Troisième chapitre.
Le karma-yoga.
VERSET 26
TRADUCTION Que le sage ne trouble pas les ignorants attachés aux fruits de leurs actes. Ils ne doivent pas être encouragés à l'inaction, mais plutôt à imprégner chacun de leurs actes d'amour et de dévotion. TENEUR ET PORTEE Les rites, les sacrifices et la connaissance des Vedas, y compris des directives qu'on y trouve sur la façon d'agir au niveau matériel, tout cela est au service de la connaissance de Krsna, but ultime de la vie; tel est l'objet de tous les rites védiques. Mais, parce qu'elles ne connaissent rien au-delà du plaisir des sens, les âmes conditionnées n'abordent les Vedas que dans la perspective de ces plaisirs. On peut néanmoins, en soumettant les sens à certaines règles, développer progressivement la conscience de Krsna. C'est pourquoi les âmes réalisées dans la conscience de Krsna ne doivent pas détourner autrui de ses activités, ni troubler sa conscience, mais plutôt agir de façon à lui montrer comment le résultat de toute action peut être offert à Krsna. Le bhakta, qui détient la connaissance, doit faire en sorte, par ses actes, que l'ignorant n'agissant que pour son plaisir apprenne à bien agir. Bien qu'il ne faille pas troubler l'ignorant dans son action, on peut aussitôt engager au service du Seigneur quiconque manifeste ne serait-ce qu'un léger intérêt pour la conscience de Krsna, sans qu'il soit besoin de chercher d'autres voies védiques. L'homme qui connaît ce bonheur n'a pas à observer les rites védiques, puisqu'en s'engageant au sein de la conscience de Krsna, il peut obtenir tous les résultats souhaitables, simplement par l'exercice de ses devoirs propres.
VERSET 27
TRADUCTION Sous l'influence des trois gunas, l'âme égarée par le faux ego croit être l'auteur de ses actes, alors qu'en réalité, ils sont accomplis par la nature. TENEUR ET PORTEE Deux personnes, l'une consciente de Krsna et l'autre non, peuvent sembler agir au même niveau, mais la différence est sans mesure. Le matérialiste reste persuadé, sous l'influence du faux ego, qu'il est la cause de tout ce qu'il accomplit. Ignorant que le mécanisme du corps est un produit de la nature matérielle, laquelle agit sous la direction du Seigneur Suprême, il ignore aussi qu'en dernier lieu, il est sous la domination de Krsna. Etre persuadé qu'il agit de son propre chef et en toute indépendance, c'est le signe de son ignorance. Il ne sait pas que son corps grossier de même que son corps subtil furent créés par la nature matérielle, sous la direction du Seigneur Suprême, et que, pour cette raison, toute activité physique et mentale doit être mise à Son service, dans la conscience de Krsna. Il oublie l'autre Nom de Krsna: Hrsikesa, le maître des sens; pendant trop longtemps, il a fait un mauvais usage de ses sens en cherchant sans cesse de nouveaux plaisirs; le voici maintenant égaré par son faux ego, oublieux, à cause de lui, de sa relation éternelle avec Krsna.
VERSET 28
TRADUCTION Celui, ô Arjuna aux-bras-puissants, qui connaît la nature de la Vérité Absolue, ne se préoccupe pas des sens et de leur plaisir, car il sait la différence entre l'acte intéressé et l'acte empreint d'amour et de dévotion.
TENEUR ET PORTEE Celui qui connaît la Vérité Absolue voit clairement que le contact avec la nature matérielle le met dans une position plutôt malaisée. Il sait que, puisqu'il fait partie intégrante de Krsna, source éternelle de connaissance et de félicité, sa condition naturelle n'est pas de vivre dans la matière; il comprend que pour une raison ou pour une autre, il demeure prisonnier d'une conception matérielle de l'existence. Sa vocation naturelle est de dédier ses actes au Seigneur Suprême, Sri Krsna, avec amour et dévotion. Il agit donc dans la conscience de Krsna et se détache par là même des activités sensorielles, contingentes et éphémères. Il sait que ses conditions de vie dépendent du Seigneur Suprême; il n'est donc pas troublé par tous les événements matériels, qu'il voit d'ailleurs comme autant de manifestations de la grâce divine. Selon le Srimad-Bhigavatam, celui qui connaît les trois aspects de la Vérité Absolue, soit le Brahman, le Paramatma et Bhagavan, la Personne Suprême, est tattvavit, car il connaît également sa propre relation avec l'Absolu.
VERSET 29
TRADUCTION Dérouté par les trois gunas, l'ignorant s'absorbe dans des activités matérielles, auxquelles il s'attache. Mais bien que, par la pauvreté du savoir de leur auteur, ces actions soient d'ordre inférieur, le sage ne doit pas troubler celui qui les accomplit. TENEUR ET PORTEE Les êtres dépourvus de connaissance spirituelle se méprennent sur leur identité véritable; ils n'ont conscience que de la matière inférieure avec ses multiples déterminations temporaires. Le corps matériel est un don de la nature, et celui qui s'en préoccupe trop est appelé mandan, "indolent", parce qu'il ne fait rien pour comprendre l'âme spirituelle. Ce qui caractérise les ignorants, c'est qu'ils ne font pas la différence entre leur corps et eux, qu'ils s'attachent à ceux avec qui ils entretiennent des liens de parenté, qu'ils font de leur terre natale un objet de culte, et considèrent comme des fins en soi les rites religieux. Ces matérialistes peuvent se targuer, entre autres, d'action sociale, de nationalisme et d'altruisme, mais sous ces étiquettes trompeuses, ils pataugent simplement en des activités d'ordre matériel. Ils voient la réalisation spirituelle comme un mythe sans intérêt, auquel ils préfèrent même parfois des principes moraux élémentaires, comme la non violence et l'action bénévole. Les hommes éclairés par les principes de la vie spirituelle ne doivent pas troubler ces matérialistes. Il est préférable pour eux de continuer à remplir leur devoir spirituel dans le silence. Les ignorants, par définition, ne peuvent apprécier les activités de la conscience de Krsna c'est pourquoi, comme Krsna nous le conseille, il vaut mieux ne pas les troubler, sans compter qu'en agissant autrement, nous perdrions un temps précieux. Mais les dévots du Seigneur sont plus bienveillants que le Seigneur, car ils comprennent Ses desseins. Ils prennent donc toutes sortes de risques, au point même d'approcher les ignorants afin de les engager au service de Krsna, ce qui, pour l'homme, est primordial.
VERSET 30
TRADUCTION Aussi, Me consacrant toutes tes actions, absorbant tes pensées en Moi, libre de toute indolence, de tout égoïsme et de toute motivation personnelle, combats, ô Arjuna. TENEUR ET PORTEE Ce verset indique clairement le but de la Bhagavad-gita. Le Seigneur enseigne que pour remplir son devoir, il faut devenir parfaitement conscient de Krsna, avec la rigueur qu'on met à suivre une discipline militaire. Voilà qui peut sembler compliquer les choses, mais il faut garder à l'esprit que l'on doit s'acquitter de son devoir en dépendant entièrement de Krsna, pour répondre à la nature éternelle de l'âme. L'âme ne peut être heureuse si elle ne coopère pas avec le Seigneur Suprême, car sa condition originelle est de s'offrir aux désirs du Seigneur. Arjuna reçoit donc de Sri Krsna l'ordre de combattre, comme si le Seigneur était son chef militaire. Il faut tout sacrifier au bon vouloir du Seigneur Suprême, et continuer à accomplir son devoir sans se dire propriétaire de rien. Arjuna n'a pas à examiner les directives du Seigneur, mais à les exécuter comme des ordres. Le Seigneur Suprême est l'âme de toutes les âmes; aussi, celui qui dépend uniquement et entièrement de Lui, sans aucune considération personnelle, ou, en d'autres mots, qui est parfaitement conscient de Krsna, on le qualifie d'adhyatma-cetasa (littéralt: pleinement conscient de l'âme). Nirasih signifie que l'on doit agir selon les ordres de son maître et ne pas chercher à jouir du fruit de ses actes. Le caissier compte des millions de francs pour son patron, mais il ne cherche pas à en détourner même un centime. De la même façon, comprenons que rien dans le monde n'appartient à l'homme, tout appartient au Seigneur Suprême. Telle est la vraie signification du mot mayi, "à Moi". Celui qui agit dans la conscience de Krsna ne se sent donc propriétaire de rien, et cet état de conscience est appelé nirmama, "rien ni personne ne m'appartient". Et si l'on est quelque peu réticent à se plier à un ordre si rigoureux, excluant toute considération de parenté consanguine, il faut alors surmonter cette réticence et devenir vigata-jvara, "affranchi de toute conscience fiévreuse, de toute indolence". Tous ont, selon leur nature et leur position respective, un devoir particulier à accomplir, devoir qui doit être rempli dans la conscience de Krsna, comme cela fut expliqué plus haut. Une telle attitude nous permettra d'atteindre le sentier de la libération.
Hare Krishna Hare Krishna Krishna Krishna Hare Hare Hare Rama Hare Rama Rama Rama Hare Hare |