VINGT CINQUIÈME CHAPITRE.
DÉVOTION SANS MÉLANGE

tvayi me 'nanya-visayâ
matir madhu-pate 'sakrt
ratim udvahatâd addhâ
gangevaugham udanvati

" O Seigneur de Madhou, que toujours mon attention se porte vers Toi,et sur nul autre,comme le Gange sans entrave coule d'un flot continu vers l'océan. " (Srimad-Bhâgavatam 1.8.42)

On atteint la perfection du service de dévotion pur lorsqu'on y absorbe son attention tout entière. Cependant, si l'on parle de trancher tout autre lien affectif, il ne s'agit pas d'une négation totale des sentiments nobles de l'homme, négation d'ailleurs impossible. Tout être, quel qu'il soit, doit nécessairement nourrir de l'affection pour d'autres êtres; c'est là un des signes de la vie. Tout comme les autres, à savoir le désir, la colère, l'attirance pour autrui, etc., il ne saurait être anéanti; mais seulement, l'objet de ces sentiments demande à être modifié. Le désir, par exemple, ne saurait disparaître : mais à l'intérieur du service de dévotion, le désir se déprend du plaisir des sens et se tourne vers le seul service du Seigneur. L'affection pour la famille, la société, la nation… sont autant de manifestations, à différents niveaux, du plaisir des sens; il suffit que ce sentiment, ce désir, se transforme en désir de satisfaire le Seigneur, ou en désir pur, pour devenir dévotionnel.

Le refus que fait d'abord Arjouna, et que rapporte la Bhagavad-Gîtâ, de combattre ses proches a pour origine la satisfaction de ses désirs personnels. Toutefois, en entendant le message du Seigneur - la Bhagavad-Gîtâ - il revint sur sa décision et obéit au désir du Seigneur, pour ainsi devenir l'illustre bhakta dont toutes les Écritures affirment qu'il a atteint la perfection spirituelle " en servant le Seigneur avec amour et dévotion dans un sentiment d'amitié ". La bataille, l'amitié unissant Krishna et Arjouna, la présence même de Krishna et Arjouna, rien n'a changé : seul Arjouna n,est plus le même, désormais absorbé dans le service de dévotion métamorphosé par l'écoute du message du Seigneur. Srimatî Kunti, quant à elle, demande ici au Seigneur de transformer ses activités comme Il le fit naguère pour Arjouna, de permettre qu'elle Le serve sans que rien la détourne; telle est sa prière. Cette dévotion pure, sans mélange, pour le Seigneur représente en fait le but ultiem de l'existence. D'ordinaire, notre attention est distraite du service du Seigneur par quelque autre objet, celui-là non divin, non lié au plan du Seigneur. Mais lorsque nos activités se transforment en service de dévotion, nos sens se purifient et nous atteignons alors au service de dévotion pur, sans mélange. C'est la perfection à laquelle aspire Kunti, et pour laquelle elle prie le Seigneur.

L'affection de la reine pour les Pândavas et les Vrishnis ne se situe pas, en soi, hors des cadres du service de dévotion, car servir les dévots du Seigneur, c'est comme servir le Seigneur en personne. De fait, les servir prend parfois plus de valeur que servir directement le Seigneur. En l'occurrence, cependant, l'affection de Kunti pour les Pândavas et les Vrishnis repose davantage sur des liens de parenté. Dans l'ordre des relatiosn matérielles,une telle affection se fonde sur mâyâ, car les sentiments basés sur le corps ou le mental obéissent à l'influence de l'énergie externe. Au contraire, les vraies relations entre les êtres sont celles échangées au niveau de l'âme, et basées sur la relation qui unit chaque être distinct à l'Âme Suprême. Lorsque Kunti, donc, désire trancher le nœud des relations familiales, elle fait allusion aux relations qui unissent les corps. Celles-ci causent l'asservissement à la matière; celles basées sur l'âme entraînent la libération. Car les relations d'âme à âme s'établissent à partir du lien unissant chaque individu à l'Âme Suprême. Prenons sur ce point un exemple : scruter de nos yeux les ténèbres ne nous donne pas vraiment de voir ce qui nous entoure; sous la lumière du soleil, au contraire, nous sont révélés à la fois l'astre même et tout ce que cachaient les ténèbres. Telle est la voie du service de dévotion.

Au verset précédent du Srimad-Bhâgavatam, la reine Kunti priait le Seigneur de trancher ses liens affectifs pour ses proches, les Pândavas et les Vrishnis. Il ne suffit pas, cependant, de renoncer à tout attrait pour les choses matérielles. Les philosophes Mâyâvâdîs proclament : brahma satyam jagan mithyâ; " Ce monde est faux et Brahman [l'esprit] est vérité. " Nous acceptons cette afirmation, mais en la nuançant. En tant qu'êtres vivants, nous aspirons au plaisir, lequel est synonyme de variété. On ne peut jouir de rien sans variété. Pourquoi Dieu a-t-Il créé tant de couleurs et de formes? Afin de faire naître le plaisir de la variété.

Les philosophes Mâyâvâdîs, ces impersonnalistes, veulent nier cette variété. Mais quel en est le résultat? Parce qu'ils ne s'engagent pas fans le service de dévotion, ils n'entreprennent que de rudes austérités et pénitences sans obtenir aucun gain permanent. C'est ce qu'explique la prière suivante du Srimad-Bhâgavatam (10.2.32) :

ye 'nye 'ravindâksa vimukta-mâninas
tvayy asta-bhâvâd avisuddha-buddhayah
âruhya krcchrena param padam tatah
patanty adho 'nâdrta-yusmad-anghrayah

" O Seigneur aux yeux de lotus, ceux qui se croient libérés en cette vie mais ne Te servent pas avec dévotion, possèdent certes une intelligence impure. Bien qu'ils se soumettent à des pratiques austères et à de grandes pénitences et s'élèvent au niveau spirituel de la réalisation du Brahman impersonnel, ils retombent du fait qu'ils négligent d'adorer le lotus de Tes pieds. "

La forme humaine fut conçue pour le rétablissement de notre relation avec Dieu. Une fois celle-ci rétablie, il faudra agir en conséquence. Même dans la vie quotidienne, l'homme d'affaires qui désire faire des affaires avec un de ses pairs doit d'abord nouer une relation avec lui. De même, un homme et une femme nouent une relation en se mariant, puis en vivant ensemble. La vie humaine est pareillement conçue pour le rétablissement de notre relation avec Dieu. L'Univers matériel est synonyme de l'oubli de cette relation et se caractérise par une absence de conscience de Krishna. Car dès que se manifeste cette conscience, dès qu'il y a action fondée sur Krishna, le monde matériel se transforme en monde spirituel.

Femme, Kuntî est liée à deux familles. Tel est son attachement. Aussi prie-t-elle Krishna de trancher ces liens, de l'en délivrer. Mais que faire une fois libre? Voilà la question. On peut travailler à un emploi qui ne nous convient guère. Mais si après avoir donné sa démission, on se retrouve sans emploi ni occupation, à quoi sert de démissionner?

Les gens aussi confus que frustrés veulent renier le royaume de la matière. Sachant ce qu'ils refusent, ils ignorent cependant ce qu'ils désirent. On entend toujours : " Je ne veux pas de ça. " Mais que veulent-ils? Ils n'en savent rien.

Kuntîdevî nous explique ici ce qu'on devrait vouloir lorsqu'elle dit : " Que les liens qui me rattachent à la famille soient tranchés au profit de ceux qui me lient à Toi. " En d'autres mots, elle ne désire éprouver de l'attrait que pour Krishna. Voilà la perfection, voilà qui est souhaitable.

Les mot ananya-visayâ est synonyme d'ananya-bhakti, une dévotion qui ne se dément pas. Il faut simplement s'attacher à Krishna vingt-quatre heures sur vingt-quatre et ce, sans aucun écart. Ainsi notre renoncement sera-t-il parfait. Il serait erroné de croire qu'on puisse être simultanément attaché à Krishna et à la matière. On ne saurait allumer un feu tout en y versant de l'eau : les flammes ne prendront jamais.

Les sannyâsîs Mâyâvâdîs renoncent au monde (brahma satyam jagan mithyâ). C'est bien de prêcher le renoncement, mais pour que celui-ci dure, il faut simultanément éprouver quelque attrait. Or, nous l'avons vu, après avoir adopté le sannyâsa et proclamé " brahma satyam jagan mithyâ ", plusieurs Mâyâvâdîs s'impliquent à nouveau dans le monde en ouvrant des hôpitaux et en faisant philanthropes. Pourquoi? S'ils ont quitté ce monde qu'ils jugent faux - mithyâ -, pourquoi y reviennent-ils pour faire de la politique, de la philanthropie ou de la sociologie? En fait, un tel comportement s'avère inévitable puisque nous, êtres vivants, sommes actifs par nature. Si par frustration, nous recherchons l'inaction, notre demarche ne pourra qu'échouer.

Le service de dévotion incarne l'activité suprême, l'action spirituelle (Brahman). Les Mâyâvâdîs, hélas, l'ignorent, préférant croire que le monde spirituel est néant. Or, le royaume spirituel est tout aussi riche en variété que l'Univers matériel. En effet, on y voit également des arbres, des maisons, des routes, des chariots - bref, tout est là, sauf les vicissitudes de la matière. Comme le décrit si bien la Brahma-samhitâ (5:29) :

cintamani-prakara-sadmasu kalpa-vrksa-
laksâvrtesu surabhîr abhipâlayantam
laksmî-sahasra-sata-sambhrama-sevyamânam
govindam âdi-purusam tam aham bhajâmi

" J'adore Govinda, le Seigneur originel, premier des ancêtres. Il garde les vaches et comble tous les désirs; Ses palais sont bâtis de pierres philosophales et entourés de millions d'arbres-à-souhaits. Des centaines, des milliers de gopis, de déesses de la fortune Le servent à jamais avec une grande vénération et la plus profonde affection. "

Le monde spirituel est peuplé de kalpa-vrksas, des arbres qui donnent tout fruit qu'on pourait désirer. Dans le monde où nous vivons, le manguier ne peut pas plus donner de raisins que la vigne des mangues. Mais dans le monde spirituel, le même arbre peut nous donner mangues et raisins. Voilà ce qu'on appelle des " arbres-à-souhaits ". Telles sont quelques réalités du monde spirituel.

L'Univers matériel requiert la lumière et du soleil et de la lune. Le monde spirituel s'en passe volontiers, car tout - êtres et objets - y est lumineux. Dans la krishna-lîlâ, Krishna dérobe du beurre et les voisines de mère Yasodâ s'en plaignent. Mais en réalité, elles apprécient les traits corporels et les Divertissements espiègles de Krishna. Écoutons leur complainte : " Ton fils entre chez nous et s'empare de notre beurre. Même si nous le cachons dans le noir, Il parvient à le trouver. Nous pensons qu'il vaut mieux que tu retires toutes Ses parures dont l'éclat L'aide à voir malgré l'obscurité. " " Très bien, je vais Lui retirer tous Ses joyaux ", de répondre Yasodâ. " Non. À quoi cela servirait-il? Il émane de ce garçon une radiance qui l'aide à trouver le beurre même s'Il ne porte aucune parure ", reprennent les voisines. Il faut en conclure que le corps spirituel produit sa propre radiance.

C'est d'ailleurs la radiance du corps spirituel de Krishna qui est à l'origine de toute lumière. En effet, toute lumière que nous voyons n'est que le reflet de l'éclat qui émane de Krishna. Ce que confirme la Brahma-samhitâ (5:40) :

yasya prabhâ prabhavato jagadanda-koti-
kotisv asesa-vasudhâdi-vibhûti-bhinnam
tad brahma niskalam anantam asesa-bhûtam govindam âdi-purusam tam aham bhajâmi

" D'innombrables planètes peuplent les myriades d'univers, chacune différente des autres de par sa constitution cosmique. Tous ces astres flottent dans la radiance spirituelle du brahmajyoti, qui émane du corps du Seigneur Suprême, lequel j'adore. "

L'éclat corporel de Krishna engendre des millions d'univers. Au sein du système solaire, le soleil crée plusieurs planètes que ses rayons réchauffent et font changer les saisons. Les arbres avec leur feuillage vert, leurs fruits et leurs fleurs existent grâce au soleil. De même, tout ce que nous voyons dans la Création naît de la radiance émanant de Krishna.

Les Mâyâvâdîs ne voit que cette radiance, laquelle est impersonnelle. Ils ne peuvent rien voir d'autre. Lorsqu'on voit un avion s'envoler, il disparaît à nos yeux après quelque temps dû au soleil qui nous éblouit. L'avion est toujours là, mais nous ne l'apercevons plus. De même, si nous cherchons simplement à contempler l'éblouissant brahmajyoti, nous ne pourrons voir ce qu'il cache. Aussi, un des mantras de l'Isopanishad supplie le Seigneur de résorber Sa radiance, afin qu'on puisse Le voir tel qu'Il est.

Les philosophes Mâyâvâdîs ne peuvent voir ni les activités personnelles de Krishna, ni la planète où Il les accomplit. Le Bhagavatam affirme : âruhya krccrena param padam tatah patanty adho 'nâdrta-yusmad-anghrayah; parce qu'ils ne voient pas les pieds pareils-au-lotus de Krishna, ils doivent revenir en l'Univers matériel malgré toutes les rudes pénitences et austérités qu'ils s'imposent. Le renoncement en soi ne nous sera donc d'aucune aide. On peut renoncer artificiellement, mais nous deviendrons à nouveau de soi-disant jouisseurs. Renoncement et jouissance s'apparentent ainsi au pendule qui oscille dans un sens, puis dans l'autre. Nous prétendons tantôt renoncer tantôt jouir. Mais voici le remède : si nous voulons vraiment nous détacher de la matière, il faut alors accroître notre attachement à la conscience de Krishna. Le renoncement seul ne nous sera d'aucun recours. D'où cette prière de Kuntîdevî : tvayi me 'nanya-visayâ; elle prie que son attention se porte constamment vers Krishna, sans être détournée par rien d'autre. Telle est la bhakti, le pur service de dévotion. Rûpa Goswami mentionne effectivement que le service de dévotion doit être sans mélange (anyâbhilâsitâ-sûnyam jñâna-karmâdy-anâvrtam).

L'Univers matériel est peuplé de jñânîs et de karmîs. Ces derniers sont des sots qui peinent dur et en vain. Les premiers, un peu plus évolués, pensent : " Pourquoi travailler si dur? Tant de choses sont superflues. Pourquoi accumuler tant d'argent, tant de nourriture et de vanité? " Ainsi pense le jñânî. Le bhakta, toutefois, surpasse jñânîs et karmîs. Le karmî est saturé de désirs dont le jñânî cherche à se défaire; or, l'absence de désir n'est possible que l'on désire servir Krishna. Elle s'avère impossible autrement. Jñâna-karmâdy-anâvrtam. En tant que bhaktas, nous ne devons pas aspirer ni au jñâna ni au karma. Sans attachement pour les choses matérielles, nous devons cependant nous attacher à Krishna. Ainsi serons-nous fermement établis dans le détachement.

Nous devons cultiver la conscience de Krishna de façon favorable (anukûlyena krsnâ-nusîlanam), c'est-à-dire en pensant à la satisfaction de Krishna. Il faut toujours penser à Lui, à l'instar des gopis, dont la conscience de Krishna est parfaite, car elles ne désirent que Lui plaire. Voilà pourquoi Chaitanya Mahâprabhu recommande : ramyâ kâcid upâsanâ vraja-vadhû-vargena yâ kalpitâ; aucun mode d'adoration du Seigneur Suprême ne surpasse celui des gopîs.

Satisfaire Krishna : tel était l'unique désir de toutes les gopîs, dont leurs aînées - Yasodâ et ses amies; il en était également de même des gopas aînés, Nanda Mahârâj et ses amis. Filles et garçons de Vrindâvan du même âge que Krishna cherchaient aussi à Le satisfaire, et de même les vaches, les fleurs, les fruits, voire l'eau. Et ce, parce que tout y est spirituel. À Vrindâvan, la matière brille par son absence.

Comprenons bien la différence entre le matériel et le spirituel : le premier ne manifeste aucun des symptômes de la vie qu'on retrouve pleinement chez le second. À titre d'exemple, les arbres du monde spirituel et ceux de l'Univers matériel sont des êtres vivants, mais les arbres ici-bas ne laissent guère transparaître les symptômes de la vie. Les humains sont des êtres vivants au même titre que les dévots du monde spirituel, mais les vrais signes de la vie sont absents chez les humains non conscients de Krishna.

En réalité, il n'est d'autre conscience que la conscience de Krishna, conscience spirituelle. Ainsi, même durant notre séjour en l'Univers matériel, il suffit d'intensifier notre conscience de Krishna pour vivre dans le monde spirituel. Vivre au temple revient à vivre dans le royaume spirituel en autant qu'on n'y fait que servir Krishna. Tant d'activities y sont accomplies pour Krishna. Ceux qui adhèrent strictement aux principes de la conscience de Krishna vivent vraiment dans le monde spirituel, et non en l'Univers matériel. Même si nous croyons vivre à New York, Los Angeles ou ailleurs, nous sommes en réalité à Vaikountha.

C'est une question de conscience. Un insecte peut se trouver sur le même siège que le maître spirituel, mais le premier, au contraire du second, ne jouit pas d'une conscience évoluée. Aussi sont-ils différents bien que situés au même endroit. Notre position dans l'espace peut demeurer inchangée, que nous soyons dans le monde matériel ou spirituel; mais si notre conscience de Krishna est inébranlable, nous n'habitons plus l'Univers matériel.

De sorte que le renoncement en soi - le seul renoncement aux choses temporelles - ne suffit pas. Il peut nous aider, mais pas entièrement. En intensifiant notre attachement pour Krishna, notre renoncement deviendra parfait. Un attachement accru pour Krishna est naturellement synonyme d'un attachement moindre pour la matière. L'attachement pour Krishna et le monde matériel ne peuvent aller de pair. Une femme ne peut demeurer attachée à deux hommes : son mari et son amant. Au contraire, son attachement pour son amant va s'accroître. Même en s'acquittant à la perfection de ses devoirs conjugaux, ses pensées voleront vers son amoureux : " À quelle heure vais-je le voir ce soir? " Pareillement, en intensifiant notre attachement pour Krishna, le détachement ou renoncement au monde s'ensuivra automatiquement (bhaktih paresânubhavo viraktir anyatra ca / S.B. 11.2.42)

Aussi Kuntîdevî prie-t-elle Krishna qu'Il la bénisse de telle façon qu'elle s'attache à Lui. Sans la grâce de Krishna, on ne peut ni accroître son attachement pour Sa Personne ni devenir Son dévot. Il s'agit simplement de Le servir, ce qui a le don de Le satisfaire.

Parfait en Lui-même, Krishna ne requiert les services de personne. Mais si nous Le servons sincèrement et de tout cœur, nous pourrons progresse par Sa grâce. Sevonmukhe hi jihvâdau svayam eva sphuraty adah. Dieu Se révèlera à nous. Nous ne pouvons Le voir de nos yeux aveugles. Comment Le voir alors? Premâñjana-cchurita-bhakti-vilocanena / santah sadaiva hrdayesu vilokayanti (Brahma-samhitâ 5:38) : enduisons nos yeux du baume d'amour et Krishna Se révèlera. Il Se présentera devant nous.

Quand Dhruva Mahârâj se livrait à l'ascèse tout en méditant sur la forme de Vishnou en son cœur, celle-ci disparut soudain, mettant ainsi fin à sa méditation. Mais ouvrant ses yeux, Dhruva aperçut aussitôt Vishnou devant lui. Comme Dhruva, pensons toujours à Krishna; une fois parvenus à la perfection, nous verrons Krishna devant nous. Voilà la marche à suivre. Ne soyons pas impatients. Il n'y a aucun mal, bien sûr, à désirer ardemmemnt voir Krishna. Mais ne soyons pas découragés s'Il n'est pas immédiatement visible à nos yeux. Si une femme se marie et désire un enfant sur-le-champ, elle sera déçue, car une telle chose s'avère impossible. Elle doit se montrer patiente. De même, nous ne pouvons espérer que le seul fait d'adopter la conscience de Krishna nous fera voir Krishna aussitôt. Il faut néanmoins croire fermement qu'en œuvrant dans cette conscience, on Le verra un jour face à face. Ne soyons pas déçus. Persévérons dans nos activités de la conscience de Krishna et le jour viendra où, comme Kuntîdevî, nous verrons Krishna face à face. Cela ne fait aucune doute.

La Bhagavad-Gîtâ affirme qu'il faut voir comme saint quiconque s'engage avec détermination au service de Krishna, même si parfois sa conduite laisse à désirer. On pourrait parfois critiquer les dévots d'Amérique ou d'Europe pour leurs erreurs et leurs manques au standard d'adoration de la Déité, telle qu'on la pratique en Inde. Or, la Bhagavad-Gîtâ ne les considère pas moins comme des âmes saintes. Soyons déterminés à servir Krishna avec sincérité et sérieux; s'il y a erreur de notre part, Krishna saura nous pardonner. Selon Rûpa Goswami : tasmât kenâpy upâyena manah krsne nivesayet; fixons d'abord notre mental sur Krishna et l'aptitude à suivre toutes les autres règles et principes s'ensuivra automatiquement. Au début, il faut s'efforcer de son mieux à fixer sa pensée sur les pieds pareils-au-lotus de Krishna et tout le reste s'arrangera.

Kuntîdevî donne ici à Krishna le nom de Madhupati. Krishna possède des milliers de noms; celui-ci indique qu'Il anéantit le démoniaque Madhu. On compare la conscience de Krishna à un fleuve; pas un fleuve quelconque mais le Gange, dont les eaux pures sont directement reliées à Krishna. Kuntîdevî prie que son attention se porte sans cesse vers les pieds de lotus de Krishna, comme le Gange coule vers l'océan. Voilà ce qu'on appelle ananya-bhakti, ou dévotion sans mélange. Ainsi Kuntîdevî prie-t-elle que son attention se portera sans entrave vers Krishna.


Hare Krishna Hare Krishna Krishna Krishna Hare Hare
Hare Rama Hare Rama Rama Rama Hare Hare