Treizième.
La prakri, le purusa et la concience.
VERSET 21
TRADUCTION De la nature, on dit qu'elle est cause de tous les actes matériels et de leurs suites; l'être distinct, pour lui, est cause des plaisirs et souffrances divers qu'il connaît en ce monde. TENEUR ET PORTEE La source des multiples variétés de corps et de sens chez les êtres est la nature matérielle. Il existe 8 400 000 formes de vie, toutes créées par la nature matérielle, toutes nées du désir qu'a l'être de jouir de telle ou telle forme de plaisir, dans tel ou tel type de corps. Situé dans différents corps, il connaîtra différentes joies et peines, mais toutes ne seront dues qu'à ces corps, et non à lui-même en soi. Dans sa condition originelle, l'être n'a pas à craindre de perdre son bonheur; elle est donc en même temps sa condition naturelle. C'est seulement par désir de dominer la nature matérielle qu'il se voit plongé en elle. Un tel désir n'a pas sa place dans le monde spirituel, qui est pur. Dans l'univers de la matière, chacun lutte durement pour trouver sans cesse de nouvelles "proies" de plaisir pour son corps. Précisons ici que le corps est le produit des sens, qui sont les instruments mis à la disposition de l'être pour satisfaire ses désirs. Et l'ensemble -corps et "sens-instruments" - est offert à l'être par la nature matérielle, en fonction de ses désirs et de ses actes passés. Ainsi sera-t-il béni ou damné par la nature matérielle, dans diverses conditions, ou "habitats", selon ses désirs et ses actes; c'est ce qu'explique le verset suivant. L'être est donc responsable des joies et des peines qui lui échoient. Et une fois placé dans un corps particulier, il tombe sous le joug de la nature matérielle, car le corps, fait de matière, agit selon les lois propres à la matière, auxquelles l'être en soi n'a le pouvoir de rien changer: s'il obtient un corps de chien, par exemple, il devra dès lors agir comme un chien; il ne saurait agir autrement. Dans un corps de porc, il se verra forcé de manger des excréments, et d'agir comme un porc; et s'il obtient un corps de deva, il devra également agir comme tel. Telle est la loi de la nature. Mais en toutes circonstances, l'Ame Suprême accompagne l'âme distincte, ce qu'expliquent les Vedas: le Seigneur Suprême est si bon envers les êtres, qu'en tant que le Paramatma, l'Ame Suprême, Il accompagne toujours l'âme incarnée, quelles que soient les circonstances.
VERSET 22
TRADUCTION Ainsi, l'être distinct emprunte, au sein de la nature matérielle, diverses manières d'exister, et y prend jouissance des trois gunas: cela, parce qu'il touche à cette nature. Il connaît alors souffrances et plaisirs, en diverses formes de vie. TENEUR ET PORTEE Ce verset est fort important quant à la compréhension du processus par quoi l'âme conditionnée transmigre d'un corps à l'autre. Le second chapitre expliquait déjà que l'être incarné transmigre d'un corps à l'autre comme on change de vêture. Or, ces changements de corps, ou de "vêture", sont dus à l'attachement pour l'existence matérielle. Aussi longtemps qu'il sera captivé par cette manifestation illusoire, l'être devra continuer de transmigrer d'un corps à un autre. Seul, en effet, son désir de dominer la nature matérielle le met dans ces conditions indésirables, lui donnant un corps tantôt de deva, tantôt d'homme, d'animal, d'oiseau, de ver, de poisson, de sage ou d'insecte, toujours en fonction de ses désirs matériels. Et à chaque fois, il se croit maître de son destin, en fait imposé par la nature matérielle. Notre verset explique donc comment l'être se voit attribuer ces divers corps. Le processus résulte du contact avec les différents gunas. C'est pourquoi il faut s'élever au-delà de ces gunas, de ces influences matérielles, et atteindre le niveau spirituel. Voilà ce qu'on appelle la conscience de Krsna. A moins d'être conscient de Krsna, nous sommes forcés, par la conscience matérielle, de passer d'un corps à l'autre, car nous avons entassé des désirs matériels depuis des temps infinis. Il nous faut donc changer de "point de vue", et ce changement ne peut se produire que si l'on prête attention aux paroles venant de sources autorisées. L'exemple le meilleur nous en est donné ici par Arjuna, qui reçoit la science de Dieu des lèvres mêmes de Krsna. S'il accepte d'écouter ainsi, l'être conditionné perdra son désir, depuis si longtemps chéri, de dominer la nature matérielle, et graduellement, en proportion de l'amoindrissement de son désir malsain, il en viendra à jouir du bonheur spirituel. Un mantra védique précise qu'en proportion du savoir acquis au contact du Seigneur Suprême, il goûte à l'existence d'éternelle félicité qui lui est propre.
VERSET 23
TRADUCTION Mais il est, dans le corps, un autre bénéficiaire, lequel transcende la matière; et c'est le Seigneur, le possesseur suprême, Témoin et Consentant, qu'on nomme l'Ame Suprême. TENEUR ET PORTEE Ce verset donne clairement l'Ame Suprême, qui accompagne toujours l'âme incarnée, comme une manifestation du Seigneur Suprême. Elle n'est pas une âme ordinaire. Les philosophes monistes, parce qu'ils croient en l'existence d'un seul et unique connaissant du corps, croient également qu'il n'existe aucune distinction entre l'Ame Suprême et l'âme distincte. Mais pour jeter sur la question quelque lumière, le Seigneur affirme ici qu'Il Se manifeste dans chaque corps en tant que le Paramatma, l'Ame Suprême, différent de l'âme distincte en ce qu'Il est parah, toujours au-delà de la matière. L'âme infinitésimale jouit des activités du champ d'action déterminé où elle se trouve, alors que l'Ame Suprême, non participante dans les actes ou les jouissances limités du corps, y joue un tout autre rôle: celui du témoin, du superviseur, du consentant et du bénéficiaire suprême. On ne L'appelle pas atma, mais Paramatma, l'Ame Suprême, absolue. Il est donc parfaitement clair, ici, que l'atma et le Paramatma se distinguent l'un de l'Autre. L'Ame Suprême, le Paramatma, a des bras et des jambes qui partout s'étendent, mais non l'âme infinitésimale. Et parce que le Paramatma n'est nul autre que le Seigneur Suprême, Il est présent dans le corps afin de sanctionner les désirs qu'a l'âme distincte de jouir des plaisirs matériels. Sans la sanction de l'Ame Suprême, l'âme distincte ne peut rien accomplir. L'âme distincte est bhakta, "soutenue", et le Paramatma est bhukta, "soutien". Il existe d'innombrables êtres, et le Seigneur demeure en chacun d'eux, comme leur ami. L'âme distincte fait éternellement partie intégrante du Seigneur Suprême, et un lien d'amitié fort étroit les unit. Mais l'être distinct a tendance à rejeter la sanction du Seigneur et à tenter de dominer la nature dans un effort indépendant; par cette tendance, il constitue ce qu'on appelle l'énergie marginale du Seigneur Suprême (marginale parce que située tantôt dans l'énergie matérielle, tantôt dans l'énergie spirituelle). Or, tant que l'être demeure conditionné par l'énergie matérielle, le Seigneur reste avec lui en qualité de son ami, sous la forme de l'Ame Suprême, et ce, à seule fin de l'aider à retourner à l'énergie spirituelle. Le Seigneur, en effet, désire toujours ardemment ramener l'être distinct à l'énergie spirituelle, mais celui-ci se sert de son infime libre-arbitre pour sans cesse rejeter le contact de la lumière spirituelle. Et c'est ce mauvais usage de son indépendance qui est source de la lutte matérielle qu'il doit mener au coeur de l'existence conditionnée. C'est pourquoi le Seigneur l'instruit constamment, de l'intérieur comme de l'extérieur. De l'extérieur, Il lui donne des instructions comme celles contenues dans la Bhagavad-gita, et de l'intérieur, Il s'efforce de le convaincre que ses activités dans le champ matériel ne lui procurent pas le vrai bonheur. "Abandonne tout cela, dit-Il, et tourne vers Moi ta foi; alors tu seras heureux." Ainsi, l'être d'intelligence qui met sa foi en l'Ame Suprême, en le Seigneur, marche dès lors vers une vie éternelle de connaissance et de félicité.
VERSET 24
TRADUCTION Il atteindra certes la libération, celui qui comprend ainsi la nature matérielle, et ce que sont l'être vivant et l'interaction des trois gunas. Quelle que soit sa condition présente, jamais plus il ne renaîtra en ce monde. TENEUR ET PORTEE Une claire vision de la nature matérielle, de l'Ame Suprême, de l'être distinct et des rapports qui existent entre eux, rend apte à atteindre la libération et le monde spirituel, d'où l'on n'a pas à revenir. Tel est le fruit du savoir. Son but est de voir distinctement que, par quelque accident, nous sommes tombés au niveau de l'existence matérielle. A la suite d'efforts personnels et au contact des Ecritures, de saints hommes ainsi que d'un maître spirituel, faisant tous autorité en la matière, nous devons comprendre notre position, puis, éclairés par la Bhagavad-gita telle que donnée par Dieu en personne, revenir à la conscience spirituelle, la conscience de Krsna. Ainsi serons-nous assurés de ne jamais retourner à l'existence matérielle, mais d'être transportés dans le monde spirituel, pour y goûter une vie éternelle de connaissance et de félicité.
VERSET 25
TRADUCTION L'Ame Suprême, certains La perçoivent à travers la méditation, d'autres en cultivant la connaissance, d'autres encore par l'action non intéressée. TENEUR ET PORTEE Le Seigneur informe Arjuna que les âmes conditionnées peuvent être classées en deux catégories: celles qui n'ont aucun sens de la vie spirituelle, et celles qui s'y attachent avec foi. La première regroupe les athées, les sceptiques, les agnostiques, et même les monistes; quant à la seconde, elle compte surtout et avant tout les dévots de Dieu, la Personne Suprême, qui sont détachés des fruits de leurs actes, et qui sont, à vrai dire, les seuls dotés de vision spirituelle, puisqu'ils comprennent qu'au-delà de la nature matérielle se trouve le monde spirituel et le Seigneur Suprême, lequel Se déploie en tant que le Paramatma, l'Ame Suprême présente en chaque être, l'omniprésente Personne Divine. Naturellement, ceux qui cherchent à comprendre la Vérité Suprême et Absolue en cultivant le savoir, peuvent également être considérés comme appartenant à cette seconde catégorie. Quant aux philosophes athées, ils décomposent l'univers en vingt-quatre éléments, et classent l'âme distincte comme le vingt-cinquième élément. Mais quand ils parviennent à comprendre que l'âme distincte est spirituelle, qu'elle transcende la matière, ils peuvent également comprendre qu'au-delà de l'âme distincte Se trouve Dieu, la Personne Suprême, le vingt-sixième élément. Et peu à peu, ils en viennent eux aussi à adopter le service de dévotion, dans la conscience de Krsna. Et ceux qui simplement renoncent aux fruits de leurs actes sont également sur la bonne voie; ils gagnent eux aussi de s'élever jusqu'au service de dévotion, dans la conscience de Krsna. Selon notre verset, d'autres, à la conscience pure, s'efforcent de trouver l'Ame Suprême à travers la méditation; lorsqu'ils La découvrent à l'intérieur d'eux-mêmes, alors ils atteignent le niveau spirituel. D'autres encore empruntent la voie du hatha-yoga, et par ces pratiques puériles, s'efforcent de satisfaire le Seigneur Suprême.
Hare Krishna Hare Krishna Krishna Krishna Hare Hare Hare Rama Hare Rama Rama Rama Hare Hare |