SRIMAD-BHAGAVATAM
CHANT 7
CHAPITRE 14

La vie de famille idéale.

VERSET 1

sri-yudhisthira uvaca
grhastha etam padavim
vidhina yena canjasa
yayad deva-rse bruhi
madrso grha-mudha-dhih

TRADUCTION

Maharaja Yudhisthira demanda [à Narada Muni]:
O mon maître, ô illustre sage, veuille expliquer comment nous, qui vivons au foyer sans connaître le but de l'existence, pouvons aussi accéder facilement à la libération, en accord avec les enseignements des Vedas.

TENEUR ET PORTEE

Dans les chapitres qui précèdent, le grand sage Narada a expliqué comment doivent agir le brahmacari, le vanaprastha et le sannyasi. S'il a d'abord parlé de ces trois asramas, ou étapes de la vie, c'est parce qu'ils revêtent une importance extrême quant à l'accomplissement du but de l'existence. Il faut noter que dans le brahmacari-asrama, le vanaprastha-asrama et le sannyasa-asrama, il n'y a pas de place pour les rapports charnels, tandis que la vie sexuelle est permise aux grhasthas suivant certaines règles. C'est pourquoi Narada Muni a d'abord traité du brahmacarya, du vanaprastha et sannyasa, car il désirait insister sur le fait que la vie sexuelle n'est pas du tout nécessaire, même si quelqu'un qui ne peut absolument pas s'en passer a la possibilité d'adopter la vie de grhastha, la vie de famille, que règlent également les sastras et le guru. Yudhisthira Maharaja comprenait bien tout ceci. Par suite, en tant que grhastha, il se présenta comme un grha-mudha-dhih, quelqu'un ignorant complètement le but de l'existence. Celui qui demeure chef de famille ne peut en effet qu'ignorer le but de l'existence; son intelligence n'est pas très développée. Aussitôt que possible, il faut renoncer au prétendu confort du foyer et se préparer à faire des austérités (tapasya). Tapo divyam putraka. Selon les instructions données par Rsabhadeva à Ses fils, nous ne devons pas chercher à nous créer un confort illusoire, mais plutôt nous préparer à mener une vie d'ascèse. Voilà comment un être humain doit vivre pour atteindre le but ultime de l'existence.

VERSET 2

sri-narada uvaca
grhesv avasthito rajan
kriyah kurvan yathocitah
vasudevarpanam saksad
upasita maha-munin

TRADUCTION

Narada Muni répondit:
Cher roi, les chefs de famille vivant au foyer doivent agir de manière à gagner leur subsistance, et plutôt que de chercher à jouir des fruits de leur travail, ils devraient offrir ces fruits à Krsna, Vasudeva. Or, c'est en fréquentant les grands dévots du Seigneur que l'on peut comprendre parfaitement comment satisfaire Vasudeva dans cette vie.

TENEUR ET PORTEE

La vie de grhastha doit être caractérisée par le dévouement à Dieu, la Personne Suprême. La Bhagavad-gita (6.1) enseigne:

anasritah karma-phalam
karyam karma karoti yah
sa sannyasi ca yogi ca
na niragnir na cakriyah

"Il est le sannyasi, le vrai yogi, celui qui s'acquitte de ses devoirs sans attachement aucun aux fruits de ses actes, et non celui qui n'allume pas de feu, qui se retranche de l'action." Que l'on soit brahmacari, grhastha, vanaprastha, sannyasi, on ne doit agir que pour la satisfaction du Seigneur Suprême, Vasudeva, ou Krsna, le fils de Vasudeva. Telle doit être la règle maîtresse de notre vie à tous. Narada Muni a déjà exposé les principes régissant la vie du brahmacari, du vanaprastha et du sannyasi, et il explique maintenant comment doit vivre le grhastha, le principe de base étant de satisfaire Dieu, la Personne Souveraine.

Ce verset nous indique comment apprendre la science permettant de satisfaire le Seigneur Suprême: saksad upasita maha-munin. Les mots maha-munin désignent les grands saints, ou bhaktas. Les saints hommes sont généralement appelés munis, ou philosophes réfléchis, absorbés par les questions spipirituelles, et les maha-munins sont ceux qui ont non seulement étudié de façon approfondie la question du but de l'existence, mais aussi qui s'emploient véritablement à satisfaire Dieu, la Personne Souveraine, Vasudeva. Ceux-là portent le nom de bhaktas. A moins de fréquenter des bhaktas, on ne peut apprendre la science du vasudevarpana, l'art de consacrer sa vie à Vasudeva, Krsna, le Seigneur Suprême.

En Inde, on observait rigoureusement les principes de cette science. Il y a à peine cinquante ans encore, j'ai pu voir la population des villages du Bengale et de la banlieue de Calcutta écouter quotidiennement le Srimad-Bhagavatam dès leur journée de travail achevée, ou du moins le soir avant de se coucher. Tout le monde écoutait le Bhagavatam. Des exposés de Bhagavata se tenaient dans chaque village, si bien que les habitants avaient la possibilité d'écouter le message du Srimad-Bhagavatam, qui explique tout ce qui concerne le but de l'existence, à savoir la libération, ou le salut. Les versets qui suivent expliqueront ceci plus en détail.

VERSET 3-4

srnvan bhagavato bhiksnam
avatara-kathamrtam
sraddadhano yatha-kalam
upasanta-janavrtah

sat-sangac chanakaih sangam
atma-jayatmajadisu
vimuncen mucyamanesu
svayam svapnavad utthitah

TRADUCTION

Le grhastha doit constamment rechercher la compagnie des saints hommes et, avec grand respect, écouter le nectar des exploits du Seigneur Suprême et des divers avataras, tels que les décrivent le Srimad-Bhagavatam et d'autres Puranas. Il doit ainsi se détacher peu à peu de l'affection qu'il porte à sa femme et à ses enfants, tout comme un homme sortant d'un rêve.

TENEUR ET PORTEE

Le Mouvement pour la Conscience de Krsna a été fondé pour donner l'occasion à tous les grhasthas du monde d'écouter spécifiquement le Srimad-Bhagavatam et la Bhagavad-gita. La méthode, décrite en de nombreux endroits, consiste à écouter et à chanter les gloires du Seigneur (srnvatam svakathah krsnah punya-sravana-kirtanah). Tout le monde, et plus particulièrement les grhasthas, ignorants qu'ils sont quant au but de l'existence (mudha-dhi), devrait avoir l'occasion d'entendre parler de Krsna. Par cette simple écoute, en entendant les exposés sur la Bhagavad-gita et le Srimad-Bhagavatam donnés dans les différents centres du Mouvement pour la Conscience de Krsna, tous peuvent être purifiés de leur inclination pécheresse à rechercher sans cesse des plaisirs charnels illicites, à consommer la chair des animaux, à s'enivrer et à jouer aux jeux d'argent -toutes ces pratiques étant largement répandues de nos jours. Ainsi peuvent-ils s'élever jusqu'à la lumière. Punya-sravana-kirtanah: par le simple fait de se joindre au kirtana, au chant des Saints Noms:

hare krsna hare krsna krsna krsna hare hare
hare rama hare rama rama rama hare hare

et d'entendre parler de Krsna selon la Bhagavad-gita, on se purifie nécessairement, surtout si l'on prend également du prasada. Or, tout ceci a cours dans le Mouvement pour la Conscience de Krsna.

Une autre précision est apportée ici: srnvan bhagavato bhiksnam avatara-kathamrtam. Ce n'est pas parce qu'on a lu ou entendu une fois le message de la Bhagavad-gita que l'on ne doit pas l'entendre de nouveau. Le mot abhiksnam est très important à ce propos: nous devrions l'entendre encore et encore. Il n'est pas question d'arrêter; même si l'on a lu ces sujets de nombreuses fois, il faut continuer à les lire de façon répétée, car la bhagavat-katha, les paroles prononcées par Krsna et celles prononcées à Son sujet par Ses dévots, est un vrai nectar (amrta). Plus on boit de cet amrtam, plus on progresse dans sa vie éternelle.

La vie humaine doit nous permettre d'atteindre la libération, mais par malheur, à cause de l'influence du kali-yuga, les grhasthas travaillent chaque jour comme des ânes. Ils se lèvent tôt le matin et parcourent jusqu'à cent ou cent cinquante kilomètres pour aller gagner leur pain. Plus spécialement dans les pays d'Occident, j'ai eu l'occasion de voir des gens se lever à cinq heures du matin pour se rendre au bureau ou à l'usine afin de gagner leur vie. Et la même chose se répète chaque jour à Calcutta et à Bombay. Ils peinent sans relâche au bureau ou à l'usine, puis mettent encore trois ou quatre heures pour rentrer chez eux. Ils vont se reposer vers dix heures et recommencent le même manège le lendemain matin dès les premières heures. Or, les sastras assimilent ce genre de labeur harassant à la vie des porcs et des mangeurs d'excréments. Nayam deho deha-bhajam nrloke kastan kaman arhate vidbhujam ye: "D'entre tous les êtres ayant revêtu en ce monde des corps matériels, ceux auxquels une forme humaine a été octroyée ne devraient pas peiner jour et nuit en vue du seul plaisir des sens, accessible même aux chiens et aux porcs qui se nourrissent d'excréments." (S.B.,5.5.1) Nous devons trouver du temps pour écouter le message du Srimad-Bhagavatam et de la Bhagavad-gita. Telle est la culture védique. Nous ne devrions pas travailler plus de huit heures pour gagner notre vie; dans l'après-midi ou la soirée, le chef de famille devrait se joindre à des bhaktas pour entendre parler des manifestations divines de Krsna et de Ses Activités pour ainsi se libérer peu à peu de l'emprise de maya. Cependant, plutôt que de trouver du temps pour entendre parler de Krsna, les hommes, après s'être épuisés à travailler au bureau ou à l'usine, prennent du temps pour aller au restaurant ou à un club quelconque où ils ont grand plaisir à discuter des activités politiques d'asuras et d'abhaktas et à s'abandonner aux plaisirs de la chair, à l'alcool, aux femmes et à la viande, perdant ainsi totalement leur temps. Ce n'est pas là la vie du grhastha, mais celle des êtres démoniaques. Néanmoins, le Mouvement pour la Conscience de Krsna, avec tous ses centres de par le monde, fournit à ces êtres déchus et condamnés une occasion d'entendre parler de Krsna.

Au cours d'un rêve, nous créons une société établie sur l'amitié et l'amour, mais dès notre réveil cette vision se dissipe. De la même manière, la société qui nous entoure, notre famille et nos amours ne sont qu'un rêve, et ce rêve prendra fin au moment de la mort. Par suite, que l'on rêve sur le plan subtil ou sur le plan concret, ces rêves sont toujours illusoires et temporaires. Notre préoccupation véritable doit être de comprendre que nous sommes une âme (aham brahmasmi) et que nos activités devraient donc changer d'orientation. Alors pourrons-nous être heureux.

brahma-bhutah prasannatma
na socati na kanksati
samah sarvesu bhutesu
mad-bhaktim labhate param

"Celui qui atteint le niveau spirituel réalise du même coup le Brahman Suprême, et y trouve une joie infinie. Jamais il ne s'afflige, jamais il n'aspire à quoi que ce soit; il se montre égal envers tous les êtres. Celui-là obtient alors de Me servir avec un amour et une dévotion purs." (B.g.,18.54) Quiconque adopte le service de dévotion peut très facilement être libéré du rêve de l'existence matérielle.

VERSET 5

yavad-artham upasino
dehe gehe ca panditah
virakto raktavat tatra
nr-loke naratam nyaset

TRADUCTION

Tout en travaillant autant qu'il le faut pour assurer sa subsistance et maintenir le corps et l'âme réunis, l'homme au vrai savoir doit vivre détaché des affaires familiales bien qu'il y paraisse très attaché.

TENEUR ET PORTEE

Nous avons ici l'image de la vie de famille parfaite. Lorsque Sri Caitanya Mahaprabhu demanda à Ramananda Raya de Lui définir le but de l'existence, celui-ci fit différentes propositions, suivant les recommandations des Ecritures; mais finalement, Sri Ramananda Raya expliqua que l'on peut garder sa position, que l'on soit un brahmana, un sudra, un sannyasi ou quoi que ce soit d'autre, mais qu'il faut s'enquérir du but de l'existence (athato brahma-jijnana). Voilà comment bien tirer parti de la forme humaine. Lorsqu'on mésuse du privilège que représente la forme humaine en cédant sans nécessité à ses tendances animales -manger, dormir, s'accoupler, et se défendre- sans chercher à s'affranchir de l'emprise de maya, alors que celle-ci nous assujettit à la répétition de la naissance, de la maladie, de la vieillesse et de la mort, on est à nouveau puni et contraint de renaître au sein d'espèces inférieures pour suivre le cycle de l'évolution en accord avec les lois de la nature. Prakrteh kriyamanani gunaih karmani sarvasah. Complètement sous l'emprise de la nature matérielle, l'être conditionné doit à nouveau s'élever des espèces inférieures vers les espèces supérieures, jusqu'à enfin retrouver la forme humaine et ainsi obtenir l'occasion de s'échapper des rets de la matière. L'homme sage, toutefois, apprend des sastras et du guru que nous, les êtres vivants, sommes éternels, mais présentement dans une condition inconfortable à cause de notre contact avec différents gunas suivant les lois de la nature. Il en conclut donc que, durant sa vie humaine, il ne doit pas faire d'efforts en vue d'obtenir des choses inutiles, mais plutôt mener une vie simple à seule fin de maintenir le corps et l'âme réunis. Il ne fait aucun doute que nous avons tous besoin de gagner notre vie, et les sastras nous indiquent quel moyen de subsistance nous pouvons adopter selon notre varna et asrama. Nous devons nous contenter de ceci. Par suite, plutôt que de chercher à gagner de plus en plus d'argent, un bhakta sincère s'efforce de trouver un moyen quelconque de gagner sa vie, et lorsqu'il agit ainsi, Krsna ne manque pas de l'aider. Assurer sa subsistance ne présente donc pas de problème. Le véritable problème consiste à savoir s'affranchir des chaînes de la naissance, de la vieillesse et de la mort. Et le principe de base de la civilisation védique consiste justement à obtenir cette liberté, sans s'inventer de faux besoins. Il faut se satisfaire de tout moyen de subsistance qui se présente naturellement. La civilisation moderne matérialiste est tout à l'opposé de la civilisation idéale. Chaque jour, les prétendus dirigeants de la société moderne inventent quelque nouvelle bizarrerie compliquant la vie des gens et les assujettissant de plus en plus au cycle de la naissance, de la maladie, de la vieillesse et de la mort.


Hare Krishna Hare Krishna Krishna Krishna Hare Hare
Hare Rama Hare Rama Rama Rama Hare Hare