VINGT TROISIÈME CHAPITRE.
PROSPÉRITÉ NATURELLE

ime jana-padâh svrddhâh
supakkausadhi-vîrudhah
vanâdri-nady-udanvanto
hy edhante tava vîksitaih

" Villes et villages sont en tout florissants : herbes et céréales poussent en abondance, les arbres sont lourds de fruits, les rivières coulent à flot, les collines regorgent de minéraux et les océans foisonnent de richesses. Toutes ces merveilles, Ton regard seul en est la cause. " (Srimad-Bhâgavatam 1.8.40)

Ce sont les dons de la Nature qui rendent une société prospère, et non les vastes entreprises industrielles. Ces dernières sont les produits d'une civilisation athée; elles ont pour effet de faire oublier à l'homme les nobles buts de son existence. Plus l'homme fait s'accroître leur nombre, plus il se vide de son énergie vitale; et si ces entreprises permettent à un petit nombre de vivre, par tyrannie, dans la plus grande aisance, les hommes dans leur masse n'y trouvent qu'akrsnation et frustration, toujours grandissantes. Sur ordre de l'Être Suprême, la Nature matérielle fait aux humains d'innombrables présents : céréales, fruits et légumes, rivières, eaux limpides, montagnes riches en joyaux et minéraux, océans où foisonnent perles et pierres précieuses; selon le désir du Seigneur, ces ressources sont tantôt abondantes, tantôt restreintes. Selon les lois naturelles, l'homme doit apprendre à tirer parti de ces dons divins pour prospérer jusqu'à pleine satisfaction, sans toutefois se laisser captiver par le désir de dominer et d'exploiter la Nature matérielle, chose d'ailleurs impossible. En effet, plus nous cherchons à pressurer la matière en vue d'étancher notre soif égoïste et capricieuse de plaisir, plus nous nous empiégons dans les conséquences de nos actes. Pourquoi, dès lors, quand la Nature produit suffisamment de céréales, de fruits, de légumes et d'herbes, enfreindre ses lois et ouvrir des abattoirs ? Pourquoi faire périr de pauvres bêtes, et ainsi courir le risque de connaître, vie après vie, un sort identique ? Nul besoin pour l'homme de tuer des animaux et d'en consommer la chair quand les aliments végétaux s'offrent à lui en quantité suffisante. L'eau des rivières fertilise les terres au point que celles-ci produisent plus que ce dont l'homme a besoin pour sa subsistance; les montagnes recèlent des minéraux et les océans produisent naturellement des gemmes. Pourquoi donc l'homme, riche de céréales, de minéraux, de pierres précieuses, d'eau, de lait…, voudrait-il de ces monstrueuses entreprises industrielles, qui tournent grâce au labeur d'infortunés ? Cependant, nous dépendons de la miséricorde du Seigneur pour l'obtention de ces dons naturels. Notre rôle est donc d'obéir aux lois de Dieu, cela en vue d'atteindre, par la pratique du service de dévotion, la perfection de la vie humaine. Les prières de Kunti étaient donc on ne peut plus appropriées : elle souhaitait que Dieu continue de répandre Sa grâce sur tous les habitants du royaume pour que leur prospérité naturelle ne connaisse pas de fin.

Kunti mentionne que les céréales poussent en abondance, les arbres sont lourds de fruits, les rivières coulent à flot, les montagnes regorgent de minéraux et les océans de richesses. Elle n'affirme à aucun moment qu'abattoirs ou industries prospèrent, car de telles extravagances furent conçues par l'homme pour se compliquer l'existence.

Si nous dépendons de la Création de Dieu, toute pénurie sera remplacée par la félicité, l'ânanda. La Création produit des céréales et de l'herbe en quantité suffisante; nous mangeons les céréales, tandis que la vache se nourrit d'herbe. Le bœuf nous aide à produire des céréales et se contente, pour toute nourriture, de ce que nous jetons, la pelure des fruits par exemple. Ainsi, lorsque Krishna est au centre, il peut y avoir totale coopération entre les arbres, les animaux, les humains et tous les êtres vivants. Ainsi le veut la civilisation védique, civilisation consciente de Krishna.

Kunti prie le Seigneur : " Ton regard est la cause de cette prospérité. " Quand nous sommes assis dans le temple de Krishna, Celui-ci nous regarde et rend tout sublime. Lorsque des âmes sincères s'efforcent de devenir dévotes, Krishna est si bienveillant qu'Il apparaît devant elles dans toute Son opulence et les touche de Son regard, ce qui les rend aussi belles qu'heureuses.

L'entière Création matérielle résulte également du regard de Krishna (sa aiksata). Les Védas nous disent qu'Il posa Son regard sur la matière et la mit ainsi en effervescence. Entrant aussi en effervescence au contact de l'homme qui l'imprègne, la femme donnera naissance à un enfant. Toute la Création adhère à ce principe. Imprégnée par le regard de Krishna, la matière entre en effervescence et engendre les êtres vivants. Ce n'est que par Son regard que plantes, arbres, animaux et autres êtres viennent au monde. Comment est-ce possible? Aucun de nous ne peut dire : " Je peux rendre ma femme enceinte d'un seul regard. " Mais cela n'a rien d'impossible pour Krishna. La Brahma-samhitâ (5:32) enseigne : angâni yasya sakalendriya-vrttimanti; chacun des organes du corps de Krishna possède la faculté de remplir les fonctions de tous Ses autres membres. Nos yeux ne nous permettent que de voir, mais Krishna peut féconder autrui d'un simple regard. Tout rapport sexuel s'avère ainsi superflu.

Dans la Bhagavad-Gîtâ (IX:10), Krishna dit : mayâdhyaksena parkrtih sûyate sa-carâcaram; " Sous Ma direction, la Nature matérielle engendre tous les êtres, mobiles et immobiles. " Le mot aksa signifie " yeux ". Le terme aksena indique ainsi que tous les êtres vivants prennent naissance de par le regard du Seigneur. Les êtres se partagent en deux catégories : les êtres mobiles - les insectes, les animaux et les humains - et les êtres immobiles - les arbres et les plantes, entre autres. En langue sanskrite, ces deux classes d'êtres sont appelées sthavara-jangama et procèdent de la Nature matérielle.

Bien sûr, c'est le corps, et non la vie, qui procède de la Nature matérielle. Les êtres reçoivent de celle-ci un type particulier de corps, tout comme l'enfant reçoit le sien de sa mère. Pendant dix mois, le corps de l'enfant se développe à partir du sang et des substances nutritives du corps de la mère. L'enfant n'est toutefois pas matière, mais bien un être vivant. C'est lui qui prend refuge du sein de la mère, qui lui fournit alors les ingrédients requis pour son corps. Telles sont les voies de la Nature. La mère ignore peut-être comment un autre corps fut créé de son propre corps, mais lorsque le corps de l'enfant est prêt, l'enfant naît.

Ce n'est pas que l'être prend naissance. Comme le déclare la Bhagavad-Gîtâ (II:20) : na jâyate mriyate vâ; l'être ne connaît ni la naissance ni la mort. Ce qui ne prend pas naissance ne peut mourir; la mort guette ce qui fut créé. Ce qui n'a pas été créé ne connaîtra pas la mort. La Gîtâ dit : na jâyate mriyate vâ kadâcit. Le mot kadâcit signifie " à aucun moment ". À aucun moment l'être vivant prend-il naissance. Nityah sâsvato 'yam purânah : l'être est éternel (sâsvata), immortel et très, très ancien (purâna). Na hanyate hanyamâne sarîre : n'allez pas croire que l'être est détruit avec le corps. Au contraire, il ne cessera jamais d'exister.

Un ami me demanda un jour : " Quelle preuve avons-nous de l'éternité? " Krishna dit : na hanyate hanyamâne sarîre; " L'âme ne meurt pas avec le corps. " Cette assertion est une preuve en soi. Ce genre de preuve s'appelle sruti, ou preuve établi par ce qu'on entend de la succession disciplique qui procède du Suprême. Un autre genre de preuve nous est fourni par la logique (nyâya-prasthâna). On peut acquérir le savoir par la logique, les arguments et la recherche philosophique. Mais la sruti constitue également une preuve, celle établie par l'écoute d'autorités. Une troisième forme de preuve est la smriti, celle établie par les assertions qui découlent de la sruti. La Bhagavad-Gîtâ et les Purânas sont appelés smriti, les Upanishads appartiennent à la sruti et le Védânta à la nyâya. D'entre ces trois, la sruti-prasthâna, le témoignage de la sruti, est particulièrement important.

Pratyaksa, procédé qui consiste à acquérir le savoir par la perception directe, n'a aucune valeur puisque tous nos sens sont imparfaits. À titre d'exemple, chaque jour le soleil nous apparaît comme un disque d'un diamètre de quelque douze pouces alors qu'en fait, il s'avère une centaine de fois plus grand que la Terre. Que vaut donc la perception directe de nos yeux? Nous possédons plusieurs sens grâce auxquels nosu acquérons le savoir - les yeux, les oreilles, le nez... - mais dû à leur imperfection, toute connaissance acquise à travers eux sera tout aussi imparfaite. Comme les hommes de science cherchent à comprendre les choses à travers leurs sens imparfaits, ils arrivent toujours à des conclusions imparfaites. Svarûpa Dâmodar, un de nos disciples, s'enquit d'un collègue scientifique selon qui la vie viendrait de la matière : " Si je te fournis les substances chimiques requises pour créer la vie, y parviendras-tu? " Son collègue répondit : " Je n'en sais rien. " Voilà ce qu'on entend par savoir imparfait. Si vous ne savez pas, votre savoir est donc imparfait. Pourquoi alors enseignez-vous? C'est de la tricherie. Nous soutenons que pour devenir parfait, il faut recevoir l'enseignement d'un être parfait.

Krishna étant parfait, nous apprenons auprès de Lui. Krishna dit : na hanyate hanyamâne sarîre; " L'âme ne meurt pas avec le corps. " Cette compréhension que l'âme est éternelle s'avère donc parfaite.

Kuntîdevî dit : ime jana-padâh svrddhâh supakkausadhi-vîrudhah - " Les céréales poussent en abondance, les arbres sont lourds de fruits, les rivières coulent à flot, les collines regorgent de minéraux et les océans foisonnent de richesses. " Que pourrait-on désirer d'autre? Les huîtres produisent des perles et les gens, autrefois, paraient leur corps de perles, de pierres précieuses, de soie, d'or et d'argent. Mais où sont passées toutes ces choses? Maintenant, grâce au progrès de la civilisation, tant de belles filles portent des bracelets de plastique au lieu de perles, de joyaux ou d'or. À quoi bon toutes ces industries et ces abattoirs?

Par la grâce de Dieu, lait, céréales, fruits et légumes poussent en quantité suffisante et l'eau des rivières est limpide. Mais j'ai vu, au cours de mes voyages en Europe - en France, en Allemagne et en Russie - que toutes les eaux des rivières sont devenues aussi sales qu'en Amérique. Les voies de la Nature font que l'eau de l'océan demeure aussi limpide que le cristal. Cette même eau est ensuite transférée aux rivières, mais sans sel, afin qu'on puisse la boire. Telles sont les voies de la Nature, qui sont aussi celles de Krishna. À quoi sert la construction d'immenses usines de distribution d'eau?

La Nature nous a déjà tout donné. Si nous désirons la richesse, nous pouvons acquérir des perles. Il n'est pas nécessaire de créer, pour devenir riche, de vastes usines de fabrication de carrosseries. De telles entreprises nous ont simplement compliqué l'existence. Nous n'avons qu'à dépendre de Krishna et de Sa grâce, car Il peut redresser la situation d'un regard (tava vîksitaih). Si nous implorons simplement ce regard, il ne sera jamais question de pénurie. Tout sera parfait. Le Mouvement pour la Conscience de Krishna a donc pour principe de dépendre des dons de la Nature et de la grâce de Krishna.

On dit qu'il y a un accroissement de la population et qu'il faut donc avoir recours à des moyens artificiels pour l'arrêter. Mais pourquoi? Les oiseaux et les abeilles accroissent aussi leur nombre et ne possèdent aucun contraceptif. Manquent-ils pour auitant de nourriture? Voyons-nous des oiseaux ou des anmiaux mourir de faim? Peut-être dans les villes, quoique là encore ce soit plutôt rare. Mais dans la jungle, nous verrons que tous les lions, tigres, éléphants et autres animaux sont aussi forts que vigoureux.Qui leur donne à manger? Certains animaux sont végétariens, d'autres non; mais aucun d'eux ne souffre de la faim?

Bien sûr, n'étant pas végétarien, le tigre ne mange pas tous les jours. Après tout, qui se sacrifierait pour qu'il puisse manger? Qui dirait : " Monsieur le tigre, je suis philanthrope; je vous offre donc mon corps comme nourriture. " Personne. Il ne lui est ainsi pas facile de trouver sa nourriture. Et dès qu'il part en chasse, un animal le suit tout en faisant un son ressemblant à fayo, fayo, afin que les autres animaux sachent qu'il chasse. La Nature ne lui facilite donc pas la vie, mais Krishna lui procure sa nourriture. Après une semaine de chasse, il pourra attraper un animal. Comme il n'obtient pas de la chair fraîche tous les jours, il cache la carcasse dans un buisson et en mange un peu à la fois. Puisque le tigre est très puissant, certains veulent devenir comme lui ou le lion. Il ne s'agit pas là d'une très bonne proposition, car en devenant comme ces animaux, on n'obtiendra pas à manger chaque jour. Si l'on adopte le végétarisme, cependant, on n'aura pas ce problème puisque les aliments végétaux sont disponibles en tous lieux.

Chaque ville compte désormais des abattoirs, mais cela ne signifie pas pour autant qu'ils peuvent satisfaire tous les besoins alimentaires de la population. Même les carnivores doivent manger des céréales, des fruits et des légumes en plus de leur viande. Néanmoins, pour leur portion quotidienne de viande, ils donnent la mort à tant de pauvres animaux. Quel péché! Comment peuvent-ils être heureux? Cette tuerie ne devrait pas avoir lieu; voilà pourquoi les gens sont malheureux. Mais si, devenant conscients de Krishna, on ne dépend que de Son regard (tava vîksitaih), Il nous donnera tout et toute pénurie disparaîtra.

Tantôt, il semble y avoir pénurie, tantôt, il y a une telle profusion de fruits et céréales qu'on ne peut les consommer tous. Tout repose ainsi sur le regard de Krishna. S'Il le désire, Il peut produire des fruits, légumes et céréales en profusion; mais lorsqu'Il veut en restreindre la quantité, à quoi servirait la viande? Tu peux me manger, ou vice versa, mais cela ne résoudra pas le problème.

Il nous faut donc simplement dépendre de Krishna pour acquérir la vraie paix et sérénité, ainsi que lait, eau et tous les éléments nécessaires à la vie. Voilà ce qu'enseigne Bhativinoda Thâkur : mârabi râkhabi - yo icchâ tohârâ; " Cher Seigneur, je m'en remets simplement à Toi. Tue-moi ou protège-moi à Ton gré. " Et Krishna de répondre : " Oui. Sarva-dharmân parityajya mâm ekam saranam vraja : abandonne-toi simplement qu'à Moi. " Il ne dit pas : " Dépends de Moi comme de tes usines et tes abattoirs. " Non, Il dit au contraire : " Dépends de Moi seul. Aham tvâm sarva-pâpebhyo moksayisyâmi; Je t'affranchirai des suites de tes fautes. "

Ayant vécu tant d'années sans être conscients de Krishna, nous n'avons commis que des fautes. Or, Krishna nous assure que dès qu'on s'abandonne à Lui, Il nous acquitte de toute dette karmique et met fin à tous nos péchés, pour qu'on puisse commencer une nouvelle vie. Quand nous initions des disciples, nous leur disons donc : " Ne commets plus désormais d'actes coupables. "

Évitons de penser que puisque le Saint Nom de Krishna peut neutraliser toute faute, on peut commettre quelque péché véniel et chanter le mantra Hare Krishna pour en annuler les conséquences. Il n'y a pas pire offense (nâmno balâd yasya hi pâpa-buddhih). Les membres de certains ordres religieux vont confesser leurs péchés à l'église, mais les commettent à nouveau par la suite. Que vaut alors leur confession? On peut confesser : " Seigneur, par ignorance j'ai commis cette faute. " Gardons-nous toutefois de penser : " Je commettrai des péchés que j'irai ensuite confesser à l'église; une fois ceux-ci neutralisés, je peux commencer un nouveau chapitre de ma vie de péché. " De même, il ne faut pas profiter du chant du mantra Hare Krishna pour neutraliser ses fautes afin de pouvoir continuer de pécher. Montrons-nous très prudents dans ce contexte. Avant de recevoir l'initiation, on promet d'éviter les rapports sexuels illicites, l'intoxication, le jeu et la viande. Il faut adhérer strictement à ce vœu. Alors pourra-t-on se purifier. Si on se garde pur de cette façon, tout en s'engageant toujours dans le service de dévotion, notre vie sera couronnée de succès et nous ne connaîtrons aucune pénurie.


Hare Krishna Hare Krishna Krishna Krishna Hare Hare
Hare Rama Hare Rama Rama Rama Hare Hare