SRIMAD-BHAGAVATAM
CHANT 7 CHAPITRE 5 Prahlada Maharaja,
le saint fils d'Hiranyakasipu.
sri-prahrada uvaca
parah svas cety asad-grahah pumsam yan-mayaya krtah vimohita-dhiyam drstas tasmai bhagavate namah
J'offre mon humble hommage à Dieu, la Personne Suprême, dont l'énergie externe a créé les distinctions d'ami et d'ennemi en troublant l'intelligence des hommes. J'en fais aujourd'hui l'expérience, même si je l'avais déjà appris de source autorisée.
La Bhagavad-gita (5.18) enseigne:
vidya-vinaya-sampanne
"L'humble sage, éclairé du pur savoir, voit d'un oeil égal le brahmana noble et érudit, la vache, l'éléphant, ou encore le chien et le mangeur de chien." Les panditah -ceux qui sont véritablement érudits, c'est-à-dire les bhaktas avancés qui voient tout d'un oeil égal et qui ont pleine connaissance de toute chose- ne considèrent aucun être vivant comme leur ennemi ou leur ami. Dotés au contraire d'une vision large, ils voient que tous les êtres font partie intégrante de Krsna, ainsi que l'explique Sri Caitanya Mahaprabhu (jivera 'svarupa' haya-krsnera 'nitya-dasa') Chaque être vivant, en tant que partie intégrante du Seigneur Suprême, est destiné à Le servir, au même titre que les différentes parties du corps sont destinées à servir le corps tout entier.brahmane gavi hastini suni caiva svapake ca panditah sama-darsinah En tant que serviteurs du Seigneur Souverain, tous les êtres vivants ne font qu'un, mais le vaisnava, du fait de son humilité naturelle, s'adresse aux autres en les qualifiant de prabhus. Un vaisnava considère si avancés les autres serviteurs qu'il estime avoir lui-même beaucoup à apprendre d'eux. C'est ainsi qu'il voit tous les autres dévots du Seigneur comme ses maîtres, ou prabhus. Bien que tous les êtres soient serviteurs du Seigneur, à cause de son humilité, un serviteur vaisnava considère un autre serviteur comme son maître. Cette compréhension au sujet du maître commence par celle du maître spirituel.
yasya prasadad bhagavat-prasado
"Par la grâce du maître spirituel, on bénéficie de la miséricorde de Krsna; sans elle, nul ne peut réaliser le moindre progrès." (Gurv.,8)yasyaprasadan na gatih kuto pi
saksad-dharitvena samasta-sastrair
"Le maître spirituel doit être honoré au même titre que le Seigneur Suprême, car il en est le serviteur le plus intime; c'est ce que confirment toutes les Ecritures et ce que reconnaissent toutes les autorités spirituelles. Je rends donc mon humble hommage aux pieds pareils-au-lotus de mon maître spirituel, le représentant autorisé sur terre de Sri Hari (Krsna)." (Gurv.,7)uktas tatha bhavyata eva sadbhih kintu prabhor yah priya eva tasya vande guroh sri-caranaravindam Le maitre spirituel, serviteur de Dieu, accomplit le service le plus intime du Seigneur: il délivre toutes les âmes conditionnées de l'emprise de maya, qui leur fait penser "un tel est mon ennemi et un tel mon ami". A vrai dire, le Seigneur Souverain est l'ami de tous les êtres vivants, et tous sont Ses serviteurs éternels. Leur unité n'est possible qu'en fonction de cette compréhension, non pas en vertu du sentiment illusoire que nous sommes tous Dieu ou égaux à Dieu. Selon la juste compréhension des choses, Dieu est le maître suprême et nous sommes tous Ses serviteurs; à ce titre, nous sommes tous au même niveau. Prahlada Maharaja avait déjà appris tout ceci de son maître spirituel, Narada, mais il n'en était pas moins surpris de constater comment une âme fourvoyée considère une certaine personne comme son ennemi et une autre comme son ami. Tant que quelqu'un souscrit à une philosophie fondée sur la dualité, voyant ici un ennemi et là un ami, il doit être considéré comme prisonnier des rets de maya. Quant au philosophe mayavadi qui croit que tous les êtres sont Dieu et ne font donc qu'Un, il est également dans l'erreur: personne n'est l'égal de Dieu. Le serviteur ne peut égaler le maître. Selon la philosophie vaisnava, le maître est un être individuel, comme le sont également les serviteurs, et la distinction entre maître et serviteur doit subsister même après la libération. A l'état conditionné, nous considérons certains êtres vivants comme nos amis et d'autres comme nos ennemis, si bien que nous vivons dans la dualité. A l'état libéré cependant, on en vient à adopter la conception selon laquelle Dieu est le maître, et tous les êtres vivants, en tant que Ses serviteurs, ne font qu'un.
sa yadanuvratah pumsam
pasu-buddhir vibhidyate anya esa tathanyo ham iti bheda-gatasati
Lorsque les précepteurs et le père démoniaque de Prahlada Maharaja lui demandèrent comment son intelligence avait été souillée, l'enfant répondit: "En ce qui me concerne, mon intelligence n'a pas été souillée. Au contraire, par la grâce de mon maître spirituel et de mon Seigneur, Sri Krsna, j'ai désormais appris que personne n'est mon ennemi ni mon ami. En réalité, nous sommes tous des serviteurs éternels de Krsna, mais sous l'influence de l'énergie externe, nous nous croyons séparés de Dieu, la Personne Souveraine, et nous nous considérons mutuellement comme des amis ou des ennemis. Cette méprise ayant été rectifiée, je ne crois plus, comme les autres êtres humains, que je suis Dieu et que les êtres qui m'entourent sont mes amis ou mes ennemis. Je comprends maintenant la vérité: nous sommes tous des serviteurs éternels de Dieu et notre devoir consiste à Le servir, Lui, le maître suprême, car alors nous pourrons ne plus faire qu'un en tant que serviteurs." Les asuras considèrent tous les autres comme leurs amis ou leurs ennemis, mais les vaisnavas, eux, disent que puisque nous sommes tous des serviteurs du Seigneur, nous nous trouvons tous au même niveau. C'est pourquoi le vaisnava ne traite pas les autres êtres comme ses amis ou ses ennemis, mais cherche plutôt à répandre la conscience de Krsna. Il enseigne à tous que nous sommes un en tant que serviteurs du Seigneur Suprême et que nous gaspillons en vain nos vies si précieuses en créant des nations, des communautés et autres groupes d'amis et d'ennemis. Chacun devrait s'élever au niveau de la conscience de Krsna et ainsi éprouver un sentiment d'unité en tant que serviteur du Seigneur. Bien qu'il existe huit millions quatre cent mille (8 400 000) espèces vivantes, le vaisnava perçoit cette unité. L'Isopanisad recommande: ekatvam anupasyatah. Le bhakta doit voir le Seigneur Souverain dans le coeur de chaque être et considérer chaque être comme un serviteur éternel du Seigneur. C'est ce que l'on appelle la vision de l'unité (ekatvam). Bien qu'il y ait une relation maître-serviteur, tous deux ne font qu'un à cause de leur identité spirituelle. Cela est également appelé ekatvam. Ainsi, ce concept d'ekatvam diffère chez les vaisnavas et les mayavadis. Hiranyakasipu demanda à Prahlada Maharaja comment il avait pu se dresser contre sa famille. Lorsqu'un membre de la famille est tué par un ennemi, tous les autres membres sont emplis d'hostilité à l'égard du meurtrier, mais Hiranyakasipu constatait que Prahlada était devenu l'ami de l'assassin de son frère. C'est pourquoi il lui demanda: "Qui a bien pu te donner cette sorte d'intelligence? L'aurais-tu acquise par toi-même? Mais puisque tu n'es qu'un jeune garçon, quelqu'un a bien dû t'inciter à penser de la sorte." A cette question, Prahlada Maharaja choisit de répondre qu'une personne ne peut avoir une attitude favorable envers Visnu que lorsque le Seigneur Se montre favorable envers elle (sa yadanuvratah). Comme l'enseigne la Bhagavad-gita (5.29), Krsna est l'ami de tous les êtres (suhrdam sarva-bhutanam jnatva mam santim rcchati). Le Seigneur n'est jamais l'ennemi d'aucun des millions d'êtres vivants; Il est au contraire leur ami à tous, et pour toujours. Telle est la juste manière de voir les choses. Si quelqu'un croit que le Seigneur est son ennemi, son intelligence est celle d'un animal (pasu-buddhih). Il pense faussement: "Je suis différent de mon ennemi, et mon ennemi est différent de moi. Tel ennemi a fait ceci ou cela; mon devoir est donc de le tuer." Notre verset définit cette fausse conception par les mots bheda-gatasati. La vérité est que tous les êtres sont des serviteurs de Dieu, ainsi que le confirme Sri Caitanya Mahaprabhu dans le Caitanya-caritamrta (jivera 'svarupa' haya-ksnera 'nitya-dasa'). En tant que serviteurs du Seigneur, nous sommes tous un, et il ne saurait être question d'amitié ou d'inimitié. En effet, pour celui qui comprend que nous sommes tous des serviteurs du Seigneur, comment pourrait-il être question d'ami ou d'ennemi? Tout le monde devrait se montrer amical dans le cadre du service du Seigneur. Chacun devrait louer le service qu'offrent les autres au Seigneur et ne pas s'enorgueillir de sa propre façon de servir. Telle est la mentalité d'un vaisnava, celle de Vaikuntha. Il peut exister des rivalités et une compétition apparentes entre les serviteurs dans le cours de leur service, mais sur les planètes Vaikunthas le service d'autrui est apprécié, et non pas critiqué. Voilà le genre de compétition qui règne à Vaikuntha. Là, il n'est pas question d'inimitié entre les serviteurs. Chacun doit avoir la possibilité de servir le Seigneur de son mieux, et chacun doit apprécier le service des autres. Telles sont les activités de Vaikuntha. Etant donné que nous sommes tous des serviteurs, nous nous trouvons tous au même niveau et avons tous la possibilité de servir le Seigneur selon nos aptitudes personnelles. La Bhagavad-gita (15.15) déclare: sarvasya caham hrdi sannivisto mattah smrtir jnanam apohanam ca -le Seigneur Se tient dans le coeur de chaque être, d'où Il dirige Son serviteur selon son attitude propre. Cependant, Il ne dirige pas les bhaktas et les abhaktas de la même manière. Les abhaktas défient Son autorité suprême; aussi les dirige-t-Il de telle sorte que, vie après vie, ils oublient Son service et soient punis par les lois de la nature. Mais si un bhakta désire très sincèrement servir le Seigneur, Celui-ci le guide différemment. Krsna Lui-même explique dans la Bhagavad-gita (10.10):
sa esa atma sva-parety abuddhibhir
duratyayanukramano nirupyate muhyanti yad-vartmani veda-vadino brahmadayo hy esa bhinatti me matim
Prahlada Maharaja reconnut franchement: "Mes chers précepteurs, vous croyez bien à tort que Visnu est votre ennemi, mais parce qu'Il m'est favorable, je peux comprendre qu'Il est l'ami de tous les êtres. Peut-être pensez-vous que j'ai pris le parti de votre ennemi, mais en vérité, Il m'a accordé une grande faveur.''
yatha bhramyaty ayo brahman
svayam akarsa-sannidhau tatha me bhidyate cetas cakra-paner yadrcchaya
Il est tout naturel pour le fer d'être attiré par un aimant. De même, il est naturel pour tous les êtres vivants d'être attirés par Krsna; voilà pourquoi le véritable Nom du Seigneur est Krsna, ce qui signifie qu'Il attire à Lui tous les êtres et toutes les choses. C'est à Vrndavana que l'on peut trouver les exemples les plus remarquables de cette attirance, car chaque être vivant et chaque chose y est sensible à l'attraction exercée par Krsna. Les anciens comme Nanda Maharaja et Yasodadevi, les amis comme Sridama, Sudama et les autres pâtres, les gopis comme Srimati Radharani et ses compagnes, et même les oiseaux, les bêtes, les vaches et les veaux se sentent attirés par Lui. Les fleurs et les fruits des jardins sont également attirés par Krsna, de même que les vagues de la Yamuna, la terre, le ciel, les arbres, les plantes, les animaux et tous les autres êtres vivants. Voilà quelle est la condition naturelle de toutes choses à Vrndavana. A l'opposé de cette ambiance de Vrndavana, dans l'univers matériel personne n'est attiré par Krsna; tous sont au contraire attirés par maya. Telle est la différence qui existe entre les mondes spirituel et matériel. Hiranyakasipu, qui se trouvait dans l'univers matériel, se sentait attiré par les femmes et l'argent, tandis que Prahlada Maharaja, établi dans sa position naturelle, était attiré par Krsna. En réponse à la question d'Hiranyakasipu concernant l'origine de ses vues dissidentes, Prahlada répondit que celles-ci n'avaient rien d'anormal puisque le propre de tous les êtres est de se sentir attirés par Krsna. Il expliqua en outre que si Hiranyakasipu voyait là une subversion, c'était parce que, chose anormale, il n'était pas attiré par Krsna. Hiranyakasipu avait donc besoin d'être purifié. Dès qu'une personne est affranchie de la souillure matérielle, elle se trouve à nouveau attirée par Krsna (sarvopadhi-vinirmuktam tat-paratvena nirmalam). Dans l'univers matériel, tous les êtres sont souillés par la satisfaction des sens et agissent selon différentes désignations, parfois en tant qu'être humain, parfois en tant qu'animal, deva ou arbre, etc. Il faut se purger de toutes ces désignations, et on sera alors naturellement attiré par Krsna. La pratique de la bhakti purifie l'être vivant de toute attirance contre nature. Dès qu'il est ainsi purifié, il se sent attiré par Krsna et se met à servir Krsna au lieu de servir maya. Telle est sa position naturelle. Le bhakta est attiré par Krsna, tandis que l'abhakta, parce qu'il est souillé par la jouissance matérielle, ne connaît pas cet attrait. Le Seigneur le confirme dans la Bhagavad-gita (7.28):
yesam tv anta-gatam papam
"Les hommes libres de ces dualités, fruits de l'illusion, ceux qui, dans leur vie passée comme dans cette vie, furent vertueux, les hommes en qui le péché a pris fin, ceux-là Me servent avec détermination." Il s'agit donc de se débarrasser de toute souillure du péché liée à l'existence matérielle. Chaque être en ce monde est contaminé par des désirs matériels, et à moins de s'affranchir de tous ces désirs (anyabhilasita-sunyam), on ne peut être attiré par Krsna.
jananam punya-karmanam te dvandva-moha-nirmukta bhajante mam drdha-vratah
sri-narada uvaca
etavad brahmanayoktva virarama maha-matih tam sannibhartsya kupitah sudino raja-sevakah
Prahlada Maharaja cette âme magnanime, se tut après avoir adressé ces paroles à ses précepteurs, Sanda et Amarka, issus de la semence de Sukracarya. Les deux soi-disant brahmanas entrèrent alors dans une grande colère contre lui. Du fait qu'ils étaient au service d'Hiranyakasipu, les paroles de Prahlada leur causèrent un grand dépit; pour le châtier, ils lui adressèrent à leur tour les paroles qui vont suivre.
Le mot sukra signifie "semence". Les fils de Sukracarya étaient brahmanas par hérédité, mais le véritable brahmana est celui qui possède les qualités brahmaniques. Or, les brahmanas Sanda et Amarka, issus de la semence de Sukracarya, ne possédaient pas vraiment les qualités brahmaniques, puisqu'ils servaient Hiranyakasipu. Un brahmana digne de ce nom éprouve une vive satisfaction lorsqu'il voit quelqu'un, et à plus forte raison son propre disciple, devenir un dévot de Krsna. De tels brahmanas ont pour but de satisfaire le maître suprême. Il est strictement interdit à un brahmana de servir quelque autre maître; c'est là le sort des chiens et des sudras. Le chien doit en effet satisfaire son maître, mais le brahmana n'a à satisfaire personne; son seul souci doit être de faire plaisir à Krsna (anukulyena krsnanusilanam). Voilà ce qui en fait un véritable brahmana. Quant à Sanda et Amarka, s'ils voulaient sans raison châtier Prahlada Maharaja, c'est parce qu'ils n'étaient brahmanas que par l'hérédité et qu'ils étaient devenus les serviteurs d'un maître comme Hiranyakasipu.
Hare Krishna Hare Krishna Krishna Krishna Hare Hare Hare Rama Hare Rama Rama Rama Hare Hare |