SRIMAD-BHAGAVATAM
CHANT 7
CHAPITRE 3

Hiranyakasipu brigue
l'immortalité.

VERSET 21

tatas ta asisah sarva
dadamy asura-pungava
martasya te hy amartasya
darsanam naphalam mama

TRADUCTION

O toi le meilleur des asuras, c'est pour cette raison que tu me vois disposé à t'accorder toutes les bénédictions que tu pourrais désirer. J'appartiens au monde céleste des devas, qui ne meurent pas comme les humains. En conséquence, bien que tu sois sujet à la mort, ta rencontre avec moi ne sera pas vaine.

TENEUR ET PORTEE

Il semble ici que les humains et les asuras soient mortels, tandis que les devas ne le seraient pas. Les devas qui vivent en compagnie de Brahma sur Satyaloka rejoignent Vaikunthaloka à l'heure de l'annihilation cosmique, et ce, sans changer de corps. Par suite, bien qu'Hiranyakasipu se fût soumis à de rigoureuses austérités, Brahma lui prédit qu'il aurait à mourir; il ne pouvait obtenir l'immortalité, ni même un statut égal à celui des devas. Les grandes austérités qu'il avait accomplies pendant de si nombreuses années ne pouvaient le protéger de la mort. Voilà ce que lui annonça Brahma.

VERSET 22

sri-narada uvaca
ity uktvadi-bhavo devo
bhaksitangam pipilikaih
kamandalu-jalenauksad
divyenamogha-radhasa

TRADUCTION

Sri Narada poursuivit:
Après avoir adressé ces paroles à Hiranyakasipu, Brahma, le premier habitant de notre univers, lui qui jouit d'une puissance extrême, répandit quelques gouttes de l'eau spirituelle de son kamandalu, cette eau transcendantale au pouvoir infaillible, sur le corps d'Hiranyakasipu; et l'asura, qui avait été dévoré par les vers et les insectes, fut ainsi ranimé.

TENEUR ET PORTEE

Brahma est le premier être créé de l'univers, et il reçoit du Seigneur Suprême le pouvoir de créer. Tene brahma hrda ya adi-kavaye: l'adi-deva ou l'adi-kavi, le premier être créé, fut personnellement instruit par le Seigneur Souverain, dans son coeur. Il n'existait personne qui pût l'instruire, mais puisque le Seigneur Se trouvait dans le coeur de Brahma, ce fut Lui en personnes qui l'instruisit. Brahma ayant spécialement reçu tous les pouvoirs du Seigneur, tout ce qu'il désire s'accomplit infailliblement. C'est ce qu'expriment les mots amogha-radhasa. Il désirait redonner à Hiranyakasipu son corps originel, et il le fit aussitôt en l'aspergeant de l'eau transcendantale de son kamandalu.

VERSET 23

sa tat kicaka-valmikat
saha-ojo-balanvitah
sarvavayava-sampanno
vajra-samhanano yuva
utthitas tapta-hemabho
vibhavasur ivaidhasah

TRADUCTION

Dès que l'eau du kamandalu de Brahma l'atteignit, Hiranyakasipu se leva, pourvu d'un corps renouvelé aux membres si puissants qu'il auraient pu résister aux assauts de la foudre. Doté d'une grande puissance physique et d'un éclat corporel semblable à celui de l'or en fusion, il émergea de la fourmilière dans un corps de jeune homme, tout comme le feu jaillit du bois.

TENEUR ET PORTEE

Hiranyakasipu retrouva si bien ses forces que son corps aurait pu soutenir les assauts de la foudre. C'était désormais un jeune homme pourvu d'un corps puissant, rayonnant d'un magnifique éclat semblable à celui de l'or en fusion. Ce rajeunissement avait été rendu possible par ses grandes austérités.

VERSET 24

sa niriksyambare devam
hamsa-vaham upasthitam
nanama sirasa bhumau
tad-darsana-mahotsavah

TRADUCTION

Voyant Brahma présent devant lui dans le ciel, sur le cygne qui lui servait d'aéronef, Hiranyakasipu, éprouva une satisfaction extrême. Il se jeta aussitôt au sol de tout son long, face contre terre, et exprima sa reconnaissance à Brahma.

TENEUR ET PORTEE

Sri Krsna enseigne dans la Bhagavad-gita (9.23-24):

ye py anya-devata-bhakta
yajante sraddhayanvitah
te pi mam eva kaunteya
yajanty avidhi-purvakam

aham hi sarva-yajnanam
bhokta ca prabhur eva ca
na tu mam abhijananti
tattvenatas cyavanti te

"Ceux qui se vouent à d'autres divinités et leur rendent un culte avec foi n'adorent en fait que Moi, ô fils de Kunti, mais d'une manière incorrecte. Je suis le seul bénéficiaire et maître de tous les sacrifices. Par suite, ceux qui ne reconnaissent pas Ma véritable nature transcendantale retombent."

En fait, Krsna dit ici que les adorateurs des devas ne sont pas très intelligents, même si ce culte Lui est indirectement destiné. En effet, un homme qui arroserait les feuilles et les branches d'un arbre au lieu d'en arroser les racines ferait preuve d'un manque de savoir ou de négligence à l'égard des principes fondamentaux. La vraie manière d'arroser un arbre consiste à verser de l'eau sur ses racines. Dans le même ordre d'idée, pour servir les différentes parties du corps, il faut fournir de la nourriture à l'estomac. Les devas sont en quelque sorte divers ministres et fonctionnaires dans le gouvernement du Seigneur Suprême. Et de même qu'on doit suivre les lois établies par le chef du gouvernement, et non par les ministres et fonctionnaires, c'est le Seigneur Suprême seul que tous devraient adorer. Ceci aura pour effet de satisfaire automatiquement Ses subalternes. Ministres et fonctionnaires sont appointés par le chef du gouvernement pour le représenter, et il est illégal de chercher à les soudoyer. C'est ce qu'explique la Bhagavad-gita avec les mots avidhi-purvakam. Autrement dit, Krsna n'approuve pas la vaine adoration des devas.

La Bhagavad-gita déclare nettement qu'il existe bien des types de yajnas recommandés dans les Ecritures védiques, mais qu'en réalité tous sont destinés à satisfaire le Seigneur Suprême. Yajna signifie Visnu. Le troisième chapitre de la Bhagavad-gita explique clairement qu'il ne faut agir qu'en vue de satisfaire Yajna, ou Visnu. La civilisation permettant le perfectionnement de l'homme, connue sous le nom de varnasrama-dharma, est conçue spécifiquement dans ce sens. Aussi, Krsna dit: "Je suis le bénéficiaire légitime de tous les sacrifices, car Je suis le maître absolu." Cependant, des hommes de peu d'intelligence et ignorant cette vérité rendent un culte aux devas afin d'obtenir d'eux quelque bien éphémère; aussi retombent-ils dans l'existence matérielle sans pouvoir atteindre le but de l'existence. Même si quelqu'un a des désirs matériels, il ferait mieux d'adorer le Seigneur Suprême (quoiqu'il ne s'agisse pas là de pure dévotion) car il pourra ainsi atteindre le but recherché.

Bien qu'Hiranyakasipu ait offert son hommage à Brahma, il éprouvait un sentiment profondément hostile à l'égard de Visnu. C'est là ce qui caractérise un asura. Les asuras adorent les devas en tant qu'entités indépendantes du Seigneur, ignorant que la puissance des devas leur vient de ce qu'ils servent le Seigneur. Si le Seigneur Suprême retirait leurs pouvoirs aux devas, ils ne pourraient plus offrir de bénédictions à leurs adorateurs. La différence entre le bhakta et l'abhakta, ou l'asura, réside dans le fait que le bhakta sait que Visnu est Dieu, la Personne Suprême, et que c'est de Lui que tous tirent leurs pouvoirs. Le bhakta n'adore pas les devas pour obtenir d'eux des pouvoirs précis; il adore uniquement Visnu, sachant que s'il désire obtenir un pouvoir particulier, il pourra l'obtenir en servant Visnu. C'est pourquoi dans les sastras (S.B.,2.3.10), il est recommandé:

akamah sarva-kamo va
moksa-kama udara-dhih
tivrena bhakti-yogena
yajeta purusam param

"L'homme intelligent, qu'il soit empli de désirs matériels, dénué de tout désir, ou qu'il aspire à la libération, doit de tout son être adorer Dieu, le Tout suprême et absolu." Même si une personne éprouve des désirs matériels, au lieu d'adorer les devas, elle doit prier le Seigneur Suprême de manière à établir sa relation avec Lui et à échapper à une destinée d'asura ou d'abhakta. A ce propos, Srila Madhvacarya cite le Brahma-tarka:

eka-sthanaika-karyatvad
visnoh pradhanyatas tatha
jivasya tad-adhinatvan
na bhinnadhikrtam vacah

''Puisque Visnu est le Suprême, on peut, en l'adorant, voir tous ses désirs exaucés. Il n'est nullement nécessaire de tourner son attention vers quelque deva que ce soit.''

VERSET 25

utthaya pranjalih prahva
iksamano drsa vibhum
harsasru-pulakodbhedo
gira gadgadayagrnat

TRADUCTION

Puis, se relevant et apercevant Brahma devant lui, le chef des Daityas fut envahi par un sentiment d'exultation. Les larmes aux yeux, tout tremblant, il adressa alors à Brahma d'humbles prières d'une voix étranglée, les mains jointes, afin de le satisfaire.


Hare Krishna Hare Krishna Krishna Krishna Hare Hare
Hare Rama Hare Rama Rama Rama Hare Hare