SRIMAD-BHAGAVATAM
CHANT 7
CHAPITRE 2

Hiranyakasipu,
roi des asuras.

VERSET 32

rudatya uccair dayitanghri-pankajam
sincantya asraih kuca-kunkumarunaih
visrasta-kesabharanah sucam nrnam
srjantya akrandanaya vilepire

TRADUCTION

Comme les reines pleuraient à fendre l'âme, leurs larmes coulèrent jusqu'à leur poitrine, rougies par la poudre de kunkuma, et tombèrent sur les pieds pareils-au-lotus de leur époux. Leur chevelure se défit, leurs ornements tombèrent au sol, et d'une manière qui suscita la pitié des personnes présentes, elles se mirent à se lamenter sur la mort du roi.

VERSET 33

aho vidhatrakarunena nah prabho
bhavan pranito drg-agocaram dasam
usinaranam asi vrttidah pura
krto dhuna yena sucam vivardhanah

TRADUCTION

"O Seigneur, voilà que le cruel destin t'a enlevé de notre vue. Tu assurais auparavant la subsistance des habitants d'Usinara et tous étaient heuruex, mais ta présente condition leur cause beaucoup de chagrin.

VERSET 34

tvaya krtajnena vayam mahi-pate
katham vina syama suhrttamena te
tatranuyanam tava vira padayoh
susrusatinam disa yatra yasyasi

TRADUCTION

"O roi, tu as été un époux très reconnaissant et notre ami le plus sincère. Comment pourrions-nous vivre sans toi? O héros, où que tu ailles, veuille nous guider afin que nous puissions marcher dans tes traces et te servir encore. Laisse-nous te suivre!"

TENEUR ET PORTEE

Autrefois, les rois ksatriyas avaient généralement de nombreuses épouses; après leur mort, surtout si celle-ci survenait sur un champ de bataille, toutes les reines acceptaient de mourir à la suite de leur époux (saha-marana), lui qui était leur vie même. C'est ainsi qu'à la mort de Pandu Maharaja, le père des Pandavas, ses deux femmes -la mère de Yudhisthira, de Bhima et d'Arjuna et celle de Nakula et de Sahadeva- se montrèrent toutes deux disposées à périr avec leur époux en montant sur son bûcher funéraire. Un compromis fut alors adopté: Kunti continuerait à vivre pour s'occuper des jeunes enfants, et Madri pourrait mourir avec son mari. Cette pratique du saha-marana se perpétua en Inde jusque sous la domination britannique, mais elle fut par la suite abolie à cause du changement de mentalité des femmes au fur et à mesure des progrès du kali-yuga. C'est ainsi qu'aujourd'hui, le saha-marana a quasiment disparu. Néanmoins, il y a de cela cinquante ans à peine, j'ai vu la femme d'un médecin accepter volontairement la mort juste après le décès de son mari; l'homme et la femme furent tous deux portés en procession sur la char funéraire. Toutefois, une affection aussi intense de la part d'une femme envers son mari reste tout à fait exceptionnelle.

VERSET 35

evam vilapatinam vai
parigrhya mrtam patim
anicchatinam nirharam
arko stam sannyavartata

TRADUCTION

L'heure était venue de brûler le corps, mais les reines ne voulurent pas qu'il leur soit enlevé; elles continuèrent à le pleurer en le gardant sur leurs genoux. Entre-temps, le Soleil compléta sa course vers l'ouest et disparut entièrement.

TENEUR ET PORTEE

La coutume védique veut que la cérémonie funéraire d'une personne morte durant le jour soit terminée avant le coucher du soleil, ou avant son lever s'il s'agit d'un décès nocturne; peu importe que le corps soit incinéré ou enterré. Or, nous voyons ici que les reines continuèrent à se lamenter sur le cadavre de leur époux, sur ce corps qui n'était qu'une masse de chair sans vie, et elles ne permirent pas qu'il soit enlevé pour être incinéré. Cela montre bien l'emprise extraordinaire de l'illusion sur les ignorants qui considèrent le corps comme l'être lui-même. On considère en général que les femmes sont moins intelligentes. Or, c'est bien par suite de leur ignorance que les reines s'apitoyaient sur le cadavre de leur mari, croyant que celui-ci resterait avec elles si seulement elles pouvaient garder son corps. Une telle conception du soi est assurément le fait de go-kharas -de vaches et d'ânes. Il nous a été donné de voir un éleveur tromper l'une de ses vaches en lui présentant le cadavre de son veau. La vache, qui autrement ne se serait pas laissée traire, lécha le corps de son veau et laissa le fermier la traire. Cet exemple prouve bien l'assertion des sastras selon laquelle l'insensé qui a une conception corporelle de l'existence est comme une vache. Il n'y a pas que des hommes ou des femmes stupides pour considérer le corps comme l'être lui-même: nous avons eu l'occasion de voir le cadavre d'un soi-disant yogi conservé pendant plusieurs jours par ses disciples, qui croyaient que leur guru était en samadhi. Ce n'est que lorsque la décomposition se mit à accomplir son oeuvre et qu'une odeur nauséabonde commença malencontreusement à surpasser les prétendus pouvoirs du maître yogi que les disciples permirent que son corps soit emmené pour être incinéré. La conception corporelle de l'existence est donc très profondément ancrée chez les ignorants, qui sont comparés à des vaches et à des ânes. De nos jours, de grands savants tentent de congeler des cadavres dans l'espoir de les ramener plus tard à la vie. L'incident rapporté par Hiranyakasipu a dû se produire il y a des millions d'années, car l'asura qui vivait lui-même il y a des millions d'années, considérait ce récit comme de l'histoire ancienne. Cet incident eut donc lieu avant la naissance d'Hiranyakasipu, mais la même ignorance, la même conception corporelle de l'existence, continue de prévaloir non seulement parmi les hommes du commun, mais même parmi les hommes de science qui croient pouvoir réanimer dans l'avenir des cadavres congelés.

Il semble que les reines n'aient pas voulu que le cadavre du roi fût enlevé en vue d'être incinéré parce qu'elles craignaient d'avoir à périr au côté de leur époux.


Hare Krishna Hare Krishna Krishna Krishna Hare Hare
Hare Rama Hare Rama Rama Rama Hare Hare