SRIMAD-BHAGAVATAM
CHANT 7
CHAPITRE 9

Prahlada apaise Sri
Nrsimhadeva avec des prières.

VERSET 16

trasto smy aham krpana-vatsala duhsahogra-
samsara-cakra-kadanad grasatam pranitah
baddhah sva-karmabhir usattama te nghri-mulam
prito pavarga-saranam hvayase kada nu

TRADUCTION

O Seigneur tout-puissant et insurpassable, Toi qui fais preuve de bienveillance à l'égard des âmes déchues, j'ai dû vivre au milieu d'êtres démoniaques par suite de mes propres actes, de telle sorte que ma condition en ce monde m'effraie beaucoup. Quand viendra donc le moment où Tu m'appelleras pour que je me réfugie à l'abri de Tes pieds pareils-au-lotus, qui représentent le but ultime des personnes désirant s'affranchir de l'existence conditionnée?

TENEUR ET PORTEE

La vie dans l'univers matériel est assurément misérable, mais quand on est obligé de partager celle des asuras, ou des athées, elle devient intolérable. On pourrait demander pourquoi l'être vivant est envoyé dans l'univers matériel. En fait, certains êtres stupides en viennent à blâmer le Seigneur de les avoir mis dans ce monde matériel. Cependant, la vérité est que chacun de nous est plongé dans l'existence conditionnée d'après son karma. C'est la raison pour laquelle Prahlada Maharaja, se faisant le porte-parole de toutes les autres âmes conditionnées, reconnaît qu'il a dû partager sa vie avec les asuras à cause de son propre karma. Le Seigneur est connu sous le nom de krpana-vatsala parce qu'Il fait preuve d'une extrême bonté envers les âmes conditionnées. C'est pourquoi, ainsi que l'enseigne la Bhagavad-gita, Il apparaît chaque fois que les principes religieux ne sont plus observés (yada yada hi dharmasya glanir bhavati bharata...tadatmanam srjamy aham). Le Seigneur est profondément désireux de libérer les âmes conditionnées, et c'est pour cette raison qu'Il nous demande à tous de retourner à Lui, dans notre demeure originelle (sarva-dharman parityajya mam ekam saranam vraja). Prahlada Maharaja s'attendait donc à ce que le Seigneur, dans Sa bienveillance, le rappelle auprès de Lui, à l'abri de Ses pieds pareils-au-lotus. Autrement dit, chacun devrait se montrer fort désireux de retourner à Dieu, en sa demeure originelle, en cherchant refuge aux pieds pareils-au-lotus du Seigneur et en recevant ainsi une formation complète dans la conscience de Krsna.

VERSET 17

yasmat priyapriya-viyoga-samyoga-janma-
sokagnina sakala-yonisu dahyamanah
duhkhausadham tad api duhkham atad-dhiyaham
bhuman bhramami vada me tava dasya-yogam

TRADUCTION

O Seigneur Suprême, Toi qui es si grand, l'être vivant connaît parfois des circonstances favorables ou défavorables, et parfois s'y trouve soustrait; il est ainsi placé dans une position des plus regrettables, que ce soit sur les planètes édéniques ou sur les planètes infernales, comme s'il était consumé par le feu du tourment. Bien qu'il existe de nombreux remèdes permettant d'échapper à une existence misérable, ici-bas tous ces remèdes sont plus misérables que les souffrances mêmes qu'ils sont censés soulager. C'est pourquoi je pense que le seul véritable remède consiste à Te servir. Je Te prie donc de m'instruire à cet égard.

TENEUR ET PORTEE

Prahlada Maharaja souhaitait vivement servir les pieds pareils-au-lotus du Seigneur. Après la mort de son père, qui jouissait d'une grande opulence matérielle, Prahlada aurait dû hériter son royaume, qui s'étendait partout dans le monde; néanmoins, il n'était pas disposé à accepter toute cette opulence car, que ce soit sur les planètes édéniques ou sur les planètes infernales, qu'on soit le fils d'un homme riche ou celui d'un homme pauvre, on se trouve partout sujet aux conditions d'existence matérielles; en conséquence, aucune condition de vie n'est véritablement satisfaisante. Si l'on désire goûter la pure satisfaction que procure une vie de félicité, on doit se consacrer au service d'amour absolu du Seigneur. L'opulence matérielle peut apporter une certaine satisfaction pendant quelque temps, mais pour bénéficier de cette agréable condition temporaire, il faut travailler très dur. Lorsqu'une personne pauvre devient riche, peut-être sa situation s'est-elle améliorée, mais pour atteindre cette position il lui a fallu accepter de nombreuses épreuves pénibles. Le fait est que dans l'existence matérielle, que l'on soit heureux ou malheureux, on se trouve toujours dans une condition misérable. Si l'on aspire au vrai bonheur, à une existence de véritable félicité, on doit devenir concient de Krsna et se vouer avec constance au service d'amour absolu du Seigneur. Tel est le véritable remède à tous les maux. Le monde entier vit dans l'illusion que l'homme peut être heureux en améliorant les conditions matérielles en vue de contrecarrer les misères de l'existence conditionnée, mais les tentatives faites en ce sens ne seront jamais couronnées de succès. L'humanité doit apprendre à se tourner vers le service d'amour absolu du Seigneur. C'est là le but du Mouvement pour la Conscience de Krsna. On ne peut trouver le bonheur en modifiant ses conditions de vie matérielle, car le malheur et la misère sont universels.

VERSET 18

so ham priyasya suhrdah paradevataya
lila-kathas tava nrsimha virinca-gitah
anjas titarmy anugrnan guna-vipramukto
durgani te pada-yugalaya-hamsa-sangah

TRADUCTION

O Seigneur, ô Nrsimhadeva, en m'absorbant dans Ton service d'amour sublime en compagnie de bhaktas libérés [hamsas], je vais complètement me purifier de toute souillure causée par le contact des trois gunas, et je pourrai dès lors chanter Tes gloires, qui me sont si chères. Oui, je chanterai Tes gloires en suivant rigoureusement les traces de Brahma et de sa filiation spirituelle. Il ne fait aucun doute que je pourrai ainsi franchir l'océan de l'ignorance.

TENEUR ET PORTEE

Ce verset explique très bien la vie et le devoir d'un bhakta. Dès que celui-ci peut chanter le Saint Nom et les gloires du Seigneur Suprême, il accède à coup sûr à l'état libéré. L'attachement à la glorification de Dieu en écoutant ou en chantant Son Saint Nom et Ses activités (sravanam kirtanam visnoh) élève à coup sûr une personne à un niveau où la souillure matérielle est absente. On doit apprendre les chants reconnus que transmettent les maîtres de la filiation spirituelle. La Bhagavad-gita enseigne que le chant produit tout son effet lorsqu'on suit les représentants de la lignée de maîtres spirituels (evam parampara-praptam imam rajarsayo viduh). Il ne servira jamais à rien d'inventer de nombreuses façons de chanter les gloires du Seigneur. Néanmoins, la répétition des chants ou des récits que nous ont laissés les acaryas précédents (mahajano yena gatah sa panthah) s'avère d'une extrême efficacité et il s'agit là d'une pratique très accessible. C'est pourquoi Prahlada Maharaja utilise dans ce verset le mot anjah,"facilement". Il est assurément beaucoup plus facile d'accepter les pensées de grands maîtres, transmises par la filiation spirituelle, que de recourir à des spéculations intellectuelles par lesquelles on cherche à inventer quelque moyen de comprendre la Vérité Absolue. La meilleure méthode consiste à accepter et à suivre les instructions des acaryas précédents. Réaliser Dieu et prendre conscience de son moi réel devient alors extrêmement aisé. En suivant cette méthode facile, on s'affranchit de la souillure des gunas et l'on peut ainsi franchir à coup sûr l'océan de l'ignorance, dans lequel il y a tant de conditions misérables. En marchant sur les traces des grands acaryas, on entre en contact avec les hamsas ou les paramahamsas, c'est-à-dire les êtres totalement affranchis de la souillure matérielle. En fait, celui qui suit les instructions des acaryas reste toujours à l'abri de la souillure des trois gunas, et sa vie s'en trouve couronnée de succès car il atteint alors le but de l'existence. Cet univers matériel est un lieu de souffrances, quel que soit notre niveau de vie -cela ne fait aucun doute. Aucun effort matériel en vue de soulager les souffrances inhérentes à l'existence matérielle ne connaîtra jamais le succès. Pour trouver le vrai bonheur, il faut adopter la conscience de Krsna; sinon, le bonheur est impossible à obtenir. On pourrait dire que pour progresser dans la vie spirituelle, il faut aussi accepter volontairement certains inconvénients (tapasya). Toutefois, ces inconvénients ne sont pas aussi dangereux que les efforts matériels destinés à atténuer toutes les souffrances.

VERSET 19

balasya neha saranam pitarau nrsimha
nartasya cagadam udanvati majjato nauh
taptasya tat-pratividhir ya ihanjasestas
tavad vibho tanu-bhrtam tvad-upeksitanam

TRADUCTION

O Nrsimhadeva, Toi le Suprême, du fait de leur conception corporelle de l'existence, les âmes incarnées rejetées par Toi et ne bénéficiant pas de Ta protection ne peuvent rien faire pour améliorer leur sort. Tous les remèdes qu'elles appliquent à leur mal, même s'ils leur procurent un certain soulagement, n'ont sûrement qu'un effet passager. A titre d'exemple, un père et une mère ne peuvent protéger leur enfant, pas plus qu'un médecin et ses remèdes ne sont à même d'apporter un soulagement définitif aux souffrances d'un malade, ou qu'un navire voguant sur l'océan ne peut sauver un homme qui se noie.

TENEUR ET PORTEE

Que ce soit par l'affection des parents, par l'utilisation de différents remèdes contre telle ou telle maladie, ou par diverses mesures de protection contre les éléments -dans l'eau, dans l'air et sur la terre- on cherche toujours dans ce monde matériel, à échapper aux différentes formes de souffrances, mais l'efficacité de ces mesures n'est pas garantie. Certaines peuvent apporter un soulagement temporaire, mais aucune ne procure de bienfait permanent. Même en présence de son père et de sa mère, un enfant ne peut pas toujours être protégé contre une mort accidentelle, contre la maladie et divers autres maux. Personne ne peut lui venir en aide, pas même ses propres parents. Le refuge ultime se trouve dans le Seigneur; qui cherche refuge en Lui a l'assurance d'être protégé. Ainsi que le déclare Krsna dans la Bhagavad-gita (9.31): kaunteya pratijanihi na me bhaktah pranasyati -''Tu peux le proclamer avec force, ô fils de Kunti, jamais Mon dévot ne périra.'' En conséquence, à moins que l'on ne soit protégé par la grâce du Seigneur, aucune mesure de protection ne s'avérera vraiment efficace. Il faut donc dépendre entièrement de la miséricorde sans cause du Seigneur. Même si, dans la vie quotidienne, on doit, par acquit de conscience, avoir recours à d'autres mesures de protection, il faut savoir que personne ne peut protéger l'être que Dieu, la Personne Suprême, a abandonné. Dans cet univers matériel, chacun s'efforce de repousser les assauts de la nature matérielle, mais en fin de compte, tous sont complètement dominés par celle-ci. Voilà pourquoi, malgré leurs efforts pour contrecarrer les tourments infligés par la nature matérielle, les soi-disant philosophes et hommes de science n'y sont pas parvenus. Krsna explique dans la Bhagavad-gita (13.9) que les véritables maux de l'univers matériel sont au nombre de quatre: la naissance, la maladie, la vieillesse et la mort (janma-mrtyu jara-vyadhi). Dans l'histoire du monde, personne n'a réussi à vaincre ces souffrances que nous impose la nature matérielle, Prakrteh kriyamanani gunaih karmani sarvasah. La nature (prakrti) est si puissante que personne ne peut échapper à ses lois rigoureuses. Ceux qui se disent savants, philosophes, religieux et politiciens devraient donc en conclure qu'ils ne peuvent procurer aucun bienfait réel à l'ensemble des hommes. Ils devraient se livrer à une propagande vigoureuse destinée à tirer la masse des gens de leur torpeur et à les élever jusqu'au niveau de la conscience de Krsna. Notre humble effort en vue de répandre le Mouvement pour la Conscience de Krsna de par le monde représente le seul remède qui puisse engendrer une vie heureuse et paisible. Jamais nous ne pourrons trouver le bonheur sans la grâce du Seigneur Suprême (tvad-upeksitanam). Si nous continuons à agir contre la volonté de notre père suprême, nous ne serons jamais heureux en ce monde, que ce soit sur les systèmes planétaires supérieurs ou inférieurs.

VERSET 20

yasmin yato yarhi yena ca yasya yasmad
yasmai yatha yad uta yas tv aparah paro va
bhavah karoti vikaroti prthak svabhavah
sancoditas tad akhilam bhavatah svarupam

TRADUCTION

Mon cher Seigneur, tous les habitants de cet univers matériel sont prisonniers des gunas, influencés par la vertu, la passion et l'ignorance. Depuis la personnalité la plus haute, Brahma, jusqu'à la fourmi insignifiante, tous agissent sous l'influence de ces attributs de la matière. Ainsi tous les êtres vivant ici-bas sont-ils influencés par Ton énergie. Le motif de leurs actes, leur lieu et leurs heures de travail, l'objet de cette action, le but qu'ils se sont fixés dans la vie et la voie qu'ils ont choisie pour y parvenir, tout cela n'est que des manifestations de Ton énergie. En vérité, puisque l'énergie et sa source sont identiques, tout n'est que diverses manifestations de Ta Personne.

TENEUR ET PORTEE

Que l'on se croie protégé par ses parents, par le gouvernement, par un lieu quelconque ou par quelque autre facteur, tout est dû aux diverses énergies du Seigneur Souverain. Tout ce qui s'accomplit, que ce soit sur les systèmes planétaires supérieur, intermédiaire ou inférieur, est sous la supervision ou le contrôle du Seigneur Suprême. C'est pourquoi il est écrit: karmana daivanetrena jantur dehopapattaye -Dieu, la Personne Suprême, qui est présent au plus profond du coeur de tous les êtres, les inspire à agir en fonction de leur mentalité respective. Et toutes ces mentalités leur sont données par Krsna à seule fin de leur permettre d'agir. La Bhagavad-gita déclare à ce propos: mattah smrtir jnanam apohanam ca -chaque être agit selon l'inspiration qu'il reçoit de l'Ame Suprême. Etant donné que chacun vise un but différent dans l'existence, tous les êtres agissent différemment, sous la direction de Dieu, la Personne Suprême.

Les mots yasmin yato yarhi yena ca yasya yasmat indiquent que toutes les activités, quelles qu'elles soient, ne sont que différentes manifestations de Dieu, la Personne Suprême. Toutes sont créées par l'être vivant et menées à terme grâce à la miséricorde du Seigneur. Bien qu'aucune de ces activités ne soit différente du Seigneur, Krsna n'en enseigne pas moins: sarva-dharman parityajya mam ekam saranam vraja -"Laisse là tout autre devoir et abandonne-toi à Moi." (B.g.,18.66) C'est à partir du moment où nous acceptons cette instruction du Seigneur que nous pouvons véritablement trouver le bonheur. Tant que nous agissons sous la dictée de nos sens matériels, nous sommes plongés dans l'existence matérielle, mais dès que nous agissons suivant les directives réelles et transcendantales du Seigneur, notre position devient spirituelle. Les activités relevant de la bhakti, c'est-à-dire le service de dévotion, sont directement sous le contrôle de Dieu, la Personne Suprême. Le Narada-pancaratra stipule:

sarvopadhi-vinirmuktam
tat-paratvena nirmalam
hrsikena hrsikesa-
sevanam bhaktir ucyate

Lorsqu'on renonce à des positions matérielles pour agir directement sous les ordres du Seigneur Souverain, notre existence spirituelle se trouve ravivée. C'est ce qu'expriment les mots svarupena avasthiti, indiquant le fait de se trouver dans sa position naturelle et originelle. Telle est la véritable définition de la mukti, la libération qui met fin à l'esclavage matériel.


Hare Krishna Hare Krishna Krishna Krishna Hare Hare
Hare Rama Hare Rama Rama Rama Hare Hare