SRIMAD-BHAGAVATAM
CHANT 7
CHAPITRE 7

Le savoir acquis par
Prahlada
dans le sein de sa mère.

VERSET 16

tat tu kalasya dirghatvat
stritvan matus tirodadhe
rsinanugrhitam mam
nadhunapy ajahat smrtih

TRADUCTION

Le temps a passé et, parce qu'elle est une femme -donc d'intelligence moindre-, ma mère a oublié ces instructions; mais Narada, le grand sage, m'a béni, si bien que je n'ai pu les oublier.

TENEUR ET PORTEE

Le Seigneur déclare dans la Bhagavad-gita (9.32):

mam hi partha vyapasritya
ye pi syuh papa-yonayah
striyo vaisyas tatha sudras
te pi yanti param gatim

''Quiconque prend refuge en Moi, ô fils de Prtha, fût-il de basse naissance, une femme, un vaisya, ou même un sudra, peut atteindre le but suprême." Les mots papa-yoni désignent les êtres inférieurs aux sudras; mais bien qu'une femme ne soit pas nécessairement papa-yoni, parce qu'elle est moins intelligente elle oublie parfois les enseignements spirituels qu'elle a pu recevoir. Néanmoins, pour ceux qui ont suffisamment de force, il n'est pas question d'oublier. En général, les femmes s'attachent au plaisir matériel, et cette tendance leur fait parfois oublier tout enseignement ayant trait à la dévotion. Mais si une femme pratique rigoureusement le service de dévotion suivant les règles et les principes qui le régissent, l'affirmation du Seigneur selon laquelle même elle peut retourner à Dieu (te pi yanti param gatim) n'a rien qui puisse surprendre. Il faut chercher refuge auprès du Seigneur et observer rigoureusement les règles prescrites. Alors, peu importe qui l'on est, on retournera à Dieu, dans sa demeure originelle. La mère de Prahlada Maharaja se souciait davantage de protéger l'enfant qu'elle portait dans son sein et elle était très anxieuse de voir son époux de retour. C'est pourquoi elle ne put considérer très sérieusement les enseignements sublimes de Narada Muni.

VERSET 17

bhavatam api bhuyan me
yadi sraddadhate vacah
vaisaradi dhih sraddhatah
stri-balanam ca me yatha

TRADUCTION

[Prahlada Maharaja poursuivit:]
Mes chers amis, bien que vous soyez de jeunes enfants, si vous pouvez avoir foi en mes paroles, simplement par cette foi vous pourrez, comme moi, comprendre la connaissance transcendantale. De même, une femme peut saisir ce savoir et faire la différence entre l'esprit et la matière.

TENEUR ET PORTEE

Ces propos de Prahlada Maharaja revêtent une grande importance en ce qui concerne la connaissance transmise par la filiation spirituelle. Alors même qu'il était encore dans le sein de sa mère, il avait acquis la ferme conviction qu'une puissance suprême existait en entendant les puissants enseignements de Narada; il avait également compris comment atteindre la perfection de l'existence par la pratique du bhakti-yoga. Ce sont là les points les plus importants à comprendre dans la connaissance spirituelle.

yasya deve para bhaktir
yatha deve tatha gurau
tasyaite kathita hy arthah
prakasante mahatmanah

"Le sens et la portée du savoir védique se révèlent automatiquement et dans toute leur plénitude aux grandes âmes douées de foi sans réserve en Dieu et en le maître spirituel." (Svet.,6.23)

atah sri-krsna-namadi
na bhaved grahyam indriyaih
sevonmukhe hi jihvadau
svayam eva sphuraty adah

"Nul, par ses sens matériels émoussés, ne peut connaître Krsna tel qu'Il est. Il ne Se révèle qu'à Ses dévots, satisfait de leur service d'amour transcendantal." (B.r.s.,1.2.234)

bhaktya mam abhijanati
yavan yas casmi tattvatah
tato mam tattvato jnatva
visate tad-anantaram

"On ne peut comprendre Dieu, la Personne Suprême, que par le service de dévotion. Et l'être qui, par une telle dévotion, devient pleinement conscient du Seigneur peut entrer dans Son royaume absolu." (B.g.,18.55)

Il s'agit là d'enseignements védiques. Il faut avoir une foi complète dans les paroles du maître spirituel et une foi similaire en Dieu, la Personne Suprême. C'est alors que la véritable connaissance de l'atma et du Paramatma, ainsi que la distinction entre la matière et l'esprit, nous seront automatiquement révélées. Ce savoir spirituel (atma-tattva) sera révélé au plus profond du coeur du bhakta qui aura trouvé refuge aux pieds pareils-au-lotus d'un mahajana comme Prahlada Maharaja.

Dans ce verset, le mot bhuyat peut être traduit par "que cela soit". Prahlada Maharaja offre ainsi ses bénédictions à ses camarades de classe en leur disant: "Ayez comme moi, la foi. Devenez d'authentiques vaisnavas." Le dévot du Seigneur désire voir tous les êtres devenir conscients de Krsna. Cependant, il arrive malheureusement que les gens n'aient pas une foi inébranlable dans les paroles du maître spirituel appartenant à la succession de maître à disciple, si bien qu'ils sont incapables de comprendre le savoir transcendantal. Le maître spirituel doit appartenir à une filiation spirituelle reconnue, comme Prahlada Maharaja, qui reçut la connaissance de Narada. Si les camarades de classe de Prahlada, ces fils d'asuras, étaient disposés à accepter la vérité transmise par Prahlada, ils pourraient assurément devenir à leur tour parfaitement conscients du savoir spirituel.

Les mots vaisaradi dhih se rapportent à l'intelligence que l'on a de Dieu, le Seigneur Souverain, lequel possède des dons incomparables. Expert comme Il l'est, le Seigneur a créé des univers fantastiques. Or, à moins d'être soi-même particulièrement expert, on ne peut comprendre l'administration experte de Celui qui est suprêmement expert. Cependant, on peut accéder à cette compréhension si on a le bonheur de rencontrer un maître spirituel authentique appartenant à la filiation de Brahma, de Siva, de Laksmi ou des Kumaras. Ces quatre sampradayas -ou filiations spirituelles chargées de transmettre la connaissance de la transcendance- portent respectivement les noms de Brahma-sampradaya, Rudra-sampradaya, Sri-sampradaya et Kumara-sampradaya. Sampradaya-vihina ye mantras te nisphala matah. La connaissance du Suprême reçue par l'intermédiaire de l'une ou l'autre de ces sampradayas, ou filiations spirituelles, a le pouvoir de conférer l'illumination. A moins d'emprunter la voie tracée par la filiation spirituelle, il n'est pas possible de connaître Dieu, la Personne Souveraine. Si quelqu'un vient à connaître le Seigneur Suprême par la pratique du service de dévotion en ayant foi dans sa filiation spirituelle et continue ensuite de progresser, il ravive son amour naturel pour Dieu, et sa vie est alors à coup sûre couronnée de succès.

VERSET 18

janmadyah sad ime bhava
drsta dehasya natmanah
phalanam iva vrksasya
kalenesvara-murtina

TRADUCTION

Tout comme les fruits et les fleurs d'un arbre subissent, dans le cours du temps, six transformations -la naissance, l'existence, la croissance, la reproduction, le vieillissement et la mort-, il en est de même pour le corps matériel que revêt l'âme spirituelle selon différentes circonstances. Cependant, l'âme elle-même ne connaît pas de telles transformations.

TENEUR ET PORTEE

Ce verset est très important pour nous aider à comprendre la différence entre l'âme spirituelle et le corps matériel. Ainsi que l'enseigne la Bhagavad-gita (2.20), l'âme est éternelle:

na jayate mriyate va kadacin
nayam bhutva bhavita va na bhuyah
ajo nityah sasvato yam purano
na hanyate hanyamane sarire

"L'âme ne connaît ni la naissance ni la mort. Vivante, elle ne cessera jamais d'être. Non née, immortelle, originelle, éternelle, elle n'eut jamais de commencement, et jamais n'aura de fin. Elle ne meurt pas avec le corps." L'âme spirituelle est éternelle et ne subit ni perte ni transformation, lesquelles surviennent à cause du corps matériel. A ce propos, l'exemple d'un arbre avec ses fruits et ses fleurs est tout à fait clair et simple. L'arbre se dresse pendant de très nombreuses années, mais avec le passage des saisons ses fruits et ses fleurs subissent six transformations. La théorie absurde des chimistes modernes, selon laquelle la vie peut être produite à partir de réactions chimiques, ne peut être acceptée comme une vérité. La naissance du corps matériel d'un être humain survient à la suite de la fusion d'un ovule et d'un spermatozoïde, mais même lorsqu'ils se combinent après l'union sexuelle, il n'y a pas toujours conception. A moins que l'âme ne pénètre au coeur de cet amalgame, il n'y a aucune possibilité de conception; mais dès que l'âme s'y réfugie, le corps naît, subsiste, croît, se transforme et vieillit pour, en fin de compte, être anéanti. Les fleurs et les fruits d'un arbre viennent et s'en vont avec les saisons, mais l'arbre lui-même continue à exister. De même, l'âme qui transmigre revêt divers corps qui subissent tous six transformations, mais l'âme demeure toujours la même (ajo nityah sasvato yam purano na hanyate hanyamane sarire). L'âme est éternelle, sans commencement ni fin, mais les corps qu'elle revêt changent.

Il existe deux sortes d'âme: l'Ame Suprême (Dieu) et l'âme individuelle (l'être distinct). De même que l'âme individuelle fait l'expérience de divers changements de corps, l'Ame Suprême traverse différentes ères de création. A ce propos, Madhvacarya dit:

sad vikarah sarirasya
na visnos tad-gatasya ca
tad-adhinam sarinam ca
jnatva tan mamatam tyajet

Puisque le corps est l'enveloppe de l'âme, celle-ci n'en dépend nullement; c'est au contraire le corps qui dépend de l'âme. Celui qui comprend cette vérité ne doit pas se faire trop de souci pour son corps. Il n'y a aucune possibilité de conserver le corps sans qu'il ne subisse de changement, ou de le garder perpétuellement. Antavanta ime deha nityasyoktah saririnah. La Bhagavad-gita (2.18) explique que le corps matériel est périssable (antavat), alors que l'âme à l'intérieur du corps est éternelle (nityasyoktah saririnah). Sri Visnu et les âmes individuelles, qui font partie intégrante de Sa Personne, sont tous éternels. Nityo nityanam cetanas cetananam. Sri Visnu est le plus grand de tous les êtres, alors que les êtres individuels sont des parties infimes de Sa Personne. Toutes les catégories de corps -depuis la gigantesque forme universelle jusqu'au corps minuscule de la fourmi- sont périssables, mais l'Ame Suprême et l'âme distincte, égales en qualité, existent toutes deux, éternellement. C'est ce qu'approfondissent les versets qui suivent.

VERSET 19-20

atma nityo vyayah suddha
ekah ksetra-jna asrayah
avikriyah sva-drg hetur
vyapako sangy anavrtah

etair dvadasabhir vidvan
atmano laksanaih paraih
aham mamety asad-bhavam
dehadau mohajam tyajet

TRADUCTION

Le mot atma se rapporte au Seigneur Suprême ou à l'être vivant. Tous deux sont de nature spirituelle; ils ne connaissent ni la naissance ni la mort, ni dégradation ni souillure matérielle. Ils possèdent chacun leur individualité propre, ont connaissance du corps externe, et sont la cause et le refuge de tout. A l'abri de toute transformation matérielle, ils brillent de leur propre lumière, sont à l'origine de toutes les causes et existent partout. Ils n'ont aucun lien avec le corps matériel, et par conséquent ils ne sont jamais recouverts. Possédant ces attributs spirituels, le véritable érudit doit renoncer à la conception illusoire de l'existence, qui nous fait penser: "Je suis le corps matériel, et tout ce qui est en rapport avec ce corps m'appartient."

TENEUR ET PORTEE

Dans la Bhagavad-gita (15.7), Sri Krsna dit clairement: mamaivamso jiva-loke jiva-bhutah -"Tous les êtres vivants font partie intégrante de Moi." En conséquence, les êtres distincts sont qualitativement identiques à Dieu, la Personne Suprême, qui représente celui qui est à la tête, le Suprême parmi tous les êtres. Les Vedas enseignent: nityo nityanam cetanas cetananam -le Seigneur est le plus important de tous les êtres individuels, Lui étant le maître et eux Ses subordonnés. Comme les êtres distincts sont des infimes parcelles de Dieu -ou des échantillons si l'on peut dire-, leurs caractéristiques ne diffèrent pas de celles du Seigneur Suprême. Ils participent de la même nature que Lui, au même titre qu'une goutte d'eau de mer contient les mêmes composants chimiques que le vaste océan. Il existe donc entre eux une unité qualitative, en même temps qu'une différence quantitative. On peut apprendre à connaître Dieu, la Personne Souveraine, en étudiant l'échantillon, l'être distinct, car tous les Attributs de Dieu existent chez lui en quantité infime. Il y a bien unité entre eux, mais Dieu est grand tandis que les êtres sont infiniment petits. Anor aniyan mahato mahiyan (Katha, 1.2.20) Les êtres vivants sont plus petits que l'atome, mais Dieu est plus grand que le plus grand. Si nous prenons le ciel comme référence (vu que nous le considérons comme infini), nous devons savoir que Dieu est encore plus grand que le ciel. De même, nous savons que les âmes individuelles sont plus petites que l'atome puisque leur taille est celle du dix-millième de la pointe d'un cheveu, et pourtant, la caractéristique d'être la Cause suprême de toutes les causes existe aussi bien en l'être vivant qu'en Dieu, la Personne Suprême; en effet, c'est grâce à la présence de l'être que le corps existe et se transforme. De même, c'est parce que le Seigneur Suprême est présent dans l'univers que les changements prescrits par les lois matérielles surviennent.

Le mot ekah signifiant "individuel", est particulièrement évocateur. Selon la Bhagavad-gita (9.4): mat-sthani sarva-bhutani na caham tesv avasthitah. Tout ce qui existe, le matériel comme le spirituel, soit la terre, l'eau, l'air, le feu, l'éther et les êtres vivants repose sur l'âme spirituelle. Bien que tout émane de Dieu, nous ne devons pas croire que le Seigneur Suprême dépende Lui-même de quoi que ce soit.

Dieu et l'être distinct sont tous deux pleinement conscients. En tant qu'êtres vivants, nous avons conscience de notre existence corporelle; de même, Dieu a conscience de la gigantesque manifestation cosmique. Ceci se trouve confirmé dans les Vedas. Yasmin dyauh prthivi cantariksam. Vijnataram adhikena vijaniyat. Ekam evadvitiyam. Atma-jyotih samrad ihovaca. Sa iman lokan asrjata. Satyam jnanam anantam. Asango hy ayam purusah. Purnasya purnam adaya purnam evavasisyate. Toutes ces déclarations védiques prouvent que Dieu, la Personne Suprême, et l'âme infinitésimale sont tous deux individuels. L'un est grand et l'autre petite, mais tous deux sont à l'origine de toutes les causes; ces causes étant limitées sur le plan du corps, et illimitées à l'échelle de l'univers.

Nous devons toujours nous rappeler que si nous sommes égaux au Seigneur Suprême en qualité, jamais nous ne L'égalons en quantité. Des gens de peu d'intelligence, se découvrant qualitativement égaux à Dieu, pensent stupidement l'égaler aussi en quantité. On dit que leur intelligence est avisuddha-buddhayah -non raffinée, ou souillée. Lorsque ces gens-là, après s'être efforcés au cours de nombreuses existences de saisir la cause suprême, parviennent en fin de compte à connaître réellement Krsna, Vasudeva, tel qu'Il est, ils s'abandonnent à Lui (vasudevah sarvam iti sa mahatma sudurlabhah). Ils deviennent ainsi de grands mahatmas, des âmes parfaites. Si quelqu'un a le bonheur de comprendre sa relation avec Dieu, sachant que Dieu est grand (vibhu) tandis que l'être vivant est petit (anu), il possède le savoir parfait. Un individu vit dans les ténèbres lorsqu'il croit qu'il est le corps matériel et que tout ce qui est en rapport avec ce corps lui appartient, selon le concept dit "aham mama" (janasya moho yam aham mameti). Il s'agit là d'illusion, et nous devons renoncer à cette conception illusoire pour devenir pleinement conscients de toute chose.


Hare Krishna Hare Krishna Krishna Krishna Hare Hare
Hare Rama Hare Rama Rama Rama Hare Hare