SRIMAD-BHAGAVATAM
CHANT 7
CHAPITRE 2

Hiranyakasipu,
roi des asuras.

VERSET 21

bhutanam iha samvasah
prapayam iva suvrate
daivenaikatra nitanam
unnitanam sva-karmabhih

TRADUCTION

Chère mère, de nombreux voyageurs se retrouvent dans une même auberge ou à un même point d'eau, pour ensuite poursuivre leur route respective. De la même façon, les êtres se groupent en familles pour ensuite, selon leur karma individuel, être séparés et poursuivre leur marche, chacun vers sa destination.

TENEUR ET PORTEE

prakrteh kriyamanani
gunaih karmani sarvasah
ahankara-vimudhatma
kartaham iti manyate

"Sous l'influence des trois gunas, l'âme égarée par le faux ego croit être l'auteur de ses actes, alors qu'en réalité, ceux-ci sont accomplis par la nature." (B.g.,3.27) Tous les êtres vivants agissent exactement selon les directives de la prakrti, la nature matérielle, car ici-bas nous dépendons tous d'une force supérieure. Tous ceux qui se trouvent dans cet univers matériel y sont venus pour une seule et même raison: ils désiraient connaître le même plaisir que Krsna. C'est ainsi qu'ils ont été envoyés en ce monde pour y être conditionnés à divers degrés par la nature matérielle. Ce que l'on appelle une famille ici-bas est un assemblage de plusieurs personnes réunies sous un même toit pour passer ensemble leur temps de captivité. De même que des prisonniers se dispersent sitôt que leur peine prend fin et qu'on les remet en liberté, nous tous, qui sommes temporairement unis en tant que membres d'une famille, nous continuerons notre marche vers nos destinations respectives. Les membres d'une famille sont également comparés à des brins de paille réunis à la surface de l'eau par les vagues d'une rivière; parfois serrés les uns contre les autres par des tourbillons, ils se dispersent l'instant d'après sous l'effet des-mêmes vagues, et continuent à flotter seuls.

Bien qu'Hiranyakasipu fût un asura, il connaissait et comprenait la science védique. C'est pourquoi les conseils qu'il adressa aux membres de sa famille -sa soeur, sa mère et ses neveux- étaient judicieux. On considère que les asuras sont dotés d'un haut niveau de connaissance, mais parce qu'ils n'utilisent pas leur intelligence au service du Seigneur, on les qualifie de démons. Les devas, cependant, agissent très intelligemment, c'est-à-dire de manière à satisfaire le Seigneur Suprême. C'est ce que corrobore le Srimad-Bhagavatam (1.2.13):

atah pumbhir dvija-srestha
varnasrama-vibhagasah
svanusthitasya dharmasya
samsiddhir hari-tosanam

"Ainsi a-t-il été conclu, ô meilleur des deux-fois-nés, que la plus haute perfection que l'on puisse atteindre en s'acquittant de ses devoirs [dharma] dans l'institution du varnasrama, est de satisfaire le Seigneur, Sri Hari." Pour devenir un deva ou un être divin, il faut, quelle que soit notre occupation, satisfaire Dieu, la Personne Souveraine.

VERSET 22

nitya atmavyayah suddhah
sarvagah sarva-vit parah
dhatte sav atmano lingam
mayaya visrjan gunan

TRADUCTION

L'être vivant, l'âme spirituelle, ne connaît pas la mort, car il est éternel et impérissable. Non touché par la souillure matérielle, il peut se rendre partout dans les mondes matériel et spirituel. Il est pleinement conscient et diffère complètement du corps matériel, mais du fait qu'il s'est fourvoyé pour avoir mal utilisé son infime indépendance, il se voit contraint de revêtir des corps subtil et grossier produits par l'énergie matérielle, s'exposant dès lors aux prétendus bonheur et malheur de ce monde. Aussi, nul ne devrait pleurer le départ de l'âme spirituelle d'un corps quelconque.

TENEUR ET PORTEE

Hiranyakasipu explique très intelligemment la condition de l'âme. Celle-ci n'a rien à voir avec le corps; elle en diffère toujours complètement. Eternelle et impérissable, elle ne connaît pas la mort, mais lorsque cette même âme pure désire jouir de l'univers matériel de façon indépendante, elle se voit exposée aux conditions inhérentes à la nature matérielle; elle doit alors revêtir un certain type de corps et subir les joies et les peines qui en découlent. Krsna explique également ceci dans la Bhagavad-gita (13.22): karanam guna-sango sya sad-asad-yoni-janmasu -l'être vivant voit le jour au sein de diverses familles ou de différentes espèces parce qu'il est souillé par les gunas. Une fois conditionné par la nature matérielle, l'être vivant doit revêtir un certain type de corps, qui lui est octroyé par la nature sous la direction du Seigneur.

isvarah sarva-bhutanam
hrd-dese rjuna tisthati
bhramayan sarva-bhutani
yantrarudhani mayaya

"Le Seigneur Suprême Se tient dans le coeur de tous les êtres vivants, ô Arjuna, et dirige leurs pérégrinations, chacun d'eux se trouvant en quelque sorte sur une machine constituée d'énergie matérielle." (B.g.,18.61) Le corps est tout comme une machine; selon son karma, l'être vivant reçoit un type de machine particulier pour se déplacer en tous sens sous la conduite de la nature matérielle. Et cela continue jusqu'à ce qu'il s'abandonne à Dieu, la Personne Suprême: mam eva ye prapadyante mayam etam taranti te. (B.g.,7.14) Tant que l'âme conditionnée ne s'abandonne pas, elle est emportée d'une forme de vie à une autre suivant les lois de la nature matérielle.

VERSET 23

yathambhasa pracalata
taravo pi cala iva
caksusa bhramyamanena
drsyate calativa bhuh

TRADUCTION

A cause des ondulations de l'eau, les arbres sur les rives d'un fleuve semblent bouger lorsqu'on observe leur image à la surface de l'eau. De même, lorsque les yeux se meuvent sous l'effet de quelque trouble mental, le sol semble également bouger.

TENEUR ET PORTEE

Parfois, sous l'effet de certaines perturbations mentales, le sol semble bouger. C'est ainsi qu'un ivrogne ou une personne cardiaque ont parfois l'impression que le sol se dérobe sous leurs pieds. De même, les arbres reflétés sur l'eau d'une rivière semblent également bouger. Cela est dû à l'action de maya. En réalité, l'âme ne se déplace pas (sthanur acalo yam). L'être vivant ne naît et ne meurt pas; mais à cause des corps subtil et grossier qui le recouvrent temporairement, il semble se déplacer d'un lieu à un autre, ou mourir et disparaître à jamais. Jagadananda Pandita, un grand poète vaisnava du Bengale, disait:

pisaci paile yena mati-cchanna haya
maya-grasta jivera haya se bhava udaya

Selon cette assertion du Prema-vivarta, l'âme conditionnée par la nature matérielle est en tous points comparable à une personne hantée par un esprit. Il importe donc de comprendre que l'âme spirituelle est fixe et comment elle est emportée par les vagues de la nature matérielle vers différents corps et différentes situations, ballottée par le désir et l'affliction. L'homme peut dire que sa vie est un succès lorsqu'il comprend la nature originelle et éternelle de son moi spirituel et lorsqu'il n'est plus troublé par les conditions créées par la nature matérielle (prakrteh kriyamanani gunaih karmani sarvasah).

VERSET 24

evam gunair bhramyamane
manasy avikalah puman
yati tat-samyatam bhadre
hy alingo lingavan iva

TRADUCTION

De la même façon, ô ma chère mère, lorsque le mental est troublé sous l'influence des trois gunas, l'âme, bien que détachée de toutes les phases que peuvent traverser les corps grossier et subtil, croit passer d'une condition à une autre.

TENEUR ET PORTEE

Le Srimad-Bhagavatam (10.84.13) enseigne:

yasyatma-buddhih kunape tri-dhatuke
sva-dhih kalatradisu bhauma-ijya-dhih
yat-tirtha-buddhih salile na karhicij
janesv abhijnesu sa eva go-kharah

"L'homme qui identifie son être propre à son corps, composé de trois éléments, qui considère les enfants issus de son corps comme ses proches, qui fait de sa terre natale un objet d'adoration, et qui se rend à un lieu de pèlerinage pour s'y baigner plutôt que pour y rencontrer des hommes chargés de connaissance spirituelle, ne doit pas être considéré comme plus élevé qu'une vache ou qu'un âne." Bien qu'Hiranyakasipu fût un grand asura, il n'était pas aussi insensé que les gens d'aujourd'hui. Il avait une connaissance fort claire de l'âme spirituelle ainsi que des corps grossier et subtil, alors que de nos jours nous assistons à une dégénérescence telle que tous les hommes -y compris les éminents hommes de science, philosophes et autres personnages faisant autorité- ont une conception corporelle de l'existence, ce que condamnent les sastras. Sa eva go-kharah: ces personnes ne valent pas mieux que des vaches ou des ânes.

Hiranyakasipu conseilla aux membres de sa famille de ne pas s'affliger sur la grande âme qu'était son frère Hiranyaksa, car bien que son corps grossier fût mort et qu'ils en fussent malheureux, lui, avait déjà atteint sa nouvelle destination. L'atma, l'âme spirituelle, reste toujours immuable (avikalah puman). Nous sommes des âmes spirituelles, mais lorsque nous nous laissons entraîner par les activités du mental (manodharma), nous devons subir ce qu'on appelle les conditions matérielles d'existence. C'est en général aux abhaktas que cela arrive. Harav abhaktasya kuto mahad-gunah: même s'ils possèdent de grandes qualités matérielles, du fait qu'ils ne sont pas sains d'esprit, ils n'ont en réalité aucune qualité. Les désignations attribuées à l'âme conditionnée dans l'univers matériel sont comparables à des ornements sur un cadavre. L'âme conditionnée n'a aucune information concernant l'âme spirituelle et son existence sublime par-delà les effets de la condition matérielle.

VERSET 25-26

esa atma-viparyaso
hy alinge linga-bhavana
esa priyapriyair yogo
viyogah karma-samsrtih

sambhavas ca vinasas ca
sokas ca vividhah smrtah
avivekas ca cinta ca
vivekasmrtir eva ca

TRADUCTION

Dans son égarement, l'âme conditionnée prend le corps et le mental pour son être propre, et considère certains êtres comme ses proches et d'autres comme des étrangers. A cause de cette conception erronée, elle souffre. De fait, l'accumulation de telles créations mentales est à l'origine des prétendus bonheur et malheur qu'on trouve dans l'univers matériel. L'âme ainsi conditionnée doit naître et renaître au sein de différentes espèces et agir dans divers états de conscience, se créant par là de nouveaux corps. Cette existence matérielle sans fin a pour nom samsara. La naissance, la mort, l'affliction, l'absence de raison et l'angoisse sont toutes le fruit de telles considérations matérielles. C'est ainsi que parfois nous voyons les choses telles qu'elles sont, alors qu'à d'autres moments nous retombons dans une conception érronée de la vie.


Hare Krishna Hare Krishna Krishna Krishna Hare Hare
Hare Rama Hare Rama Rama Rama Hare Hare