SRIMAD-BHAGAVATAM
CHANT 7
CHAPITRE 6

Prahlada instruit
ses camarades de classe
démoniaques.

VERSET 16

vidvan apittham danujah kutumbam
pusnan sva-lokaya na kalpate vai
yah sviya-parakya-vibhinna-bhavas
tamah prapadyeta yatha vimudhah

TRADUCTION

Mes amis, fils d'asuras, dans cet univers matériel, même ceux qui semblent posséder un haut niveau d'instruction ont tendance à penser: "Ceci est à moi, et cela est pour les autres." Ils s'emploient sans fin à pourvoir aux besoins du cercle restreint de ceux qu'ils considèrent comme leur famille, comme c'est d'ailleurs le cas pour les chats et les chiens, dépourvus de toute instruction. Ils sont incapables de saisir le savoir spirituel; au contraire, ils restent dans la confusion et l'ignorance.

TENEUR ET PORTEE

Dans la société humaine, on s'efforce d'éduquer les gens, mais chez les animaux, il n'existe aucune institution à cette fin car, les animaux ne peuvent être éduqués. C'est pourquoi les animaux et les hommes privés d'intelligence sont dits vimudhas, ou ignorants, illusionnés, par contraste avec les êtres instruits, qualifiés de vidvan. Le véritable vidvan est celui qui s'efforce de comprendre sa propre position dans cet univers matériel. A titre d'exemple, lorsque Sanatana Gosvami s'abandonna aux pieds pareils-au-lotus de Sri Caitanya Mahaprabhu, sa première question fut 'ke ami', 'kene amaya jare tapa-traya'; autrement dit, il désirait connaître sa nature originelle et éternelle, ainsi que la raison d'être des trois sortes de souffrance inhérentes à l'existence matérielle. Tel est le véritable processus de l'éducation. Si quelqu'un ne se demande pas "Qui suis-je? Quel est le but de mon existence?", mais adopte au contraire les même habitudes animales que les chats et les chiens, à quoi lui sert son éducation? Pour reprendre l'image du verset précédent, l'être vivant s'enchaîne par ses actes intéressés, de la même façon que le ver à soie s'emprisonne dans le cocon qu'il a lui-même tissé. Les gens dépourvus de bon sens sont généralement asservis par leurs actes intéressés (karma) à cause de leur intense désir de jouir de cet univers matériel. Séduits comme ils le sont par les plaisirs matériels, ils se trouvent impliqués dans la vie sociale, communautaire et nationale, et gaspillent ainsi leur temps sans avoir profité de la forme humaine qu'ils ont obtenue. Tout particulièrement dans l'âge où nous vivons, le kali-yuga, les dirigeants importants, les politiciens, les philosophes et les hommes de science se livrent tous à des actes insensés, en pensant: "Ceci est à moi, et cela est à vous." Les savants inventent des armes nucléaires et collaborent avec les grands dirigeants pour protéger les intérêts de leur propre nation ou de la société dans laquelle ils vivent. Cependant, notre verset déclare clairement qu'en dépit de toutes leurs prétendues connaissances, ils possèdent en fait la même mentalité que les chats et les chiens. Ces animaux, comme les autres, ignorent leur véritable intérêt dans la vie, et s'enlisent de plus en plus profondément dans l'ignorance; de même, les hommes qui se disent instruits mais qui ignorent leur intérêt véritable ou le but réel de l'existence, ne font que s'enliser toujours davantage dans le matérialisme. C'est pourquoi Prahlada Maharaja recommande à tous de se conformer aux principes du varnasrama-dharma, et tout spécialement de renoncer à la vie de famille le moment venu pour adopter l'ordre du renoncement, cultiver le savoir spirituel et par là atteindre la libération. C'est ce qu'expliquent en détail les versets qui suivent.

VERSET 17-18

yato na kascit kva ca kutracid va
dinah svam atmanam alam samarthah
vimocitum kama-drsam vihara-
krida-mrgo yan-nigado visargah

tato vidurat parihrtya daitya
daityesu sangam visayatmakesu
upeta narayanam adi-devam
sa mukta-sangair isito pavargah

TRADUCTION

Mes chers amis, fils d'asuras, il est certain que jamais et nulle part un homme ignorant tout de Dieu, la Personne Suprême, n'a pu s'affranchir de la servitude de la matière. Au contraire, les gens qui sont dans ce cas restent prisonniers des lois matérielles. Ils nourrissent un attachement profond pour les plaisirs des sens, et la femme est au centre de leur existence; en fait, ce sont de véritables jouets entre les mains des femmes séduisantes. Victimes de cette conception particulière de l'existence, ils s'entourent d'enfants, de petits-enfants et d'arrière-petits-enfants, jusqu'à être ainsi complètement enchaînés à l'existence matérielle. Ceux qui s'attachent profondément à cette conception de la vie sont appelés asuras. Par suite, bien que vous soyez issus de tels êtres démoniaques, ne les fréquentez pas et cherchez refuge auprès du Seigneur Souverain, Narayana, Lui qui est la source de tous les devas, car le but ultime visé par les dévots de Narayana est d'être délivrés de la servitude de l'existence matérielle.

TENEUR ET PORTEE

Prahlada Maharaja a déjà démontré le point de vue philosophique selon lequel il faut sortir du piège profond de la vie de famille et aller vivre dans la forêt pour y chercher refuge aux pieds pareils-au-lotus de Dieu, la Personne Suprême (hitvatma-patam grham andha-kupam vanam gato yad dharim asrayeta). Or, dans ce verset, il insiste également sur ce point. Au cours de l'histoire de l'humanité, personne, à aucun moment ni en aucun lieu, n'a obtenu la libération en nourrisant une affection et un attachement excessifs pour sa famille. Cet attachement prévaut même chez ceux qui sont apparemment très instruits. Même une fois devenus vieux ou invalides, ils ne parviennent pas à trancher les liens familiaux, car ils sont attachés au plaisir des sens. Comme nous l'avons déjà expliqué à plusieurs reprises: yan maithunadi-grhamedhi-sukham hi tuccham -ceux qu'on désigne communément sous le nom de chefs de famille sont simplement attirés par les plaisirs de la chair. Ils s'emprisonnent ainsi dans la vie de famille, et veulent ensuite que leurs enfants fassent de même. Devenant de véritables jouets entre les mains des femmes, ils glissent vers les plus sombres régions de l'existence matérielle. Adanta gobhir visatam tamisram punah punas carvita-carvananam. Parce qu'ils sont incapables de maîtriser leurs sens, toute leur vie se passe en quelque sorte à mâcher le déjà mâché, ce qui les entraîne vers les plus ténébreuses régions de ce monde. Il faut rejeter la compagnie de ces asuras pour rechercher celle des bhaktas. C'est ainsi qu'on pourra s'affranchir de l'enchaînement à la matière.

VERSET 19

na hy acyutam prinayato
bahv-ayaso suratmajah
atmatvat sarva-bhutanam
siddhatvad iha sarvatah

TRADUCTION

Chers fils d'asuras, le Seigneur Souverain, Narayana, est l'Ame Suprême originelle, le père de tous les êtres vivants. Rien ne peut donc nous empêcher de Le satisfaire ou de L'adorer quelle que soit notre condition, que l'on soit un enfant ou un vieillard. La relation unissant les êtres à Dieu, la Personne Suprême, demeure à jamais une réalité de telle sorte qu'il n'est nullement difficile de plaire au Seigneur.

TENEUR ET PORTEE

On pourrait demander: "Il est certain que l'on s'attache beaucoup à la vie de famille, mais si l'on rejette celle-ci pour s'attacher au service du Seigneur, on devra faire autant d'efforts et rencontrer les mêmes difficultés. Quel avantage y a-t-il donc à prendre la peine de servir le Seigneur?" Ce n'est pas là une objection valable... Le Seigneur affirme dans la Bhagavad-gita (14.4):

sarva yonisu kaunteya
murtayah sambhavanti yah
tasam brahma mahad yonir
aham bija-pradah pita

"Comprends cela, ô fils de Kunti, que toutes les espèces de vie procèdent du sein de la nature matérielle, et que J'en suis le père, Celui qui donne la semence." Le Seigneur Suprême, Narayana, est le père de tous les êtres, car tous font partie intégrante de Lui (mamaivamso...jiva-bhutah). Tout comme il n'est pas difficile d'établir une relation entre père et fils, il n'y a pas plus de difficulté à rétablir la relation naturelle et intime qui unit Narayana et les êtres vivants. Svalpam apy asya dharmasya trayate mahato bhayat: Narayana est toujours prêt à sauver du plus grand danger celui qui fait ne serait-ce qu'un seul pas sur la voie du service de dévotion. Le meilleur exemple en est Ajamila. Celui-ci s'était écarté du Seigneur Souverain en accomplissant nombre d'actes répréhensibles, et il avait été condamné par Yamaraja à recevoir un châtiment très sévère; mais pour avoir prononcé le Nom de Narayana à l'heure de la mort, alors qu'il n'appelait même pas le Seigneur Suprême mais son fils nommé Narayana, il fut sauvé des mains de Yamaraja. Par suite, satisfaire Narayana ne demande pas autant d'efforts que satisfaire sa famille, sa communauté ou son pays. Nous avons vu d'importants chefs politiques assassinés à cause d'une légère erreur. Il en ressort qu'il est extrêmement difficile de plaire à la société, à la famille, à la communauté ou à la nation, mais qu'il n'y a aucune difficulté à satisfaire Narayana; cela est très facile.

Notre devoir est de raviver notre relation avec Narayana. Le moindre effort dans ce sens se traduira par une réussite, tandis qu'on ne parviendra jamais à satisfaire notre prétendue famille, société ou nation, même si on devait pour cela sacrifier sa vie. Le simple effort consistant à pratiquer le service de dévotion, en écoutant et en chantant les Saints Noms du Seigneur (sravanam kirtanam visnoh), peut nous permettre de réussir à satisfaire Dieu, la Personne Suprême. C'est pourquoi Sri Caitanya Mahaprabhu a répandu Ses bénédictions en déclarant: param vijayate sri-krsna-sankirtanam -"Gloire au sankirtana de Sri Krsna!" Si l'on veut pleinement tirer parti de sa forme humaine, on doit adopter le chant des Saints Noms du Seigneur.


Hare Krishna Hare Krishna Krishna Krishna Hare Hare
Hare Rama Hare Rama Rama Rama Hare Hare