhvacarya cite à ce propos les slokas suivants:
bahutvenaiva vastunam
yathartha-jnanam ucyate
advaita-jnanam ity etad
dvaita-jnanam tad-anyatha
yatha jnanam tatha vastu
yatha vastus tatha matih
naiva jnanarthayor bhedas
tata ekatva-vedanam
L'unité dans la variété est la marque du vrai savoir, de telle sorte que le renoncement artificiel à la variété ne reflète pas une connaissance parfaite du monisme. Selon la philosophie de l'acintya-bhedabheda de Sri Caitanya Mahaprabhu, la variété existe, mais tous ses éléments forment un tout unique. Telle est la connaissance de la parfaite unité.