SRIMAD-BHAGAVATAM
CHANT 7
CHAPITRE 15

Instructions destinées
aux êtres humains civilisés.

VERSET 46

nocet pramattam asad-indriya-vaji-suta
nitvotpatham visaya-dasyusu niksipanti
te dasyavah sahaya-sutam amum tamo ndhe
samsara-kupa uru-mrtyu-bhaye ksipanti

TRADUCTION

Mais si l'on ne prend pas refuge auprès d'Acyuta et de Baladeva, alors les sens, qui jouent le rôle de chevaux, et l'intelligence, qui joue celui du cocher, demeurent enclins à la souillure matérielle et mènent inconsidérément le corps, qui tient lieu de char, sur la voie de la satisfaction des sens. Lorsqu'on est ainsi attiré de nouveau par les escrocs du visaya -manger, dormir et avoir des rapports sexuels-, les chevaux et le conducteur du char sont jetés dans le puits obscur de l'existence matérielle, et l'on se retrouve dans une situation dangereuse, effrayante, de naissances et de morts répétées.

TENEUR ET PORTEE

Sans la protection de Gaura-Nitai -Krsna et Balarama-, il n'est pas possible de sortir du puits sombre de l'ignorance propre à l'existence matérielle. C'est ce que souligne ici le mot nocet, qui indique un séjour perpétuel dans le puits sombre de l'existence matérielle. L'être vivant doit tirer sa force de Nitai-Gaura, ou Krsna-Balarama. Sans la miséricorde de Nitai-Gaura, il n'y a aucun moyen de sortir de ce sombre puits d'ignorance. Comme le mentionne le Caitanya-caritamrta (Adi 1.2):

vande sri-krsna-caitanya-
nityanandau sahoditau
gaudodaye puspavantau
citrau sandau tamo-nudau

"Je rends mon hommage respectueux à Sri Krsna Caitanya et à Sri Nityananda, qui sont comme le soleil et la lune, apparus ensemble à l'horizon du pays de Gauda pour dissiper les ténèbres de l'ignorance et répandre sur tous Leur grâce insigne. Ce monde matériel est un puits sombre empli d'ignorance. Les âmes déchues qui y sont tombées doivent chercher refuge aux pieds pareils-au-lotus de Gaura-Nitai, car ainsi elles peuvent émerger facilement de cette existence matérielle. Sans Leur force, essayer de se libérer de l'emprise de la matière uniquement par le savoir spéculatif ne suffira pas.

VERSET 47

pravrttam ca nivrttam ca
dvi-vidham karma vaidikam
avartate pravrttena
nivrttenasnute mrtam

TRADUCTION

Selon les Vedas, il existe deux sortes d'activités: pravrtti et nivrtti. Les activités pravrtti entraînent l'élévation d'une condition de vie matérielle inférieure à une autre meilleure, tandis que celles dites nivrtti correspondent à la cessation des désirs matériels. Les activités dites pravrtti font souffrir l'être vivant par suite de son asservissement à la matière, mais les actions nivrtti le purifient de telle sorte qu'il devient digne de jouir d'une vie éternelle et pleine de félicité.

TENEUR ET PORTEE

Comme le confirme la Bhagavad-gita (16.17): pravrttim ca nivrttim ca jana na vidur asurah -les asuras, les abhaktas, ne savent pas différencier entre pravrtti et nivrtti. Ils agissent simplement comme bon leur semble. De telles personnes qui s'estiment indépendantes de la puissante nature matérielle sont irresponsables et ne se soucient pas d'agir pieusement. En fait, elles ne savent pas distinguer les activités pieuses des activités impies. La bhakti, bien sûr, ne dépend pas de telles activités. Comme le déclare le Srimad-Bhagavatam (1.2.6):

sa vai pumsam paro dharmo
yato bhaktir adhoksaje
ahaituky apratihata
yayatma suprasidati

"L'occupation suprême de l'homme (dharma) est celle qui le conduit à servir le Seigneur Absolu avec amour et dévotion. Quant à ce service de dévotion, il doit, pour combler l'âme, être ininterrompu et désintéressé." Néanmoins, les personnes qui agissent avec piété ont plus de chances de devenir des bhaktas. Krsna dit dans la Bhagavad-gita (7.16): catur-vidha bhajante mam janah sukrtino rjuna -"O Arjuna, quatre catégories d'hommes pieux Me servent avec dévotion." Quiconque se consacre au service de dévotion, même avec un motif matériel, est considéré comme pieux, et du fait qu'il est venu à Krsna, il accédera peu à peu au stade de la bhakti. Alors, à l'instar de Dhruva Maharaja, il refusera d'accepter une bénédiction quelconque du Seigneur (svamin krtartho smi varam na yace). Même les personnes ayant des penchants matériels peuvent donc trouver refuge aux pieds pareils-au-lotus de Krsna-Balarama ou de Gaura-Nitai, et être ainsi très vite purifiées de tous leurs désirs matériels (ksipram bhavati dharmatma sasvac chantim nigacchati). Aussitôt libérées de leurs tendances pieuses ou impies, elles deviennent des candidats parfaits pour le retour auprès de Dieu, dans leur demeure originelle.

VERSET 48-49

himsram dravyamayam kamyam
agni-hotrady-asantidam
darsas ca purnamasas ca
caturmasyam pasuh sutah

etad istam pravrttakhyam
hutam prahutam eva ca
purtam suralayarama-
kupajivyadi-laksanam

TRADUCTION

Les cérémonies religieuses et les sacrifices connus sous le nom de agni-hotra-yajna, darsa-yajna, purnamasa yajna, caturmasya-yajna, pasu-yajna et soma-yajna sont caractérisés par la mise à mort d'animaux et l'offrande au feu de nombreux ingrédients précieux, en particulier de céréales, tout ceci entraînant la satisfaction de désirs matériels et la création d'anxiétés. Ces sacrifices, l'adoration de Vaisvadeva et la cérémonie du Baliharana -qui sont censés constituer le but de la vie- ainsi que l'édification de temples pour les devas, l'aménagement de maisons de repos et de jardins, le forage de puits pour la distribution de l'eau et la création de centres de distribution de nourriture -toutes ces actions sont caractérisées par l'attachement à des désirs matériels.

VERSET 50-51

dravya-suksma-vipakas ca
dhumo ratrir apaksayah
ayanam daksinam somo
darsa osadhi-virudhah

annam reta iti ksmesa
pitr-yanam punar-bhavah
ekaikasyenanupurvam
bhutva bhutveha jayate

TRADUCTION

O roi Yudhisthira, le ghi et les céréales comme l'orge et le sésame offerts en sacrifice se transforment en fumée céleste qui élève l'être successivement jusqu'à des systèmes planétaires comme les royaumes de Dhuma, de Ratri, de Krsnapaksa, de Daksinam et finalement jusqu'à la lune. Toutefois, ceux qui ont accompli des sacrifices redescendent sur la terre pour y devenir des herbes, des plantes, des légumes et des céréales, qui sont mangés par divers êtres vivants, transformés en semence, puis introduits dans le corps de femelles. C'est ainsi qu'on naît et renaît sans fin en ce monde.

TENEUR ET PORTEE

La Bhagavad-gita (9.21) explique ce point particulier:

te tam bhuktva svarga-lokam visalam
ksine punye martya-lokam visanti
evam trayi-dharmam anuprapanna
gatagatam kama-kama labhante

"Quand ceux qui suivent le pravrtti-marga ont joui des plaisirs célestes, ils reviennent sur cette terre mortelle. Un bonheur fragile, tel est donc, après avoir suivi les principes des Vedas, le seul fruit qu'ils récoltent." Suivant le pravrtti-marga, l'être vivant qui désire être élevé jusqu'aux planètes supérieures accomplit régulièrement des sacrifices; le Srimad-Bhagavatam explique ici, comme la Bhagavad-gita, comment il y parvient et en redescend. Il est dit également: traigunya-visaya vedah -"Les Vedas traitent essentiellement des trois modes d'influence de la nature matérielle." Les Vedas, dont trois en particulier, le Sama, le Yajur et le Rk, expliquent clairement ce processus d'ascension aux planètes supérieures, puis de retour ici-bas. Mais Krsna conseille à Arjuna: traigunya-visaya veda nistraigunyo bhavarjuna -il faut transcender ces trois modes d'influence de la nature matérielle, et on se libérera alors du cycle des morts et des renaissances. Sinon, même si l'on a été élevé à un système planétaire supérieur comme Candraloka, il faudra en redescendre (ksine punye martya-lokam visanti). Une fois le bénéfice des activités pieuses consumé, il faut revenir sur cette planète à l'occasion d'une chute de pluie et naître d'abord en tant qu'herbe ou plante, qui sera mangée par divers animaux, mais aussi par des êtres humains, puis transformée en semence. Cette semence est introduite dans un corps de femelle et l'être vivant voit ainsi le jour. Ceux qui reviennent sur terre de cette façon naissent en particulier dans des familles de position élevée telles que les familles de brahmanas.

A ce propos, on peut remarquer que même les prétendus savants modernes qui vont sur la lune ne sont pas à même d'y rester, mais doivent retourner dans leurs laboratoires. Ainsi, que l'on aille sur la lune grâce à des techniques modernes ou par l'accomplissement d'activités pieuses, on est toujours obligé de revenir ici-bas, ce qui est clairement établi dans ce verset et expliqué aussi dans la Bhagavad-gita. La place de l'être sur les planètes supérieures (yanti deva-vrata devan) n'est pas sûre, car il doit retourner à martya-loka. Abrahmabhuvanal lokah punar avartino rjuna: sans même parler de la lune, irait-on à Brahmaloka, il faudrait encore en revenir. Yam prapya na nivartante tad dhama paramam mama: cependant, si l'on retourne dans sa demeure originelle, auprès de Dieu, on n'a plus à revenir dans cet univers matériel.


Hare Krishna Hare Krishna Krishna Krishna Hare Hare
Hare Rama Hare Rama Rama Rama Hare Hare