VINGT QUATRIÈME CHAPITRE.
TRANCHER LES LIENS D'AFFECTION

atha visvesa visvâtman
visva-mûrte sva-kesu me
sneha-pâsam imam chindi
drdham pândusu vrsnisu

" O Seigneur de l'Univers, ô Âme de l'Univers, Ô Forme personnelle de l'Univers, tranche, je T'en prie, les liens puissants de mon affection pour mes proches, les Pândavas et les Vrishnis. " (Srimad-Bhâgavatam 1.8.41)

Un pur dévot du Seigneur se sentirait honteux de demander quoi que ce soit au Seigneur pour sa propre personne. Mais il arrive que les gens de famille, liés d'affection pour leurs proches, se voient contraints d'implorer en leur faveur les grâces du Seigneur. Srimatî Kunti en est consciente, et prie donc Krishna de trancher ses attaches pour les siens - les Pândavas et les Vrishnis. Les Pândavas sont ses propres fils; les Vrishnis appartiennent à sa famille paternelle. Le Seigneur, Sri Krishna, est relié aux deux familles, dont les membres, entièrement dépendants de Lui requièrent les uns comme les autres Son aide. Kunti voudrait Le voir demeurer aux côtés de ses fils, les Pândavas, mais les membres de sa famille paternelle s'en trouveraient alors désavantagés. Troublée par ces pensées, ne sachant quel parti prendre, Kunti veut alors s'affranchir des liens d'affection qu'elle entretient pour ses proches.

Le pur bhakta défait les liens de l'affection pour sa famile et élargit alors le champ de ses activités en s'absorbant, pour le bien de toutes les âmes oublieuses de leur nature véritable, dans le service de dévotion. Les six Goswamis, qui empruntèrent le sentier tracé par Sri Chaitanya, nous en fournissent un parfait exemple. Tous les six appartenaient à des familles des couches supérieures, riches, cultivées et hautement éclairées, mais pour servir le bien de la masse des hommes, ils quittèrent un foyer confortable et se firent renonçants. À moins de trancher totu attachement pour la famille et d'ainsi élargir son champ d'action, nul ne peut se qualifier en tant que brahmane, roi, dirigeant politique ou dévot du Seigneur. Dieu Lui-même, en parfait souverain, nous montra l'exemple à suivre quand, sous la forme de Sri Râmachandra, Il renonça aux sentiments pour Son épouse bien-aimée afin de mettre en évidence les qualités d'un roi modèle.

Tout homme qui assume quelque responsabilité dans la société, tel un brahmane, un bhakta, un roi ou un dirigeant politique, doit, dans l'accomplissement de son devoir propre, se préoccuper du bien de tous les hommes. Srimatî Kunti Dévî, qui se sent trop faible pour les trancher elle-même, a néanmoins conscience de cette vérité, et prie le Seigneur de l'affranchir des liens restrictifs de l'affection familiale. Comme l'indique notre verset, Sri Krishna est le Seigneur de l'Univers, ou le Seigneur du mental universel, car Il est tout-puissant et peut donc trancher le nœud étroit de l'affection pour les proches. Ainsi Le verra-t-on parfois désireux de montrer une faveur particulière à un bhakta manifestant des signes de faiblesse, user de Son énergie toute-puissante pour plonger Son dévot dans des circonstances qui le forceront à rompre les liens d'avec la famille. Car, en agissant ainsi, Il amène Son dévot à dépendre totalement de Lui ouvrant ainsi pour lui la voie du retour à Son royaume absolu.

Kunti appartenait à la famille des Vrishnis; elel était aussi l'épouse de Pândou et la mère des Pândavas. La femme éprouve en général de l'affection pour sa famille paternelle comme pour celle de son mari. D'où cette prière que Kunti adresse à Krishna : " Je suis une femme et les femmes montrent habituellement de l'attachement pour la famille; tranche le mien, je T'en prie, afin que je m'attache profondément à Toi. Sans Toi, les deux familles auxquelles j'appartiens sont inexistantes. Je m'y suis attachée à tort; or, mon vrai but dans la vie, c'est de m'attacher à Toi. " Ainsi se définit la bhakti.

Cette bhakti implique qu'on s'affranchisse des attachements liés à l'Univers matériel, pour s'attacher plutôt à Krishna. On ne saurait se détacher de tout; mais s'attacher à Krishna, ou prendre part au service de dévotion du Seigneur requiert qu'on se détache de l'affection matérielle.

D'ordinaire, les gens approchent Krishna en vue de maintenir leur attachement à ce monde. " O Seigneur, les entend-on prier, donne-nous aujourd'hui notre pain quotidien. " Éprouvant de l'attachement pour ce monde de matière et voulant y vivre, ils sprient pour que leur soient fournis divers biens matériels requis pour le maintien du statu quo. C'est ce qu'on appelle l'attachement matériel. Bien qu'en un sens, le fait d'approcher Dieu pour assurer sa position en ce monde soit un signe de vertu, une telle attitude n'est pas vraiment désirable. A lieu d'adorer Dieu dans l'espoir d'accroître ainsi notre opulence temporelle, mieux vaut se détacher de la matière. Le bhakti-yoga requiert donc le détachement.

La souffrance naît de notre attachement. Attachés au matériel, nous désirons tant de biens temporels; aussi Krishna nous donne-t-Il l'occasion de jouir de totues les commodités auxquelles nous aspirons. Bien sûr, il faut aussi les mériter. Méritez-les d'abord, désirez-les ensuite. Imaginons que j'aspire à devenir roi : pour mériter ce poste, je dois avoir accompli dans le passé des actes de piété.

Krishna peut nous donner tout ce que nous désirons, même la libération (moukti).

Avant de pouvoir devenir un dévot du Seigneur, il importe d'abord de se purifier de tout arrachement matériel. On appelle vairâgya cette condition préalable. Lorsqu'il se fit disciple de Sri Chaitanya Mahâprabhou, Sârvabhauma Bhattâcârya composa cent versets Le glorifiant. Deux d'entre eux sont cités dans le Chaitanya-charitâmrita (Madhya 6:254), dont le suivant :

vairâgya-vidyâ-nija-bhakti-yoga-
siksâmrtham ekah purusah purânah
srî-krsna-caitanya-sarîta-dhârî
krpâmbudhir yas tam aham prapadye

" Je prends refuge en Sri Krishna, Dieu, l'Être Suprême, qui est descendu en la personne de Chaitanya Mahâprabhou pour nous enseigner la véritable connaissance, Son service de dévotion et le détachement de tout ce qui ne favorise pas la conscience de Krishna. Il est apparu en ce monde car Il est un océan de miséricorde. Je m'abandonne à Ses pieds pareils-au-lotus. "

Sârvabhauma Bhattâcârya offre ainsi sa prière au Seigneur Suprême, qui était alors apparu sous la forme de Chaitanya Mahâprabhu à seule fin de nous enseigner l'art d'acquérir le savoir, le détachement et la pure dévotion pour Krishna.

Bien qu'à l'âge de vingt-quatre ou vingt-cinq ans, Chaitanya Mahâprabhu avait une épouse aussi belle qu'adorable et une mère aussi dévouée qu'affectueuse, Il quitta tout pour adopter l'ordre du renoncement, ou sannyâsa. Lorsqu'Il était chef de famille, ou grihastha, on L'estimait tant qu'Il n'eut qu'à lever le doigt pour que des milliers se joignent à Son mouvement de désobéissance civile. D'une grande beauté, Il jouissait également d'un statut très respectable à Nadia, la ville où Il habitait. Pourtant, Il renonça à Sa jeune, belle et fidèle épouse, à Sa mère affectueuse, à Son statut social... Voilà ce qu'on appelle vairâgya, le renoncement.

Si un démuni dit : " j'ai rénoncé à tout ", quelle signification peut-on prêter à son renoncement ? Mais celui qui possède un bien auquel il renonce par la suite fait certes preuve de renoncement. Le renoncement de Chaitanya Mahâprabhu s'avère donc unique. Qui d'autre aurait pu renoncer à un foyer heureux, à tout ce prestige, ainsi qu'à l'affection de Ses mère, épouse, amis et élèves. Même Advaita Prabhu, qui était pourtant du même âge que le père de Chaitanya, honorait Celui-ci. Ce qui n'empêcha pas Sri Chaitanya de renoncer à tout. Et pourquoi donc ? Simplement pour nous instruire (âpani âcari' prabhu jîvere sikhâya). Il enseigna au monde entier comment pratiquer le détachement pour devenir un dévot de Krishna. Voilà pourquoi après avoir quitté son poste de ministre d'État, Roûpa Goswami prononça la prière suivante en guise d'hommage à Sri Chaitanya lorsqu'il Le rencontra à Prayâg :

namo maha-vadanyaya krsna-prema-pradaya te
krsnaya krsna-caitanya-namne gaura-tvise namah

" Tu es le plus magnanime, car Tu donnes l'amour de Krishna. " L'amour de Krishna ne s'acquiert pas si aisément, puisqu'il permet d'acheter Krishna; Chaitanya Mahâprabhu l'offrit néanmoins à tous, même aux deux ivrognes qu'étaient Jagâi et Mâdhâi. D'où ce chant de Narottam Dâs Thâkur :

dîna-hina yata chila
hari-nâme uddharila,
tâ'ra sâksî jagâi-mâdhâi

" Chaitanya Mahâprabhu est si magnanime qu'Il délivra toutes sortes de pécheurs en leur permettant de chanter le mantra Hare Krishna. Jagâi et Mâdhâi en sont la vivante preuve. " À l'époque, il n'y avait que deux Jagâi et Mâdhâi, alors qu'aujourd'hui, par la grâce de Chaitanya et de Son enseignement, des légions de Jagâi et Mâdhâi sont délivrées. S'Il est satisfait, Chaitanya Mahâprabhu peut offrir l'amour de Krishna (krsna-prema) à quiconque, sans considérer ses qualifications. Tout donateur est parfaitement libre de choisir comme bénéficiaire la personne de son choix.

Sans la grâce de Chaitanya Mahâprabhu, il s'avère très difficile de comprendre Krishna. Manusyânâm sahasresu kascid yatati siddhaye (Bhagavad-Gîtâ 7:3) : parmi des millions d'humains, un seul peut-être recherchera la perfection spirituelle. Peinant simplement comme des bêtes de somme, les gens ignorent comment couronner leur vie de succès. Notre vie sera une réussite quand nous comprendrons Krishna, faute de quoi, nous continuerons d'évoluer sur le plan animal. Mais Chaitanya Mahâprabhu fait la concession suivante aux âmes déchues de l'ère actuelle : " Chantez simplement le mahâ-mantra Hare Krishna et vous serez délivrées. " Voilà la concession unique qu'Il nous fait (kîrtanad eva krsnasya mukta-sangah param vrajet - S.B. 12:3:51).

Maintenant, Kuntî n'était pas une dévote ordinaire. Un lien familial l'unissait au contraire à Krishna, qui vint donc lui offrir Ses respects. Ce qui ne l'empêcha pas de dire : " Comme j'éprouve de l'attachement pour deux familles, celle de mon père et celle de mon mari, aide-moi Krishna à m'en détacher. " Elle montrait ainsi qu'il faut se détacher des liens sociaux, de l'amitié et de l'amour matériels qui, sinon, ne pourront que nous enliser.

Tant qu'on pense " j'appartiens à telle famille, à telle nation, à telle religion, à telle race... ", il n'est guère possible de devenir conscient de Krishna. Tant qu'on croit être Américain, Indien, Africain, père, mère, mari ou épouse d'un tel ou d'une telle, on demeure attaché aux désignations matérielles. Je suis une âme spirituelle, alors que tous ces attachements relèvent du corps. Or, je ne suis pas le corps. Voilà ce qu'il faut en essence comprendre. Si je ne suis pas le corps, de qui suis-je le père ou la mère ? Krishna incarne le Père et la Mère Suprême alors que tels des acteurs au cinéma, nous ne faisons que jouer le rôle de père, de mère, de sœur ou de frère. C'est la Nature matérielle, mâyâ, qui nous fait ainsi danser en disant : " Tu appartiens à cette famille ainsi qu'à ce pays. " Et nous de danser comme des singes.

Nous lisons dans la Bhagavad-Gîtâ (3:27) :

prakrteh kriyamânâni
gunaih karmâni sarvasah
ahankâra-vimûdhâtmâ
kartâham iti manyate

Ce verset indique que du fait que l'être s'associe à un certain attribut de la Nature, celle-ci le fait danser et penser en conséquence " je suis ceci, je suis cela ". Ces données contenues dans la Bhagavad-Gîtâ constituent le principe fondamental du savoir et sont source de liberté.

Le savoir le plus essentiel sera celui qui nous affracnhit du concept corporel de l'existence. Hélas, savants, philosophes, politiciens et autres prétendus leaders égarent les gens pour qu'ils s'attachent davantage au corps. La forme humaine offre l'occasion de devenir conscient de Krishna, mais ces fourbes gâchent cette occasion en attirant les gens vers les désignations corporelles. Ainsi deviennent-ils les pires ennemis de la civilisation humaine.

Ce n'est qu'après avoir évolué à travers 8 400 000 formes de vie - des espèces aquatiques aux plantes, puis aux arbres, aux insectes, oiseaux, animaux... - qu'on obtient un corps humain. Nul ne sait à présent quelle sera la prochaine étape de cette évolution, que nous révèle toutefois la Bhagavad-Gîtâ (IX:25) : yânti deva-vratâ devân. On pourra alors, si tel est notre désir, être promu à un système planétaire supérieur. Bien qu'on voit chaque nuit tant d'étoiles et planètes dans le ciel, nul ne sait en quoi consistent ces systèmes planétaires. Or, les écrits védiques - ou shâstras - nous donnent de comprendre que ces sphères offrent des facilités matérielles mille fois supérieures à celles de la Terre. Nous pouvons ici-bas vivre une centaine d'années tout au plus, alors que la vie sur ces planètes supérieures dépasse en longévité tout ce que notre imagination pourrait concevoir. À titre d'exemple, la Bhagavad-Gîtâ (VIII:17) nous révèle la longévité de Brahmâ, qui habite la plus haute planète matérielle : sahasra-yuga-paryantam ahar yad brahmano viduh. Même si nos calculs ne pourraient évaluer ne serait-ce que douze heures de Brahmâ, celui-ci doit néanmoins mourir lui aussi un jour. Peu importe la durée de notre vie en l'Univers matériel, personne ne peut y vivre en permanence. Néanmoins, on peut se préparer à atteindre les systèmes supérieurs ou les Pitrilokas. Là, on pourra retrouver ses ancêtres, s'ils s'étaient qualifiés pour y vivre. De même, si tel est notre désir, on pourra demeurer sur la Terre ou aller à Krishna, en devenant Son dévot (yânti mad-yâjino 'pi mâm).

Le paradis, l'enfer ou le retour auprès de Dieu, en notre demeure première - à nous de choisir. Toute personne intelligente pensera donc : " S'il faut se préparer pour la vie future, pourquoi ne pas faire en sorte de réintégrer le Royaume de Dieu? " Lorsque notre corps présent cessera d'être, il nous faudra en accepter un nouveau selon les critères de la Bhagavad-Gîtâ (XIV:18) : ûrdhvam gacchanti sattva-sthâh - ceux que gouverne la Vertu et qui évitent les quatre principes d'une vie de péché renaîtront sur les planètes supérieures. Même si l'on ne se fait pas dévot du Seigneur, on jouira d'un tel avantage à condition d'adopter les principes régulateurs, ce qui nous maintiendra dans la Vertu. Voilà à quoi doit servir la vie humaine. Mais si nous la gâchons en vivant comme les chats et les chiens qui se contentent de manger, dormir, s'accoupler et se défendre, pareille occasion ne se représentera pas de sitôt.

Ignorants de ces faits, les mécréants ne croient pas en une vie future. À titre d'exemple, le professeur Kotovsky de Russie me dit un jour : " Swamijî, tout prend fin avec le corps. " Et il se dit professeur ! De tels hommes se prétendent savants ou philosophes, mais en fait, ils baignent dans l'ignorance et ne peuvent qu'égarer autrui. C'est ce qui me chagrine le plus. Voilà pourquoi je prie les membres du Mouvement pour la Conscience de Krishna de défier et de vaincre ces vauriens, qui égarent l'entière société humaine. Ne croyez pas que le dévot de Krishna n'est qu'un sentimental; au contraire, c'est le plus grand philosophe, le plus grand scientifique.

Krishna a une double mission : paritrânâya sâdhûnâm vinâsâya ca duskrtâm - protéger les dévots, les sâdhous, et anéantir les éléments démoniaques de la population. Il protégea ainsi les Pândavas et les Vrishnis, mais donna la mort à Kamsa, Aghâsoura et Bakâsoura. De ces deux missions, la seconde prenait la plus grande part de Son temps. Si nous évaluons le temps qu'Il consacrait à chaque mission, telle sera notre conclusion. Les âmes conscientes de Krishna doivent aussi tuer, non pas à l'aide d'armes mais en ayant plutôt recours à la logique, à la raison et à la connaissance. On peut recourir à la logique et aux arguments pour anéantir les tendances démoniaques d'une personne pour en faire un dévot, une personne sainte. En cet âge de Kali, les gens en sont déjà réduits à la pauvreté. À quoi servirait de leur donner la mort physique ? Mieux vaut faire appel à la raison, aux arguments et à l'entendement spirituel scientifique.

Kunti appelle ici Krishna " Seigneur de l'Univers " (visvesa : visva signifie univers et îsa seigneur). Tout en l'Univers fonctionne à merveille : le soleil se lève à l'heure voulue, les saisons changent avec leur cortège de fruits et de fleurs saisonniers. Rien n'est laissé au hasard. Mais comment tout cela s'opère-t-il en l'absence d'un régisseur ? En voyant une institution prospérer, nous savons aussitôt qu'un gérant ou un directeur compétent est à la barre. Dans un même ordre d'idée, en voyant que tout en l'Univers opère à merveille, nous devons savoir qu'à l'arrière-plan se trouve un régisseur compétent. Mais qui est-il ? La Bhagavad-Gîtâ (IX:10) nous répond Krishna (mayâdhyaksena prakrtih sûyate sa-carâcaram). Aussi Kuntî L'appelle-t-elle visvesa, le régent de l'Univers. Les gens ne s'intéressent qu'aux images de Krishna enlaçant Râdhâ ou celles qui dépeignent leurs échanges comme étant ceux de jeunes couples ordinaires, car ils ne comprennent pas Krishna. Ces images odieuses doivent être rejetées. Krishna est le maître absolu. Qu'on Le dépeigne donc comme le régent universel. Voilà qui remplacerait avantageusement toutes ces illustrations superficielles.

À moins que la force vitale n'habite le corps, celui-ci ne saurait se déplacer ou fonctionner bien. Il en va de même de l'Univers, de la manifestation cosmique, dont Krishna - en tant que Paramâtmâ (Kshîrodakasâyî Vishnou) - incarne la force vitale. D'où le nom de Vishvâtmâ que Kuntî attribue à Krishna et qui Le désigne comme l'Âme universelle. Tous ceux qui ignorent comment l'Univers fonctionne devraient chercher cette connaissance dans les pages du Srimad-Bhâgavatam.

Kuntidévî qualifie également Krishna de visva-mûrti, ou forme personnelle de l'Univers. Dès qu'Arjuna voulut voir la forme universelle de Krishna, Celui-ci la manifesta, révélant ainsi une autre de Ses opulences (vibhûti). La forme originelle du Seigneur demeure toutefois celle à deux bras, où on voit Krishna jouer de Sa flûte. Puisque Son dévot Arjuna voulait contempler Sa forme universelle, Krishna la manifesta, mais il ne s'agissait pas là de Sa véritable forme. Une personne peut revêtir des habits royaux, mais c'est au foyer qu'on peut la voir telle qu'elle est. De même, c'est en Sa demeure, à Vrindâvan, que Krishna révèle Sa vraie forme; toutes Ses autres formes ne sont qu'émanations de Ses émanations plénières. Comme l'enseigne la Brahma-samhitâ (5:33) : advaitam acyutam anâdim ananta-rûpam - Il peut Se déployer en des millions de formes (ananta-rûpam), mais Il demeure Un (advaita) et infaillible (acyuta). Sa véritable forme, cependant, est celle dont les deux mains portent la flûte : dvi-bhuja muralî-dhara. Aussi Kuntî dit-elle : " Tu possèdes une forme universelle, mais celle où je Te vois devant moi - voilà Ta vraie forme. "

Kunti prie : " Tranche, je T'en prie, mes liens affectifs pour mes proches. " Quand nous pensons : " ceci m'appartient, c'est à moi ", il s'agit là d'une illusion, ou moha (janasya moho 'yam mameti). Mais comment naît cette illusion ? Avec l'attrait naturel qui existe entre hommes et femmes. Le mâle cherche une femelle et vice-versa. Ce principe prévaut non seulement chez les humains, mais aussi chez les oiseaux, chez les animaux... Telles sont les prémices de l'attachement matériel. Lorsque l'homme rencontre une femme, cet attachement s'intensifie dès qu'ils s'unissent (tayor mitho hrdaya-granthim âhuh). Quand leur attachement atteint un certain niveau, ils se cherchent un appartement où vivre ensemble; l'homme doit alors se trouver un gagne-pain. Une fois bien établis, ils voudront des enfants et un cercle d'amis qui leur disent : " Quel beau logement ! Quels beaux enfants ! " Ainsi s'accroit notre attachement.

L'étudiant doit donc amorcer son éducation par le brahmacarya, c'est-à-dire l'affranchissement de tout attachement sexuel. Si possible, il doit chercher à éviter toutes ces extravagances. Sinon, il peut se marier pour embrasser après quelques années le vânaprastha, la retraite. Il se dira alors : " Maintenant que j'ai tant joui de cet attachement, le temps est venu pour moi de quitter le foyer. " Le mari visite alors, pour se détacher, différents lieux de pèlerinage en compagnie de sa femme, qui l'assiste dans sa démarche. Après deux ou trois mois, il revient au foyer pour s'assurer que ses enfants se débrouillent bien sans lui, puis il repart. Ainsi s'amorce le détachement. Quand son détachement est complet, il dira à son épouse : " Va maintenant vivre auprès de nos enfants et j'adopterai le sannyâsa, l'ordre du renoncement. " Voilà l'étape finale du détachement, que vise tout le mode de vie védique. Aussi Kuntî prie-t-elle : " Aide-moi à me détacher de cet attrait pour la famille. " Voilà ce que nous enseigne Kuntî Dévî.


Hare Krishna Hare Krishna Krishna Krishna Hare Hare
Hare Rama Hare Rama Rama Rama Hare Hare