SRIMAD-BHAGAVATAM
CHANT 7
CHAPITRE 5

Prahlada Maharaja,
le saint fils d'Hiranyakasipu.

VERSET 31

na te viduh svartha-gatim hi visnum
durasaya ye bahir-artha-maninah
andha yathandhair upaniyamanas
te pisa-tantryam uru-damni baddhah

TRADUCTION

Les êtres hantés par le désir de jouir de l'existence matérielle, et ayant dès lors accepté pour maître ou pour guru un autre aveugle également attaché aux objets des sens, ne peuvent comprendre que le but de la vie consiste à retourner dans leur demeure originelle pour y servir Dieu, Visnu. De même que des aveugles guidés par un autre aveugle s'écartent du chemin et tombent dans un ravin, les hommes attachés à la vie matérielle qui se laissent guider par d'autres hommes eux aussi d'esprit matérialiste, se voient liés par les cordes très robustes de l'action intéressée et poursuivent sans fin leur existence matérielle, assujettis aux trois formes de souffrances.

TENEUR ET PORTEE

Comme il doit toujours y avoir des divergences d'opinions entre les asuras et les bhaktas, Hiranyakasipu, se voyant critiqué par son fils, n'aurait pas dû être surpris de ce que Prahlada Maharaja n'approuvait pas son mode de vie. Cependant, Hiranyakasipu entra dans une extrême colère et voulut s'en prendre à son fils pour avoir déconsidéré son précepteur, ou maître spirituel, issu d'une famille de brahmanas, celle de l'illustre acarya Sukracarya. Le mot sukra signifie "semence'; et acarya "précepteur", ou guru. Les gurus ou maîtres spirituels par hérédité ont partout existé depuis des temps immémoriaux, mais Prahlada Maharaja se refusait à accepter un guru de ce genre ou à recevoir des instructions de lui. Le véritable guru est srotriya, c'est-à-dire qu'il doit avoir entendu ou reçu le parfait savoir par l'intermédiaire d'une filiation spirituelle (parampara). C'est pourquoi Prahlada Maharaja n'accordait aucune valeur à un maître spirituel héréditaire. Cette sorte de "gurus" n'éprouvent aucun intérêt pour Visnu; au contraire, ils aspirent à la réussite matérielle (bahir-artha-maninah). Le mot bahih signifie "externe", artha "intérêt", et manina "prenant très au sérieux". D'une manière générale, on peut dire que la quasi-totalité des hommes ignore l'existence du monde spirituel. La connaissance des matérialistes est restreinte aux limites des quelque six milliards de kilomètres que mesure le diamètre de ce monde matériel, situé dans la partie obscure de la création; ils ignorent qu'au-delà de cet univers se trouve le monde spirituel. A moins d'être un dévot du Seigneur, personne ne peut comprendre l'existence du monde spirituel. Les gurus, ou précepteurs, uniquement intéressés par l'univers matériel, sont ici qualifiés d'aveugles (andha). Ces aveugles peuvent bien sûr guider d'autres aveugles dépourvus de toute connaissance véritable concernant la nature de l'existence en ce monde, mais ils ne sont pas reconnus par des bhaktas comme Prahlada Maharaja. Ces maîtres aveugles, préoccupés par le monde externe, matériel, restent à jamais prisonniers des puissants liens de la nature matérielle.

VERSET 32

naisam matis tavad urukramanghrim
sprsaty anarthapagamo yad-arthah
mahiyasam pada-rajo-bhisekam
niskincananam na vrnita yavat

TRADUCTION

A moins de répandre sur leur corps la poussière des pieds pareils-au-lotus d'un vaisnava totalement délivré de la souillure matérielle, les hommes fortement attirés par le matérialisme ne peuvent s'attacher aux pieds pareils-au-lotus du Seigneur, qu'on glorifie pour Ses exploits hors du commun. Ce n'est qu'en devenant conscient de Krsna et en trouvant ainsi refuge aux pieds pareils-au-lotus du Seigneur qu'on peut s'affranchir de la contamination matérielle.

TENEUR ET PORTEE

Devenir conscient de Krsna entraîne anartha-apagamah -la disparition de tous les anarthas, ces conditions misérables que nous avons inutilement acceptées. Le corps matériel est au fondement même de ces maux qui nous sont imposés. Toute la civilisation védique est destinée à affranchir l'être de ces souffrances superflues, mais les personnes enchaînées par les lois de la nature ne connaissent pas le but de l'existence. Comme le dit le verset précédent: isa-tantryam uru-damni baddhah -elles sont conditionnées par les trois puissants modes d'influence de la nature matérielle. L'éducation qui maintient l'âme conditionnée prisonnière vie après vie est une éducation matérialiste. Srila Bhaktivinoda Thakura a expliqué que cette éducation matérialiste augmente l'influence de maya. Ce genre d'éducation amène l'âme conditionnée à s'attacher de plus en plus à l'existence matérielle et à s'éloigner toujours davantage de la libération, où disparaissent les souffrances indésirables de ce monde.

On peut se demander pourquoi les personnes bénéficiant d'une instruction poussée n'adoptent pas la conscience de Krsna. Le présent verset nous en donne la raison: à moins de chercher refuge auprès d'un maître spirituel authentique et pleinement conscient de Krsna, personne n'a la moindre chance de comprendre qui est Krsna. Les éducateurs, les érudits et les grands dirigeants politiques vénérés par des millions de gens ne peuvent saisir le but de l'existence et opter pour la conscience de Krsna, car ils n'ont accepté ni un maître spirituel authentique, ni les Vedas. C'est pourquoi la Mundaka Upanisad (3.2.3) enseigne: nayam atma pravacanena labhyo na medhaya na bahuna srutena -aucun homme ne peut réaliser son identité spirituelle par le simple fait d'avoir une instruction générale, de faire de savantes dissertations (pravacanena labhyah), ou d'être un homme de science intelligent faisant de nombreuses et étonnantes découvertes. Nul ne peut comprendre Krsna s'il ne reçoit pas la grâce du Seigneur Suprême. Seule la personne qui s'est abandonnée à un pur dévot de Krsna et a accepté sur elle-même la poussière de ses pieds pareils-au-lotus peut connaître Krsna tel qu'Il est. On doit d'abord comprendre comment échapper à l'emprise de maya, et le seul moyen pour cela est de devenir conscient de Krsna. Or, pour le devenir très facilement, il faut s'en remettre à une âme réalisée -un mahat, ou mahatma- qui ne s'intéresse qu'à servir le Seigneur Suprême. Comme l'enseigne le Seigneur dans la Bhagavad-gita (9.13):

mahatmanas tu mam partha
daivim prakrtim asritah
bhajanty ananya-manaso
jnatva bhutadim avyayam

"Ceux qui ignorent l'égarement, ô fils de Prtha, les mahatmas, sont sous la protection de la nature divine. Me sachant Dieu, la Personne Suprême, originelle et intarissable, ils s'absorbent dans le service de dévotion." En conséquence, pour mettre fin aux souffrances indésirables de l'existence, il faut devenir un bhakta.

yasyasti bhaktir bhagavaty akincana
sarvair gunais tatra samasate surah

"Chez celui qui, plein de dévotion, possède une foi indéfectible en Krsna se manifestent automatiquement toutes les qualités de Krsna et des devas." (S.B.,5.18.12)

yasya deve para bhaktir
yatha deve tatha gurau
tasyaite kathita hy arthah
prakasante mahatmanah

"Ce n'est qu'aux grandes âmes douées d'une foi sans réserve en Dieu et en le maître spirituel que le sens et la portée du savoir védique se révèlent automatiquement et dans toute leur plénitude." (Svet.,6.23)

yam evaisa vrnute tena labhyas
tasyaisa atma vivrnute tanum svam

"Le Seigneur n'est accessible qu'à celui à qui Il choisit Lui-même de Se livrer. A celui-là, Il montre Sa Forme personnelle." (Mund.,3.2.3)

Tels sont les préceptes védiques. On doit chercher refuge auprès d'un maître spirituel réalisé, et non pas d'un simple érudit ou d'un politicien, quel que soit leur niveau d'instruction matérielle. Il faut chercher refuge auprès d'un niskincana, d'un être absorbé dans la pratique du service de dévotion et exempt de toute souillure matérielle. Telle est la voie qui permet de retourner à Dieu, en sa demeure originelle.

VERSET 33

ity uktvoparatam putram
hiranyakasipu rusa
andhikrtatma svotsangan
nirasyata mahi-tale

TRADUCTION

Après que Prahlada Maharaja eut ainsi parlé et fut devenu silencieux, Hiranyakasipu, aveuglé par la colère, le repoussa de ses genoux et le projeta sur le sol.

VERSET 34

ahamarsa-rusavistah
kasayi-bhuta-locanah
vadhyatam asv ayam vadhyo
nihsarayata nairrtah

TRADUCTION

Indigné et courroucé, les yeux rouges comme du cuivre en fusion, Hiranyakasipu dit à ses serviteurs: "O asuras! Emmenez ce garçon loin de ma vue! Il mérite la mort. Faites-le périr dès que possible!

VERSET 35

ayam me bhratr-ha so yam
hitva svan suhrdo dhamah
pitrvya-hantuh padau yo
visnor dasavad arcati

TRADUCTION

"Ce garçon, Prahlada, est l'assassin de mon frère, car il a renoncé à sa famille pour se mettre au service d'un ennemi, Visnu, comme un serviteur insignifiant.

TENEUR ET PORTEE

Hiranyakasipu considérait son fils Prahlada Maharaja comme l'assassin de son frère du fait qu'il servait Visnu avec dévotion. En d'autres termes, Prahlada Maharaja allait être élevé au niveau de la libération dite sarupya, et dans ce sens, il s'apparentait à Visnu. C'est pourquoi Prahlada devait périr des mains d'Hiranyakasipu. Les bhaktas, les vaisnavas, obtiennent les libérations dites sarupya, salokya, sarsti et samipya, tandis que les mayavadis sont censés obtenir la libération connue sous le nom de sayujya. Cependant, cette sayujya-mukti n'est pas très sûre, contrairement à la sarupya-mukti, la salokya-mukti, la sarsti-mukti et la samipya-mukti, qui sont tout à fait certaines et durables. Bien que les serviteurs de Visnu, Narayana, sur les planètes Vaikunthas soient sur le même niveau que le Seigneur, les bhaktas savent très bien que le Seigneur est le maître, tandis qu'eux-mêmes sont Ses serviteurs.


Hare Krishna Hare Krishna Krishna Krishna Hare Hare
Hare Rama Hare Rama Rama Rama Hare Hare