SRIMAD-BHAGAVATAM
CHANT 7
CHAPITRE 3

Hiranyakasipu brigue
l'immortalité.

VERSET 11

anyathedam vidhasye ham
ayatha purvam ojasa
kim anyaih kala-nirdhutaih
kalpante vaisnavadibhih

TRADUCTION

''Grâce à mes rudes austérités, j'inverserai les conséquences des actes vertueux et impies. Je changerai le cours de toutes les pratiques établies en ce monde. Même Dhruvaloka sera anéantie à la fin du kalpa. A quoi bon atteindre cette destination? Je préfère occuper le poste de Brahma.''

TENEUR ET PORTEE

Les devas expliquèrent à Brahma le plan démoniaque d'Hiranyakasipu: il voulait renverser l'ordre établi dans l'univers. Après s'être soumis à des austérités rigoureuses, les habitants de cet univers matériel sont élevés jusqu'aux planètes édéniques; mais Hiranyakasipu voulait qu'ils deviennent au contraire malheureux, même une fois parvenus sur les planètes édéniques, à cause des intrigues diplomatiques des devas. Il voulait que ceux qui souffrent ici-bas à cause des rapports matériels qu'ils échangent avec les autres êtres soient malheureux même sur les planètes édéniques, et pour les même raisons. En fait, il voulait introduire le malheur partout. On peut se demander comment cela pourrait être, puisque l'ordre universel est établi de temps immémorial, mais Hiranyakasipu déclarait fièrement qu'il pourrait faire tout cela grâce à la puissance que lui donnerait son tapasya. Il voulait même rendre incertaine la position des vainavas. Telle sont quelques-unes des caractéristiques de la mentalité des asuras.

VERSET 12

iti susruma nirbandham
tapah paramam asthitah
vidhatsvanantaram yuktam
svayam tri-bhuvanesvara

TRADUCTION

"O seigneur, nous avons entendu de source sûre qu'en vue d'accéder à ton poste, Hiranyakasipu se livre maintenant à de rudes austérités. Tu es le maître des trois mondes. S'il te plaît, prends sans délai les mesures que tu estimeras appropriées.

TENEUR ET PORTEE

Dans l'univers matériel, le serviteur voit ses besoins assurés par le maître, mais il fait toujours des plans pour s'emparer du poste de ce dernier. L'histoire nous en offre bien des exemples. En Inde, tout particulièrement au cours de la domination musulmane, de nombreux serviteurs se sont emparés, par toutes sortes de subterfuges, des postes de leurs maîtres. La littérature se rapportant à Sri Caitanya Mahaprabhu fait état d'un important zémindar, Subuddhi Raya, qui avait un jeune serviteur musulman. Bien entendu, il traitait le garçon comme son propre enfant, et si celui-ci lui volait quelque chose, il le châtiait à coups de canne. L'enfant en portait même les traces sur le dos. Plus tard, une fois que cet enfant eut réussi, par des moyens malhonnêtes, à devenir Hussain Shah, le Nawab du Bengale, sa femme vint à remarquer les stries qu'il portait sur son dos et l'interrogea à ce propos. Le Nawad répondit qu'au cours de son enfance, il avait été le serviteur de Subuddhi Raya, qui l'avait puni pour certains méfaits. Dès que sa femme entendit cela, elle en fut si contrariée qu'elle le pria de tuer Subuddhi Raya. Hussein Shah était naturellement très reconnaissant envers son ancien maître; aussi refusa-t-il de le tuer. Toutefois, lorsque son épouse l'implora de transformer Subuddhi Raya en musulman, le Nawab accepta. Prenant un peu d'eau de son pot à eau, il en aspergea Subuddhi Raya et déclara qu'il était ainsi devenu musulman. Ce qu'il nous faut retenir ici, c'est que cet homme qui avait été un simple serviteur réussit plus tard, d'une manière ou d'une autre, à occuper le poste suprême de Nawab du Bengale. Ainsi vont les choses dans cet univers matériel. Chacun s'efforce de devenir le maître par divers moyens, bien que tous les hommes soient les serviteurs de leurs sens. Selon ce principe, un être vivant, bien qu'il soit le serviteur de ses sens, cherche à devenir le maître de l'univers entier. Hiranyakasipu en était un exemple typique, et les devas allèrent informer Brahma de ses intentions.

VERSET 13

tavasanam dvija-gavam
paramesthyam jagat-pate
bhavaya sreyase bhutyai
ksemaya vijayaya ca

TRADUCTION

"O Brahma, ta position au sein de cet univers est assurément des plus bénéfiques pour tous, particulièrement pour les vaches et les brahmanas. Si l'on glorifie de plus en plus la culture brahmanique et la protection des vaches, toute forme de bonheur, de prospérité et de bienfaits matériels augmenteront automatiquement. Mais si par malheur Hiryanakasipu vient à occuper ton trône, tout sera perdu."

TENEUR ET PORTEE

Dans ce verset, les mots dvija-gavam paramesthyam soulignent la position très élevée des brahmanas, de la culture brahmanique et des vaches. Dans la culture védique, le bien-être des vaches et celui des brahmanas est essentiel. Si des mesures appropriées ne sont pas prises pour développer la culture brahmanique et protéger les vaches toutes les entreprises gouvernementales sont vouées à l'enfer. Craignant qu'Hiryanakasipu ne vienne à occuper le poste de Brahma, tous les devas étaient profondément troublés. Hiryanakasipu était un asura bien connu, et les devas savaient que si des asuras et des raksasas venaient à occuper le poste suprême, la culture brahmanique et la protection des vaches disparaîtraient. La Bhagavad-gita (5.29) explique que tout ce qui existe appartient originellement à Krsna: bhoktaram yajna-tapasam sarva-loka-maheshvaram. Le Seigneur sait donc très bien comment améliorer les conditions matérielles dans lesquelles vivent les êtres en ce monde. Chaque univers compte un Brahma qui y représente Krsna, ainsi que le confirme le Srimad-Bhagavatam (tene brahama hrda ya adi-kavaye). Dans chaque brahmanda, le principal créateur est Brahma, et c'est lui qui transmet le savoir védique à ses fils et à ses disciples. Sur chaque planète, le monarque ou le maître souverain doit représenter Brahma. Par suite, si un raksasa ou un asura venait à occuper le poste de Brahma, toute l'organisation de l'univers, particulièrement en ce qui a trait à la protection de la culture brahmanique et à celle des vaches, serait anéantie. Tous les devas redoutaient cette menace, et c'est pourquoi ils allèrent prier Brahma de prendre sur-le-champ les mesures nécessaires pour déjouer le plan d'Hiryanakasipu.

Au début de la création, Brahma fut attaqué par deux asuras, Madhu et Kaitabha, mais Krsna Se porta à son secours. C'est pourquoi on désigne aussi Krsna par les mots madhu-kaitabha-hantr. Et voilà qu'à nouveau un asura, Hiryanakasipu, cherchait à prendre la place de Brahma. L'univers matériel est tel que même la haute situation de Brahma est parfois mise en péril, que dire des êtres ordinaires! Néanmoins, jusqu'à l'époque d'Hiryanakasipu, personne n'avait essayé de prendre la place de Brahma. Cet asura, cependant, était si puissant qu'il nourrissait cette ambition.

Le mot bhutyai signifie ''pour augmenter la prospérité'', et sreyase indique le retour final à Dieu, dans notre demeure originelle. Sur la voie du progrès spirituel, notre condition matérielle s'améliore au fur et à mesure que se précise la voie de la libération et que l'on s'affranchit de l'asservissement à la matière. Celui qui jouit d'une position prospère pour avoir progressé spirituellement ne voit jamais cette prospérité diminuer. Aussi une telle bénédiction spirituelle est-elle appelée bhuti ou vibhuti. Krsna le confirme dans la Bhagavad-gita (10.41) en disant: yad yad vibhutimat sattvam... mama tejo-msa-sambhavam -si un bhakta, en développant sa conscience spirituelle, obtient également la prospérité matérielle, ce don doit être considéré comme une bénédiction spéciale du Seigneur. Une telle opulence ne doit jamais être considérée comme matérielle. A l'heure actuelle, particulièrement sur la planète Terre, l'influence de Brahma a considérablement diminué, et les représentants d'Hiranyakasipu -raksasas et asuras- ont pris le dessus. C'est ainsi que la culture brahmanique et les vaches, indispensables à toute forme de prospérité, ne sont plus protégées. Cette ère est très périlleuse, car la société est dirigée par des asuras et des raksasas.

VERSET 14

iti vijnapito devair
bhagavan atmabhur nrpa
parito bhrgu-daksadyair
yayau daityesvarasramam

TRADUCTION

O roi, après avoir été ainsi informé par les devas, le très puissant Brahma, accompagné de Bhrgu, de Daksa et d'autres grands sages, partit immédiatement pour le lieu où Hiranyakasipu pratiquait ses austérités.

TENEUR ET PORTEE

Brahma attendait que les austérités accomplies par Hiranyakasipu mûrissent pour se rendre sur place et offrir à l'asura des bénédictions suivant ses désirs. Profitant de ce que tous les devas et les grands sages pouvaient l'accompagner, il se rendit auprès de l'asura afin de lui accorder la bénédiction de son choix.

VERSET 15-16

na dadarsa praticchannam
valmika-trna-kicakaih
pipilikabhir acirnam
medas-tvan-mamsa-sonitam

tapantam tapasa lokan
yathabhrapihitam ravim
vilaksya vismitah praha
hasams tam hamsa-vahanah

TRADUCTION

Brahma, qui voyageait sur un cygne, ne put d'abord voir où se trouvait Hiranyakasipu, car son corps était recouvert par une fourmilière, de l'herbe et des tiges de bambou. Comme il était là depuis longtemps, les fourmis lui avaient dévorés la peau, la graisse, la chair et le sang. Finalement, Brahma et les devas le découvrirent; on aurait dit un soleil caché par les nuages, embrassant tous les mondes par ses austérités. Frappé d'étonnement, Brahma esquissa un sourire, puis s'adressant à lui en ces termes.

TENEUR ET PORTEE

L'être vivant peut subsister par sa propre énergie, sans le soutien de la peau, de la moelle, des os, du sang, etc., car il est écrit: asango yam purusah -l'âme n'a rien à voir avec son enveloppe matérielle. Hiranyakasipu se livrait à une très rude austérité (tapasya) depuis de longues années. De fait, on lit qu'il accomplit son tapasya pendant cent années célestes. Etant donné qu'un jour des devas vaut six de nos mois, cela représente assurément un très grand laps de temps. La nature suivant son cours, son corps avait été presque entièrement dévoré par les vers, les fourmis et d'autres parasites, tant et si bien que Brahma lui-même ne put tout d'abord le voir. Il finit néanmoins par le trouver et fut frappé d'émerveillement en constatant avec quelle détermination extraordinaire Hiranyakasipu poursuivait son tapasya. N'importe qui aurait cru qu'Hiranyakasipu était mort en voyant son corps ainsi recouvert, mais Brahma, l'être suprême dans notre univers, comprit qu'il vivait toujours, bien qu'il fût recouvert par différents éléments matériels.

Il faut également noter que bien qu'Hiranyakasipu se fût soumis à ces austérités pendant très, très longtemps, on le considérait néanmoins comme un Daitya et un Raksasa. Les versets qui suivent nous révéleront que même de grands saints auraient été incapables d'accomplir d'aussi rudes austérités. On peut dès lors se demander pourquoi il était tout de même considéré comme un Raksasa et un Daitya. La raison en est qu'il faisait tout ceci en vue de sa propre satisfaction. En contrepartie, Prahlada Maharaja n'avait que cinq ans, et ne pouvait donc pas faire grand-chose en face de son père. Pourtant, il lui suffit de pratiquer un peu le service de dévotion suivant les instructions de Narada Muni pour devenir si cher au Seigneur que Celui-ci vint le sauver tandis qu'Hiranyakasipu, malgré toutes ses austérités, fut tué. Telle est la différence entre le service de dévotion et les autres méthodes visant à atteindre la perfection. Celui qui accomplit de rudes austérités en vue de satisfaire ses propres désirs inspire la crainte à l'univers entier, tandis que le bhakta ayant à son actif ne serait-ce qu'un soupçon de service de dévotion est un ami pour tous. (suhrdam sarva-bhutanam). Etant donné que le Seigneur est le bienfaiteur de tous les êtres et que le bhakta revêt les qualités du Seigneur, le bhakta agit également pour le bien de tous en pratiquant le service dévotion. En conséquence, bien qu'Hiranyakasipu se soit livré à des austérités très pénibles, il n'en demeura pas moins un Daitya et un Raksasa, tandis que Prahlada Maharaja, pourtant issu de ce même Daitya, devint le plus grand des bhaktas et fut personnellement protégé par le Seigneur Suprême. Aussi la bhakti est-elle qualifiée de sarvopadhi-vinirmuktam, ce qui signifie que le bhakta est affranchi de toutes désignations matérielles, et d'anyabhilasita-sunyam, car il se situe au niveau transcendantal, à l'abri de tout désir matériel.


Hare Krishna Hare Krishna Krishna Krishna Hare Hare
Hare Rama Hare Rama Rama Rama Hare Hare